Notre précédent dossier « Bonnes pratiques en ZNA » évoquait les faits réglementaires de 2011 liés aux bonnes pratiques phytos, notamment le décret du 18 octobre créant le certiphyto définitif(1). Depuis lors, que s'est-il passé ?
Essentiellement le calage de ce certiphyto et la mise en oeuvre pratique de certaines de ses catégories.
D'autres sorties réglementaires (décret « auxiliaires »(2), « solution à 7 % » pour les produits phytos UAB(3) et liste « NODU vert ») intéressent aussi les pratiques phytos en ZNA mais moins directement.
Utilisateurs prestataires de service
Agrément d'entreprise et certificats individuels, une certaine continuité
Avant le 18 octobre dernier, les entreprises réalisant des applications de produits phytos en prestation de service, notamment en ZNA, devaient être agréées selon la « Loi d'agrément » de 1992 appliquée depuis 1996(4). Pour cela, une partie de leur personnel devait être certifié « DAPA » comme : « Distribution et Application de Produits Antiparasitaires à usage agricole et produits assimilés ».
Ce certificat pouvait être obtenu sur dossier suite à un diplôme ou par reconnaissance d'une expérience professionnelle, ou encore à l'issue d'une formation. Il était valable 5 ans à l'issue desquels il fallait le faire renouveler, ceci sur dossier.
Le décret du 18 octobre 2011 maintient l'obligation d'agrément pour ces mêmes entreprises, et certaines conditions notamment l'obligation d'assurance responsabilité civile. Il continue à s'appliquer pour toute application de produits phytos y compris UAB. Il est subordonné à une certification individuelle de salariés qui, comme avant, est valable 5 ans. Il y a donc, pour ces entreprises tout au moins, une certaine continuité avec l'ancienne loi d'agrément.
Autre point de continuité : les titulaires du DAPA sont considérés comme titulaires du nouveau certificat individuel, dit « certiphyto » jusqu'à la fin de la durée de validité prévue de leur DAPA.
Ensuite ils devront demander un renouvellement de certiphyto et non faire une première demande.
Le changement, c'est : entreprise certifiée et « certiphyto » pour tous
Mais il y a un point nouveau : l'agrément de l'entreprise est subordonné à une certification d'entreprise.
Il y a aussi une différence concernant la certification individuelle.
En effet, devront être titulaires d'un certiphyto pour « l'utilisation à titre professionnel » des produits phytos en « travaux et services » TOUS les salariés appliquant les produits, plus ceux qui les encadrent directement et ceux responsables des achats. Et pas seulement une partie, à l'effectif fixé par la loi mais l'identité laissée au choix de l'employeur. C'est, pour ces entreprises prestataires de service, une grosse différence.
Des voies modifiées
Autre différence, les voies menant à ce certiphyto. Il y en a quatre :
– Un des diplômes compris dans une liste officielle comme pour l'ancien certificat DAPA mais, c'est nouveau, obtenu depuis moins de cinq ans ;
– Une formation spécifique suivie dans un centre habilité, mais d'une durée plus courte que celles menant à l'ancien DAPA : seulement 2 jours pour le certiphyto « opérateurs » exigé des applicateurs eux-mêmes et 3 jours pour le certiphyto « décideur » exigé des personnes qui achètent les produits et/ou encadrent les opérateurs.
– Une nouvelle possibilité, celle d'un parcours « formation + test + formation complémentaire en cas d'échec au test ».
– Autre nouvelle possibilité, un test seul à l'issue duquel, soit on a le certiphyto, soit on doit suivre une formation.
En revanche, il n'est plus possible de faire reconnaître, sur dossier, les acquis de son expérience professionnelle.
Autre différence par rapport au DAPA, les renouvellements de certiphytos ne se feront plus sur dossier mais après une formation spécifique, d'une durée de deux jours pour les deux catégories.
Habilitation et équivalence
Le ministère a publié par ailleurs, dans un des arrêtés d'octobre (voir tableau 1), les conditions d'habilitation des centres de formation et leur liste. Celle-ci est depuis lors remise à jour quand nécessaire.
Une autre précision a été donnée, mais par une note de service ministérielle, le 7 mai 2012 (voir tableau 1). Un certiphyto « décideur en travaux et services » donne à son titulaire une « dispense de demande » de certiphyto « opérateur en travaux et services ».
Autrement dit, tout titulaire d'un certiphyto « décideur en travaux et services » a le droit d'appliquer les produits lui-même.
(N.B. Le tableau général des équivalences a été publié dans Phytoma n° 655 de juinjuillet dernier, p. 6).
En pratique, contrat à passer avant le 1er octobre 2012
Les opérations d'obtention d'agrément et de certiphyto ont commencé sur le terrain. En effet, les entreprises avaient jusqu'au 1er octobre 2012 pour passer avec un organisme certificateur un contrat préalable à l'audit de certification d'entreprise.
Au moment où vous lisez ce dossier, les entreprises auparavant agréées selon la loi de 1992 sont reconnues certifiées jusqu'à la prochaine échéance, soit le 1er octobre 2013, si elles ont passé contrat avec un organisme certificateur. En l'absence de contrat, les entreprises ont perdu leur agrément et ne peuvent plus utiliser de produits phytos.
Certiphytos le 1er octobre 2013
Echéance suivante ? L'obtention du certificat d'entreprise, elle-même subordonnée à l'obtention du certiphyto par tous les personnels concernés. Elle devra être effective le 1er octobre 2013. Dès cette date :
– si une société emploie plusieurs salariés, seuls ceux titulaires de certiphytos pourront traiter ; pour les autres, ce sera interdit ; cela peut conduire des entreprises du paysage à spécialiser du personnel (certains pour les traitements phytos, d'autres pour la taille, l'élagage, le désherbage mécanique, etc.) ;
– si une entreprise agréée est surprise à faire utiliser des produits phytos par du personnel non certifié, elle perdra cet agrément et s'exposera à des sanctions ;
– toute entreprise n'ayant pas au moins un titulaire du certiphyto « décideur » ne sera pas agréée donc ne pourra plus traiter.
Côté certification d'entreprise
Et pour les modalités de certification d'entreprise, au juste ? Le 2 décembre 2011, étaient publiés six arrêtés datés du 25 novembre (Tableau 1). Le premier précisait ces modalités, un deuxième donnait le référentiel « d'organisation générale » à respecter par toute entreprise demandant une certification, et un des quatre autres le référentiel pour l'activité « application en prestation de services ». Il a fallu, ensuite, publier des guides de lecture de ces référentiels. Ce fut fait dans le BO (Bulletin officiel) du ministère de l'agriculture, le 20 juillet.
La certification d'entreprise est donc en ordre de marche. Des agréments de plein droit peuvent être accordés à des entreprises dont le personnel est déjà muni des certiphytos individuels nécessaires : DAPA convertis, certiphytos obtenus durant la phase expérimentale (2009 à 2011) et officiellement déclarés valables et/ou certiphytos obtenus en 2012 après procédure définitive.
Utilisateurs hors prestation de services
Points communs
Mais les salariés et associés d'entreprises prestataires de service ne sont pas les seuls professionnels à utiliser des produits phytos en ZNA. De nombreux utilisateurs le font hors cadre de prestation. Leur employeur (entreprise privée ou publique, collectivité territoriale, état central, association, on en oublie peut-être), n'a pas besoin d'être agréé. Tous ont trois points communs :
– tous ces utilisateurs professionnels devront être titulaires d'un certiphyto, valable 5 ans,
– ils ont tous le choix, pour l'obtenir, entre la reconnaissance d'un diplôme vieux de moins de 5 ans, une formation (de 2 ou 3 jours selon les cas), un test ou un parcours combinant formation et test,
– la date après laquelle il leur sera interdit de traiter s'ils n'ont pas leur certiphyto, plus tardive que celle des prestataires de services, est fixée au 1er octobre 2014.
Le cas des collectivités
Parmi eux, il y a les employés des collectivités territoriales : communes, communautés d'agglomération, département, région, etc. Le décret d'octobre 2011 annonçait qu'un arrêté spécifique leur serait consacré, mais il a fallu attendre le 23 février 2012 pour le voir publié.
Cet arrêté daté du 7 février donne les noms des deux catégories de certiphyto créées (« applicateurs » et « applicateurs opérationnels »), la liste des diplômes permettant de les obtenir, la durée des formations (2 jours) et leur programme. Mais, au 25 septembre 2012, on attendait encore la liste des centres de formation habilités à préparer ces certiphytos « collectivités territoriales ». Les formations ne peuvent pas démarrer. Un blocage qu'on espère levé rapidement.
Autres applicateurs non agricoles : certiphytos « travaux et services » sans agrément ni certificat d'entreprise
Sachant que les utilisateurs en agriculture ont leurs propres certiphytos (voir tableau 2), il reste les utilisateurs professionnels ni agricoles, ni prestataires, ni salariés de collectivités territoriales.
Ils sont nombreux : personnel chargé de l'entretien d'espaces, végétalisés ou non, situés sur l'emprise d'entreprises privées diverses, jardiniers de domaines et terrains de sport et loisirs privés, voire de ministère (qui ne sont pas des collectivités territoriales !), etc. Leur employeur n'aura pas besoin d'être agréé ni certifié, mais eux-mêmes devront être titulaires d'un certiphyto. Ils devront l'être en tant qu'utilisateurs en « travaux et services ». Ils suivront donc les mêmes formations que les salariés d'entreprises prestataires, même si leur employeur n'a pas à être certifié ni agréé.
Certes les volets « agrément d'entreprise », « plan de formation des salariés dans le cadre de l'agrément » et « information des commanditaires » du programme de formation des « décideurs en travaux et services » ne les concernent pas...
Mais après tout, s'ils décident de déléguer certains traitements à un prestataire, ils sauront comment ça marche !
Distributeurs et conseillers
Pourquoi cela concerne les bonnes pratiques
À côté des six catégories de certiphyto « utilisateurs » (deux en « exploitations agricoles », deux en « collectivités territoriales » et deux en « travaux et service »), il y a trois autres catégories, toutes trois couplées à des certifications et agréments d'entreprise.
L'une est spécifique aux ZNA, une autre les concerne au même titre que l'agriculture et la troisième le pourrait. La première est celle des distributeurs vendant aux utilisateurs non professionnels alias jardiniers amateurs. La seconde est celle de la distribution aux professionnels et la troisième celle du conseil indépendant de la vente.
Pourquoi en parler ici, alors que ces entreprises et leur personnel n'ont pas de pratiques phytosanitaires par eux-mêmes ? Parce qu'ils ont des fonctions de conseil, que ce soit leur activité proprement dite ou que ces conseils accompagnent une vente. Or ces conseils peuvent promouvoir les bonnes pratiques phytos comme par exemple :
– le diagnostic pour savoir s'il faut utiliser ou non des produits phytos,
– le bon choix et bon usage de ces produits,
– le bon choix et la bonne mise en oeuvre des méthodes alternatives.
Vente aux amateurs, conseil crucial
Pour la distribution aux amateurs, en particulier, ce rôle de conseil est crucial.
Pourquoi ? Parce que, alors que les professionnels disposent de conseillers autres que ceux de distribution et d'une presse spécialisée très professionnelle et très lue, le grand public n'a que la jungle d'internet et la presse grand public. Le tout de qualité inégale même s'il existe d'excellents journaux et sites avec des journalistes très compétents... Et certains jardiniers ne les lisent pas : leur seule information vient du vendeur.
L'arrêté « distribution à des utilisateurs non professionnels » du 25 novembre 2011 oblige toutes les « personnes intervenant dans le rayon jardin » à avoir le certiphyto à partir du 1er octobre 2013.
Dès le 1er janvier 2014, il faudra que tout point de vente (boutique ou rayon jardin de magasin plus important) ait au moins un vendeur titulaire du certiphyto « disponible » lors de toute vente, donc en pratique sur la totalité des horaires d'ouverture.
C'est un progrès : avant, les distributeurs devaient bien avoir des salariés titulaires du DAPA, mais un seul si le point de vente ne comptait pas plus de 10 salariés. Il n'y avait donc personne de certifié quand ce salarié titulaire du DAPA était absent.
Vente au « pros » et « conseil », ZNA à la marge
Restent les deux paquets agrément/certificat d'entreprise/certiphytos, l'un pour la vente aux professionnels et l'autre pour le conseil.
Les premiers avaient déjà une obligation d'agrément avec certificat DAPA d'une part du personnel. Le passage d'une réglementation à l'autre ressemble à ce qui se passe pour les applicateurs en prestation de service. Ce point important en zones agricoles peut toucher aussi les ZNA.
Quant au conseil, c'est une nouveauté totale puisque la profession de conseiller n'était pas plus réglementée que celle de psychanalyste ! Toute entreprise de conseil, en agriculture mais aussi en ZNA (« consultants », etc.) a dû, depuis le 1er octobre dernier, signer contrat avec un organisme certificateur et s'assurer. Elle a désormais moins d'un an, jusqu'au 1er octobre 2013, pour faire passer leurs certiphytos à ses conseillers. Sous peine de se voir interdire, dès octobre 2013, de délivrer tout conseil en la matière.
<p>(1) Réglementation, l'Etat met le(s) paquet(s). <i>Phytoma</i> n° 648, novembre 2011, p. 20-23. Voir aussi « Agrément et certificat, textes parus », même n°, p. 4-6.</p> <p>(2) Décret n° 2012-140 du 30 janvier 2012, publié le 31.</p> <p>(3) UAB = utilisable en agriculture biologique. <i>Phytoma</i> n° 652 de mars, p. 32, et 653 d'avril, p. 6 (Loi de finances rectificative du 14 mars, au JORF du 15).</p> <p>(4) Loi n° 92-533 du 17 juin 1992, publiée le 18 juin 1992.</p>
Décret « macro-organismes auxiliaires non indigènes », ce qu'il faut en savoir en ZNA.
Parmi les décisions réglementaires liées à écophyto 2018, figure l'encadrement de l'importation de macroorganismes auxiliaires de lutte biologique par le décret n° 2012-140 du 30 janvier 2012 publié le 31(1) et l'arrêté du 28 juin 2012 publié le 30(2).
Les macro-organismes auxiliaires ne sont pas des produits phytos réglementés comme tels. Mais ils peuvent les remplacer (ex. : nématodes contre le charançon du palmier ou le tigre du platane, chrysopes contre ce même tigre du platane, etc.(3)).
Le décret appliqué depuis le 1er juillet 2012 et son arrêté organisent l'importation (en fait « l'entrée sur le territoire » pour expérimentation et « l'introduction dans l'environnement » pour utilisation) de ces organismes « non indigènes ».
Le décret définit ces derniers termes comme désignant des espèces non présentes : les autochtones comme les naturalisées restent en vente libre. Les autres devront bénéficier d'une AET (autorisation d'entrée sur le territoire) ou d'une AIE (autorisation d'introduction dans l'environnement).
Cela touche directement les gestionnaires de ZNA achetant des auxiliaires à l'étranger. Pour le reste, l'effet est indirect. Le but est d'éviter les risques d'arrivée d'espèces envahissantes type coccinelle asiatique Harmonia axyridis(4). Cela va dans le sens des bonnes pratiques de choix des auxiliaires, qui sont des bonnes pratiques phytos !
À noter : les macro-organismes auxiliaires n'étant pas des produits phytos au sens légal du terme, on peut les appliquer sans être titulaire d'un certiphyto.
(1) Voir « Outils alternatifs, le décret et les taxes » dans Phytoma n° 652, mars 2012, p. 32-33.
(2) Voir « Dossier d'importation » dans Phytoma n° 656, août-septembre 2012, p. 7.
(3) Voir T. Verfaille & al., 2012 - « Programme PETAAL de biocontrôle du tigre du platane » dans Phytoma n° 655, juin-juillet 2012, p. 28-30 et « Stratégie combinée de bio-contrôle du tigre du platane » dans Phytoma n° 648, novembre 2011, p. 32-36.
(4) N.B. En France, ces envahisseuses n'appartiennent pas à la souche « mauvaise voilière » de l'INRA, mais sont arrivées de pays voisins, spontanément ou suite à des importations qu'il était à l'époque légal de ne pas contrôler.
Les phytos verts font bande à part
Parmi les décisions réglementaires liées à Ecophyto dont l'objectif est de réduire l'usage des pesticides phytos, deux encouragent l'usage de produits phytos ! Oui, mais il s'agit des produits UAB, et de ceux dits « de NODU vert Biocontrôle ».
Produits UAB, la solution à 7 %
Les produits phytos UAB (pouvant être pesticides mais en principe pas chimiques) sont autorisés en agriculture biologique mais ne lui sont pas réservés. Ils sont utilisables en agriculture conventionnelle et en ZNA.
La loi de Finances rectificative du 14 mars 2012 a fixé à 7 % le taux de TVA pour ces produits UAB, le taux pour les autres produits phytos étant de 19,6 %.
C'est donner aux produits UAB un avantage concurrentiel. Celui-ci est limité pour les professionnels qui, en ZNA et en agriculture, récupèrent la TVA. Il est important pour les particuliers donc le marché « amateurs ». De 19,6 à 7 % cela fait 12,6 % de baisse de prix ! Cela oriente la pratique de choix du produit.
Bien sûr on peut arguer que la mention UAB n'est pas un brevet d'innocuité, et que les produits destinés aux amateurs (titulaires de la mention EAJ, elle-même compatible avec la mention UAB) sont déjà sécurisés par rapport à ceux des professionnels. Mais au moins c'est cohérent avec la volonté affichée d'encourager le naturel au dépend du chimique.
NODU vert Biocontrôle, la liste des 86
Et puis, récemment, le ministère a publié la liste des produits « NODU vert biocontrôle » (détails p. 4).
Il s'agit de les « sortir » des statistiques de produits à faire baisser pour atteindre les objectifs d'Ecophyto, et les comptabiliser à part. Les 86 spécialités recensées sont toutes des produits UAB et, de plus, elles ont toutes un bon profil toxicologique et écotoxicologique.
Non seulement c'est cohérent, mais cela va vraiment dans le sens des bonnes pratiques de choix des produits.16 des 86 ont la mention EAJ donc sont autorisées en jardins d'amateurs, et, parmi les 70 réservés aux professionnels, 12 sont utilisables en ZNA et/ou forêts.
À noter, au fait : même UAB et/ou listé « NODU vert », un produit phyto est soumis à la réglementation phyto : il faudra un certiphyto pour l'appliquer. Sinon, interdit. Seuls les macro-organismes auxiliaires seront applicables sans certiphyto.
Et aussi : appliquer, pour un usage phyto (ex. contre une maladie ou un ravageur), un produit pas autorisé comme produit phyto... c'est interdit également !