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Palmier, deux outils biologiques testés contre le charançon rouge

SAMANTHA BESSE*, LUDOVIC CRABOS*, A. BONHOMM E*, KARINE PANCHAUD **, J. COUTANT *** ET L. RONCO *** - Phytoma - n°655 - juin 2012 - page 23

Deux souches du champignon entomopathogène Beauveria bassiana, déjà considérées comme prometteuses courant 2011, confirment leur intérêt.
1 - Adulte de charançon rouge, espèce détectée en France fin 2006. Depuis, elle pose de gros problèmes. ph. S. Besse

1 - Adulte de charançon rouge, espèce détectée en France fin 2006. Depuis, elle pose de gros problèmes. ph. S. Besse

Cages insect-proof dans lesquelles ont été menés les travaux rapportés ici. 2 - Vue générale. 3 - Palmiers (P. canariensis) derrière le maillage laissant passer l'air et pas les insectes (conditions semi-naturelles). ph. Végétech

Cages insect-proof dans lesquelles ont été menés les travaux rapportés ici. 2 - Vue générale. 3 - Palmiers (P. canariensis) derrière le maillage laissant passer l'air et pas les insectes (conditions semi-naturelles). ph. Végétech

Cages insect-proof dans lesquelles ont été menés les travaux rapportés ici. 2 - Vue générale. 3 - Palmiers (P. canariensis) derrière le maillage laissant passer l'air et pas les insectes (conditions semi-naturelles). ph. S. Besse

Cages insect-proof dans lesquelles ont été menés les travaux rapportés ici. 2 - Vue générale. 3 - Palmiers (P. canariensis) derrière le maillage laissant passer l'air et pas les insectes (conditions semi-naturelles). ph. S. Besse

- Larve de charançon rouge récupérée lors du démontage d'un des palmiers traités avec une des souches de B. bassiana.      Elle est morte et mycosée (feutrage blanc bien visible). ph. Végétech

- Larve de charançon rouge récupérée lors du démontage d'un des palmiers traités avec une des souches de B. bassiana. Elle est morte et mycosée (feutrage blanc bien visible). ph. Végétech

5 et 6 - Encore des larves de charançon rouge mortes et mycosées par B. bassiana. Les larves vivantes ont, pour leur part, été mises en élevage afin d'évaluer leur mortalité différée. Photos : Végétech

5 et 6 - Encore des larves de charançon rouge mortes et mycosées par B. bassiana. Les larves vivantes ont, pour leur part, été mises en élevage afin d'évaluer leur mortalité différée. Photos : Végétech

Comment s'est terminé l'essai de produits biologiques sur palmier cité dans Phytoma comme « encore en cours » en novembre dernier ? Rappelons qu'il s'agissait de tester deux souches du champignon entomopathogène Beauveria bassiana contre le charançon du palmier Rhynchophorus ferrugineus. Aujourd'hui ces essais sont achevés et analysés. En voici des nouvelles. Bonnes.

Rappel des épisodes précédents

À partir de 2005, NPP et Vegetech testent B. bassiana sur palmier contre le papillon P. archon

Les sociétés NPP et Végétech ont débuté leur collaboration en 2005 sur la problématique Paysandisia archon. Ce lépidoptère dont les chenilles sont de nuisibles ravageurs du palmier est arrivé en France au début des années 2000.

Ce travail les a conduites à tester un produit biologique consistant en microgranulés à base de spores du champignon Beauveria bassiana souche 147. Le produit était déjà connu comme efficace contre un autre lépidoptère (la pyrale du maïs Ostrinia nubilalis, d'où le nom d'Ostrinil donné au produit commercial la contenant).

Les tests démontrent l'efficacité contre le papillon P. archon du produit. Ce dernier sera officiellement autorisé sur palmier en 2009 (v. Phytoma n° 624-625, septembre 2009, p. 6).

2006, le charançon R. ferrugineus est détecté en France

Alors que les expérimentations sur le papillon battent leur plein, se présente un nouveau ravageur au fort pouvoir destructeur, le charançon rouge du palmier (photo 1). Il est identifié sur notre territoire pour la première fois fin 2006 (v. Phytoma 605 de juin 2007, p. 18). Ce potentiel va s'exprimer de manière croissante d'année en année.

L'insecte est classé organisme de quarantaine. Ceci pose des problèmes en terme d'expérimentation. En effet, leur réalisation nécessite la mise en place de structures agréées pour l'accueil d'organismes de quarantaine tant pour l'élevage du ravageur que pour les tests proprement dits.

2008, Végétech crée des locaux aux « normes quarantaine »

En 2008, l'entreprise Vegetech construit ses nouveaux locaux à La Crau. Bien conseillée et encadrée par la DRAAF Provence-Alpes-Côte-d'Azur et le SRAL du Var, elle investit dans la création d'un laboratoire aux normes de quarantaine. La structure sera agréée 95/44 par la Préfecture du Var en février 2009. Le travail sur le charançon rouge peut enfin commencer…

2009, des tests de laboratoire avec B. bassiana sont prometteurs

La société NPP possède des collections de souches de champignons entomopathogènes, Vegetech l'expertise de la réalisation d'élevages et d'expérimentations sur palmiers.

Un screening réalisé au laboratoire permet de définir le potentiel d'action de deux souches de Beauveria bassiana sur tous les stades du charançon rouge, ceci dès mai 2009. Ces premiers résultats sont présentés lors de la 2e Conférence sur l'entretien des espaces verts, jardins, gazons, forêts, zones aquatiques et autres zones non agricoles en octobre 2009 à Angers et lors du salon « Rencontre de Jardins » organisé par les pépinières Derbez, à Gassin (83).

2010, travail en conditions semi-naturelles : mise au point de la méthodologie et réalisation du premier test

En 2010, NPP/Arysta LifeScience décide de procéder à une expérimentation en conditions semi naturelles pour tester ces deux souches prometteuses, la souche 147, matière active de l'Ostrinil®, et la souche NPP111B005.

Pour ce faire, l'entreprise Vegetech sollicite une pépiniériste, Mme Décugis, partenaire de toujours, pour la fourniture à titre gracieux d'une centaine de Phoenix canariensis qui mourront pour la science, et met alors en place un élevage suffisant pour pouvoir fournir le matériel vivant nécessaire à l'expérimentation.

NPP/Arysta Lifescience sollicite le SCRADH, membre de l'institut Astredhor et basé à Hyères, afin de contrôler et valider les essais en Bonnes pratiques d'expérimentation (BPE), en vue de leur reconnaissance dans le cadre de dépôts de dossiers d'homologation Le lien ayant déjà été établi lors du travail sur Paysandisia, les habitudes et automatismes de travail mis en place lors des premiers travaux laissent augurer une avancée rapide du travail.

Dès l'automne 2010, les protocoles expérimentaux, l'élevage et les parcelles d'essai sont prêts. La mise au point des protocoles a dû être travaillée conjointement par Vegetech, le SCRADH et NPP-Arysta LifeScience en raison de l'absence de méthode officielle d'expérimentation.

Résultats là encore très prometteurs

Bien qu'ayant été perturbé par l'hiver long et rigoureux (jusqu'à –6 °C dans les cages expérimentales), une première tendance s'est dégagée de cet essai : les deux souches du champignon B. bassiana testées (Ostrinil et souche 111B005) présentent un intérêt dans le cadre de la lutte contre le charançon rouge. Les résultats ont fait l'objet d'une présentation dans le cadre de la 8e Conférence internationale sur les ravageurs en agriculture, à Montpellier, en octobre 2011 et d'une publication dans Phytoma de novembre 2011 (n° 648, p. 28).

L'expérience est donc reconduite en 2011 car les analyses statistiques du premier essai montrent un biais induit par le froid.

Une nouvelle expérimentation commence en septembre 2011, en tenant compte des difficultés rencontrées lors de l'essai 2010. La météo, cette fois-ci plus clémente, permet la lecture de l'essai en janvier 2012…

L'essai 2011, sa réalisation

Encore des palmiers « enfermés dehors »

Cet essai 2011, comme le précédent, a été mené par le SCRADH dans les locaux de la société Vegetech, titulaire d'un agrément 95-44 lui permettant d'accueillir des organismes de quarantaine tels que le charançon rouge.

Les palmiers, des P. canariensis d'une dizaine d'années en containers, ont été enfermés dans des cages « insect proof » (photos 2 et 3) préalablement auditées par la DRAAF.

Ils ont été infestés artificiellement, uniquement par des larves de charançon rouge récupérées en milieu naturel sur des palmiers contaminés en cours d'abattage. L'emploi du stade adulte a été banni afin d'éviter tout risque de dissémination de l'insecte.

Deux souches candidates comparées avec la référence chimique et le témoin « granulés non chargés »

Trois modalités ont été testés au cours de cet essai (Tableau 1) :

• L'Ostrinil, à base de la souche 147 de Beauveria bassiana, déjà autorisé sur palmiers non alimentaires dans la lutte contre le papillon palmivore.

• La souche de B. bassiana NPP111B005 issue de la collection de souches de NPP et isolée sur charançon noir du bananier, un autre Curculionidé proche du charançon rouge dans la classification des insectes.

Ces deux formulations à base de Beauveria ont été employées à la même dose de 8 g/ palme (celle autorisée contre P. archon).

• L'imidaclopride, référence actuelle contre le charançon rouge du palmier, à sa dose usuelle pour cette application.

Une modalité témoin, traitée à l'aide du support microgranulé inerte des formulations de B. bassiana (sans spores) a permis de déterminer la mortalité naturelle des larves de charançon rouge au cours de l'essai.

Déroulement de l'essai

Chaque modalité est composée de 8 palmiers répartis en 3 cages « insect proof » : une cage contenant les palmiers de la modalité Ostrinil et 4 palmiers de la modalité témoin, une autre avec les palmiers de la modalité 111B005 et les 4 derniers palmiers de la modalité témoin et enfin la dernière cage renfermant les palmiers de la modalité imidaclopride.

Trois applications sont réalisées : la première de façon préventive (7 jours avant la première infestation) puis tous les 21 jours. Chaque palmier est inoculé par 16 larves sur toute la durée de l'essai avec la simulation d'un pic de contamination, mimant la courbe de vol du charançon.

Des observations visuelles sont réalisées durant toute la durée de l'essai puis, en fin d'essai (soit 21 jours après la dernière application), un démontage complet des palmiers, couronne par couronne, permet de collecter les larves de Rhynchophorus ferrugineus. Elles sont alors réparties en 4 classes : vivantes, mortes, mortes et mycosées (photos 4, 5 et 6) ou perdues. Les larves vivantes sont ensuite élevées au laboratoire pendant 11 jours à température ambiante sur un milieu nutritif artificiel fourni par NPP, afin de noter leur évolution et celle du champignon.

Ses résultats, une réussite

Météo très favorable, essai validé

Les températures enregistrées durant toute la durée de l'essai et à l'intérieur du stipe des palmiers ont toujours été supérieures à +6 °C (Figure 1) et ont permis un bon développement des larves du charançon rouge. Pour preuve, dans le témoin, la mortalité naturelle est d'environ 30 %. Cela correspond à la mortalité naturellement enregistrée dans des populations larvaires de charançon rouge. L'essai a donc été validé.

Deux solutions biologiques efficaces…

Les résultats obtenus sont présentés sur la figure 2.

Les mortalités obtenues dans les modalités Ostrinil et imidaclopride sont équivalentes et oscillent entre 56-59 % au démontage à 75-66 % 11 jours après démontage.

Les mortalités larvaires sont supérieures dans la modalité NPP111B005 et atteignent 92 % en toute fin d'essai.

L'imidaclopride, de par son mode d'action, présente un effet choc sur les larves mais la mortalité évolue peu entre le moment du démontage et la fin de l'essai, 11 jours plus tard. En revanche, avec les deux souches de Beauveria, un effet dynamique du développement du champignon est observé avec une augmentation des mortalités au cours du temps.

… L'une autant et l'autre davantage que la référence

L'efficacité a ensuite été calculée en rapportant la mortalité larvaire enregistrée dans la modalité traitée à celle de la modalité témoin (Tableau 2). Elle montre que l'Ostrinil est statistiquement équivalent à l'imidaclopride (respectivement 64 % et 51 % d'efficacité).

La souche NPP111B005 présente une efficacité supérieure (88 %).

Ce dernier point est tout à fait logique : il s'agit d'une souche isolée chez un autre charançon, donc a priori mieux adaptée au charançon du palmier que la souche 147 isolée d'un papillon. Le test a vérifié cette meilleure adaptation.

Les deux souches de B. bassiana testées présentent donc une efficacité supérieure ou égale à celle de la référence chimique utilisée dans la lutte contre le charançon rouge.

Sélectivité aussi !

D'autre part, aucun des autres organismes vivants retrouvés dans les palmiers lors du démontage n'a été affecté par le traitement avec l'une ou l'autre des souches de B. bassiana (N. B. Il n'y avait pas de P. archon).

Ceci est un indice d'une bonne sélectivité de ce bio-insecticide.

Conclusion

De bons résultats

Suite aux résultats d'un premier essai terrain encourageants mais biaisés par des températures très peu favorables au bon développement des larves de charançon rouge, le nouvel essai BPE en conditions semi-naturelles mis en place fin 2011 a subi une météo plus clémente qui a permis de le valider.

Cet essai a mis en évidence une efficacité supérieure ou égale des deux souches de B. bassiana testées par rapport à l'imidaclopride, référence chimique, sur les larves de charançon rouge.

2012, le travail continue

Le travail ne s'arrête pas là et continue en 2012 : un essai BPE en conditions semi-naturelles vient de se terminer en Italie, un autre vient de débuter en Espagne.

Des essais en conditions naturelles mis en place en septembre 2011 sont poursuivis. NPP-Arysta LifeScience, au vu des résultats obtenus, entame actuellement les procédures nécessaires à la mise sur le marché des produits.

L'Ostrinil étant déjà autorisé pour lutter contre le papillon palmivore sur palmiers, il peut bénéficier d'une extension d'usage pour les professionnels. Une réponse rapide du Ministère de l'agriculture est espérée.

L'autre souche, NPP111B005 devrait être mise sur le marché à l'horizon 2014-2015 après avoir passé les différentes étapes d'homologation.

<p><b>Remerciements :</b> Nous tenons à remercier la Pépinière Décugis (Hyères, 83) pour la fourniture de palmiers pour la réalisation des essais terrains ainsi que les villes d'Hyères (83), de Six-Fours-les-Plages (83) et de Nice (06), le COPIL 06 ainsi que le Palais Princier de Monaco pour leur soutien.</p>

Tableau 1 - Modalités testées lors de l'essai 2011.

Fig. 1 : Automne 2011, une météo clémente.

Données météorologiques durant l'essai 2011. La douceur a permis une faible mortalité dans le témoin, donc une bonne comparaison avec les modalités traitées.

Fig. 2 : Mortalité au démontage, mais aussi 11 jours après.

Mortalité larvaire observée chez le charançon rouge du palmier après trois traitements, soit à l'Ostrinil, soit avec la souche NPP111B005 de B. Bassiana, soit avec de l'imidaclopride, comparée avec celle du témoin.

Tableau 2 - Efficacité des différents candidats testés.

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RÉSUMÉ

- CONTEXTE : Le charançon rouge du palmier, Rhynchophorus ferrugineus, est actuellement au cœur de nombreuses discussions en région Provence-Alpes-Côted'Azur. La menace qu'il fait peser sur les palmiers de la côte méditerranéenne est de plus en plus forte.

- ÉTUDE : NPP/Arysta LifeScience, aidé par la société Vegetech, travaille à la mise au point d'une solution alternative biologique pour lutter contre ce ravageur en limitant les impacts des traitements sur l'environnement. Un premier essai en cages extérieures, mené fin 2010 par le SCRADH, a montré l'intérêt de deux souches du champignon entomopathogène Beauveria bassiana. À l'automne 2011, un nouvel essai en conditions semi-naturelles a été mené afin de valider les résultats précédemment obtenus.

- RÉSULTATS : Il démontre que l'Ostrinil®, à base de la souche 147 de B. bassiana et déjà autorisé pour le traitement des palmiers contre Paysandisia archon, est aussi efficace contre R. ferrugineus que l'imidaclopride, référence chimique, et que la souche NPP111B005 de B. bassiana présente une efficacité supérieure.

- MOTS-CLÉS : Rhynchophorus ferrugineus, ZNA zones non agricoles, palmier, Beauveria bassiana souche 147, Beauveria bassiana souche NPP111B005, lutte biologique.

SUMMARY

TWO BIOLOGICAL SOLUTIONS TO CONTROL THE RED PALM WEEVIL

The Red Palm Weevil, Rhynchophorus ferrugineus, is actually at the heart of all discussions in Provence-Alpes-Côte-d'Azur region. The threat on Mediterranean palm trees is stronger and stronger. NPP/ Arysta LifeScience, helped by Vegetech company, is working on the development of a biocontrol method against this pest limiting the treatments impact on the environment. A first trial, in outdoor cages, carried out at the end of 2010 by the SCRADH, has shown the interest of two entomopathogenic fungus Beauveria bassiana strain. At the autumn 2011, a new trial in semi-natural conditions has been set up to validate the results previously obtained. It demonstrates that Ostrinil®, 147 strainbased and already registered for the palm trees treatments against Paysandisia archon, is as efficient as imidaclopride, the Chemical reference. NPP111B005 strain shows an increased efficacy.

- KEY WORDS : Rhynchophorus ferrugineus, palm tree, Beauveria bassiana strain 147, Beauveria bassiana strain NPP111B005, biological control.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS :

* S. BESSE, L. CRABOS, A. BONHOMME

Natural Plant Protection (N.P.P.) - Membre du groupe Arysta Life Science, Parc d'Activités Pau-Pyrénées, 35, avenue Léon-Blum, 64000 Pau.

** K. PANCHAUD, Végétech, 33, chemin de la Source, 83260 La Crau.

*** J. COUTANT ET L. RONCO, SCRADH, 727, avenue Alfred-Décugis, 83400 Hyères.

CONTACT :

samantha.besse@arystalifescience.com

ARTICLES CITÉS, parus dans Phytoma en 2007, 2009, 2011… : phytoma@gfa.fr

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