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Gérer le charançon du palmier, le cas de Valence en Espagne

SANTIAGO URIBARRENA BOLLAIN* - Phytoma - n°665 - juin 2013 - page 23

Un protocole d'intervention local (PIL) avec coordination des activités de détection et de lutte au sein de la municipalité de Valence.
Palmier dattier atteint par le charançon à Valence : la frondaison n'est plus symétrique.

Palmier dattier atteint par le charançon à Valence : la frondaison n'est plus symétrique.

Piège à charançon avec adultes.      Ces derniers ont été attirés par la phéromone, la kairomone (émise par les pétioles de palmes visibles) et le sucre dilué dans l'eau.

Piège à charançon avec adultes. Ces derniers ont été attirés par la phéromone, la kairomone (émise par les pétioles de palmes visibles) et le sucre dilué dans l'eau.

Ci-dessus, palmiers des Canaries assainis.      À gauche, sujet peu touché : après une taille de niveau 1, on a posé l'installation pour traiter la base de la couronne (nécessaire juste après la taille d'assainissement, puis régulièrement ensuite) sans asperger inutilement la couronne.

Ci-dessus, palmiers des Canaries assainis. À gauche, sujet peu touché : après une taille de niveau 1, on a posé l'installation pour traiter la base de la couronne (nécessaire juste après la taille d'assainissement, puis régulièrement ensuite) sans asperger inutilement la couronne.

À droite, taille de niveau 2 face à une attaque de la flèche centrale.

À droite, taille de niveau 2 face à une attaque de la flèche centrale.

L'endothérapie (injection d'insecticide systémique dans le stipe) est à l'essai sur dattier, car on n'a pas d'autre technique efficace pour cette espèce de palmier.

L'endothérapie (injection d'insecticide systémique dans le stipe) est à l'essai sur dattier, car on n'a pas d'autre technique efficace pour cette espèce de palmier.

Palmier assaini avec taille de niveau 2, quelques mois après : les palmes centrales sont en train de repousser mais on n'est pas revenu à l'aspect initial…

Palmier assaini avec taille de niveau 2, quelques mois après : les palmes centrales sont en train de repousser mais on n'est pas revenu à l'aspect initial…

Le charançon rouge du palmier Rhynchophorus ferrugineus menace les palmiers européens, celui des Canaries (Phoenix canariensis) mais aussi le dattier (Phoenix dactylifera). En Espagne, où le ravageur est présent depuis 1993, les organismes officiels ont tiré la sonnette d'alarme vu les risques biomécaniques causés par les palmiers urbains infestés par ce charançon. Le cas de Valence est intéressant.

Historique du CRP à Valence

Pourquoi un protocole d'intervention local

Le CRP Rhynchophorus ferrugineus (Olivier) 1790 (Insecta, Coleoptera, Curculionidae) a été détecté dans la Communauté valencienne en 2004 puis à Valence en novembre 2007. Il menace la palmeraie municipale caractérisée par son abondance (plus de 21 000 unités) et sa majesté.

L'expérience acquise et les dégâts de ce ravageur ont obligé la municipalité, gestionnaire de la palmeraie urbaine, à élaborer un protocole d'intervention local (PIL).

Ce protocole s'appuie sur la coordination des activités de contrôle du ravageur et de gestion des déchets infestés sur le territoire municipal. Il fournit un modèle global intégrant une stratégie sur les palmiers municipaux et des interventions sur les palmiers du domaine privé. Il détaille les objectifs et temps d'exécution des activités de contrôle et de gestion du ravageur.

À partir de 2010, propriétaires responsabilisés

La base de la lutte contre le CRP est la détection précoce du palmier infesté, suivie d'une intervention curative immédiate.

Le PIL dispose de la collaboration du Service d'inspection phytosanitaire du Gouvernement autonome valencien, ainsi que d'autres institutions et personnes pouvant fournir des stratégies opérationnelles pour la détection, le contrôle et la surveillance phytosanitaire. Les autorités phytosanitaires du Gouvernement autonome valencien, garant de la lutte contre le CRP jusqu'en janvier 2010, n'ont pas les moyens de surveiller des centaines de milliers de palmiers (des millions si on inclut les pépinières). Aussi, en janvier 2010, elles ont fixé une nouvelle réglementation qui déclare la lutte contre le CRP d'utilité publique et attribue sa reponsabilité aux propriétaires des palmiers.

Tout propriétaire public ou privé doit, conformément aux réglementations européennes, espagnoles et autonomiques, développer le protocole et les conditions d'application des mesures phytosanitaires relatives au contrôle du CRP.

Pour cela, il faut gérer toutes les opérations, de la surveillance jusqu'à l'éradication du foyer local : information, appel, formation pour la détection précoce des palmiers infestés par ce ravageur et coordination. Cela ne se conçoit pas à la seule échelle municipale.

Le PIL, présentation

À Valence, le Protocole d'intervention local (PIL) fut mis en service à partir de 2010 avec l'adoption de mesures d'urgence en coordination avec les autorités phytosanitaires et dans l'objectif de préserver le patrimoine arboré municipal menacé.

Ces mesures concernent, jusqu'à présent, plus de 2 800 palmiers des Canaries et presque 6 000 dattiers, qui sont une part importante de la palmeraie municipale et les espèces les plus menacées.

La stratégie intégrée de la municipalité de Valence regroupe toutes les procédures et techniques dans un projet englobant les activités de surveillance, contrôle et gestion du ravageur, adapté à la grande dispersion du contexte urbain.

Le PIL priorise la détection précoce, la surveillance et l'observation attentive et régulière des palmiers pour détecter toute attaque le plus tôt possible et avoir ainsi une chance de les sauver. Un réseau d'alerte de la présence du CRP dans la commune a été mis en place. Le personnel du Service municipal des espaces verts a été formé à la connaissance de ce charançon. La population est informée que la lutte est obligatoire pour tout propriétaire public ou privé sur le territoire de Valence.

Pour réussir à contenir, voire éradiquer, les foyers, il faut une mobilisation générale de tous les participants à la gestion de la ville car ce ravageur ne connaît aucune limite administrative, politique ou de propriété publique ou privée. La gestion de la lutte aborde un problème multifactoriel.

Le PIL s'est amélioré jour après jour et atteint des résultats encourageants.

Préventif : localisation, prophylaxie, pièges

Géolocalisation des palmiers

Une des premières actions de la municipalité de Valence fut la mise en place, à partir de 2005, d'un système d'information géographique (SIG) qui localise tous les palmiers et leurs propriétaires, et d'un système d'alerte en cas de découverte de palmiers infestés. On a séparé les dattiers des palmiers des Canaries et formé deux groupes de risque. Ces groupes ont été divisés en sous-groupes selon la hauteur du stipe : - 12 m, entre 4 et 12 m et - 4 m.

La séparation par hauteur du stipe permet de distinguer l'âge et la valeur ornementale du palmier, donc de gérer le problème à l'aide de traitements préventifs différenciés et d'utiliser adéquatement les systèmes d'application des produits. Cela nous a permis aussi d'élaborer des cartes de localisation des foyers et de définir les périmètres de lutte.

Mesures prophylactiques

Des mesures préventives permettent de limiter les risques de contamination.

D'abord, nous nous approvisionnons en palmiers issus de zones indemnes ou soumises à des mesures de lutte officielles. Les palmiers doivent être accompagnés d'un Passeport phytosanitaire européen. Ce Passeport garantit des sujets contrôlés vis-à-vis du CRP, inspectés avant et après plantation et sans symptômes sur le palmier planté.

Ensuite, les tissus frais de palmiers étant attractifs pour le charançon, les plaies de taille attirent l'insecte. Il est donc interdit de tailler les palmiers en période de vol des adultes, de mars à novembre. On peut éliminer les palmes sèches et la fructification, mais en laissant un petit morceau de spathe.

Micro-réseau de piégeage, pour la détection

L'identification de la phéromone d'agrégation de R. ferrugineus en 1993 a ouvert un nouvel horizon en offrant un outil, a priori pratique, efficace et respectueux de l'environnement. Le PIL de Valence développe un petit réseau de piégeage avec neuf pièges à phéromones.

Le piégeage, qui capture des charançons adultes en déplacement, surtout des femelles, n'est efficace que s'il est inclus dans une stratégie de lutte intégrée.

Les produits volatils attractifs, utilisés simultanément dans chaque piège, comportent, outre la phéromone d'agrégation du CRP, une kairomone naturelle synergiste (pétioles de palmes du palmier des Canaries), un attractif alimentaire (sucre en poudre) et de l'eau au fond du récipient pour favoriser l'attraction et retenir les charançons (photo). Pour fournir des résultats utiles à la connaissance du comportement urbain du CRP, le réseau doit être géré hebdomadairement.

Détection précoce sur palmier des Canaries

Détection précoce, pourquoi

La vie cachée de R. ferrugineus dans les palmiers et la difficulté à repérer les débuts d'infestation sont des obstacles très sérieux à la lutte contre ce ravageur. La perte de palmiers et le découragement des propriétaires sont liés à la détection tardive des infestations. Les dégâts des larves croissent avec le retard de détection. La détection précoce des foyers est un atout pour limiter la dissémination du ravageur et permettre l'assainissement, donc pour le succès de la lutte.

Certes, les symptômes d'infestation ne sont manifestes qu'après d'importants dégâts. Mais auparavant, le CRP se signale par des signes discrets. Il faut inspecter régulièrement les palmiers pour détecter tout symptôme suspect. Des prospections visuelles systématiques ainsi que la mise en place d'une surveillance obligatoire des palmiers du territoire de la commune nous permettent d'identifier de nouveaux foyers et de les signaler aux services chargés de la protection des végétaux.

Détection précoce depuis le sol, comment

Nous distinguerons deux types de plantes hôtes les plus contaminées : P. canariensis et P. dactylifera. (Pour ce dernier, voir les encadrés 1 et 2 page précédente).

La croissance du palmier des Canaries est conditionnée par la température, l'humidité et la luminosité. Elle s'effectue surtout durant deux périodes annuelles. Dans l'est de l'Espagne, les phases de croissance coïncident avec une météorologie pluvieuse et chaude au printemps et surtout à l'automne. Durant ces périodes, les palmes se forment dans le bourgeon terminal, « portefeuille », et émergent rapidement dans la flèche centrale de la frondaison. C'est alors que nous renforçons notre surveillance.

Au printemps, nous cherchons des signes de morsures dans les folioles des jeunes palmes. En automne, nous cherchons la désorganisation ou le désordre des palmes au sein de la frondaison.

En effet, chez le palmier des Canaries comme le dattier, la phyllotaxie (ordre des feuilles) suit une conception hélicoïdale. Il en résulte une forme géométrique avec des palmes bien ordonnées. Si une larve de CRP attaque les bases des palmes, celles-ci perdent leur tenue. Cela provoque leur effondrement progressif et un désordre au sein des palmes juvéniles. On décèle un « œil incliné » ou un vide dans la sphère.

Un autre symptôme peut apparaître toute l'année : des palmes émergentes de couleur jaunâtre, cassées ou effondrées sur des palmes inférieures.

Encore mieux, la détection « précoce, précoce »

Mais il y a mieux : la « détection précoce, précoce ». C'est l'utilisation de moyens plus sophistiqués pour déceler la présence du CRP. Elle se base sur l'observation par un technicien-élagueur qualifié qui ouvre une fenêtre d'inspection dans la frondaison. On utilise la technique dite « bicyclette » ou une plateforme élévatrice de personnel. Cela permet de prélever des échantillons et vérifier la présence de l'insecte.

La prise d'échantillons est importante, car les morsures de rongeurs, colombes, sauterelles… peuvent ressembler à des symptômes de charançon. Des désordres semblables peuvent être produits par l'environnement, les suites d'une transplantation ou des champignons pathogènes. Un moyen de détection est de soumettre, sous pression contrôlée et vers le bas, le pétiole d'une palme intermédiaire de la couronne. Si celle-ci se détache facilement par sa base, on reconnaîtra les galeries des larves de ce coléoptère nuisible.

Traitements préventifs

Deux groupes de risque

La géolocalisation des palmiers municipaux sur un SIG nous a permis de constituer deux groupes de risque classés selon l'espèce botanique et la hauteur de son stipe.

– Le groupe GR1 (Tableau 1) comprend la totalité des palmiers des Canaries ainsi que les dattiers remarquables (hauteur du stipe dépassant les 12 m).

– Le groupe GR2 (Tableau 2) comprend les dattiers non remarquables et les palmiers remarquables du genre Washingtonia (stipe - 12 m).

Ce regroupement permet la réalisation de mesures spécifiques pour les traitements préventifs.

Ces mesures s'adressent à tout propriétaire, public ou privé, en vertu des dispositions réglementaires. Dès l'application d'un décret espagnol du 14/09/2012 qui bouleverse la réglementation de l'usage des produits phytosanitaires en milieu urbain, la stratégie des traitements préventifs sera révisée.

Arroser le portefeuille

Le développement caché du CRP à l'intérieur du palmier rend très difficiles les applications d'insecticides, mais celles-ci restent un des meilleurs moyens de lutte préventive.

Les produits sont un insecticide systémique à base d'imidaclopride (20 %), un insecticide de contact à base de chlorpyriphos (48 %) et un bio-insecticide à base du nématode entomopathogène Steinernema carpocapsae. La procédure d'intervention propose deux calendriers de traitements insecticides préventifs obligatoires sur tous les palmiers du territoire communal :

– 8 traitements dont 5 biologiques, de mars à novembre, pour le groupe GR1,

– 6 traitements dont 3 biologiques, d'avril à octobre, pour le groupe GR2.

Les traitements sont effectués sur la partie apicale du stipe (bourgeon méristématique) et à la base des palmes. On arrose complètement la partie « portefeuille » de la plante ; il ne sert à rien de traiter les palmes.

On utilise une plateforme élévatrice de personnel ou une installation de polyéthylène montée sur le palmier et terminée par un anneau de jets de distribution, ce qui facilite l'opération, réduit son coût et la rend possible là où on ne peut utiliser la plateforme élévatrice. L'abandon des traitements insecticides entraîne la mort de palmiers.

Curatif : soigner les palmiers des Canaries

« Taille d'assainissement », dans quels cas

En cas de contamination du palmier confirmée, restent trois inconnues : le niveau de population, le degré d'affectation du bourgeon terminal et le degré d'affection du méristème apical.

C'est la dernière donnée la plus importante : le palmier n'est guérissable que si ce méristème est intact. Aussi, seul un intervenant reconnu apte commencera à assainir la couronne du palmier ; il saura déterminer la portée des dommages et sa répercussion sur l'état général du sujet. Qu'est-ce qu'on peut faire alors ?

La seule méthode appliquée jusqu'en 2010 était l'abattage des palmiers atteints. Aujourd'hui, on sauve un pourcentage très élevé de palmiers des Canaries avec la « taille d'assainissement ». Cette technique a été mise au point en 2007 par le centre de recherche de la « Station Phoenix » à Elche (Espagne) et nous l'avons développée.

Face à un palmier des Canaries contaminé, on évalue la phase et la portée de l'attaque. S'il y a un haut niveau d'infestation avec destruction des tissus méristématiques du bourgeon apical, on propose l'abattage immédiat avec suivi d'un protocole, transport des déchets pour destruction par broyage, traitement insecticide du sol autour du sujet abattu et inspections régulières des palmiers voisins.

Taille d'assainissement, si oui, comment

Pour les palmiers détectés à temps, avec un niveau bas ou moyen d'infestation et une destruction réduite et peu profonde des tissus intérieurs, on tente de les sauver par « taille d'assainissement ».

Elle consiste à éliminer seulement la partie infestée du palmier, selon un protocole permettant de limiter la fuite des adultes et la contamination des palmiers voisins. L'intervention doit être immédiatement suivie de traitements insecticides et fongicides sur les parties blessées du végétal.

On coupe la base des feuilles infectées et toutes les parties atteintes présentant des traces de galeries, si nécessaire jusqu'au bourgeon terminal. On monte sur le palmier une installation de polyéthylène pour la réalisation des traitements curatifs (le protocole prévoit de traiter la partie assainie). Ces opérations doivent être mises en œuvre par des intervenants reconnus aptes et enregistrés auprès du Service chargé de la protection des végétaux de la Communauté autonome de Valence. Le but de la taille d'assainissement est de contribuer à guérir le palmier par élimination mécanique des parties infestées pour détruire l'insecte dans tous ses états, sans toucher le bourgeon méristématique ni le stipe.

Quatre niveaux d'intensité

Connaître la biologie du palmier, sa forme de croissance et son développement végétatif aide à effectuer un diagnostic correct de chaque individu et, donc, à appliquer les mesures curatives adéquates, notamment à décider de réaliser ou non une taille d'assainissement et à quel niveau.

Tout d'abord, il faut localiser l'infestation, évaluer le niveau de population du parasite et le volume détruit de la partie supérieure « phylloforme » du palmier. Une fois commencé le travail, on décide au cas par cas du niveau d'intensité de la taille, avec élimination ou non de la « flèche centrale » ou palmes émergentes. La flèche centrale est supprimée si elle est effondrée ou infestée.

Il y a quatre niveaux d'intensité de taille.

– Niveau 0 : on arrête la taille après avoir ouvert la fenêtre d'inspection.

– Niveau 1 : face à une infestation localisée latéralement, on respecte la partie centrale mais on coupe toutes les palmes nécessaires.

– Niveau 2 : face à une attaque de la flèche centrale des palmes émergentes, on coupe celle-ci, ainsi que les palmes adultes et mûres attaquées s'il y a aussi une attaque latéralisée.

– Niveau 3 : face à une attaque généralisée autour du bourgeon méristématique, on coupe toutes les palmes et les portions de tissus contaminés, sans blesser le bourgeon ni le stipe.

Évidemment, les niveaux 2 et 3 endommagent l'état général du palmier et altèrent radicalement son aspect. Ils requièrent un temps plus long pour la récupération. Point capital : il ne faut jamais mener de taille d'assainissement avec élimination de la « lance » de jeunes palmes en période de températures très hautes ou très basses ou de stress hydrique. En effet, durant ces périodes, la « flèche centrale » du palmier ralentit ou arrête son développement, ce qui réduit sa capacité de régénération. De même, on gardera la plus grande quantité de palmes possibles pour faciliter le processus de régénération.

Traiter immédiatement, puis retraiter et surveiller

Sur palmier des Canaries assaini par taille, on pratique un traitement insecticide à base d'imidaclopride et de chlorpyriphos, plus un fongicide à base de mancozèbe et de myclobutanil. Il est essentiel de le faire immédiatement après la taille thérapeutique, pour trois raisons :

– l'application est bien plus efficace sur tissus exposés, le principe actif se diffusant mieux ;

– ces tissus ont un fort pouvoir attractif pour les charançons rouges en transit ;

– nous avons sous la main, au moment de la taille d'assainissement, les moyens humains et matériels pour mener à bien le traitement.

Dernier point fondamental, il faut ensuite réaliser des traitements phytosanitaires mensuels durant 7-8 mois, jusqu'à l'élimination complète des formes vivantes de l'insecte.

Les palmiers traités récupèrent leur « feuillage » en quelques mois. On suit l'évolution de ces palmiers soumis à un protocole curatif, à travers les inspections mensuelles, tant en hauteur avec plateforme qu'à partir du sol. Tout palmier en processus curatif à inspecter, est inventorié et géolocalisé sur le SIG de surveillance. On identifie et localise dans la base de données municipale les nouveaux cas de contamination afin de faciliter le suivi du palmier contaminé. On délimite un secteur à risque de nouvelles infestations où il faudra réaliser des inspections, ainsi qu'une zone de traitement renforcé (les palmiers proches). En centralisant l'information dans la base de données, on facilite l'exécution des traitements, on les enregistre et on contrôle leur réalisation selon le calendrier préétabli.

À propos d'endothérapie

La question des dégâts aux palmiers

L'endothérapie, ou injection d'insecticide dans le stipe, doit, comme toute technique, être utilisée en respectant des protocoles pour être efficace et sans effets négatifs pour le palmier.

Il existe, en Espagne et dans la communauté autonome de Valence, une polémique sur cette technique.

Elle provient de deux questions non résolues, ou mal résolues jusqu'à présent.

Il y a l'aspect biomécanique. La technique, si elle est mal utilisée, cause d'importants dégâts à l'intérieur du palmier et déclenche l'action de champignons opportunistes qui étaient présents sur la plante et profitent des blessures pour se développer. Ce déclenchement est favorisé par le « stress » du palmier. Cela dit, les palmiers, herbes géantes, ne grandissent pas en diamètre à l'état adulte et, de ce fait, n'ont pas de tissus dits méristèmes secondaires. Les dommages causés par une injection « bien faite » seront donc, en principe, bien moins importants que sur de vrais arbres. Les palmiers « soignent » leurs blessures de façon différente des arbres, mais ils le font quand même à travers le « durcissement » des tissus blessés.

La question de l'efficacité

L'autre aspect est la question de la dose létale du produit qui doit migrer jusqu'à la zone du bourgeon terminal et la durée de cette migration. La matière active migre avec la sève jusqu'à la zone à protéger (effet préventif). Mais est-ce vrai sur des palmiers très hauts ? La quantité suffira-t-elle pour tuer les larves ? À quel stade du cycle larvaire l'injection est-elle le plus efficace ? Quelle est la durée de migration ? À quel moment de la phénologie du palmier faut-il appliquer les injections dans le stipe ? Il faudra répondre à toutes ces questions.

À l'essai sur le dattier

Jusqu'à présent, notre « Plan d'intervention local » n'a pas utilisé l'endothérapie comme stratégie de lutte. En effet, à Valence, la grande majorité des attaques se sont produites sur P. canariensis. Nous arrivons à guérir ces palmiers en associant trois aspects fondamentaux : détection très précoce, taille d'assainissement et traitements phytosanitaires curatifs.

Dans le domaine préventif, avec nos calendriers de traitements, nous sommes en mesure de contenir les attaques sur les palmiers du groupe de risque n° 1. Pour le groupe n° 2, celui des palmiers dattiers, nous testons des techniques d'endothérapie moins agressives pour le palmier et qui assurent que le produit systémique est absorbé par la plante et véhiculé par la sève jusqu'à la zone apicale.

Le grand nombre de palmiers du groupe nº 2 nous oblige à chercher une modalité d'injection douce pour l'environnement, plus économique que l'utilisation de plateforme mobile et efficace sur les dattiers.

Autres actions

Impliquer les acteurs

Très importante mais souvent oubliée, nous sensibilisons et mobilisons la population avec la mise en place d'un réseau d'alerte sur tout le territoire de la commune. Nous notifions aux propriétaires de palmiers, contaminés ou non, leur devoir d'agir selon la réglementation en vigueur.

Il y a des réunions périodiques, au niveau technique, avec le Service chargé de la protection des végétaux du Gouvernement autonome et de l'Université polytechnique de Valence, pour la formation, la coordination d'activités et l'échange d'informations.

Des journées, séminaires ou ateliers sont organisés pour informer les divers acteurs protagonistes, des techniques et des traitements pour le contrôle efficace de ce ravageur. Les protocoles adaptés pour les tailles, l'abattage et le retrait de résidus végétaux de palmiers contaminés sont diffusés et promus.

Fixer des règles

Entre mars et novembre, la taille des palmes vertes des palmiers appartenant à l'espèce Phoenix est proscrite. On limite les interventions à l'élimination des palmes sèches. Le respect de la réglementation sur la plantation et le mouvement d'arecacées est renforcé, interdisant la plantation de palmier d'importation ou sans passeport phytosanitaire.

Ces mesures sont étendues à la totalité des organismes officiels ou privés, qui gèrent ou possèdent des palmiers susceptibles d'être contaminés, avec des moyens opportuns à la situation. Ces mesures n'ont pas été exposées par ordre de préférence. Ce sont des actions simultanées.

En conclusion

Invasion contenue malgré la pression environnante

L'analyse de la situation montre des résultats encourageants. Alors que, de 2007 à 2010, le nombre de nouveaux palmiers infestés était multiplié par un facteur de 4 à 6 tous les ans, depuis la mise en place du PIL avec traitement des palmiers récupérables, le coefficient d'augmentation est compris entre 1 et 1,5 (Figures 1, 2 et 3).

L'inaction ou l'action retardée dans certaines communes proches de Valence a provoqué l'explosion du ravageur dans le territoire entourant celle-ci. L'ignorance, le défaitisme et le manque de ressources économiques ont contribué à l'abandon ou l'inertie de beaucoup de propriétaires de palmiers, et donc à l'expansion du ravageur. Ceci a provoqué une forte pression sur les palmiers de la ville de Valence.

Pourtant, on peut guérir les palmiers, surtout les palmiers des Canaries. Pour le cas du dattier, il faut encore développer les techniques permettant de déceler à temps un spécimen infesté. C'est important de souligner que tout palmier atteint peut être soigné si on détecte les symptômes à temps.

Intérêt de la surveillance et des interventions maîtrisées

L'objectif du suivi spécifique du charançon rouge du palmier est de détecter précocement un éventuel foyer de ce ravageur ou d'assurer l'absence du ravageur au sein d'une zone.

Pour être efficace, la stratégie de lutte doit englober plusieurs techniques : l'observation accrue, le piégeage olfactif et les traitements préventifs (biologiques et chimiques).

Par ailleurs, le dispositif de surveillance permet de suivre les courbes de vol des populations du CRP ; c'est indispensable à la mise en place des stratégies de lutte préventive. La surveillance visuelle des palmiers et notamment le repérage de symptômes caractéristiques du CRP peut être réalisé en complément du réseau de piégeage.

Les actions à réaliser sur les palmiers, dans le domaine préventif ou curatif, exigent d'être maîtrisées par un intervenant enregistré auprès des services chargés de la protection des végétaux, sous peine de perte d'efficacité ou d'effet inverse de celui escompté.

Éradication possible, s'il y a stratégie intégrée progressive

Les impacts du CRP sont graves et affectent l'écologie (biodiversité), l'économie et le paysage du sud de l'Europe. Sauver nos palmiers demande une coordination entre collectivités et propriétaires, pour que les palmiers infestés soient détectés et traités avant que leur bourgeon terminal ne soit atteint et que les ravageurs n'aient infesté les palmiers voisins et commencé leur dissémination.

L'éradication du CRP est possible s'il existe une communication appropriée, ainsi que la mise en œuvre collective et obligatoire des mesures de lutte. La stratégie d'éradication doit se structurer à long terme, en commençant par « libérer » des territoires. Aussi pensons-nous que la solution, si nous voulons sauver les palmiers, est de mettre en place une stratégie intégrée d'éradication progressive, zone par zone.

Au sein de cette stratégie, le traitement préventif est indispensable.

Il se base sur deux outils : le piégeage massif et le traitement avec des produits biologiques et chimiques. Mener les recherches d'une endothérapie « bien faite », vu son intérêt en milieu urbain et sur l'environnement, permettra de limiter les coûts et contraintes liés à l'application des traitements qui découragent de nombreux propriétaires.

Présenter notre Protocole d'intervention local a pour but de transmettre notre expérience et les méthodes de gestion, contrôle et confinement du charançon rouge du palmier afin d'optimiser l'efficacité de la lutte et ainsi, essayer de stopper la destruction des palmiers due à ce ravageur.

Remerciements :

En premier lieu à ma fille Clara, qui m'a aidé à traduire cet article. Ensuite, au personnel de l'équipe CRP de Valence ; grâce à eux, nous résistons et essayons d'apporter des acquis et des expériences obtenus dans le développement du protocole de lutte contre le CRP dans la ville de Valence.

RÉSUMÉ

CONTEXTE : À Valence (Espagne), le charançon rouge du palmier menace les palmiers, qui représentent un précieux patrimoine végétal urbain.

ACTIONS : Depuis 2005, le Service des Espaces Verts de la ville de Valence a développé une série d´actions visant à contrôler cette invasion. En 2010, suite à l'évolution de la réglementation relative à ce charançon faite par le Gouvernement autonome valencien, la ville de Valence a mis en place un protocole d'intervention local (PIL) : stratégie de coordination de la lutte contre ce ravageur.

L'analyse des problématiques, des résultats et de l'état du PIL évolutif montre, à ce jour, des résultats encourageants.

MOTS-CLÉS : charançon rouge du palmier CRP Rhynchophorus ferrugineus, Valence (Espagne), invasion, protocole d'intervention local (PIL), coordination, contrôle.

SUMMARY

LOCAL INTERVENTION PROCEDURE PROVIDING THE COORDINATION OF SUPPORT, CONTROL AND HANDLING ACTIVITIES OF THE RED PALM WEEVIL IN THE MUNICIPALITY OF VALENCIA, SPAIN

CONTEXT AND ACTIONS : Since 2005, the Green areas department of the town council of Valencia (Spain) has developed a series of actions pertaining to the control of the Red Palm Weevil. In January 2010, in consequence of the entry into force of the current regulation of the Red Palm Weevil from Autonomic Government, the city of Valencia has been implemented a local intervention procedure as a strategy providing the coordination for the Red Palm Weevil control. This communication sets out an analysis of the problematic, the results and the status of the local intervention procedure, which day after day evolve, and now has achieved encouraging results.

KEY WORDS : control, pest, local intervention procedure, coordination, Red Palm Weevil.

1 - Détection précoce sur palmier dattier, plus difficile que sur palmier des Canaries

Le modèle d'attaque du CRP sur palmier dattier (P. dactilyfera) diffère de celui décrit sur palmier des Canaries. Les premières traces repérables sur dattier sont celles laissées par les larves lorsque le sujet est déjà gravement atteint.

En principe, l´attaque du CRP sur dattier à Valence se manifeste en trois endroits différents : dans les rejets, à la base et le long du stipe ou dans la partie apicale du stipe. Au sein de ces zones, après plusieurs générations, des centaines de larves peuvent se développer bien avant l'apparition de symptômes foliaires.

Le CRP se signale par des suintements liquides bruns et visqueux sur le stipe et de petits monticules bruns de fibres broyées à la base de celui-ci. Si l´attaque se développe dans la zone apicale, les premières traces repérables sont celles laissées par les larves à la base des palmes où l'on aperçoit la présence de galeries.

Dans la couronne, les palmes sommitales (adultes et mûres) s'affaissent et les palmes centrales sèchent brusquement, parfois après inclinaison anormale de la frondaison. À un stade avancé, la tête s'incline sous l'effet du vent ou de son poids.

2 - Dattiers, pourquoi conseiller l'abattage

On ne peut pas extrapoler au palmier dattier les données concernant le palmier des Canaries. Sur dattier, le CRP infestant le stipe et sa base ainsi que le porte-bourgeon apical (encadré 1), les traitements d'aspersion/douche devraient toucher la base des feuilles mais aussi le stipe. La détection, plus difficile, a lieu quand les dégâts sont déjà graves. Après l'assainissement, la partie saine restante n´offre pas des garanties biomécaniques suffisantes en milieu urbain : les dattiers se cassent sous l'effet du vent.

Sur dattier urbain, on conseille donc l´abattage des sujets infestés dans la majorité des cas.

Tableau 1 - Palmiers municipaux du groupe 1 (GR1), recensement à Valence.

Tableau 2 - Palmiers municipaux du groupe 2 (GR2), recensement à Valence.

Fig. 1 : Une progression qui ralentit (Espagne).

Évolution du charançon rouge du palmier à Valence de novembre 2007 à septembre 2012. Total : 493 palmiers.

Fig. 2 : De l'abattage à l'assainissement.

Nombre de palmiers abattus dans la ville de Valence (Espagne) de 2007 à septembre 2012.

Fig. 3 : Palmiers municipaux infestés à Valence (Espagne).

État des palmiers (contaminés, en curatif, soignés ou abattus) dans la ville de Valence (Espagne) de 2007 à septembre 2012.

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POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *S. URRIBARENA BOLLAIN, Département de l´Arbre Urbain, Service des Espaces Verts de la ville de Valence, Espagne.

CONTACT : suribarrena@gmail.com (+34) 629 271 475

BIBLIOGRAPHIE : 14 références, disponible dans la version intégrale.

VERSION INTEGRALE : Actes du Colloque méditerranéen sur les ravageurs des palmiers, Nice, 16 au 18 janvier 2013. Sur CD-Rom : afpp@afpp.net.

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