Blés fusariés. Leurs grains risquent d'être contaminés par des trichothécènes de type B (TCT B) comme le DON, mais aussi de type A (TCT A) comme les toxines T2 et HT 2, avec des phénomènes de compétition. ph. Syngenta
Ci-contre, fusariose des épis sur orge. Ces Fusarium sp. peuvent être producteurs de toxines T2 et HT 2. Les facteurs de risque sur orge sont connus et il a été possible de mettre au point la grille de risque ci-dessous. En revanche, pour les blés, on commence tout juste à se faire une première idée des facteurs de risque. ph. Syngenta
Les toxines T2 et HT2 sont-elles des « challengers » du DON(1) ? Oui, et à deux titres.
D'abord comme sujet de recherche. En effet T2 et HT2, fusariotoxines moins bien connues que leur cousin le DON, font l'objet de travaux de plus en plus nombreux.
Ensuite sur les épis de céréales, où il y a compétition de flore entre les espèces de Fusarium productrices de trichothécènes de type B comme le DON et les espèces productrices de trichothécènes de type A comme les T2 et HT2. Cet article en apporte des preuves. Et, en prime, des pistes sur les facteurs de risque.
Pourquoi s'occuper de T2 et HT2 dans les blés
Espèces de Fusarium productrices et cultures concernées
Les toxines T2 et HT2 font partie des trichotécènes (TCT), groupe majeur de mycotoxines produites au champ par des pathogènes fongiques du genre Fusarium. F. sporotrichioides et F. langsethiae sont les principaux producteurs de T2 et HT2, F. tricinctum et F. poae l'étant dans une moindre mesure. Voisines du très répandu F. graminearum synthétisant le DON mais moins fréquentes, elles contaminent aussi les épis des céréales à paille.
En France, on peut retrouver des T2 et HT2 plutôt sur les avoines et, selon les années, sur les orges de printemps, mais les blés et le maïs peuvent aussi être touchés.
Bientôt un texte européen
De plus, en cours d'élaboration, une recommandation par l'Union européenne pourrait fixer fin 2012 des seuils au-delà desquels il est conseillé de mettre en place un plan de surveillance. Sur blés, cette recommandation européenne T2-HT2 serait susceptible de fixer des valeurs seuils entre 50 et 100 ppb(2) pour la somme des deux toxines.
Un travail initié en 2005
Dans les pas de l'orge
Depuis 2005, Syngenta travaille avec ses clients partenaires sur la thématique T2-HT2 des céréales. Sur orge de printemps, une analyse poussée des facteurs agronomiques en lien avec un millier d'analyses a permis de proposer en 2008 une première grille de gestion du risque récapitulant les itinéraires culturaux identifiés statistiquement comme étant à risque. Cette grille, améliorée en 2010 et basée désormais sur environ 2 000 données, est présentée figure 1.
Premières tendances sur blés
En blés, de nouvelles informations sont disponibles grâce aux données collectées sur près de 680 parcelles de blés tendre et dur. Elles regroupent les informations agronomiques associées à des analyses des teneurs en T2 et HT2 (TCT type A) et de DON (TCT type B) du grain à la récolte(3).
Nos analyses et ce qu'on peut en conclure
DON et T2-HT 2, une tendance à l'exclusion
L'analyse des teneurs en DON et T2-HT2 des grains d'une même parcelle met en évidence une relation particulière entre les deux toxines tendant vers une exclusion (Figure 2).
En effet, on constate que les toxines peuvent cohabiter mais que, lorsque la teneur en DON du grain est élevée, celle en T2-HT2 est faible, et inversement.
Ainsi, aucun des échantillons dont le taux de DON dépasse 1 250 ppb (limite maximale autorisée sur blé tendre, celle du blé dur étant de 1 750 ppb) ne voit son taux de T2- HT2 atteindre 100 ppb, et seuls deux d'entre eux ont un taux compris entre 50 et 100 ppb. Un taux élevé d'un type de TCT semble ainsi « plafonner » le taux de l'autre type.
Ses explications
On sait que, en matière de fusariose des épis des céréales, il n'est pas rare de trouver plusieurs espèces de Fusarium au sein d'une même parcelle voire même sur un seul épi. Mais aussi que ces cohabitations peuvent aboutir à des processus de compétitions entre espèces.
Nos observations vont dans le sens de cette hypothèse selon laquelle les espèces fongiques productrices de DON (TCT type B) et celles productrices de T2-HT2 (TCT type A) peuvent bien cohabiter mais en se trouvant en situation de compétition.
Cependant, contrairement à F. graminearum, les informations disponibles sur l'épidémiologie de F. langsethiae, découvert en 2004, et F. sporotrichioides sont récentes et limitées.
Ceci rend prématurée toute conclusion définitive.
Un faible taux de DON ne garantit pas un faible taux de T2-HT 2, mais... C'est quand même possible
Quoi qu'il en soit, un faible taux d'un des deux types de trichothécènes ne garantit pas un faible taux de l'autre type. On ne pourra donc pas garantir un faible taux de trichothécènes en général à partir d'une analyse de DON (la plus couramment pratiquée aujourd'hui) ayant montré un faible taux de ce DON.
Mais par ailleurs, si une faible teneur d'un type de trichothécène ne garantit pas une faible teneur de l'autre type, elle ne l'empêche pas. On peut obtenir des blés ayant un faible taux des deux catégories.
La preuve est figure 2 : on y voit de nombreux échantillons à teneurs faibles, à la fois en toxines T2-HT2 et en DON. On peut donc rassurer les agriculteurs : il est possible d'échapper aux deux catégories de trichothécènes à la fois !
L'analyse des facteurs de risque T2-HT2, lorsqu'elle sera plus avancée, permettra de donner des conseils de gestion coordonnée du risque T2-HT2 et du risque DON (pour lequel on sait déjà que conseiller).
Problématique T2-HT2 sur blés
Nous avons vu que, sur blés, la recommandation européenne T2-HT2 serait susceptible de fixer des valeurs seuils entre 50 et 100 ppb. Or, si très peu de lots de blé tendre analysés par Syngenta ont dépassé ces limites putatives depuis 2005 (avec même aucun dépassement des 100 ppb), ce n'est pas le cas du blé dur.
En 2009 notamment, plus de 6 % des analyses dépassent la valeur seuil de 100 ppb. Et 16,5 % la valeur de 50 ppb (Figure 3).
Premières analyses des facteurs de risque sur blé dur
Une toute première approche
Grâce, entre autres, à des modèles prenant en compte les principales variables représentatives de l'agronomie et de la localisation des parcelles, des études statistiques permettent de premières propositions de facteurs de risque.
Soulignons qu'il s'agit de premières propositions et qu'il est encore prématuré de proposer pour le blé, voire le blé dur, une grille de risque comparable à celle mise au point sur orge.
Le climat autour de la floraison est primordial
La variable Année/Lieu, représentative relative du climat, se révèle comme la plus influente sur la teneur en T2 et HT2.
Au même titre que pour les risques DON sur blés et T2-HT2 sur orges, ces analyses confortent logiquement l'idée selon laquelle le climat reste le facteur d'influence numéro 1 de la fusariose des épis, et surtout de la toxinogenèse des champignons Fusarium qui en sont responsables.
Ensuite la variété... mais pas comme pour le DON !
Dans un second temps, la variété apparaît comme un élément d'explication des variations en T2-HT2 observables.
À noter qu'en revanche, cette teneur n'est pas corrélée aux notes de sensibilité variétales à la fusariose disponibles aujourd'hui dans la littérature.
Ce n'est pas illogique. En effet, ces notes sont établies en lien avec le degré d'infection par F. graminearum, qui produit du DON, mais pas par les espèces productrices de T2- HT2.
Influence de l'itinéraire cultural
Enfin, l'itinéraire cultural de la parcelle s'avère un facteur d'influence significatif mais dans une moindre mesure.
À noter que, en comparaison à la gestion du risque F. graminearum, il apparaît que les précédents culturaux favorisant le DON ne sont pas forcément ceux après lesquels il y aura le plus de T2-HT2 sur la culture de blé dur suivante.
C'est le cas par exemple du précédent maïs grain. Il favorise le DON, surtout s'il est associé à une gestion du sol sans labour ni broyage fin des résidus de récolte (« cannes de maïs »). Mais il ne semble pas en faire autant pour T2-HT2.
À l'opposé, un précédent comme la betterave ne favoriserait aucun des deux types de trichothécènes.
Affaire à suivre
Dans un but final de fournir des leviers de gestion efficaces pour ses partenaires, Syngenta délivre ici les toutes premières pistes potentiellement constitutives du risque T2- HT2 sur blé dur. La poursuite des analyses est nécessaire pour développer et confirmer ces résultats.
<p>(1) Déoxynivalénol.</p> <p>(2) Partie par milliard (= billion en anglais). 1 ppb=1 μg/kg.</p> <p>(3) Quantification par HPLC sur grain brut.</p>