Érigéron (ou vergerette) de Sumatra au stade rosette. Si on veut détruire l'adventice avec du glyphosate, il faut le faire au plus tard à ce stade. Si on attend le stade adulte, l'efficacité dégringole (Figure 2), d'où problème immédiat. De plus, on sélectionne la résistance, d'où problème à moyen terme. Voire à court terme. Photo : J.-M. Beraud
Une résistance au glyphosate de l'érigéron de Sumatra (Conyza sumatrensis) a été détectée en 2010 dans le Gard puis confirmée en 2011. Face à cela, le groupe de travail AFPP-Columa Vigne a cherché les parades. Une communication à la 22e conférence du Columa leur est consacrée. Évocation.
Adventices résistantes et Columa Vigne, sept ans d'histoire
2006, tout commence avec l'ivraie
Le premier cas de résistance d'une adventice de la vigne au glyphosate en France a été découvert en 2006. C'était dans le département du Gard, déjà. Il concernait une espèce d'ivraie (ray-grass), précisément l'ivraie raide Lolium rigidum.
La résistance a été confirmée par des tests de laboratoire à l'Inra de Dijon en 2006 (Favier, Gauvrit, 2007), puis déclarée officiellement par Monsanto, principale société fabricante d'herbicides à base de glyphosate.
Des résistances au glyphosate dans les vignes, pourquoi ?
Il n'est pas étonnant que les premières résistances de mauvaises herbes du vignoble depuis l'interdiction des triazines concernent le glyphosate. En effet, cet herbicide systémique de postlevée est très largement utilisé en viticulture.
De plus, plusieurs cas de résistance sont rapportés dans la littérature. Plusieurs mécanismes sont impliqués. Le principal est une altération de la migration du produit dans la plante (Gauvrit, 2007).
Les acteurs se mobilisent
Des enquêtes au vignoble ont été réalisées dans le cadre du suivi des résistances (plan de surveillance DGAL-Anses).
Leurs résultats ont montré que de mauvaises pratiques d'utilisation du glyphosate (monoutilisation, non-respect des doses et périodes d'application) pouvaient avoir entraîné une efficacité insuffisante et avoir débouché sur l'apparition du phénomène de résistance du ray-grass (Deschomets, Gauvrit, 2007 ; DGAL-SDQPV, 2008).
Un groupe de travail AFPP-Columa Vigne a mis en place des essais avec protocole commun pour chercher des solutions de gestion curative, mais aussi préventive, de la résistance (21e conférence du Columa, 2010).
Travail sur les érigérons
Les vergerettes entrent en scène
La deuxième adventice à résister au glyphosate sur vigne est un érigéron, alias vergerette. Là encore, rien d'étonnant.
En effet, les érigérons sont très répandus dans le vignoble français. Ils sont nuisibles car, de par leur volume et leur taille élevée, ils perturbent les opérations culturales voire donnent un goût herbacé aux vins issus de vendanges mécaniques.
Les deux espèces principalement représentées au vignoble sont l'érigéron (ou vergerette) du Canada Conyza canadensis, et celui de Sumatra Conyza sumatrensis (photos). C'est ce dernier qui a été officiellement reconnu comme résistant en 2011 suite à des tests réalisés à l'université de Cordoue.
Le groupe Columa lance 14 essais
Le cas reconnu aujourd'hui ne concerne qu'un seul site. Mais sitôt alerté et avant même la confirmation officielle, le groupe Columa, suite au travail réalisé sur le raygrass, a voulu être proactif en recherchant rapidement des solutions alternatives.
Cinq essais ont ainsi pu être mis en œuvre dès 2011 : deux avec des produits de prélevée et trois des produits de postlevée.
Neuf autres essais ont été réalisés en 2012 (cinq en prélevée et quatre en postlevée). Les protocoles et modalités sont présentés dans la communication au Columa.
Résultats, des solutions oui, mais fragiles
Solutions possibles en prélevée...
La synthèse des résultats de ces 14 essais est donnée dans la communication.
Les sept essais d'applications de prélevée ont montré que flazasulfuron permet de contrôler efficacement et régulièrement l'érigéron, soit seul (Figure 1), soit comme partenaire d'herbicides de postlevée (figure disponible dans la communication Columa).
En postlevée
Dans les sept essais de postlevée, l'amitrole, seule ou associée avec d'autres substances actives de contact, semble être la substance la plus efficace (Figure dans la communication). Concernant le glyphosate, en l'absence de résistance, une application au bon stade est primordiale. Il faut agir sur des adventices juvéniles : pour l'érigéron, au stade rosette d'un diamètre maximum de 10 cm. Les résultats à un stade plus avancé sont plus aléatoires (Figure 2). Les levées d'érigéron étant étalées dans le temps, des stratégies à deux applications sont à envisager pour une meilleure efficacité.
Solutions fragiles, pourquoi ?
Cette étude montre aussi que les solutions chimiques pour contrôler les adventices au vignoble sont limitées et fragiles.
En effet, les modes d'action disponibles sont peu nombreux, et les risques d'extension des résistances existantes et de survenue d'autres résistances sont réels. Par ailleurs, le contexte réglementaire doit répondre aux attentes environnementales : diminution de l'impact sur l'eau, potentiellement important pour les herbicides.
Aussi les utilisations d'herbicides doivent être complétées par des pratiques alternatives à l'entretien chimique des sols : enherbement, désherbage mécanique... Ce type de pratiques fait l'objet de travaux par l'IFV (Institut français de la vigne et du vin), des Chambres d'agriculture... La collaboration des divers acteurs impliqués dans l'entretien des sols viticoles reste indispensable. C'est vers cette voie que le groupe AFPP-Columa Vigne tend à évoluer.
Fig. 1 : Efficacité des solutions de prélevée, 2011
Synthèse des deux essais de 2011. N.B. : dans les cinq essais de 2012 (produits de prélevée associés à de la postlevée), les modalités intégrant du flazasulfuron ont les meilleurs résultats (voir la communication AFPP).