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Sur le métier

Emmanuelle Gourdain espionne la fusariose et ses toxines

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°659 - décembre 2012 - page 44

Deoxynivalenol, Fusarium graminearum et autre Microdochium spp. font partie du quotidien d'Emmanuelle Gourdain, spécialiste des mycotoxines et fusarioses des épis chez Arvalis-Institut du végétal. Une mission qui l'amène à superviser des essais terrain, animer des projets de recherche et communiquer sur les résultats en France et en Europe. Tout cela avec un but ultime : proposer des outils aux agriculteurs pour maîtriser le risque mycotoxines.

Quand on demande à Emmanuelle Gourdain sa fonction exacte, elle hésite à répondre tant sa mission est large et évolutive. Chef de projet « Qualité sanitaire des grains » est peut-être ce qui peut le mieux la résumer. « La qualité sanitaire est mon cœur de métier, nous explique-t-elle. Mais je suis partie des contaminants pour dériver vers les champignons et les maladies. »

Mycotoxines à l'origine

Notre jeune chercheuse met un premier pied dans le service « Qualités et Valorisations » d'Arvalis-Institut du végétal en 2004 dans le cadre de sa formation d'ingénieur agronome. Elle y passe un peu plus de douze mois. C'est le moment où Bruxelles prépare un règlement pour limiter les contaminants dans les céréales. De 2004 à 2006, l'équipe « Qualité sanitaire » d'Arvalis s'étoffe pour acquérir des connaissances sur les mycotoxines. Diplôme en poche, notre chercheuse en herbe (plutôt en mycotoxines) reste au sein de l'institut afin de participer au challenge. Dès 2005, elle participe à la refonte de l'outil d'aide à la décision (OAD) Myco-LIS® blé tendre. En 2008, sort la version blé dur. S'intéresser aux mycotoxines, c'est bien. Mais étudier les champignons qui en sont responsables, c'est peut-être encore mieux pour construire et/ou améliorer la boîte à outils destinée aux agriculteurs.

Tour d'Europe pour étudier les champignons responsables

Car c'est bien la question « comment aider les agriculteurs à gérer le risque » qui se trouve en filigrane de tous les travaux de recherche d'Emmanuelle Gourdain.

Depuis 2008, elle se concentre donc sur Fusarium graminearum mais aussi d'autres champignons comme le « cousin » Microdochium spp.

Pour parfaire ses connaissances en pathologie et en épidémiologie, en 2009 et 2010, elle passe six mois dans cinq équipes de recherche en Italie, Grande-Bretagne, Norvège et Belgique. À l'université de Piacenza en Italie, elle construit un modèle pour évaluer le risque d'apparition de la phase sexuée de F. graminearum. But : développer un OAD pour positionner le traitement anti-fusariose au moment optimal.

Essais terrain

Retour en France avec de nouvelles compétences pour étudier F. graminearum et ses voisins. Mais comment ? En blouse blanche, au laboratoire, avec boîtes de Petri ou loupe binoculaire ? Pas du tout. Sa mission est tout autre. C'est d'abord de la recherche appliquée sur le terrain pour tenter de répondre aux nombreuses questions qu'elle se pose. « J'élabore des protocoles d'essais qui seront réalisés au champ ou en enceinte contrôlée. » Au menu de la campagne en cours : un essai sur la dégradabilité des résidus au champ et sur la capacité de développement des champignons sur des résidus infectés. D'autres essais sont prévus avec la FNAMS(1) dans sept lieux différents sur trois espèces (triticale, blé tendre et blé dur) avec une variété sensible et une tolérante. « L'objectif est d'intégrer au modèle développé en Italie, basé pour l'instant sur le risque climatique, un aspect risque parcellaire. Je cherche aussi à déterminer à partir de quelle valeur de risque donnée par le modèle il faut déclencher le traitement. » E. Gourdain est également impliquée dans deux autres projets de recherche avec l'INRA en phase d'exploitation des données.

Animation de projets

« Je confie de plus en plus cette phase à mes stagiaires car l'animation de projets me prend de plus en plus de temps. »

Animer des projets, voilà le deuxième aspect de son métier. « Cela signifie coordonner en interne des personnes sur un thème de recherche. Pour l'extérieur, je suis la correspondante d'Arvalis sur le sujet. » Actuellement, Emmanuelle est en charge de deux projets axés sur la fusariose des épis, d'un troisième sur le cadmium dans le blé dur et d'un projet sur les multicontaminants. S'y ajoutent quelques autres petits projets. Pas le temps de s'ennuyer !

Articles et colloques en français et anglais

Malgré tout, sa mission ne s'arrête pas là. Il lui faut aussi communiquer sur les résultats de ces travaux, sous forme d'articles et interventions, en français mais aussi en anglais. « Les communications écrites se font au travers d' Yvoir, la lettre d'information d'Arvalis aux organismes stockeurs, d' Arvalis Infos diffusée aux agriculteurs, de Perspectives Agricoles et de Phytoma. Cette dernière, votre revue, me permet d'écrire des articles scientifiques sans la contrainte de l'anglais. »

Emmanuelle Gourdain participe également chaque année à un colloque international sur les mycotoxines et la fusariose des épis pour présenter les travaux d'Arvalis sur le sujet. « Jusqu'à présent, je proposais des thèmes d'intervention. Depuis peu, on me sollicite pour intervenir. » Pas de doute, elle commence à être reconnue comme spécialiste française de la question mycotoxines.

Quand on lui parle d'avenir, Emmanuelle Gourdain a déjà quelques idées en tête.

« J'aimerais utiliser les compétences acquises en épidémiologie pour d'autres maladies. Ce qui me plaît le plus, c'est la conception d'outils d'aide à la décision. J'espère faire aboutir celui commencé en Italie. Quand j'en arrive là, je me dis que je remplis ma mission, à savoir aider l'agriculteur. Je me sens alors vraiment utile », conclut notre chercheuse, loin d'avoir fini de (se) poser des questions.

<p>(1) Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.</p>

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BIO EXPRESS

PRÉNOM NOM

2004-2005 : étudiante à l'Ina-PG, en apprentissage au sein du service « Qualités et Valorisations » d'Arvalis-Institut du végétal.

2005 : Diplôme d'ingénieur agronome.

2004-2008 : Travaille sur les mycotoxines au sein de l'équipe « Qualité sanitaire » d'Arvalis et sur l'évolution du modèle Myco-LIS® avec la sortie en 2008 du modèle blé dur.

Depuis 2008 : Axe ses recherches sur les champignons producteurs de deoxynivalenol (DON) sur blé.

2009-2010 : Passe six mois dans des équipes de recherche à l'étranger pour acquérir des connaissances en pathologie et épidémiologie.

L'essentiel de l'offre

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