Ceci n'est pas du soufre. En fait, il s'agit de pollen ! Il a été choisi, formulé et conditionné comme « complément alimentaire » pour acariens prédateurs afin d'améliorer leur travail d'auxiliaires. C'est une des innovations présentées ici, aux côtés d'auxiliaires, d'un adjuvant naturel et de quatre fongicides dont deux de type biocontrôle. Photo : Biobest
Cinq nouveautés : c'est le bilan d'un an en matière de produits phytopharmaceutiques utilisables sur cultures ornementales. Moins que les années précédentes, donc(1). Quatre sont des fongicides et le cinquième est un adjuvant pour fongicides. Alors, rien de nouveau contre les ravageurs ? Si, des prédateurs... et leur casse-croûte.
Bicarbonate contre oïdium
Très joli profil
Contre les maladies, les innovations les plus notables sont des biofongicides. La première, nommée Armicarb et vendue par De Sangosse, avait été lancée sur cultures vivrières il y a deux ans(2).
Elle est à base de bicarbonate de potassium, substance bien connue dans... l'alimentation humaine ! C'est l'additif E501, et on l'utilise par ailleurs en œnologie.
Le nouveau produit est dûment reconnu UAB (utilisable en agriculture biologique) : on le trouve dans le Guide des produits UAB mis en ligne par l'ITAB, Institut technique de l'agriculture biologique. Il est en même temps listé Nodu vert biocontrôle, abrégeons en NVB : on le trouve sur la liste 2013 comme il était sur celle de 2012. Il est sans classement toxicologique et écotoxicologique. En clair, il a été testé et reconnu comme doux sur les deux plans.
Il a obtenu tout début 2014 une série d'extensions d'usage dont trois concernent l'oïdium sur des cultures ornementales : rosier, CFD (cultures florales diverses) et AAO (arbres et arbustes d'ornement).
Références sur rosier
Sur rosier, ce biofongicide a été testé notamment sous abris. Il montre une efficacité préventive sur feuilles largement du niveau de ses rivaux chimiques. C'est remarquable pour un biofongicide non classé.
C'est un multisite, sans risque de résistance, on peut l'utiliser six fois par saison. L'idéal est de l'alterner avec un autre fongicide (soufre en bio, autre anti-oïdium).
La société recommande des applications sous bonne hygrométrie car le produit en a besoin pour... dessécher les spores d'oïdium... Paradoxal mais vrai ! L'idéal est donc une application le soir.
Autres conditions : une couverture complète de la végétation (sur les deux faces des feuilles : c'est un produit de contact) et une application homogène, avec un volume de bouillie modulé selon la densité de végétation. La concentration ne doit pas dépasser 2 % (2 l de produit/100 l d'eau). Le biofongicide peut se mélanger avec certains produits mais pas tous. Il faut éviter les formulations EC, les spécialités à base d'oxyde cuivreux ou d'oxychlorure de cuivre, les fertilisants foliaires et tous les produits acides.
Autres cultures, à affiner
Concernant les autorisations contre oïdium sur CFD, on dira bientôt CFPV (cultures florales et plantes vertes), et AAO, bientôt AAF (arbres et arbustes feuillus) et AAC (arbres et arbustes conifères), il y a beaucoup d'espèces différentes et la société ne dispose pas de tests sur toutes... Elle conseille donc de faire un prétest avant toute utilisation. Et elle souligne que ses recommandations générales (application sous bonne hygrométrie, couverture complète du végétal, etc.) restent de toute façon valables.
Trichoderma pour le sol
Souche naturelle
La deuxième nouveauté est autorisée en traitements généraux, donc sur cultures ornementales au même titre que d'autres végétaux. Nommé Xedavir, ce biofongicide de Xeda International sera vendu par De Sangosse. Il s'appliquera en traitement du sol, en incorporation dans les terreaux ou pulvérisation.
Mode d'action, explications
Ce biofongicide est à base d'une souche précise, dite TV1, de Trichoderma asperellum. Or les trichoderma ont potentiellement trois modes d'action.
Rappel pour ceux qui auraient oublié et perdu l'article de Claude Alabouvette paru dans Phytoma en mars 2012(3) : il y a la stimulation des défenses des plantes, celle de leur vitalité et enfin les actions directes. D'abord la souche TV1 stimule la vitalité de la plante (absorption des éléments nutritifs) ; si elle n'avait que ce mode d'action, ce serait un biostimulant ; mais elle a aussi les deux autres, c'est donc un produit phyto. Ainsi, elle stimule les défenses propres de la plante contre ses pathogènes (effet SDN, stimulateur des défenses naturelles).
Quant à l'action directe, il s'agit de compétition spatiale et nutritive. Autrement dit, la souche s'installe sans nuire au végétal et gêne les pathogènes en les concurrençant pour l'espace et les minéraux.
La pratique et les reconnaissances
Le nouveau produit est autorisé en traitement du sol contre les fontes de semis, Phytophthora spp., Pythium spp., Rhizoctonia solani et Verticillium spp.
En pratique, ce produit vivant se conserve huit mois au sec si la température reste inférieure à 25 °C et jusqu'à un an au réfrigérateur.
Comme il s'agit d'une première autorisation début 2014, il n'est pas sur la liste Nodu vert 2013. Mais, vu son origine naturelle et son profil « tox-écotox » (lui aussi est non classé), il a ses chances pour une reconnaissance en 2014 ! De même, il n'est pas encore sur la liste des intrants utilisables en agriculture biologique, car la troisième version du guide listant ses intrants est sortie en décembre dernier. Mais c'est un micro-organisme vivant naturel (en clair, pas OGM) : il sera donc UAB conformément au règlement (CE) N° 834/2007.
<p>(1) Il y a eu neuf nouveautés de février 2001 à janvier 2012, voir <i>Phytoma</i> n° 651, février 2012, p. 25 à 28, puis treize de février 2012 à janvier 2013, voir <i>Phytoma</i> n° 661 de février 2013, p. 28 à 32.</p> <p>(2) Voir <i>Phytoma</i> n° 651 de février 2012, p. 40, ainsi que Daguier M.</i> & al., <i>2012 - Mieux connaître</i> Armicarb<i>, fongicide anti-oïdium.</i> Phytoma <i>n° 652, mars, p. 50 à 52.</p> <p>(3) Alabouvette C. et Cordier C., 2012 - Les trichoderma, trois fois bénéfiques. <i>Phytoma</i> n° 652, mars, p. 17 à 21.</p> <p>(4) Gauthier C. et Lardier P.-A., 2006. Qu'est-ce que la métrafénone, fongicide anti-oïdium vigne, <i>Phytoma</i> n° 598, novembre 2006, p. 60-62.</p>