77 ans d'histoire. Ci-contre, le Guide de 1937, ancêtre du Guide pratique de défense des cultures et de l'Index. Les deux ouvrages ont divergé après 1944, comme des espèces vivantes... Ci-dessus, l'édition 1974, désormais 100 % ACTA. Puis, l'édition 2014 : bienvenue à la 50e ! Photos 1 et 2 : Coll. J.-L. Bernard, Photo 3 : DR
Cette fin d'année 2013, l'ACTA célèbre la cinquantième édition de son Index phytosanitaire. Certes, cet annuel manuel fait partie du paysage de la protection des cultures. Il est aujourd'hui si commun sur le comptoir des dépôts de distribution ou dans la sacoche des conseillers agricoles que l'on ne se pose guère la question de sa genèse. Et pourtant...
Un besoin fondamental d'information technique
Avant même la réglementation...
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les produits de protection des plantes sont pour la plupart des substances minérales. Ils sont destinés principalement à sauvegarder les cultures pérennes et les productions légumières des ravages de maladies cryptogamiques ou d'insectes ravageurs. La création et la mise en marché des antiparasitaires sont alors un secteur trop peu encadré, avec des aléas dans la fabrication, le titre des produits vendus, sans parler des fraudes...
Nous sommes dans un temps où il n'existe pas encore d'homologation, pas plus que de réseau dense de conseillers, de télévision ou d'Internet. La radio commence à peine à se démocratiser...
Déjà des informations, sur papier
L'essentiel de l'information technique vers les utilisateurs se fait sous forme de conférences ou de documents papier, en particulier les manuels de vulgarisation rédigés par des chercheurs et les nombreuses brochures, notices, avis diffusés par des associations ou des industriels. L'Avertissement agricole, ancêtre du BSV, existe déjà, lui aussi sous une forme papier reçue par voie postale. Il est surtout diffusé par les stations des zones viticoles et ne concerne ni les grandes cultures, ni le désherbage sélectif.
Un index avant l'Index
Hommage à Pierre Viala
Parmi les scientifiques réputés qui ont sauvé la vigne du phylloxéra se trouve Pierre Viala (1859-1936). Professeur à l'Institut national agronomique, on lui doit la codécouverte du black-rot en Europe et, surtout, la mise en évidence des propriétés de Vitis berlandieri, vigne américaine qui permettra la reconstitution du vignoble dans les sols calcaires.
Il défend une idée simple mais ô combien difficile à concrétiser : seul ou aidé d'un technicien, l'agriculteur praticien doit être capable, s'il constate des désordres sur une culture de son exploitation, d'en cerner rapidement la cause (accident, carence, affection parasitaire...) et, s'il y a lieu, de choisir rapidement le moyen le plus approprié pour les résoudre.
Novembre 1934, mémorable réunion
Le 15 novembre 1934, Viala préside une réunion à laquelle il a convié nombre d'ingénieurs et de spécialistes réputés. Son but est de convaincre ses interlocuteurs de l'existence d'un besoin urgent au niveau du terrain et transformer ce constat en réalisation concrète. Il arrive sans trop de peine à ses fins et constitue aussitôt un comité de rédaction composé de phytopathologistes, d'entomologistes, de météorologues, de mécaniciens...
Ils décident de rédiger, chacun dans son domaine, des notes impersonnelles qui seront rassemblées et refondues dans un ensemble harmonieux par Paul Marsais. Ce dernier coordonne le projet sous la houlette de Georges Chappaz, président de la Ligue nationale de lutte contre les ennemis des cultures. Parmi les corédacteurs, certains ont marqué de leur empreinte leur domaine de spécialisation : Bruneteau, Chouard, Dufrénoy, Feytaud, Vayssière, Viennot-Bourgin...
1937, l'ancêtre voit le jour
Ainsi voit le jour un ouvrage pratique de petit format, mais de plus de 300 pages tout de même, qui rencontre un succès immédiat. Il connaît trois éditions en 1937, 1938 puis 1944 sous le titre de Guide pratique pour la défense sanitaire des végétaux -Maladies principales des plantes cultivées -Leur description, leurs causes, leurs traitements.
Il se présente comme un guide de reconnaissance par culture des principales altérations d'ordre physiologique ou parasitaire et propose un ensemble de moyens culturaux, physiques, chimiques et biologiques destinés à les maîtriser.
Vingt ans de construction
De 1956 à 1961, vers la première édition
Lors de sa création en 1956, l'ACTA arrive dans un monde de la santé végétale qui évolue rapidement : création des instances d'homologation, mise en marché de dizaines de nouvelles substances actives de synthèse et de centaines de préparations phytosanitaires.
Mais les attentes des agriculteurs et conseillers de terrain n'ont guère varié depuis le temps de Viala. Pour les fédérations départementales des groupements de protection des cultures et les associations professionnelles adhérant à l'ACTA, l'urgence du moment est de répertorier l'ensemble des matières actives et des spécialités commerciales correspondantes.
C'est ainsi que le premier Index phytosanitair e moderne voit le jour en 1961, coédité par l'ACTA et la FNGPC.
Son but est d'abord de répertorier, décrire et classifier les moyens de lutte chimique autorisés en fonction de leurs caractéristiques les plus utiles : nature des substances actives, titre des préparations, usages et doses autorisés.
Jusqu'en 1977, premières évolutions
À partir de 1965, des informations sur la toxicologie apparaissent et s'étoffent progressivement. Suivront des répertoires d'adresses utiles, la mise à jour des classifications, la liste des firmes détentrices de brevets...
En l'absence d'ordinateur, de courriel, de photocopieuse, la remise à jour annuelle de l'Index devient un travail conséquent qui exige beaucoup de rigueur et un effort humain considérable. Il est fait de multiples tableaux en perpétuelle évolution, d'un archivage énorme, de centaines de communications téléphoniques et d'une montagne de courriers. Le moindre contretemps décale la parution de plusieurs semaines voire plusieurs mois. Certaines années, l'Index ne paraît pas...
La procédure d'élaboration atteint sa maturité en 1977 (13e édition). Dorénavant, il n'y aura plus d'année sans Index.
Un outil devenu indispensable
Pour un public élargi
Depuis la 11e édition de 1974, l'ACTA assure la totalité des travaux de confection de l'ouvrage. Chaque parution successive voit apparaître des nouveautés qui élargissent le champ des données fournies et renforcent ses aspects pratiques. Devenu incontournable pour les professionnels de la protection des cultures, il le devient progressivement pour les conseillers polyvalents et les agriculteurs.
La partie « reconnaissance » des affections végétales qui figurait encore dans l'édition de 1944 n'est pas occultée. Elle a connu une évolution séparée pour devenir le Guide pratique de défense des cultures, édité lui aussi par l'ACTA.
Réglementation, de 6 à 70 pages
Certaines rubriques de l'Index évoluent considérablement. Au premier chef, la présentation des substances actives dont la description, les propriétés et les usages sont renseignés d'une manière de plus en plus approfondie, au rythme des nomenclatures, des classifications, des codifications et de la transformation des textes nationaux ou européens dont il faut intégrer les subtilités pour un lectorat élargi.
La partie proprement réglementaire de l'ouvrage est passée de 6 pages en 1974 à plus de 70 pages en 2013.
Autres améliorations notables
Parmi les améliorations remarquables :
1991 : naissance d'une version informatique sous MS-DOS.
1992 : édition spéciale pour les produits de traitement jardins.
1994 : nouvelle rubrique consacrée aux moyens biologiques.
2001 : apparition des listes d'installations BPL et d'organismes d'expérimentation en mesure de réaliser des essais officiellement reconnus.
2004 : les LMR sont regroupées en fin d'ouvrage sous la forme d'un tableau, etc.
Gérer la complexité pour améliorer la décision était l'un des buts initiaux de l'Index phytosanitaire. Parvenu à sa cinquantième édition, on ne peut que constater que l'objectif a été atteint, à la plus grande satisfaction des utilisateurs qui, depuis 1961, n'ont cessé de le plébisciter.