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Lutte biologique contre les maladies, l'OILB fait le point

CLAUDE ALABOUVETTE* ET CHRISTELLE CORDIER* - Phytoma - n°656 - août 2012 - page 10

Réunion du groupe de travail « Maladies fongiques et bactériennes des plantes » de l'Organisation internationale de lutte biologique.
À gauche, Philippe Nicot, actuel Secrétaire général de l'OILB, et son prédécesseur (debout), qui n'est autre que C. Alabouvette, co-auteur de cet article.

À gauche, Philippe Nicot, actuel Secrétaire général de l'OILB, et son prédécesseur (debout), qui n'est autre que C. Alabouvette, co-auteur de cet article.

La protection biologique de la tomate contre la pourriture grise (due à Botrytis cinerea) à l'aide de Trichoderma sp. ou de Microdochium dimerum a été abordée, sans compter les travaux sur les champignons telluriques fauteurs de fusariose vasculaire. On aussi parlé de protection de l'oignon, de la laitue, de la vigne et des fruits.

La protection biologique de la tomate contre la pourriture grise (due à Botrytis cinerea) à l'aide de Trichoderma sp. ou de Microdochium dimerum a été abordée, sans compter les travaux sur les champignons telluriques fauteurs de fusariose vasculaire. On aussi parlé de protection de l'oignon, de la laitue, de la vigne et des fruits.

Le groupe de travail de l'OILB-SROP(1) « Lutte biologique contre les maladies fongiques et bactériennes des plantes » se réunit tous les deux ans en alternance avec le groupe « Interactions multi trophiques dans le sol ». Cette année, la réunion s'est déroulée du 22 au 25 juin sur le campus de l'Université de Reims Champagne-Ardenne. Des communications venues du monde entier, pour un point sur l'état de l'art en la matière.

Une réunion biennale incontournable

L'Europe de l'Ouest et les autres

La rencontre a attiré plus de 150 participants. Ils venaient de nombreux pays, y compris extra-européens bien que l'organisateur soit ouest-européen. L'OILB-SROP, alias IOBC-WPRS, est en effet la Section régionale ouest-paléarctique de l'Organisation internationale de lutte biologique.

Mais la qualité des exposés et la diversité des sujets abordés font que cette réunion biennale s'impose comme le rendez-vous incontournable de tous ceux, chercheurs des institutions publiques ou des laboratoires privés, qui s'intéressent à la lutte biologique contre les maladies des plantes. De quelque continent qu'ils soient.

Du mécanisme fondamental à l'efficacité pratique

L'objectif de ce groupe est de favoriser le dialogue entre tous les intervenants. Ceci qu'ils travaillent à étudier les mécanismes fondamentaux des interactions « plante/agent protecteur/ agent pathogène » ou à démontrer l'efficacité au champ des procédés de lutte biologique. D'ailleurs les principales sociétés commercialisant des agents de lutte biologique avaient envoyé des représentants.

Il n'est pas question ici de résumer l'ensemble des communications mais de tenter de dégager les tendances actuelles.

Tendances et communications marquantes

Bacillus et Trichoderma tiennent la vedette

Sur le plan des agents les plus étudiés, ce sont sans conteste les Bacillus spp. et les Trichoderma spp. qui tiennent la vedette. Au niveau fondamental, les approches de génomique et de protéomique permettent d'étudier les modes d'action, de démontrer l'implication de certains métabolites secondaires et donc, théoriquement, de favoriser le screening (criblage, repérage) des souches les plus efficaces.

Concernant les modes d'action des Bacillus spp., l'attention se porte principalement sur le rôle des lipopeptides cycliques : iturines, fengycines et surfactines. Ces molécules, d'une grande diversité structurale, jouent un rôle important à la fois au niveau de la colonisation de la rhizosphère, de l'antagonisme vis-à-vis d'autres microorganismes et de l'induction des mécanismes de défense des plantes.

Champignons favorisant la croissance des plantes, plus discrets

Très étudiés il y a une vingtaine d'années, les Pseudomonas spp. fluorescents dits PGPR, c'est-à-dire bactéries de la rhizosphère favorisant la croissance des plantes, ont fait l'objet d'un nombre très limité de communications. En revanche, l'équipe japonaise qui a forgé le terme de PGPR, pour « champignon favorisant la croissance des plantes », était représentée par plusieurs de ses membres.

Un travail champenois sur vigne à suivre

Parmi les communications marquantes, j'ai retenu celles qui portaient sur l'étude des propriétés bénéfiques d'une souche de Burkholderia phytofirmans.

L'équipe de Reims, organisatrice de la réunion (C. Clément et E. Ait Barka), a montré que cette souche possède des propriétés PGPR sur jeunes plants de vigne, dont elle colonise intensément l'apex racinaire, mais aussi des activités antagonistes vis-à-vis des agents responsables des maladies du bois de la vigne ; de plus, elle protège contre les stress et en particulier contre le gel. Au plan des mécanismes, elle possède la capacité de potentialiser les réponses de défense de la plante.

Cette équipe présente la particularité de travailler aussi bien sur les modes d'action au laboratoire que sur les conditions pratiques d'application au vignoble. Nul doute que cet agent de lutte biologique fera parler de lui dans un avenir proche.

Les Trichoderma mis sur le marché contre des maladies

Trois préparations néo-zélandaises

Alison Steward, une collègue de l'Université Lincoln (Nouvelle Zélande) a présenté les travaux qui ont permis de mettre sur le marché trois préparations à base de Trichoderma pour lutter contre la pourriture blanche de l'oignon, la sclérotiniose de la laitue et la pourriture grise sur vigne et tomate.

Conditions de la réussite : rappels et compléments

Elle a fortement insisté sur la nécessité de bien définir les conditions d'application nécessaires au succès de la lutte biologique. Celui-ci est conditionné par les interactions complexes entre l'agent de lutte et les caractéristiques physico-chimiques et biologiques des sols. Or ces relations biologie de l'agent/caractéristiques du milieu sont peu étudiées, alors qu'elles jouent sur l'installation de l'agent et l'expression de ses activités.

Le succès de la lutte est également conditionné par la plante : l'espèce végétale mais aussi la variété cultivée.

Cela ne simplifie pas les recommandations d'emploi, mais permet de comprendre pourquoi une même préparation peut être efficace dans une parcelle et pas dans une parcelle voisine. Des expérimentations multi locales et pluriannuelles sont donc nécessaires pour bien définir les conditions requises pour assurer le succès d'une préparation microbienne.

Pour une même espèce, bonnes et mauvaises souches

« Agronomiques » et « cliniques »

Une question toujours d'actualité a été traitée par G. Berg, une consoeur de l'Université de Graz (Autriche) : comment différencier, à l'intérieur d'un même genre ou d'une même espèce, les souches environnementales présentant un intérêt agronomique, des souches cliniques, infectieuses chez l'homme ?

Exemple d'une étude autrichienne du genre Stenotrophomonas

La caractérisation de ces deux types de souches au sein du genre Stenotrophomonas a permis de distinguer l'espèce S. maltophila, présente dans les hôpitaux, et l'espèce S. rhizophila qui possède la capacité à coloniser la rhizosphère et à aider la plante à résister aux stress. Cette distinction n'a été possible que grâce à la confrontation de données phénotypiques, physiologiques écologiques et moléculaires.

Cet exemple, bien documenté, illustre parfaitement la nécessité de caractériser les agents de lutte avec tous les outils disponibles, et ainsi de satisfaire aux exigences d'innocuité.

Pistes à suivre de près

Des levures pour aider à la conservation des pommes, poires et fruits à noyau

Parmi les autres sujets abordés, citons la protection des fruits après récolte. Plusieurs présentations ont montré comment des applications de souches microbiennes sélectionnées, et en particulier de levures, permettent de limiter le développement des maladies de conservation aussi bien pour les pommes et les poires que pour certains fruits à noyau.

Direction maladies du bois de la vigne

Les maladies du bois de la vigne, dont l'incidence dans les vignobles est croissante et contre lesquelles il n'existe aucun moyen de lutte chimique, font l'objet de recherches de moyens alternatifs.

Plusieurs souches de Trichoderma spp. montrent des effets bénéfiques prometteurs. De plus, un nouveau venu, Pythium oligandrum, fait l'objet de recherches intensives. Cet oomycète, producteur d'une toxine, l'oligandrine, semble capable d'induire la résistance de boutures de vigne à Phomoniella chlamydospora, un des agents responsables des maladies du bois.

À Avignon, identifier la souche pathogène pour orienter la protection de la tomate

Depuis plusieurs années, des chercheurs de l'INRA d'Avignon s'intéressent à une souche de Microdochium dimerum particulièrement efficace pour lutter contre Botrytis cinerea en culture de tomate sous serre.

Les travaux récents ont pris en considération la diversité des souches pathogènes de Botrytis et montré qu'à la dose recommandée, l'efficacité est bonne vis-à-vis de toutes les souches ; mais à dose réduite on observe une corrélation négative entre l'efficacité de la lutte et l'agressivité de l'agent pathogène.

Cette étude montre la nécessité de prendre en considération plusieurs souches de l'agent pathogène pour sélectionner une souche efficace d'agent de lutte.

Modes d'action, tout ce qui brille...

Rôle des métabolites secondaires

De nombreuses communications ont traité du rôle des métabolites secondaires dans les mécanismes de protection.

L'approche la plus fréquente consiste à produire des mutants affectés dans cette fonction. Mais les résultats doivent être interprétés avec précaution, comme l'a rappelé un chercheur canadien durant la conférence introductive intitulée: « Modes d'action des agents de lutte biologique : tout ce qui brille n'est pas or ».

Au Canada, l'exemple de la flocculosine

Il a montré comment dix années de recherche avaient été nécessaires pour identifier et caractériser une molécule anti-microbienne, la flocculosine, produite par Pseudozyma flocculosa.

L'utilisation de toute la technologie qui était alors disponible avait tout d'abord abouti à une démonstration apparemment irréfutable du rôle joué par cette molécule dans l'antagonisme de cette souche. Mais des résultats récents sont venus contredire ces belles démonstrations. Il a finalement fallu admettre que cette molécule ne jouait qu'un rôle mineur dans l'activité antagoniste de la souche productrice.

Toujours vérifier l'efficacité au champ

Quelle que soit la qualité des travaux de recherche conduits au laboratoire, seule la démonstration de l'efficacité au champ, dans des conditions d'application réalistes, permet de conclure quant à l'intérêt d'un agent de lutte biologique.

Avenir de la lutte biologique

Beau panorama mondial, mais pas assez de Français !

Cette réunion du groupe de travail « Lutte biologique contre les maladies fongiques et bactériennes des plantes » de l'OILB a été extrêmement intéressante. Elle a permis de dresser un panorama complet des travaux fondamentaux mais aussi des recherches appliquées conduites dans le domaine. S'il est encourageant de constater le dynamisme de certaines équipes internationales, on ne peut, par contraste, que déplorer le nombre limité de laboratoires français impliqués dans ce domaine.

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RÉSUMÉ

CONTEXTE : La rencontre biennale de l'OILB-SROP sur les maladies fongiques et bactériennes des plantes a eu lieu du 22 au 25 juin 2012 en France, à Reims.

EXPOSÉS MARQUANTS : Parmi les faits saillants, on notera :

– la place importante des Bacillus spp. et Trichoderma spp, alors que les Pseudomonas spp sont moins présents,

– une étude très prometteuse de Burkholderia phytofirmans sur vigne, par l'Université de Reims,

– des études néozélandaises de Trichoderma spp. sur oignon, laitue et tomate,

– une étude autrichienne sur la distinction entre Stenotrophomonas maltophila, nuisible à l'homme, et Stenotrophomonas rhizophila, bénéfique aux plantes,

– des travaux sur l'usage de souches microbiennes pour la conservation des pommes, poires et fruits à noyau ;

– contre les maladies du bois de la vigne, outre le travail sur les Trichoderma spp, l'arrivée de Pythium oligandrum.

un travail de l'Inra d'Avignon sur l'intérêt de Microdochium dimerum sur tomate,

– le rôle des métabolites secondaires et l'analyse des modes d'action,

– l'obligation de tests « au champ » (= sur le terrain) pour s'assurer de l'intérêt en pratique d'un agent de lutte biologique.

MOTS-CLÉS : lutte biologique, champignons, bactéries, OILB-SROP (Organisation internationale de lutte biologique - Section régionale ouest paléarctique), agents de lutte biologique, Bacillus spp., Trichoderma spp. Pseudomonas spp., Burkholderia phytofirmans, Stenotrophomonas rhizophila, Pythium oligandrum, Microdochium dimerum, mode d'action, interactions, efficacité, vigne, oignon, laitue, tomate, fruits.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *C. ALABOUVETTE et C. CORDIER Agrene.

CONTACTS : c.ala@agrene.fr ou c.cordier@agrene.fr

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