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dossier - Qualité sanitaire des grains, de la semence au silo

Insectes des stocks de blé, l'enquête et ses moralités

MARIANNE DECOIN*, D'APRÈS LA COMMUNICATION, LE 6 JUIN 2012, DE MARIE-PIERRE LEBLANC** ET FRANCIS FLEURAT-LESSARD*** - Phytoma - n°656 - août 2012 - page 27

Chassé-croisé de charançons, insectes dissimulés sans « formes cachées », piste des pièges, effets du type de cellule et des pratiques de gestion sanitaire : quelles moralités tirer de l'enquête Ecoprotect Grain ?
1- Piège type « tube perforé » pour la capture de charançons et autres insectes nuisibles aux grains stockés (mode d'emploi sur les photos suivantes). - 2- Insertion des pièges « tubes perforés » et des « pièges cônes » dans la masse de grain. - 3- Pièges insérés à environ 10 cm sous la surface du tas de grain (l'étiquette signale leur position). - 4- Piège à charançons de type « cône » en forme de pomme d'arrosoir affleurant à la surface du tas de grain. Photos : INRA-MycSA Bordeaux (F. Fleurat-Lessard)

1- Piège type « tube perforé » pour la capture de charançons et autres insectes nuisibles aux grains stockés (mode d'emploi sur les photos suivantes). - 2- Insertion des pièges « tubes perforés » et des « pièges cônes » dans la masse de grain. - 3- Pièges insérés à environ 10 cm sous la surface du tas de grain (l'étiquette signale leur position). - 4- Piège à charançons de type « cône » en forme de pomme d'arrosoir affleurant à la surface du tas de grain. Photos : INRA-MycSA Bordeaux (F. Fleurat-Lessard)

Le stockage à plat est un facteur de « risque d'infestation par des insectes », tout comme l'absence de nettoyage des cellules avant chargement et celle de ventilation. ph. MF Delannoy

Le stockage à plat est un facteur de « risque d'infestation par des insectes », tout comme l'absence de nettoyage des cellules avant chargement et celle de ventilation. ph. MF Delannoy

Septembre 2011, Phytoma cite l'enquête « Ecoprotect Grain » sur les insectes des stocks de blé menée par l'Inra, France AgriMer et Arvalis-Institut du végétal. 6 juin 2012, le résultat est exposé aux 4e rencontres du RMT Quasaprove(1). Concernant les espèces d'insectes présentes, les résidus d'insecticides et l'effet du type de cellule et des pratiques de stockage, il y a des confirmations. Et des variations, des compléments, notamment sur le piégeage... Voici les moralités que l'on peut en tirer.

Espèces d'insectes, primaires confirmés

Charançon dit « du riz », loin devant celui « du blé »

Parmi les espèces d'insectes présents, la plus souvent trouvée dans les lots est le charançon du riz Sitophilus oryzae. Il est déniché dans 23 % des échantillons de blés tamisés en 2011 contre 24 % de ceux de 2010 (Tableau 1).

Il faut noter que, lors d'une précédente enquête menée en 1977 et 1978, l'espèce était déjà présente dans 18 puis 37 % des échantillons.

Pour sa part le charançon du blé Sitophilus granarius est présent cinq fois moins souvent que S. oryzae en 2011 comme en 2010 (respectivement 4 % et 5 % des échantillons). Cela confirme la « régression » de son « occurrence » évoquée l'an dernier. En effet l'espèce était présente dans environ 20 % des lots en 1977 et 1978...

Capucin des grains, recrudescence

Quant au troisième ravageur « primaire », le capucin des grains Rhyzoperta dominica, présent dans 7 % des échantillons de 2010, il est trouvé dans 8 % de ceux de 2011.

Or il était absent lors de l'enquête de 1977 et 1978. La « recrudescence de l'occurrence » évoquée par les auteurs l'an dernier est, elle aussi, confirmée.

Du côté des secondaires

... mais pas négligeables

Et les ravageurs secondaires ? D'abord il se vérifie que le terme de « secondaire » ne signifie pas « négligeable ». Ainsi, dans l'enquête, le tribolium roux Tribolium castaneum, le silvain Oryzaephilus surinamensis et le petit silvain plat Cryptolestes ferrugineus, ravageurs secondaires, sont toujours plus souvent trouvés que le charançon du blé et le capucin des grains, ravageurs primaires (Tableau 1).

Seul le charançon du riz est à la fois « primaire » et premier en fréquence.

Davantage en 2011

De plus, l'incidence globale des ravageurs secondaires augmente entre les échantillons prélevés en 2010 et ceux de 2011. Ainsi le silvain passe de 8 à 15 % de fréquence globale. Au total, « en 2011, la fréquence des espèces secondaires a été significativement plus élevée qu'en 2010 », expliquent les auteurs.

Par ailleurs, selon la communication, « la fréquence des échantillons avec insectes a été plus élevée en 2011 qu'en 2010 ».

Signe d'évolution ? Pas sur un laps de temps aussi court, d'autant que les sites de prélèvements n'étaient pas tous les mêmes. Il s'agit plutôt de variabilité inter-annuelle.

Première moralité : en matière de faune des silos, tirer des conclusions d'une seule année d'enquête n'est pas réaliste. Toute enquête future devra être effectuée sur au moins deux années consécutives. En revanche, les données constantes sur les deux années et différentes de celles de 1977-78 sont l'indice d'une vraie tendance.

Formes libres... bien dissimulées !

C'est le cas pour un phénomène déjà signalé l'an dernier : l'émergence de nouveaux individus d'espèces secondaires dans des lots déjà tamisés 42 jours auparavant.

Ce phénomène s'est accentué dans les échantillons prélevés en 2011.

Deuxième moralité : il y a fort à parier que le nettoyage physique des grains, utile pour le purifier d'impuretés visibles (balle, grains cassés, etc.) soit insuffisant, non seulement vis-à-vis des ravageurs primaires, ce qu'on savait déjà, mais encore vis-à-vis des ravageurs dits secondaires : tout ce qui reste vivant pourra se multiplier.

Piégeage, la nouveauté de 2011

Cette enquête mise en place ponctuellement ne peut pas être renouvelée tous les ans comme surveillance de routine. En revanche, elle a permis de tester un moyen de cette surveillance de routine, le piégeage des formes mobiles. Une vingtaine de magasins à plat (type de stockage décelé en 2010 comme les plus infestés) ont été munis de pièges sans attractif (les insectes qui passent fortuitement y tombent) avec deux modèles différents sur le même site (photos). Au total, 41 pièges ont été installés et laissés sur place 21 jours chacun.

Et 30 d'entre eux, soit 73 % de l'effectif, ont capturé au moins un insecte. Chiffre à comparer avec ceux des résultats des tamisages d'échantillons de grains (43 % des « silos à plat » infestés). « Le nombre de tests est trop restreint pour conclure mais c'est très encourageant », estime Marie- Pierre Leblanc interrogée en août. Par ailleurs les pièges type « tube perforé » semblent plus efficaces que ceux à forme « cône » pour capturer les ravageurs primaires et équivalents vis-à-vis des ravageurs secondaires. En guise de troisième moralité, citons la communication : « Pièges " tubes perforés " = système d'alerte efficace ».

Question insecticides

Résidus dans deux lots sur trois, toujours sous les LMR

Revenons aux résultats recherchés les deux années. Concernant les résidus de pesticides, en fait insecticides, toutes deux se ressemblent fort sur deux points essentiels :

– D'abord, c'est rassurant, aucun dépassement de LMR, ni en 2010 ni en 2011, pour les substances recherchées à savoir le pyrimiphos- méthyl, le chlorpyriphos-méthyl, la deltaméthrine et la cyperméthrine.

– Mais aussi présence de résidus d'au moins une substance dans 66 % des échantillons tant en 2010 qu'en 2011 ;

Rappelons que ces quatre insecticides sont ceux que l'on risque de trouver dans les grains.

En effet, en général, on y trouve essentiellement des résidus de traitements postrécolte( 2). Or nos quatre substances sont actuellement les seules autorisées pour ces usages avec les pyréthrines naturelles et les produits de fumigation (fluorure de sulfluryle autorisé seulement dans les locaux vides, et précurseurs de phosphine).

Mais les premières, très peu rémanentes, ne laissent pas de résidus décelables. Quant aux seconds, ils ne sont quasiment pas utilisés en France car 70 % des silos français ne sont pas assez étanches aux gaz et ces produits sont très mal vus chez nous ; et ils ne laissent pas de résidus décelables non plus.

Substances, la quantité et le moment

Globalement, le pyrimiphos-méthyl est trouvé seul dans plus d'un quart des échantillons (Tableau 2). Il est suivi par la deltaméthrine puis le chlorpyriphos-méthyl et, très loin, la cyperméthrine (une seule détection). 16 % des échantillons recèlent des résidus de deux substances différentes et 1,6 % (3 échantillons) trois substances.

La fréquence de détection des substances est liée à celle de leur utilisation (le pyrimiphos est le plus utilisé et la cyperméthrine est encore très peu utilisée) mais aussi au laps de temps entre utilisation et analyse.

En effet, selon les questionnaires, le pyrimiphos- méthyl est de loin l'insecticide le plus employé pour traiter les grains eux-mêmes, suivi de la deltaméthrine. Et c'est eux qu'on retrouve le plus dans les analyses. Quant au chlorpyriphos, très peu employé sur grains mais presqu'autant que le pyrimiphos et bien davantage que la deltaméthrine pour traiter les locaux vides, il se trouve beaucoup moins dans les grains (Tableau 2). Cela confirme ce que nous écrivions en 2008(3) : le traitement des locaux vides semble occasionner bien moins de résidus que celui des grains eux-mêmes. On reviendra sur la question.

À propos de familles chimiques

On peut regretter la fréquence d'emploi des organophosphorés (chlorpyriphos-méthyl et pyrimiphos-méthyl), famille chimique bien décriée. À cela deux réponses :

– ces substances font partie des « moins pires » des organophosphorés, et elles ont été « inscrites » par les autorités européennes, alors que par exemple le dichlorvos (DDVP), organophosphoré très toxique (classé T+), est désormais interdit ;

– en dehors d'elles, seules sont appliquées des pyréthrinoïdes (deltaméthrine et cyperméthrine) et pyréthrines, les produits de fumigation étant, on l'a vu, très peu utilisés en France ; sachant que les pyréthrinoïdes et les pyréthrines ont le même mode d'action, supprimer les organophosphorés sans alternative revient, dans la plupart des silos français, à ne plus utiliser qu'un seul mode d'action donc à favoriser les résistances d'insectes aux insecticides.

Là encore, on reviendra sur cette question des modes d'action.

D'autres facteurs jouent

Type de cellule, gloire au vertical

Mais on peut s'interroger : est-il possible de se passer d'insecticides ou diminuer leur application, Ecophyto oblige ? En particulier, y a-t-il des pratiques préventives alternatives envisageables, notamment dans les pratiques de stockage ? L'an I de l'enquête avait déjà apporté quelques réponses, l'an II en confirme certaines.

Il y a, d'abord, le type de cellule. 2011 confirme 2010 : le stockage à plat est le plus souvent infesté : 43 % avec présence d'insectes en moyenne sur les deux années (42 % sur les échantillons de 2010, 44 % sur ceux de 2011). Une quatrième moralité que les auteurs de la communication peuvent marteler, et Phytoma relayer : « le stockage à plat est une situation à risque d'infestation ». Gloire au vertical !

Mais, pour ce stockage vertical, les cellules béton semblaient moins infestées que les cellules métal en 2010, or c'est l'inverse en 2011.

Il s'agit moins de contradiction que d'interférence avec la température. En effet, explique M.P. Leblanc, « l'automne 2010, qui a précédé les prélèvements de 2011, a été assez doux. Nous étions vraisemblablement dans une situation où le refroidissement du grain a été plus difficile en silo béton, lesquels sont de plus grande taille. »

Température, cruciale

Car la température est, vraiment, un facteur crucial. Ainsi en 2010, les auteurs avaient cherché à relier infestation par des insectes et présence ou non de thermométrie c'est-à-dire de suivi de la température des grains : la thermométrie fixe semblait nettement la plus bénéfique. 2011 confirme le phénomène.

Ainsi, parmi les 174 silos ayant renseigné l'enquête sur les deux années, seuls 26 % de ceux munis de thermométrie fixe sont infestés contre 41 % de ceux à thermométrie mobile et 47 % de ceux non équipés (Figure 2).

En fait, comme écrit l'an dernier, il ne s'agit pas d'effet direct, mais d'indice d'une unité de stockage bien équipée avec une meilleure maîtrise de la température.

Cette année, les enquêteurs ont analysé le facteur température proprement dit, à partir de 151 cellules équipées de thermométrie et ayant répondu pour l'ensemble de l'enquête. Résultat : à des températures inférieures ou égales à 10 °C, mais aussi comprises entre 10 et 12 °C, le taux d'infestation ne dépasse pas 25 % ; il monte à 39 % entre 12 et 15 °C, et à 45 % au-dessus de 15 °C (Figure 3 page suivante). Sans appel.

12 °C n'est certes pas une température insecticide, mais bloque l'activité des insectes. Le maintien de cette température a un effet intéressant. Notons que ce maintien entre mars et juin est l'indice d'un refroidissement efficace l'année précédente.

Nettoyage des cellules, recommandable

Dans les pratiques alternatives, il y a aussi le nettoyage des cellules avant l'arrivée du grain. Toutes choses égales par ailleurs, un nettoyage complet (charpente comprise, par exemple), fait baisser le taux de silos infestés de 35 % (nettoyages absent et partiel confondus) à 30 %. Ce n'est pas énorme, mais il faut savoir qu'un silo qui n'a pu être complètement nettoyé vu sa configuration est plus souvent traité qu'un autre avant l'arrivée des grains, pour compenser.

En effet, en l'absence de nettoyage complet ET de traitement des cellules vides, on trouve 45 % de silos infestés ! Que le grain soit ou non traité directement... En revanche, pour ceux qui ont traité des cellules non nettoyées auparavant, le taux d'infestation redescend à 21 %.

Quels conseils en tirer ?

Insecticide ? Plutôt dans les locaux vides

Ainsi, en cas d'impossibilité de nettoyage physique des locaux, les auteurs conseillent le traitement insecticide de ces locaux vides. C'est préférable au traitement des grains : que les cellules aient été nettoyées ou non, le traitement des cellules vides avant le chargement du grain fait baisser de 40 à 27 % le taux d'infestation des grains stockés dans ces cellules ensuite, alors qu'un traitement insecticide préventif des grains ne le fait pas baisser(4).

De plus, traiter les locaux vides génère moins de risque de résidus que traiter les grains eux-mêmes. Double avantage.

Choix des substances : vers une nouveauté « bio » ?

On revient à la question du choix des substances actives. Il est limité aux deux modes d'action des organophosphorés et pyréthrinoïdes-pyréthrines. Et même au seul mode d'action des pyréthrines pour les silos de céréales « bios » alors que la filière se développe. Une nouvelle substance, le spinosad, déjà utilisée pour le traitement en végétation, est en cours de tests. Elle a trois avantages :

– mode d'action différent des deux autres ;

– bon profil toxicologique (elle est non classée sur ce plan) ;

– origine biologique (fermentation bactérienne) qui lui permet d'être autorisée en agriculture biologique.

Et deux inconvénients :

– aucune formulation de spinosad disponible aujourd'hui n'est adaptée ni autorisée à l'utilisation dans les silos ; le fabricant y travaille, mais quand va-t-il aboutir ?

– elle est plus chère que les organo-phosphorés et pyréthrinoïdes.

Techniques physiques : l'air et le froid

On peut aussi se tourner vers des méthodes alternatives « physiques ». Le nettoyage mécanique du grain, conseillé par ailleurs, ne suffi t pas. Mais il y a aussi le froid. Une ventilation de silos pour un « refroidissement à l'air ambiant » est recommandable et même, selon M.P. Leblanc, « absolument nécessaire ». Son but est d'amener le grain à 12 °C, température qui stoppe le développement des insectes. Ceci assez progressivement pour éviter les chocs thermiques mais sans traîner quand même. Durant l'été, réalisée la nuit dès l'entrée en cellule de stockage, elle diminue la température sans augmenter l'humidité.

Si FranceAgrimer a lancé au printemps 2012 un programme de soutien à l'amélioration des systèmes de ventilation des silos, ce n'est pas pour rien – revoir la figure 3...

Quant au refroidissement plus intense (ou « froid technique »), il n'est utilisé que pour des produits à forte valeur ajoutée.

Et la chaleur sèche ? À l'étude pour les locaux vides

Et la chaleur sèche ? Pour désinsectiser les locaux vides, pourquoi pas ! Tous les stades des ravageurs des grains, y compris les oeufs, sont tués à partir de 50 °C.

De plus les formes mobiles, en se réfugiant dans les zones chauffant les dernières (sol, environ des ouvertures...) durant la montée de température, y meurent ensuite en masse. On peut donc nettoyer les lieux aisément. Enfin cette chaleur sèche « grille » les moisissures pouvant se trouver sur les parois de la cellule et dans les circuits.

Associée au nettoyage physique, la technique est prometteuse pour les locaux vides. À condition de maintenir assez longtemps une température relativement constante et homogène dans tout le silo : il ne faut ni griller les installations ni laisser les insectes en réchapper près des ouvertures.

L'Inra, qui a une expertise ancienne sur la désinsectisation par la chaleur(5), accompagne le développement d'un procédé nommé Thermonox pour désinsectiser par chaleur sèche des moulins face aux teignes de la farine notamment ; on a pu le voir fonctionner le 6 juin.

Quant à traiter le grain... C'est autre chose. Ainsi l'orge de brasserie ne doit pas dépasser 45 °C. Et, quel que soit le grain, il faut le « bouger » : remontage continu en cellule métallique (Arvalis prévoirait d'en tester) voire lit fluidisé. Bientôt un futur projet prolongeant EcoprotectGrain ?

<p>(1) Réseau présenté dans <i>Phytoma</i> en avril 2010 par C. Regnault-Roger : Qualité et sécurité alimentaire des végétaux en grandes cultures : sept chantiers du réseau Quasaprove. Phytoma n° 633, avril 2010, p. 7 et 8.</p> <p>(2) – Bernard Curé, ITCF (aujourd'hui Arvalis-Institut du Végétal) dans <i>« Aspects techniques de la qualité sanitaire des grains », Phytoma</i> n° 500, décembre 1997, p. 34 : <i>« Les rares cas où des résidus de produits phytosanitaires sont retrouvés dans les grains (...) en quantités supérieures aux LMR correspondent à des produits de traitement du grain au silo. »</i></p> <p>– Valérie Galerne, biologiste et consultante spécialisée dans les métiers du grain, dans <i>« à propos de pain et de pesticides », Phytoma</i> n° 609, novembre 2007, p. 2 : <i>« Les traitements insecticides effectués au champ, avant la récolte, n'ont aucune incidence sur les grains récoltés (...) seuls les traitements effectués après la récolte peuvent plus ou moins « marquer » le grain. »</i></p> <p>– Article <i>« En France, les contrôles des denrées végétales », Phytoma</i> n° 615, mai 2008, p. 8 : Dans les plans de surveillance de la DGCCRF (répression des fraudes), <i>« les substances les plus souvent trouvées sur céréales sont des insecticides. Les plus fréquents sont le dichlorvos (DDVP), le malathion</i> (ndlr : insecticides de stockage autorisés lors de ces contrôles) <i>et le pyrimiphos-méthyl (...) tous en deçà des LMR »</i> ; selon le plan de surveillance <i>« Céréales en silo 2003-2005 »</i> de la SdQPV, <i>« parmi toutes les substances utilisées sur céréales à paille et maïs, c'est d'abord eux</i> (ndlr : les insecticides des stockage) <i>qu'on risque de trouver dans les grains »</i></p> <p> – Enfin, selon l'EAT 2, 2e étude de l'alimentation totale sur les contaminants dans l'alimentation publiée par l'ANSES en 2011 (<i>Phytoma</i> n° 646 d'août-septembre 2011, p. 13 à 16), on trouve des résidus de pyrimiphos-méthyl et de chlorpyriphos-méthyl dans les produits à base de farine (pain, etc. ; voir p. 33, 86 et 101 du tome 2 du rapport, disponible sur internet), et pas de deltaméthrine ni de cyperméthrine dans aucun produit.</p> <p>(3) Article <i>« Insecticides de stockage, l'après DDVP a commencé », Phytoma</i> n° 618 de septembre 2008, p. 28.</p> <p>(4) Quant au traitement curatif, l'enquête pourrait laisser croire qu'il fait venir les insectes (62 % des lots ayant subi un traitement curatif contenaient des insectes, contre environ 30 % des autres )... En fait, déclenché forcément sur des lots visiblement infestés, il laisse sur place les cadavres des insectes qu'il a atteints.</p> <p>(5) Voir F. Fleurat-Lessard et J.-M. Le Torc'h, 2000 - Contrôle des insectes en post-récolte : hautes températures et atmosphères inertes. <i>In : La lutte physique en phytoprotection.</i> Vincent C., Panneton B. Fleurat-Lessard F. (Eds), INRA Éditions, Paris, pp. 71-94.</p>

1- Méthodologie de l'enquête, rappel

Au silo, prélèvements ciblés et questionnaire rempli

L'enquête a été réalisée sur 95 sites au printemps 2010 et autant (certains sont les mêmes) au printemps 2011. Un agent de FranceAgriMer visitait chaque site volontaire entre mars et juin. Dans chacun, il remplissait, avec un responsable du site, un questionnaire portant sur :

– les caractéristiques d'une cellule,

– ses nettoyages et/ou traitements insecticides avant l'entrée du grain,

– les traitements ou non de ce grain et, si oui, avec quel(s) produit(s).

Le même jour, l'agent constituait un échantillon de grain en plusieurs prélèvements effectués dans les zones les plus susceptibles d'héberger des insectes (surfaces, etc.) de l'unité de stockage.

Cet échantillon de 2 à 3 kg était homogénéisé puis fractionné en deux : une moitié envoyée au centre de recherche Inra de Villenave-d'Ornon et l'autre, avec le questionnaire rempli, au laboratoire de France AgriMer de La Rochelle.

À l'Inra, tamisage, incubation, retamisage...

L'Inra tamisait chaque lot immédiatement pour y détecter les insectes en « formes libres » (larves et adultes) et identifier et compter les vivants et les morts. Les premiers manifestent une infestation active. Si tous les insectes d'un échantillon sont morts, en revanche, on peut supposer avoir affaire à une infestation passée mais maîtrisée par un traitement curatif.

Mais ce premier tamisage ne rend compte que de l'infestation visible : l'absence de forme libre ne signifie pas celle d'éventuelles « formes cachées » : oeufs ou larves dissimulées DANS les grains...

Le lot tamisé, donc débarrassé de ses formes libres, était alors mis à incuber 6 semaines (42 jours) en conditions favorables aux insectes(1).

En fin d'incubation (de mi-avril à mi-août selon la date de prélèvement au silo), toutes les formes cachées éventuelles ayant eu le temps d'éclore, le lot était retamisé afin de détecter l'émergence d'insectes, eux aussi identifiés et comptés. On arrive ainsi au nombre total d'échantillons réellement infestés. La figure 1 visualise le mode de calcul pour le cas du charançon du riz Sitophilus oryzae.

À FranceAgriMer, échantillons et questionnaires analysés

Le laboratoire de FranceAgriMer, destinataire de la seconde moitié de chaque échantillon, y recherchait les résidus d'insecticides de stockage éventuellement appliqués dans les silos et/ou sur les lots de grain.

Puis il a croisé les résultats de ces analyses avec les données des questionnaires et les résultats de l'Inra sur la présence d'insectes. D'où les résultats présentés ici.

(1) 25 °C et 75 % d'humidité relative (HR) : des conditions qu'il est fortement déconseillé de laisser perdurer 6 semaines dans un silo !

2 - Ravageurs primaires et secondaires, rappel

En matière de grains stockés, on qualifie de ravageurs primaires ceux qui réalisent une partie de leur développement DANS les grains. Trois espèces de ce type ont été retrouvées lors de l'enquête 2010-2011 : les charançons dits du blé (ou du grain) et du riz, respectivement Sitophilus granarius et Sitophilus oryzae, ainsi que le capucin des grains Rhyzopertha dominica. Quant aux ravageurs secondaires, ils sont ainsi nommés car ils restent toujours à l'extérieur des grains eux-mêmes... Mais le terme de « secondaire » ne signifie pas que leur incidence soit forcément moindre que celle des ravageurs primaires ! Cet article en est l'illustration.

3 - Pas tous morts

Il nous faut corriger une affirmation donnée l'an dernier lors des 3e Rencontres et reprise dans Phytoma, et qui était que 94 % des insectes révélés par les premiers tamisages étaient morts.

En fait, tant en 2010 qu'en 2011, une bonne moitié des insectes trouvés (53 % puis 54 %) étaient vivants, toutes espèces confondues. Seul le tribolium sombre (Tribolium confusum) a eu 89 % puis 100 % de ses individus morts en 2010 et 2011 respectivement – le tout pour une faible présence globale.

C'est la seule espèce trouvée seulement aux premiers tamisages mais jamais aux seconds.

Cet article fait partie du dossier Qualité sanitaire des grains, de la semence au silo

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RÉSUMÉ

CONTEXTE : Les résultats des deux années de l'enquête Ecoprotect Grain ont été présentés lors des 4es rencontres du RMT Quasaprove le 6 juin 2012.

ÉTUDE : 190 cellules de stockage de blé ont été enquêtées aux printemps 2010 et 2011 pour les pratiques de stockage, la présence d'insectes identifiés par l'Inra comparée avec une enquête 1977-78, et celle de résidus d'insecticides analysés par FranceAgriMer.

RÉSULTATS/INSECTES : L'espèce dominante les deux années est le charançon du riz ; le charançon du blé régresse, le capucin des grains est en recrudescence et les ravageurs secondaires bien présents. Plusieurs de ces derniers, les deux années, ont été récoltés après tamisage et incubation, preuve qu'ils peuvent se cacher dans la masse du grain même sans « formes cachées » dans les grains.

Il y a une forte variabilité entre années pour les autres critères.

Un test de piégeage de surveillance, effectué en 2011, est très encourageant.

RÉSULTATS/PRATIQUES : À l'issue des deux années d'enquête :

– les cellules verticales sont moins infestées que celles à plat ;

– le nettoyage physique des cellules avant l'arrivée du grain est utile ;

– le traitement insecticide préventif des cellules vides est conseillé, surtout en cas d'impossibilité de nettoyage complet, car plus efficace et moins à risques de résidus que le traitement du grain.

– la gestion de la température (aidée par thermométrie fixe) est cruciale ; l'intérêt de ne pas dépasser 12 °C milite en faveur de la ventilation avec refroidissement à l'air ambiant.

– les quatre insecticides de stockage recherchés ont été trouvés dans les 2/3 des cellules, sans aucun dépassement de LMR.

Les autres données (cellules béton ou métal, etc.) ne donnent pas de tendance nette.

MOTS-CLÉS : qualité sanitaire des grains, blé, enquête, EcoprotectGrain, RMT Quasaprove (réseau mixte technologique Qualité sanitaire des productions végétales en grandes cultures), insectes, charançon du riz Sitophilus oryzae, capucin des grains Rhyzopertha dominica, ravageurs secondaires, piégeage, type de cellule, insecticides, LMR (limites maximales de résidus), méthodes alternatives, méthodes physiques, nettoyage des cellules, température.

Fig. 1 : Infestation par le charançon du riz Sitophilus oryzae en 2011 dans les silos enquêtés. Deux étapes pour l'évaluer.

Fig. 2 : Silothermométrie et insectes.

 Source : M.-P. L & F. F.-L., actes des 4es rencontres du RMT Quasaprove.

Source : M.-P. L & F. F.-L., actes des 4es rencontres du RMT Quasaprove.

Fig. 3 : Température du grain et présence d'insectes.

 Source : M.-P. L & F. F.-L., actes des 4es Rencontres du RMT Quasaprove.

Source : M.-P. L & F. F.-L., actes des 4es Rencontres du RMT Quasaprove.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS :

* M. DECOIN, Phytoma, m.decoin@gfa.fr

** M.-P. LEBLANC, FranceAgriMer marie-pierre.leblanc@franceagrimer.fr

*** F. FLEURAT-LESSARD, Inra, francis.fleurat-lessard@bordeaux.inra.fr

LIENS UTILES :

– Pour le RMT Quasaprove, l'enquête Ecoprotect Grain et les Actes des 4es Rencontres avec la communication : www.quasaprove.org

– Pour l'enquête EAT 2 : www.anses.fr

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