REX, comme « Résistance aux xénobiotiques », est le nom d'un réseau de chercheurs de l'Inra. Ces chercheurs s'intéressent aux résistances des bioagresseurs (insectes, mauvaises herbes, champignons, bactéries, virus) aux pesticides à usage phytopharmaceutique. Ces pesticides font partie des xénobiotiques : substances étrangères introduites dans des organismes vivants.
Les problèmes de résistance et l'urgence d'en limiter l'évolution
De nombreux bioagresseurs des plantes résistent aux pesticides...
Côté phytopharmacie, le nombre de cas de résistances chez les bioagresseurs des cultures augmente inexorablement. Pour s'en convaincre, il suffit d'interroger les bases de données qui les répertorient.
– Celle qui porte sur la résistance des arthropodes (www. pesticideresistance.com) recense 8 000 cas de résistance à 300 insecticides dans plus de 500 espèces.
– La base de données sur la résistance des champignons (http://www.frac.info) fait état de 300 cas de résistance à 30 fongicides parmi 250 espèces de champignons phytopathogènes.
– Côté herbicides (www.weedscience.com), près de 400 biotypes résistants appartenant à 200 espèces de mauvaises herbes réparties dans près de 70 000 champs ont déjà été décrits.
... Comme des bioagresseurs de la santé humaine
L'évolution des résistances (Encadré 1) n'est pas l'apanage des bioagresseurs des végétaux face aux pesticides phytopharmaceutiques : elle touche aussi les pathogènes humains activement contrôlés par des traitements antibiotiques, antifongiques et antirétroviraux.
Diminuer les usages des pesticides, des effets souhaitables en matière de résistances
Tous les acteurs de la filière agricole, producteurs en tête, connaissent ces problèmes de résistance et l'urgence d'y remédier en raisonnant mieux les traitements phytosanitaires. Il existe par ailleurs en France une volonté politique de réduire les impacts toxiques et environnementaux des traitements phytosanitaires.
Le plan Ecophyto et le plan Agroécologie (présenté en décembre 2012) visent ainsi à réduire l'utilisation des pesticides tout en maintenant une agriculture économiquement viable. Les actions visant à développer des méthodes alternatives et complémentaires à l'emploi de pesticides vont dans le sens d'une meilleure gestion des risques de résistance.
Le retrait de familles de pesticides accentue l'importance de gérer les résistances
Mais, par ailleurs, la réglementation européenne sur les pesticides conduit parallèlement au retrait progressif des familles de pesticides les plus toxiques pour l'environnement et la santé. Les homologations de pesticides avec de nouveaux modes d'action se font quant à elles de plus en plus rares.
Dans ce contexte, on mesure la nécessité d'assurer le maintien de l'efficacité des pesticides (naturels ou de synthèse) autorisés. L'évaluation des stratégies antirésistance et leur mise en œuvre sur le terrain constituent donc un enjeu majeur pour les prochaines décennies.
Comment gérer la résistance en combinant plusieurs matières actives ?
Parmi les stratégies possibles, certaines combinent les substances dans le temps et/ou l'espace
La gestion de la résistance peut s'entreprendre de multiples manières. Nous ne détaillerons pas ici les stratégies jouant sur les doses, les surfaces traitées, le nombre de traitements... Nous nous focaliserons plutôt sur la combinaison dans l'espace et dans le temps des matières actives actuelles.
Pour lutter contre une espèce de ravageur, une maladie ou une mauvaise herbe, les producteurs disposent en effet, dans l'arsenal chimique, de plusieurs matières actives aux modes d'action différents – c'est-à-dire qui agissent sur des cibles moléculaires différentes. Se pose alors la question de savoir comment déployer ces matières actives pour assurer un traitement efficace tout en limitant les risques de sélection et d'évolution de la résistance.
Qu'ils travaillent sur les insecticides, les herbicides, les fongicides ou sur d'autres pesticides, les chercheurs se sont régulièrement posé cette même question et ont abouti à la définition de quatre stratégies de gestion de la résistance.
Quatre stratégies : séquence, alternance, mosaïque et mélange
La première stratégie est la séquence. Elle consiste tout simplement à utiliser une matière active jusqu'à ce que l'évolution de la résistance la rende inefficace, justifiant alors l'utilisation d'une seconde matière active et ainsi de suite.
La seconde stratégie est l'alternance. Elle correspond à une rotation dans le temps des matières actives ou plus exactement des modes d'action. La périodicité peut varier d'une culture ou d'une saison culturale à l'autre et être réglementée par les limitations imposées lors de l'homologation.
La troisième stratégie, souvent dénommée mosaïque, correspond à l'utilisation de plusieurs matières actives au même moment, mais dans des endroits différents : un champ (ou un verger) est traité avec un pesticide, tandis qu'un autre, à la même période et dans la même région, est traité avec un second pesticide, l'ensemble aboutissant à une mosaïque spatiale, avec une maille géographique plus ou moins fine.
La quatrième et dernière stratégie, le mélange, correspond à une utilisation des matières actives en même temps et au même endroit. Signalons que d'autres noms sont parfois donnés à ces quatre stratégies (Tableau 1).
Des études scientifiques sur les « phytos » mais aussi les médicaments
Les scientifiques ont comparé leur efficacité pour éviter l'émergence et/ou l'augmentation de la fréquence de résistances. Ils ont ainsi développé des modèles mathématiques et mené des expériences – en laboratoire et au champ – afin de comparer les vitesses d'évolution de la résistance.
Les recherches sur les insecticides, herbicides et fongicides ont été réalisées par des biologistes et des agronomes. Les médecins et vétérinaires se sont attaqués, de leur côté et de façon indépendante, à la résistance aux antibiotiques et aux antirétroviraux (REX 2007).
Leurs conclusions convergent
Malgré la diversité des approches utilisées par les différents groupes de scientifiques (REX 2010), nous avons montré que ces recherches arrivent toutes à la même conclusion :
– la stratégie mélange se révèle, à de rares exceptions près, toujours plus efficace que les trois autres stratégies pour éviter l'émergence et/ou l'augmentation de la fréquence de la résistance (REX 2013) ;
– la séquence, quant à elle, représente toujours la moins bonne option ;
– l'alternance et la mosaïque offrent une efficacité intermédiaire qui dépend de l'organisme ciblé. Elles peuvent, dans certaines conditions, être aussi efficaces que la stratégie de mélange. Ces conclusions (Tableau 2) apparaissent valables pour :
– toutes les substances actives, pesticides (sous-entendu « phytopharmaceutiques »), antibiotiques et antiviraux ;
– tous les ravageurs, mauvaises herbes et maladies étudiés.
Le mélange ou comment se débarrasser d'un individu pourtant résistant
Pourquoi ? Le principe du meurtre en réunion
La supériorité de la stratégie mélange s'explique par le meurtre en bande organisée, plus précisément en réunion : si une matière active du mélange ne tue pas l'individu, une autre, présente au même moment et dans le même lieu, s'en chargera.
En effet, un bioagresseur, qu'il s'agisse d'un ravageur, d'une mauvaise herbe ou d'un pathogène, résistant à l'une des matières actives du mélange, a toute chance d'être encore sensible aux autres matières actives présentes dans le mélange. Il succombera donc au traitement. Cela contrecarrera la montée en fréquence du ou des gènes de résistance dont il était porteur. Il en est de même pour la résistance aux toxines insecticides produites par des maïs OGM (Encadré 2).
Face à cette stratégie, seuls les individus disposant des gènes de résistances à tous les principes actifs sont capables de survivre. Or, ces individus ont très peu de chance d'exister.
Comment ? Les règles pour maximiser l'efficacité de cette stratégie du mélange
Les études théoriques montrent que cette stratégie du mélange est d'autant plus efficace que la résistance aux matières actives qu'elle contient est peu fréquente et que les résistances sont indépendantes. En effet, si les gènes de résistance sont déjà fréquents et/ou proches sur les chromosomes, le nombre d'individus résistants à toutes les matières actives contenues dans le mélange sera potentiellement plus important, ce qui accélérera l'évolution de la résistance.
Stratégiquement, il s'agit donc de combiner des matières actives agissant sur des cibles moléculaires différentes et de les combiner dès leur première utilisation...
Ce dernier point est important. Hélas il n'est pas rare qu'un pesticide soit d'abord utilisé seul, et que sa combinaison avec un autre pesticide ne soit réalisée qu'après l'apparition des premiers signes de résistance.
De même, il est primordial que les doses de chacune des matières actives du mélange garantissent, non seulement leur efficacité cumulée, mais aussi leurs efficacités individuelles.
Autres stratégies antirésistance basées sur l'élimination en bande organisée
Jouer sur plusieurs générations
L'efficacité de l'alternance et la mosaïque réside également dans l'élimination en bande organisée, mais alors les membres de la bande agissent séparément.
L'effet n'est plus intragénérationnel (i.e. affectant les individus d'une même génération) comme dans le cas du mélange, mais intergénérationnel (i.e. affectant les individus de générations différentes) : si le traitement phytosanitaire ne tue pas un individu, le suivant, dans le même lieu (alternance) ou un lieu voisin (mosaïque) tuera ses descendants.
Pourquoi l'alternance et la mosaïque fonctionnent
En effet, de façon assez évidente, l'alternance temporelle des traitements permet de traiter les descendants des individus résistants à un pesticide par un autre pesticide auquel ils ont toute chance d'être encore sensibles.
Par ailleurs, la plupart des espèces d'insectes, champignons, bactéries, virus, etc. se déplacent, migrent ou sont transmises d'hôte à hôte. C'est pourquoi la mosaïque peut être efficace pour éliminer les descendants des individus résistants à la première matière active mais pas à la seconde. Ces deux stratégies, mosaïque et alternance, permettent donc d'éteindre les foyers de résistance en émergence dans les populations de bioagresseurs.
Comment ? Les conditions de leur efficacité
L'efficacité de la mosaïque et l'efficacité de l'alternance dépendent respectivement des distances de migration et des temps de génération des bioagresseurs.
L'élimination sera d'autant plus efficace qu'il y a concomitance entre changement de génération et changement de matière active. Si un individu résistant et ses descendants sont confrontés à la même matière active – possible si la distance de migration du bioagresseur est faible par rapport à la surface traitée avec une même matière active, ou si le temps de génération du bioagresseur est plus rapide que la fréquence de changement du traitement – alors le ou des gène(s) de résistance dont ils sont porteurs risque(nt) de se multiplier et se diffuser. C'est la raison pour laquelle l'efficacité relative de l'alternance et de la mosaïque varie en fonction des cultures et de la biologie des agents pathogènes et des ravageurs que l'on tente de contrôler.
Le mélange, une stratégie antirésistance toujours gagnante ?
Mélange en tête ? En théorie, pas si le « coût » de la résistance est élevé
Le mélange est-il infailliblement la meilleure option pour lutter contre la résistance ? Non ! En effet, un paramètre peut venir bousculer sa supériorité : le « coût » de la résistance.
En l'absence du pesticide, les gènes de résistance affaiblissent souvent les individus qui les portent : fertilité et fécondité souvent diminuées, longévité réduite et développement plus lent. Ce « coût » peut ainsi conduire à une diminution naturelle de la fréquence des individus résistants.
Or, les stratégies séquence, alternance et mosaïque permettent une telle diminution, car elles offrent des espaces ou des périodes de temps où le pesticide n'est pas présent et où le « coût » de la résistance peut s'exprimer.
La stratégie mélange, au contraire, ne permet pas, en théorie, l'expression de ce « coût » : les individus porteurs de gènes de résistance sont toujours plus compétitifs que les individus qui en sont exempts puisque les pesticides en mélange sont pulvérisés « en tout lieu et à tout moment ».
Ainsi, lorsque le coût de la résistance est élevé, l'alternance et la mosaïque peuvent se révéler plus durables que le mélange. Quelques études théoriques et expérimentales le confirment.
En pratique, c'est autre chose
En pratique, la supériorité de l'alternance et de la mosaïque sur le mélange a toute chance d'être rare. Il y a deux raisons à cela. La première est qu'il existe souvent, volontairement ou involontairement, des zones non traitées : champs, parties de champ, bords de champs, parties de plantes ou habitats naturels hors zones agricoles. Dans ces zones, les bioagresseurs ciblés par les traitements sont présents mais non exposés aux pesticides. Ces zones permettent l'expression des « coûts » de la résistance, y compris dans le cas d'une stratégie mélange, ce qui renforce son efficacité.
La seconde raison est que les coûts ne sont pas éternels. Ils peuvent être « compensés » par des mutations qui rétablissent les capacités de reproduction et de développement des individus résistants. Les gènes de résistance « coûteux » peuvent également être remplacés par d'autres gènes moins « coûteux », mais conférant des niveaux de résistance comparables.
Les écueils du mélange
Écueils sanitaires et environnementaux
Si la stratégie de mélange présente finalement de sérieux avantages pour la gestion des résistances, nous ferions erreur en la considérant comme une stratégie optimale à choisir les yeux fermés. Il existe en effet plusieurs obstacles à sa recommandation et son application au champ.
L'obstacle majeur réside dans les conséquences sanitaires et environnementales de l'usage des pesticides.
En effet, la plupart des pesticides engendrent des effets indésirables sur l'environnement, les organismes non-cibles et/ou la santé humaine. En 1992, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avançait les chiffres de trois millions d'intoxications et de 220 000 décès liés, chaque année, aux pesticides dans le monde. Si une grande majorité de ces intoxications sont liées à des suicides, les morts par intoxications accidentelles s'élèvent à plusieurs milliers de cas par an. En France, si les résultats de l'enquête Agrican (AGRIculture et CANcer, pilotée par la MSA) portant sur une cohorte de 180 000 personnes ne sont pas alarmants, la toxicité (hépatotoxicité, neurotoxicité et lipodystrophie) de plusieurs pesticides ne fait aujourd'hui aucun doute. Les pesticides peuvent de plus altérer le fonctionnement des populations de plantes, champignons ou arthropodes non visés par les traitements et rendre inopérante les méthodes de lutte par contrôle biologique. Enfin, ils contribuent à la pollution des cours d'eau et des nappes phréatiques et portent globalement préjudice aux écosystèmes.
Ces effets indésirables sur l'environnement et la santé peuvent être aggravés par la synergie et les doses des pesticides. Or la stratégie mélange combine plusieurs substances, et avec une dose totale de pesticides souvent supérieure à celle des autres stratégies. Elle peut ainsi se révéler plus dommageable que les autres stratégies pour l'environnement et la santé humaine.
Que dire des mélanges unisites/multisites ?
Par ailleurs, les conclusions de notre étude ne concernent pas toutes les catégories de mélange utilisées dans la pratique. Ainsi, pour lutter contre les maladies, une tendance générale consiste à associer des molécules unisites (à risque de résistance) à des molécules multisites (à risque nul ou faible de résistance). Outre le fait que cette stratégie est parfois utilisée pour prolonger l'usage d'un mode d'action rendu inefficace par la généralisation de la résistance, les modes d'action des pesticides multisites sont souvent anciens. De plus, ces pesticides ont des profils toxicologiques et écotoxicologiques peu favorables et nécessitent des applications répétées (produits de contact facilement lessivables).
Écueil économique
Enfin, la stratégie mélange peut souvent engendrer un surcoût financier – en termes d'achat de matières actives – à la charge des producteurs.
Le choix d'une stratégie antirésistance en protection des cultures doit donc reposer sur un compromis entre les dimensions économiques, agronomiques, environnementales et sanitaires auxquelles les traitements phytosanitaires sont confrontés.
Vers une hétérogénéité des traitements
Le mélange a des limites
De nombreuses matières actives sont déjà associées dans des produits... voire leur principe actif dans des semences. D'autres combinaisons peuvent être envisagées mais il est illusoire, pour les raisons économiques, sanitaires et environnementales évoquées ci-dessus, de mélanger toutes les matières actives contre un bioagresseur en un seul et même mélange.
D'autre part, militer pour une unique stratégie serait irréaliste et risqué. Les stratégies décrites plus haut reposent sur des mécanismes différents, et il serait inconséquent de ne pas profiter de leurs avantages respectifs.
Vers un scénario « alternances et mosaïques de mélanges » ?
Un scénario possible pour profiter des avantages des trois meilleures stratégies (mélange, alternance et mosaïque) serait d'augmenter l'hétérogénéité spatiale et temporelle des traitements phytosanitaires en réalisant des alternances et des mosaïques de plusieurs mélanges.
Une telle stratégie permettrait d'assurer des meurtres en réunion intra et intergénérationnelles, ce qui limiterait d'autant l'évolution de la résistance dans les populations d'organismes nuisibles.
Une telle politique ne peut se faire de façon isolée et sans réflexion préalable. Elle demande une concertation entre acteurs d'une filière, a minima entre producteurs – par exemple au sein des coopératives. Elle nécessite également une vraie réflexion sur son opérationnalité, l'organisation de sa mise en œuvre et sa durabilité technique, sociale et économique. Il semble en particulier nécessaire d'ajuster le niveau d'hétérogénéité spatio-temporelle aux cultures et aux organismes ciblés par les différents traitements.
Sans oublier les problématiques environnement-santé
Enfin, une stratégie ne peut être proposée sans le souci de préserver l'environnement et de limiter les conséquences sanitaires, tels que défini dans les plans Ecophyto et Agroécologie. Or, nous l'avons vu, certaines stratégies, efficaces du point de vue de la gestion de la résistance, peuvent avoir un impact environnemental et sanitaire non négligeable.
Une optimisation des seuils de traitements et le maintien volontaire de zones non traitées – à l'instar des fameuses zones refuges mises en place pour gérer la résistance des insectes aux maïs transgéniques aux USA – pourraient venir en appui de cette hétérogénéité des traitements en augmentant son efficacité et en limitant les nuisances. Ceci est compatible avec la volonté actuelle de favoriser la prophylaxie et les méthodes alternatives de lutte contre les bioagresseurs.
1 - L'évolution de la résistance
L'évolution de la résistance correspond à un phénomène de sélection conduisant au fil du temps à une augmentation de la fréquence d'agents pathogènes ou de ravageurs (les bioagresseurs) résistants à une ou plusieurs matières actives utilisées pour leur contrôle.
Cette évolution nécessite la présence préalable d'individus devenus résistants par l'acquisition de mutations.
Tous les organismes subissent naturellement des modifications appelées mutations qui apparaissent rarement et par hasard dans leur génome. Chez les individus résistants, ces mutations affectent des gènes impliqués dans la synthèse de la cible des pesticides ou dans la dégradation des pesticides. Elles diminuent la sensibilité aux pesticides des individus qui les portent. Les gènes qui contiennent ces mutations sont appelés gènes de résistance.
Ces mutations étant rares, elles ont plus de chance d'apparaître si les populations des bioagresseurs contiennent un grand nombre (plusieurs millions à plusieurs milliards) d'individus.
Lorsque les pesticides sont appliqués, la sélection procède ensuite de la manière suivante : les individus porteurs des gènes de résistance ont une plus forte probabilité de survivre, de se reproduire et donc de transmettre leurs gènes à la génération suivante. Au fil des traitements et des générations, les gènes de résistance vont ainsi augmenter en fréquence avec, pour corollaire, de plus en plus d'individus résistants dans les populations de bioagresseurs que l'on tente de contrôler.
2 - Maïs transgéniques et résistances d'insectes aux toxines de Bt
Les maïs transgéniques actuellement cultivés dans différents pays du monde ont été modifiés pour tolérer des traitements au glyphosate ou pour résister aux attaques d'insectes ravageurs, notamment la pyrale du maïs, Ostrinia nubilalis, et la chrysomèle du maïs, Diabrotica virgifera virgifera (photo). La résistance du maïs aux larves de ces deux insectes est conférée par des toxines de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt). Les gènes assurant la production de ces toxines ont été insérés, par transgénèse, dans le génome du maïs – d'où la dénomination de maïs Bt. Un même maïs Bt peut contenir différents événements de transformation (Tableau 3).
Les premiers maïs Bt cultivés contenaient un seul événement de transformation et ne produisaient donc qu'une seule toxine (deux toxines pour l'événement 59122). Cette stratégie n'était clairement pas optimale pour la durabilité des différentes toxines de Bt actives contre les deux ravageurs cibles. D'ailleurs, la mise en place de maïs contenant le seul événement MON88017 a conduit à la sélection rapide de résistances à la toxine Cry3Bb1 dans les populations américaines de la chrysomèle du maïs.
Depuis lors, la stratégie de mélange fait son chemin. Des maïs combinant deux événements de transformation (MON810 x TC1507 et Bt11 x TC1507 contre la pyrale, et 59122 x MON88107 contre la chrysomèle) sont commercialisés aux États-Unis. Ceci devrait assurer une plus grande durabilité des événements de transformation.