Ce bilan a été réalisé à partir des synthèses des animateurs filière vigne des réseaux d'épidémiosurveillance et des BSV (axe 5 du plan Ecophyto). Il repose sur un réseau de plus de 2 500 parcelles (de référence, d'alerte, de témoins non traités et de sites de piégeages) avec la participation de diverses structures professionnelles.
L'essentiel du bilan ? Dans la continuité de 2012, les caprices météorologiques auront eu le plus fort impact en termes de quantité, et aussi parfois de qualité. D'autant que le botrytis a été de la partie en 2013.
Comme en 2012, météo perturbatrice
Hiver et printemps, températures basses et humidité
Entre les vendanges 2012 et le débourrement de la vigne, la principale caractéristique du repos hivernal fut l'excès d'humidité, avec des quantités de pluies souvent supérieures à très supérieures aux normales saisonnières.
Pas vraiment de quoi se plaindre si ce n'est que cette humidité, conjuguée à des températures basses en février et mars et un déficit d'ensoleillement, a ralenti le réchauffement printanier. D'autant plus qu'avril, à l'exception d'un court espoir d'arrivée printanière, est resté également froid et humide.
Quelques chiffres pris en Côte-d'Or illustrent ces propos. La température moyenne entre janvier et mars fut de 2,6 °C au lieu de 5,2 °C. Entre octobre et mars 100 mm d'eau (en 67 jours de pluies) se sont rajoutés aux 350 mm moyens et le déficit d'ensoleillement a été de 30 %. Ce même département enregistre encore des excédents pluviométriques en avril et mai (+ 100 mm) et toujours du froid (2 °C en dessous des normales) et un déficit d'ensoleillement de 100 heures.
Ces conditions caractérisent également de nombreux vignobles. Elles ont pu entraîner un défaut d'alimentation hydrique, minérale et carbonée expliquant le phénomène de filage, mentionné sur les savagnins du Jura et sur l'ensemble des cépages dans le Val de Loire.
Résultat : floraison retardée
Ces conditions difficiles aboutissent à un retard à la floraison qui atteint ou dépasse les deux semaines dans la plupart des vignobles : il faut souvent attendre fin juin voire début juillet pour observer la floraison.
Les pluies, qui ont pu intervenir avant, pendant ou après ce stade, ont provoqué de nombreux cas de coulure et/ou millerandage. Cela a fait baisser les espoirs de rendement, notamment Résumé sur les cépages traditionnellement sensibles à la coulure tel le grenache (jusqu'à 50 % de perte dans les Côtes du Rhône).
Été, températures normales, mais quels orages !
Juillet et août sont plus conformes aux attentes en terme de températures, mais avec une pluviométrie variable selon les régions et qui s'abat très souvent sous forme d'orages parfois violents et à l'origine de dégâts importants : 24 000 ha touchés sur les Graves, l'Entre-Deux-Mers et la Dordogne dont 4 700 ha atteints à plus de 80 % (photo), 1 700 à 2 000 ha touchés dans la Côte de Beaune avec des dégâts allant de 10 à 100 %, dégâts signalés également en Alsace, Champagne, Ardèche, Aude, vignoble de Cahors…
La météorologie d'août et septembre ne rattrape pas le retard phénologique et les vendanges commencent avec deux à trois semaines de retard dans la plupart des vignobles.
Le retour de Vendémiaire
En 2013, au contraire des millésimes récents, la principale période des vendanges s'est située entre le 22 septembre et le 20 octobre – le Vendémiaire du calendrier républicain, utilisé de 1792 à 1806 et reflet du climat de l'époque ! La plus grande part des raisins a été récoltée en octobre sauf en Languedoc-Roussillon et dans les vignobles ou la pourriture grise a précipité le début de la vendange (cépages blancs du Bordelais).
Au final, c'est encore une petite récolte. Estimée à 44,1 millions d'hectolitres au 1er octobre, elle reste inférieure à la moyenne des cinq dernières années.
Mildiou : une pression contenue
Une pression réelle mais contenue
En 2013, le tour des régions viticoles montre une relative homogénéité dans le déroulement de l'épidémie de mildiou. On a compté de nombreuses contaminations (25 à 30) toute la saison, été compris, malgré une accalmie en juillet.
Cela dit, le mildiou a été relativement facile à contenir. Les dégâts sur grappes sont modérés. Par contre, on a noté une progression importante sur le feuillage en fin de saison : beaucoup de taches mildiou mosaïque et de parcelles défoliées.
Déroulement de l'épidémie : les pluies la favorisent mais la fraîcheur la ralentit
Les modèles indiquaient un risque plutôt élevé en début de saison. La maturité des œufs d'hiver est atteinte le 18 avril en Bourgogne et le 6 mai en Aquitaine. La succession de pluies laisse présager un démarrage en trombe de la maladie, mais les températures atteignent ou dépassent rarement les 11 °C fatidiques.
De ce fait, les incubations sont longues (jusqu'à trois semaines) et les sorties de taches limitées. Elles apparaissent entre fin avril et mi-mai selon les situations et sporulent peu.
Malgré la difficulté pour assurer une protection correcte (parcelles parfois impénétrables), le vignoble est globalement sain début juin. Au 11 juin, 21 % des parcelles du réseau aquitain présentent des taches avec une fréquence d'attaque de 1 %. Sur les parcelles témoins non traitées, traduisant la pression réelle de la maladie, la situation est peu dégradée : seulement 2 % de grappes attaquées. La Figure 1 présente l'évolution de la maladie sur grappes en Aquitaine.
Dans les vignobles du sud-est, les épisodes contaminants se succèdent de mi-mai à mi-juin.
Ailleurs (du sud-ouest au nord-est), la situation évolue avec les pluies de la deuxième quinzaine de juin. Les conditions sont bien plus favorables à la maladie et la pression atteint des niveaux élevés. On observe des symptômes de rot gris et de rot brun. Heureusement le mois de juillet chaud et sec calme les ardeurs du mildiou et limite le développement épidémique.
Fin de saison, après l'accalmie de juillet
Après cette accalmie, la reprise des pluies à partir de la deuxième quinzaine de juillet, avec parfois de forts cumuls, réactive le mildiou. Mais ce dernier évolue essentiellement sur feuilles avec des niveaux en fréquence et en intensité qui dépendent de la situation et du niveau de protection des parcelles.
Dans certains secteurs, on observe des attaques sur grappes (Gaillacois) et des défoliations (Côtes du Rhône méridionales).
Oïdium : vigilance maintenue
Côté est, modéré malgré le risque initial élevé
Du fait du niveau de pression élevée en 2012, l'oïdium était, en 2013, une maladie sous haute surveillance. Dans les vignobles de l'est, le modèle SOV (utilisé en Bourgogne et Franche-Comté) indiquait un risque élevé en début de campagne. Dans ces vignobles, les premiers symptômes sur grappe apparaissent sur chardonnay fin mai-début juin, soit précocement (par rapport au stade phénologique) : avant le stade 7-8 feuilles étalées. Mais cet oïdium n'évolue que très lentement. En Côte-d'Or, à la floraison, 87 % des parcelles de témoins non traités sont indemnes et la maladie évolue peu jusqu'à fermeture de la grappe. Cette situation est généralisable aux vignobles de la façade est, sauf en Champagne où l'on note une présence forte à la floraison.
Après le stade fermeture de la grappe, l'oïdium progresse sur feuilles. Les grappes sont également touchées mais nettement moins qu'en 2012.
Fréquence et intensité d'attaque restent globalement modérées dans les parcelles protégées du réseau. Si les parcelles les plus touchées correspondent à des situations à « historique » et/ou mal protégées, des interrogations se posent dans le cas de parcelles correctement protégées mais présentant des niveaux de dégâts importants, en Champagne notamment.
À l'ouest, oïdium discret
Les vignobles de la façade ouest ont démarré la campagne avec un risque qualifié de moyen selon le modèle potentiel-systèmes. Les pluies et les températures fraîches de début de campagne ont déplacé le curseur vers un niveau bas au moment de la floraison. Effectivement, à cette période, seules 3 % des parcelles de témoins non traités du réseau aquitain présentaient des symptômes sur grappes (dans des situations à historique oïdium).
Entre fermeture de la grappe et véraison, un tiers de ces mêmes témoins présentaient des symptômes sur grappes, mais seules 11 % des parcelles du réseau de référence (parcelles protégées) étaient concernées par de l'oïdium sur grappes. De plus, c'était à un niveau faible (moins de 1 % de grappes touchées).
Ces chiffres montrent donc une évolution très modérée et facilement contenue. Elle est généralisable à l'ensemble des vignobles de l'ouest : en Midi-Pyrénées, l'oïdium était absent de la quasi-totalité du réseau. Ailleurs, les signalements concernaient les situations historiques, sur cépages sensibles et en situations mal protégées. C'est donc dans les vignobles de la façade ouest que la maladie s'est faite la plus discrète.
Méditerranée, davantage d'intensité mais pas de gros problèmes
Dans les vignobles méditerranéens, l'oïdium s'est manifesté avec plus d'intensité. Fin avril, le faciès « drapeaux », caractéristique du carignan, concernait un cep sur deux. On a pu même compter 48 drapeaux sur 50 ceps dans les Pyrénées-Orientales. Contrairement aux autres vignobles, les conditions printanières ont été plutôt favorables.
Au 15 juillet, 30 % des grappes étaient touchées sur les cépages sensibles dans l'Hérault (carignan, chardonnay, portan).
Finalement, si la plupart des parcelles du Languedoc-Roussillon étaient concernées par de l'oïdium sur grappes, les intensités étaient faibles à modérées. En Provence, la situation est considérée comme globalement saine.
2013 : millésime botrytis
Climat, tout pour lui plaire
En 2013, les conditions étaient réunies pour un développement de la pourriture grise, restée plutôt discrète les années précédentes : une météorologie favorable à la maladie dès les stades précoces et une année tardive. Les pluies printanières ont pu être à l'origine de symptômes précoces sur feuilles et inflorescences. En Aquitaine, on a noté la présence de Botrytis cinerea sur feuilles dès la fin du mois de mai. Au 2 juillet, 60 % des parcelles étaient concernées, mais avec une fréquence ne dépassant pas 2 %.
Les symptômes sur grappes apparaissent entre fin juillet et mi-août selon les vignobles, à un stade plutôt précoce : dès floraison ou après nouaison. La maladie progresse de façon plus ou moins rapide en fonction des facteurs favorisants : sensibilité du cépage, blessures liées à la grêle, aux tempêtes (Charentes), aux tordeuses. Les pluies de fin de saison (à partir de mi-septembre), ont pu provoquer un éclatement suite à un gonflement rapide de baies dont la pellicule était endommagée.
Certaines vendanges ont dû être accélérées
Résultat : une progression rapide à l'approche des vendanges. La plupart des régions signalent des dégâts significatifs.
En Aquitaine, 8 jours avant la vendange, 82 % des parcelles présentaient des grappes avec présence de pourriture grise. Sur ces parcelles, 14 % en moyenne des grappes étaient touchées avec une intensité d'attaque de 7 %. La maladie était alors en forte progression, hâtant la récolte des raisins.
Autres maladies
Black-rot quasi absent, accalmie des maladies du bois
Il est à signaler la quasi-absence de black-rot sur grappe cette année, malgré des conditions météorologiques plutôt favorables. Les seules grappes touchées ont été observées sur les témoins non traités du Bordelais.
Concernant les maladies du bois, les données recueillies sont encore fragmentaires mais la tendance 2013 est une diminution des symptômes foliaires de la mortalité.
Nouveaux foyers de flavescence
Concernant la flavescence dorée, les efforts de surveillance et de lutte mis en œuvre en Bourgogne ont permis de réaliser un état des lieux de la situation et de limiter l'extension de la maladie : 11 ha avaient dû être arrachés en Saône-et-Loire en 2012. Cette année seulement 20 ares sont concernés par cette mesure.
En revanche, il faut signaler de nouveaux foyers dans le sud-est (Gard, Vaucluse, Bouches-du-Rhône), avec un foyer important dans le secteur des Baux-de-Provence, non encore touché jusqu'à présent.
Enfin, rappelons que le vecteur de cette maladie, la cicadelle Scaphoideus titanus, est présent sur tous les vignobles français à l'exception de l'Alsace et de la Lorraine. Dans les vignobles non touchés par la maladie, il est donc susceptible de la transmettre en cas d'introduction du phytoplasme, par exemple par le matériel végétal.
Des ravageurs plutôt discrets
Tordeuses, la première génération n'a pas aimé le printemps pourri
Les ravageurs les plus surveillés restent toujours les deux tordeuses de la grappe eudémis et cochylis. En 2013, elles n'ont été à l'origine que de dégâts limités.
Les premiers vols ont commencé entre le 3 avril et le 7 mai pour les vignobles de la moitié sud et entre le 24 avril et le 22 mai pour ceux de la moitié nord, pour s'achever en moyenne 44 jours plus tard. Certains vols ont été particulièrement longs : 73 jours dans les Charentes et 63 jours en Franche-Comté.
La première génération de cochylis et d'eudémis a été perturbée par les conditions climatiques difficiles des mois de mai et juin dans certaines situations. Elle n'a pas généré de dégâts particuliers dans la majorité des cas sauf parfois très localement dans la moitié sud. Ainsi, des attaques moyennes à fortes se sont produites en particulier dans les Bouches-du-Rhône, le Var, les Côtes du Rhône septentrionales, le Gard, en Aquitaine et dans le sud de la Drôme, où 48 % des parcelles du réseau d'observation ont dépassé le seuil de nuisibilité.
Discret sauf en Alsace, en Languedoc et à Gaillac
Les deuxièmes vols ont commencé entre le 20 juin et le 11 juillet pour la moitié sud et entre le 29 juin et le 23 juillet pour la moitié nord. Ils sont passés quasiment inaperçus dans la majorité des situations mis à part quelques cas.
Ainsi l'Alsace a connu une pression étonnamment élevée avec une période de vol et de ponte particulièrement longue. Au final, 78 % des parcelles présentant des attaques sur lesquelles 16 % des grappes étaient touchées en moyenne.
De même, les vignobles du Gard, de l'Hérault et de l'Aude ont connu une situation similaire avec des attaques moyennes à fortes. En Rhône-Alpes, quelques attaques sévères ont été signalées sur de petits bassins viticoles dans les Côtes du Rhône septentrionales, en sud Ardèche et en sud Drôme.
La troisième génération d'eudémis a débuté entre le 8 août en région PACA et le 26 août en Pays de Loire. Elle a été particulièrement agressive dans le vignoble de Gaillac : longue période de vol et nombreuses pontes (plusieurs dizaines par grappes) et perforations. Le Gard et les Pyrénées-Orientales ont été touchés par de fortes attaques et, dans une moindre mesure, quelques bassins viticoles des Côtes du Rhône septentrionales, Bouches-du-Rhône, Var et sud Drôme.
Eudémis reste l'espèce le plus souvent à l'origine des dégâts enregistrés en 2013, devant cochylis et d'autres « vers de la grappe » moins connus mais ponctuellement observés. Ainsi, Eulia est signalée dans tous les vignobles du Languedoc-Roussillon excepté dans les Pyrénées-Orientales et ponctuellement, Ephestia parasitella présente dans le Gard et l'Hérault.
Autres ravageurs
Quant aux autres ravageurs, ils n'ont quasiment pas fait parler d'eux. Citons, pour mémoire, les acariens rouges Panonychus ulmi (Koch). Ceux-ci ne représentent quasiment plus de risque économique grâce à l'omniprésence des acariens prédateurs, les typhlodromes qui régulent efficacement les populations. Cependant une progression des populations d'acariens rouges en 2013 est signalée en Bourgogne et en Savoie, mais sans dépasser les seuils de nuisibilité.
Si l'acariose, provoquée par l'acarien phytopte Calepitrimerus vitis, reste anecdotique, certains vignobles signalent sa présence régulière sur jeunes plantations, en particulier dans le Centre, le sud de l'Ardèche et l'Alsace où il est en recrudescence. Quant à l'érinose (Colomerus vitis), elle est omniprésente dans tous les vignobles. 74 % des parcelles sont touchées dans le Beaujolais et 83 % en Champagne, avec parfois des attaques spectaculaires, mais sans incidence économique.
La cicadelle des grillures (Empoasca vitis) est présente sur tout le territoire français. Les seuils de nuisibilité sont rarement dépassés malgré des populations importantes dans quelques parcelles du Blayais-Bourgeais et dans le vignoble Alsacien. En sud Ardèche elle colonise 73 % des parcelles. Les niveaux de population sont en général égaux ou inférieurs à ceux de 2012. Une baisse notable des infestations a été signalée pour les vignobles du Diois et de la Savoie.
Terminons par les cochenilles, dont la plupart sont responsables de la transmission des virus de l'enroulement. En 2013, seuls les vignobles alsaciens ont vu progresser l'ensemble des espèces Phenacoccus aceris, Parthenolecanium corni et Heliococcus bohemicus (lécanine, pulvinaire, acéris et bohémienne).
Le réseau d'observation a été particulièrement attentif à Drosophila suzukii, à l'origine de dégâts parfois importants en cultures fruitières. Elle a été piégée en août dans le vignoble des Côtes du Rhône méridionales, dans les départements du Vaucluse et de la Drôme, mais sans aucuns dégâts observés sur raisins. Au final, une année tardive, caractérisée par des conditions climatiques difficiles à l'origine d'une petite récolte et marquée par une présence importante de la pourriture grise.