Ci-dessus, agent de lutte biologique : cette mésange est capable de prédater les chenilles processionnaires dans leurs propres nids.
Ci-contre, outil de lutte biologique : ce nichoir permet aux mésanges de se fixer sur le territoire. L'effet attendu est de favoriser la prédation des chenilles processionnaires du pin par ces oiseaux. Cette régulation biologique se poursuivra durablement si on nettoie les nichoirs annuellement pour encourager le retour des mésanges. Photos : J.C. Martin
Une enquête en ligne a été réalisée par l'INRA et Plante & Cité en 2012 auprès de 36 000 communes de France métropolitaine. Elle avait pour objet de mettre en évidence les différentes politiques de lutte instaurées contre la processionnaire du pin et suivre l'évolution des méthodes privilégiées depuis la dernière enquête en ligne réalisée en 2009.
Photographie 2012
Bonne représentation de l'aire de répartition
Lors de l'enquête 2012, 653 communes ont répondu à la totalité du questionnaire. 437 d'entre elles, soit 67 % des 653, confirment la présence de la processionnaire du pin sur leur territoire (en vert sur la carte figure 1). L'aire grisée de la figure 1 symbolise l'aire de répartition du ravageur sur le territoire national d'après les données de l'INRA d'Orléans.
Nous constatons que les zones en vert sur la carte se trouvent bien au sein de l'aire de répartition, et que seules deux zones se situent hors de l'aire, plus exactement en Ile-de-France et en Alsace (Obernai). Ces deux zones sont connues depuis 2009 pour être des sites isolés où la processionnaire du pin est présente. L'introduction de ce nuisible dans ces zones semble être due à l'importation de pins associés à de la terre contenant des chrysalides.
En 2012, seules 62 % luttent
Notons que 62 % des communes infestées par la processionnaire du pin entreprennent des actions de lutte (Figure 2).
Les 38 % qui ne le font pas considèrent ne pas avoir assez de connaissances sur les techniques de lutte, et déplorent le peu de moyens humains et financiers leur permettant de s'investir dans cette lutte.
Il est donc important de développer des formations et d'aider ces communes en les conseillant dans le choix des techniques de lutte les mieux adaptées à leurs besoins.
Évolution des pratiques de lutte de 2009 à 2012
Sept techniques évaluées
La figure 3 permet de visualiser l'évolution des pourcentages d'utilisation des sept techniques de lutte existantes entre 2009 (en jaune) et 2012 (en jaune orangé).
Lutte mécanique en baisse, mais encore la plus courante
La lutte dite mécanique (enlèvement et destruction des pontes et des nids d'hiver) reste la technique la plus privilégiée par les communes pour contrôler les populations de processionnaire du pin.
Elle est en effet considérée comme peu coûteuse, écologique et très efficace. Toutefois, son utilisation a diminué, passant de 45,7 à 36,4 % depuis 2009.
Forte baisse de la lutte insecticide chimique
De même, on constate que l'usage des traitements insecticides chimiques a fortement baissé en trois ans. Il passe ainsi de 11,4 % à 3,5 % (Figure 3). Ils sont utilisés principalement en cas de grosses attaques sur de petites surfaces.
Ces traitements, bien que considérés comme efficaces, posent des problèmes écologiques du fait que les substances utilisées ne sont pas sélectives et persistent sur les feuillages pendant une durée assez longue.
Cette baisse d'utilisation par les communes est sûrement due à la politique menée depuis 2008 visant à réduire l'usage des produits phytosanitaires au profit de techniques plus écologiques.
Stabilité de la lutte microbiologique
Trois techniques de lutte ont très peu évolué depuis 2009. Il s'agit de la lutte microbiologique, du piégeage des papillons et de la gestion paysagère et sylvicole.
L'utilisation de la lutte microbiologique est passée de 15,5 % à 15,3 % depuis 2009. Cette technique s'est donc maintenue bien que la bactérie Bacillus thuringiensis kurstaki (Btk), « matière bio-active » à laquelle elle fait appel, soit considérée depuis 2008 comme un produit phytosanitaire.
Son emploi se limite principalement à des surfaces de moins de 5 ha durant les mois de septembre à novembre, période propice à la lutte contre les chenilles.
Cette technique est considérée par les communes à la fois comme efficace et écologique, du fait de sa sélectivité à cette période de l'année. En effet, la substance n'agit que sur les chenilles (larves de lépidoptères).
Lègère hausse du piégeage des papillons
De même, la mise en place de pièges à phéromones sur le territoire communal est passée de 14,5 % à 15,9 %. Ce sont principalement les agents de mairie qui se chargent d'installer, tous les ans, entre moins d'une dizaine et 50 pièges à phéromone sur les sites infestés de leur municipalité.
Ce moyen de lutte est considéré comme écologique par les communes utilisatrices, car il consiste à attirer les papillons mâles grâce à des phéromones de synthèse spécifiques, réduisant ainsi les accouplements et le nombre de pontes.
Cette technique fait partie des méthodes novatrices de lutte alternative qui se développent seulement depuis quelques années, au même titre que la lutte biologique et le piégeage des chenilles.
Quasi stabilité de la gestion paysagère
Enfin, l'utilisation de la gestion paysagère et sylvicole par les communes est passée de 6,7 % à 6,1 %. Cette méthode, bien que peu utilisée, est très efficace car elle consiste tout simplement à éliminer les arbres infestés et, si on les remplace, d'implanter des espèces non sensibles.
Lutte biologique, l'envol des mésanges
Les techniques de lutte qui se sont fortement développées depuis 2009 sont la lutte biologique et le piégeage des chenilles.
Bien qu'utilisée encore par une minorité de communes, la lutte biologique s'est amplifiée en trois ans, passant de 2,6 % à 7 % d'utilisation.
Cette technique, considérée comme la plus écologique, favorise, par l'installation de nichoirs sur les sites infestés, l'implantation de la mésange, prédateur naturel de la processionnaire du pin (photos ci-dessus)
Piégage des chenilles, développement foudroyant
De même, l'utilisation du piégeage des chenilles s'est fortement accrue depuis 2009. Elle est passée de 3,6 % à 15,9 %, rejoignant ainsi les mêmes proportions d'utilisation que le piégeage des papillons et le traitement microbiologique.
Le faible pourcentage d'utilisation en 2009 s'explique par le fait que cette technique, encore en cours de développement et de mise au point (Brevet 2009), n'était pas encore bien connue des communes.
Le piégeage des chenilles, considéré comme efficace et écologique, consiste à disposer autour du tronc de l'arbre infesté une « gouttière » qui intercepte les chenilles partant en procession de nymphose, et qui les dirige vers un sachet rempli de terre où elles se nymphoseront.
Globalement, progression des techniques alternatives
En résumé, nous constatons globalement une forte progression depuis 2009 (+8 %) de l'utilisation des techniques de luttes alternatives (→ lutte mécanique, lutte biologique, piégeage des papillons et des chenilles, et gestion paysagère) par rapport à l'emploi de produits phytosanitaires (→ luttes chimique et microbiologique).
Techniques de lutte, place importante des méthodes combinées
Il est important de noter que chacune de ces techniques de lutte vise des stades précis dans le cycle de vie de la processionnaire du pin. De ce fait, plusieurs techniques peuvent (et, souvent, doivent) être combinées par une même commune au cours d'une même année.
En effet, bien que 40 % des communes de notre panel n'aient employé qu'une seule technique de lutte (Figure 4), qu'elle soit de type alternatif (33 %) ou phytosanitaire (7 %), la grande majorité (60 %) a choisi de combiner de deux à six types de traitements différents (Figure 5).
Cette combinaison peut associer, dans certains cas, à la fois des traitements phytosanitaires et des traitements de lutte alternative. Toutefois, 79 % des communes employant la lutte combinée se limitent à seulement deux ou trois types de traitements.
La progression des luttes alternatives se confirme dans les choix futurs
Luttes mécanique et chimique, la baisse devrait continuer
La figure 6 compare les proportions d'utilisation des techniques de lutte employées par les communes actuellement, et celles envisagées pour le futur.
La lutte mécanique ne sera plus, a priori, la technique privilégiée par les gestionnaires d'espaces verts. En effet, le pourcentage d'utilisation risque encore de baisser dans le futur, passant de 36,4 % à 21,5 %.
De même, la lutte chimique ne sera utilisée que par quelques communes, probablement pour des interventions de rattrapage en cas de pullulation des populations de processionnaires du pin.
Lutte microbiologique, stabilité prévue
La lutte microbiologique semble toujours stable au niveau de la satisfaction, puisque les communes l'utiliseront toujours dans les mêmes proportions.
Luttes alternatives, l'intérêt augmente encore
Enfin, nous constatons une augmentation de l'intérêt des communes pour la lutte biologique (+8,8 %), le piégeage des papillons (+3 %), le piégeage des chenilles (+2,1 %), et la gestion paysagère et sylvicole (+4,3 %). Ces techniques de lutte alternatives sont en train de conquérir durablement les communes, d'années en années, à la place de la lutte chimique qui était encore la technique privilégiée jusqu'à la fin des années 90.
Des besoins pour demain
Malgré les efforts effectués par les communes dans la lutte contre la processionnaire du pin, plusieurs besoins ont été émis par les personnes ayant répondu à l'enquête, notamment afin d'améliorer l'efficacité de cette lutte.
Ces besoins sont multiples et variés. En effet, les communes demandent en priorité :
– des moyens financiers ou une prise en charge partielle voire totale des dépenses (30,4 %),
– le développement d'aides et de conseils ainsi que des formations sur l'utilisation des différentes techniques de lutte (27,7 %),
– une amélioration des méthodes de lutte en termes d'efficacité et de facilité d'utilisation (26,3 %),
– et enfin une organisation de la lutte hors du territoire communal (15,6 %) afin d'optimiser son efficacité sur un plus vaste territoire.
En conclusion
Un point de situation
Cette enquête nous donne une image de la situation actuelle de la présence de la processionnaire du pin au sein des communes et de l'évolution depuis 2009 des pratiques de lutte employées.
Ainsi, nous avons mis en évidence une nette hausse de l'utilisation par les communes des techniques de lutte alternatives à l'emploi des produits phytosanitaires, notamment de type chimique.
La lutte biologique et le piégeage des chenilles étaient deux pratiques peu utilisées avant 2009 car innovantes et en cours d'expérimentation. Elles s'imposent désormais comme des pratiques incontournables, facilement compatibles et combinables avec d'autres moyens de lutte.
La politique mise en place par le plan Ecophyto depuis 2008 ainsi que les recherches constantes d'innovations par l'INRA dans la lutte contre la processionnaire du pin ont accompagné cette évolution.
Ce qu'en pensent les communes
Les communes s'orientent maintenant plus facilement vers des pratiques plus écologiques, même si celles-ci restent généralement estimées comme moins efficaces que les traitements chimiques et microbiologiques. Les mentalités évoluent vers une tolérance des populations de processionnaires sur le territoire avec un contrôle réfléchi et ajusté des risques sanitaires.
Toutefois, malgré cette évolution, les besoins des communes sont encore importants, particulièrement concernant le financement des pratiques de lutte.
Les communes signalent aussi un net besoin d'information sur les techniques existantes et de formation pour leur mise en place. Enfin, dans le but d'optimiser l'efficacité du contrôle des populations de processionnaires du pin sur le territoire national, il faudrait développer une homogénéisation de la lutte concertée entre communes voisines infestées.
Remerciements :
Les auteurs remercient les communes qui ont participé à cette enquête et, par leurs réponses, ont permis de faire cet état des lieux de la lutte contre la processionnaire du pin sur le territoire national.
Cette étude est soutenue par l'Onema dans le cadre du plan Ecophyto 2018 avec le pilotage du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'énergie.
Fig. 1 : Répartition de la processionnaire
Carte de présence de la processionnaire du pin selon les réponses de l'enquête (points verts ou rouges) et les données Inra (aires grisées).
Fig. 2 : Certaines communes ne luttent pas.
Proportion de communes menant des actions de lutte ou non parmi les 437 où la processionnaire du pin est présente en 2012.
Fig. 3 : Techniques de lutte : le choix a évolué en trois ans.
Pourcentage d'utilisation des moyens de lutte privilégiés par les communes entre 2009 et 2012.
Fig. 4 : Techniques de lutte, le poids de la lutte combinée.
Proportion des communes utilisant une ou plusieurs techniques de lutte en 2012.
Fig. 5 : Lutte combinée, plus ou moins d'éléments
Les différentes combinaisons de techniques de lutte utilisées en 2012.