La 7e ABIM(1), rencontre annuelle de l'industrie du biocontrôle organisée par IBMA(2), a eu lieu du 22 au 24 octobre 2012 à Lucerne, Suisse. Plus de 500 personnes venues de 50 pays représentant environ 240 sociétés y ont participé dans une ambiance conviviale. Le succès se confirme. Analyse du marché ou plutôt des marchés, aspects réglementaires et revue des nouveautés : voici ce que nous en avons retenu.
Session marché du biocontrôle
La progression continue
Bien que ne représentant encore qu'environ 3 % du marché mondial de la protection des plantes, le marché du biocontrôle continue « sa progression à marche forcée ». Les professionnels estiment qu'il devrait doubler d'ici 2017 (Source : FAO, USDA, EPA).
Plusieurs raisons à cette croissance :
– les politiques publiques, à l'exemple du Canada ou de l'Europe, pénalisent les produits issus de la synthèse chimique et favorisent les solutions alternatives, dont l'usage des produits de biocontrôle,
– en Europe, la mise en place obligatoire de la protection intégrée des cultures doit dynamiser l'utilisation des solutions alternatives,
– les surfaces cultivées en agriculture biologique augmentent,
– la recherche tant publique que privée est de plus en plus innovante, d'où un nombre de produits autorisés en forte croissance,
– les multinationales de l'agrochimie ont investi dans le domaine en 2012.
Le virage des « multinationales intégrées »
Pour ce dernier point, juste quelques rappels : Basf a acquis Becker Underwood pour 1,2 milliard de dollars ; Bayer a racheté Agraquest pour 425 millions de dollars et tout récemment Prophyta ; Syngenta , après avoir racheté Pasteuria Bioscience, annonce son offre publique d'achat de la société belge Devgen ainsi que son rapprochement avec le Danois Novozymes.
Stratégiquement, ces rachats et les accords passés avec les sociétés de biocontrôle permettront à ces compagnies de proposer des solutions compatibles avec la protection intégrée.
Marché de l'agriculture biologique
Avec 37 millions d'hectares cultivés au niveau mondial (chiffre 2010 - Source: FiBL, IFOAM and SOE L 2000-2012), les producteurs « bios » ont du mal à satisfaire une demande croissante évaluée à 60 milliards de dollars (chiffre 2010 - Source : Organic Monitor, various years).
La répartition par continent est :
– Europe : 10 millions d'hectares.
– Amérique : 11 millions d'hectares.
– Océanie : 12 millions d'hectares.
– Asie : 2,8 millions d'hectares.
– Afrique : 1,1 million d'hectares.
Session réglementation et lobbying
Réglementation, à quand l'harmonisation ?
Le grand souhait de tous les participants est d'avancer sur l'harmonisation des réglementations. Plusieurs présentations ont en effet mis en avant les difficultés d'harmonisation réglementaires entre pays. Il y a des réglementations différentes à l'échelle mondiale mais, aussi, les interprétations différentes d'une même réglementation à l'intérieur de zones différentes. Notamment entre les différents pays de l'Union européenne.
L'OCDE et ses recommandations
Béatrice Grenier, de l'OCDE, a présenté les résultats des travaux du IPM Workshop de cet organisme. Ce groupe de travail international d'experts s'est réuni du 16 au19 octobre 2011 à Berlin. Quelques membres du comité exécutif d'IBMA l'ont intégré pour établir le programme à venir.
L'OCDE souhaite en effet soutenir le biocontrôle dans des stratégies de protection qui soient « durables ». Pour le programme 2013-2016, l'OCDE recommande au groupe de travail d'inclure les thèmes suivants :
promouvoir des méthodes alternatives,
stimuler la recherche pour avoir des nouveaux produits compatibles avec la protection intégrée et répondre aux besoins des agriculteurs en favorisant la mise sur le marché de ces produits,
faciliter la progression de la protection intégrée et en favoriser le transfert des connaissances et la formation,
développer les outils de mesures et des indicateurs.
L'OCDE fera ses recommandations aux différents gouvernements et aux officiels, (Voir « Pour en savoir plus » p. 13).
Session innovations : confirmations et nouveautés
Nouvel extrait d'ail anti-nématode pour NEMguard®
La compagnie anglaise ECOspray Ltd a caractérisé et développé un extrait d'ail de catégorie alimentaire purifié appelé NEMguard.
Cette nouvelle substance naturelle a été adoubée par l'Union européenne puisqu'inscrite à l'Annexe 1 de la directive 91/414 en octobre 2008. Elle est donc, depuis la mise en application en juin 2011 du règlement européen 1107/2009, « approuvée au niveau européen » dans le cadre de ce règlement. La formulation est un concentré liquide qui contient 45 % de principe actif. Elle est autorisée au Royaume-Uni, en Irlande et en Turquie comme nématicide pour les terrains de sport et les gazons.
Pour l'avenir, des AMM sont demandées dans plusieurs pays européens et non européens. Fait significatif : la division européenne de CBC a acquis les droits de distribution exclusifs auprès d'ECOspray pour le produit dans les pays de la zone du sud de l'UE et en Afrique du Nord. On peut s'attendre à des demandes d'AMM dans ces pays.
Nouveau champignon antifongique pour Prestop®
Présenté par la société Lallemand, Prestop est un biofongicide à base d'un microorganisme, la souche J 1446 du champignon Gliocladium catenulatum.
Ce dernier est approuvé par l'EPA (Environmental Protection Agency) aux États-Unis et inscrit à l'Annexe 1 (pardon, « approuvé selon le règlement 1107/2009 ») en Europe. Le produit vient d'obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France (cf. Phytoma de janvier 2013 ; voir « Pour en savoir plus » p. 13).
Elle concerne toute une liste de cultures et permet notamment de lutter contre plusieurs maladies telluriques – Pythium, Phytophthora, Rhizoctonia, Fusarium – ainsi que des pathogènes foliaires comme Didymella sur concombre, Botrytis cinerea sur tomate sur plaie en préventif, poivron.
La formulation, adaptée aux systèmes standards de pulvérisation, est compatible avec beaucoup de produits phytosanitaires de synthèse.
Nouveau champignon anti-bactérien pour Blossom Protect®
Blossom Protect est présenté par Bio-ferm (Autriche) et Westbridge Agricultural Products (USA). Le principe actif du produit est le mélange des souches DSM 14940 et DSM 14941 d'Aureobasidium pullulans, champignon type « levure ». Il est « approuvé » aux États- Unis (par l'EPA) pour prévenir le feu bactérien Erwinia amylovora.
Son efficacité est donnée du niveau de la streptomycine. Il est recommandé en alternance pour prévenir les résistances aux antibiotiques.
En France, il a reçu une AMM en 2012 et est commercialisé par De Sangosse (cf. Phytoma de janvier 2013 ; voir « Pour en savoir plus »).
Confirmation pour le champignon antifongique Polyversum®
Présenté par la société Biopreparáty, spol. sr.o., le principe actif de Polyversum avait déjà été présenté à ABIM 2011 (et dans Phytoma en mars 2012, voir « Pour en savoir plus »), mais sans les résultats au champ. Il s'agit de Pythium oligandrum souche M1.
La substance est inscrite à l'Annexe 1... oups ! « approuvée au niveau européen ». Le produit vient d'obtenir une AMM contre les fusarioses des céréales (sur blé et orge de printemps) en République tchèque.
Testé au champ sur blé de 2006 à 2011 avec 3 applications aux stades BBCH 1416, BBCH 3040 et BBCH 5565, l'efficacité présentée se situe au niveau du tébuconazole utilisé à 250 g/ha appliqué au stade BBCH 6165. Sur orge de printemps, appliqué aux stades BBCH 2123 et BBCH 5565, il donne une protection sensiblement identique au tébuconazole appliqué à 250 g/ha au stade BBCH 6165.
Nouvelle souche d'un champignon anti-insectes connu pour IMI 389521
Une nouvelle souche de Beauveria bassiana, codée IMI 389521, est développée par un consortium composé de Exosect, Sylvan- Bio, FER A et CABI pour lutter contre les insectes des grains stockés.
La formulation Entostat ® est celle déjà utilisée pour la confusion sexuelle (dans Exosex présenté à ABIM 2011 et par Phytoma en mars 2012, et commercialisé en France par Makhteshim Agan France). La technologie permet d'obtenir une poudre attractive augmentant l'efficacité du principe actif.
Ainsi sur le sylvain Oryzaephilus surinamensis la mortalité à 7 jours passe de 25 % à 90 %. On note aussi une bonne protection à 14 et à 28 jours contre le charançon des grains Sitophilus granarius ou le petit sylvain plat Cryptolestes ferrugineus.
Firmes innovantes, présentation
Retour sur Oxitec qui travaille sur les moustiques vecteurs de la dengue...
Déjà signalée l'an dernier, la société Oxitec développe la technologie RI DL de « stérilisation » des insectes. Elle permet de contrôler les insectes nuisibles pour la santé humaine comme pour la protection des plantes.
À titre d'exemple, la dengue propagée par le moustique Aedes aegypti est un problème mondial croissant. Les méthodes classiques de contrôle de la population de moustiques comme la pulvérisation d'insecticides n'ont pas pu arrêter sa propagation.
Comment marche la technologie RIDL ? Les mâles relâchés dans la nature s'accouplent avec les femelles sauvages ; leur progéniture hérite du gène létal, la descendance meurt avant d'atteindre l'âge adulte et la population d'insectes cible locale diminue. Dans certaines souches, une variante a été introduite pour que seules les femelles meurent ; les mâles (qui ne piquent pas donc ne transmettent pas la dengue) héritent du gène létal mais survivent... pour féconder les femelles restantes donc bloquer la génération des femelles suivantes.
... Et sur des ravageurs agricoles
En l'agriculture, Oxitec s'intéresse à des ravageurs tels que la mouche de l'olive, le ver rose du cotonnier ou la mouche des fruits. Aujourd'hui, 4 souches sont prêtes pour l'expérimentation plein champ.
Deux pourraient intéresser le marché français : la souche OX3864A contre la mouche méditerranéenne des fruits et la souche OX3097D contre la mouche de l'olive.
Marrone® Bio Innovations, pipe-line en continu
MBI, société américaine connue de nos lecteurs, affiche depuis quelques années un dynamisme impressionnant. Elle recherche, développe, produit et commercialise des produits de biocontrôle. Fondée en 2006 par Pam Marrone en Californie, elle compte aujourd'hui 101 salariés et vend plusieurs produits dont le bio-fongicide Regalia®, le bio-insecticide Grandevo® et le molluscicide Zequanox®.
Pour 2013, l'EPA a approuvé Opportun® présenté à ABIM 2010 sous le nom de code MBI – 0050 (cf. Phytoma de mars 2011, v. « Pour en savoir plus » ci-dessous). Ce bioherbicide sera bientôt mis sur le marché américain.
La société attend l'avis de l'EPA pour un nouveau bioinsecticide, Venerate®.
Et elle annonce dans son pipeline deux nématicides, un biofumigant, un améliorateur d'assimilation de nutriments ainsi que des bioherbicides et biofongicides, au stade de développement. Quelle santé !
Révision sur Novozymes et sa souche de Metarhizium
Cette société fait le point sur le développement du Met 52, autorisé en France en traitement du sol depuis 2011 (cf. Phytoma de mars 2012).
Il protège des dégâts d'otiorrhynque les cultures florales, les arbres et arbustes d'ornement, le fraisier, framboisier, myrtillier, cassissier et groseillier.
Il a été présenté comme également actif sur les larves de thrips, d'acariens, d'aleurodes et de charançons. Des développements sont à suivre.
Au niveau mondial, le Metarhizium anisopliae souche F52 connaît du reste un développement commercial spectaculaire : il est maintenant autorisé aux USA, au Canada, et en Europe où il est approuvé et a des AMM en Autriche, Belgique, Danemark, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse, Royaume-Uni et, comme déjà dit, en France.
Chronique d'une migration annoncée
Lors du premier congrès d'ABIM en 2006, le Palais des congrès de Lucerne, le célèbre KKL, avait accueilli 250 personnes. Avec plus de 500 participants en 2011 comme en 2012, le KKL devient trop petit. Aussi le prochain congrès se déroulera du 21 au 23 octobre 2013 au Palais des congrès de Bâle qui a une plus grande capacité. Les réunions professionnelles et les différents groupes de travail pourront aisément se rencontrer et travailler avec davantage d'aisance.
La place réservée aux stands sera plus importante. Ceci devrait donner la possibilité à de nouvelles sociétés de venir se faire connaître et reconnaître.
IBMA, qui sommes-nous ?
IBMA (International Biocontrol Manufacturers Association), association internationale, regroupe aujourd'hui plus de 200 membres de 23 nationalités, dont 80 % en Europe. La France compte 34 adhérents.
Objectifs : représenter ses membres auprès des instances nationales et internationales, organiser et participer aux événements afin d'assurer la promotion des produits de biocontrôle. IBMA s'appuie sur des organisations nationales comme IBMA France. Ses membres ont tous signé une charte les engageant à suivre un certain nombre de principes d'éthique, en particulier le respect de la législation des pays où ils commercialisent leurs produits.
Le principe du biocontrôle est de s'intégrer dans des stratégies de protection des plantes et des récoltes, en privilégiant les mécanismes naturels de régulation et de défense.
Les produits du biocontrôle se répartissent en 4 grandes familles :
macro-organismes (insectes, acariens, nématodes, etc.)
micro-organismes (champignons, bactéries, virus, etc.)
phéromones et autres attractifs naturels,
substances naturelles (= qui sont naturellement présentes dans le milieu et peuvent être d'origine végétale, animale ou minérale).
IBMA, une année de changement au sein de son comité exécutif
Dr Willem Ravensberg, de la société Koppert BV, succède à Owen Jones qui fut 5 ans président. W. Ravensberg, après avoir remercié son prédécesseur et les autres membres du comité exécutif pour le travail accompli, a défini ses premiers objectifs :
« – Maintenir l'implication d'IBMA dans les discussions avec les autorités, les groupes de travail comme l'OCDE, pour qu'ils reconnaissent l'association comme un partenaire pouvant apporter des solutions et des idées dans la constitution des différentes problématiques liées à l'homologation des produits de biocontrôle,
– Construire une fédération qui soit une vraie organisation représentative en incluant des organisations d'autres continents,
– Poursuivre la promotion du biocontrôle à travers le monde,
– Maintenir le lien entre les adhérents d'IBMA des différents pays,
– IBMA doit être une association qui entretient davantage de relations avec les agriculteurs et leurs organisations afin d'échanger et de répondre à leurs besoins dans le domaine du biocontrôle pour maintenir une agriculture soutenable (durable). »
C'est donc vers une volonté d'ouverture et une plus forte communication qu'IBMA va s'orienter.
Ralph-Udo-Ehlers (E-nema) devient trésorier en remplaçant Estafiana Hinajeros.