Retour

imprimer l'article Imprimer

Sur le métier

Jean-Michel Lambin, producteur convaincu par la PBI

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°671 - février 2014 - page 48

Après quelques années de tests concluants, Jean-Michel Lambin a généralisé la protection biologique intégrée (PBI) à toute la production horticole et maraîchère de l'EARL Grave. Pucerons, thrips et oïdium sont ses principaux soucis. Objectifs ? En tout premier lieu, réduire l'exposition des applicateurs aux matières actives chimiques. Résultats ? C'est possible tout en protégeant efficacement les plantes.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

À Wambrechies (Nord) tout près de Lille, l'EARL Grave est une entreprise familiale depuis quatre générations. Emmanuelle Lambin, 44 ans, a repris l'exploitation en 1999 en Gaec avec son père, puis en entreprise individuelle en 2006. En 2013, une EARL est créée avec Jean-Michel, son mari, et Valérie Duthoit, salariée depuis quinze ans. Aujourd'hui, des fleurs, plantes à massif, fraises, légumes, plants de légumes et plantes aromatiques sont produits sur 1,60 ha (dont 8 100 m² de serre). 60 % du chiffre d'affaires est réalisé via la vente au détail ou demi-gros, principalement sur l'exploitation ; les 40 % restants concernent le fleurissement des collectivités.

Protéger l'applicateur

La protection biologique intégrée (PBI) a pointé le bout de son nez en 2002 avec quelques tests sur des fleurs et plantes à massif sous serre. Au fur et à mesure des essais concluants, la maîtrise de la technique s'affine. « Il faut cinq à six ans pour la maîtriser vraiment », prévient Jean-Michel Lambin, en charge de la protection phytosanitaire. Ainsi, la surface en PBI augmente doucement. Elle sera généralisée à toute la production en 2007.

« Notre motivation première, la plus importante, était de réduire les risques d'exposition de l'applicateur aux produits chimiques, vu le nombre de traitements nécessaires, notamment en fraise, raconte Jean-Michel. Si en jardinerie ce n'est pas un argument de vente, ça l'est en revanche pour les fraises et les légumes, quitte à perdre un peu de production. » Dernière raison : ne pas laisser une empreinte négative sur l'environnement.

Aphidius et chrysopes contre pucerons

Pour lutter contre les pucerons (huit types environ), des congénères parasités par plusieurs espèces d'aphidius (ervi, colemani, abdominalis, matricariae) sont lâchés en préventif, tous les quinze jours, de début mars jusque fin juillet pour les fraises, et de mi-avril à mi-juin sur les fleurs.

« Des petites boîtes sont disséminées un peu partout sous les serres, avec une concentration de 0,2 prédateur/m² au départ, qui peut monter selon la pression jusqu'à 0,5/m² », explique notre horticulteur. Au moins quatre semaines sont nécessaires pour voir la population de pucerons diminuer.

« Il faut aussi s'habituer à en avoir toujours un peu pour que les prédateurs puissent se nourrir et se reproduire. »

Si la pression devient trop forte, des chrysopes (Chrysoperla carnea) viennent à la rescousse en curatif.

« Les larves en plaquette, non mobiles, sont déposées près des colonies de pucerons. »

Sans réelle possibilité d'échanger avec d'autres producteurs car la PBI est peu pratiquée dans la région, Jean-Michel est conseillé par son fournisseur de prédateurs. Surtout, sa propre expérience lui permet de bien maîtriser la technique depuis trois-quatre ans.

Amblyseius contre thrips

Même stratégie de prévention pour les thrips : des sachets d'acariens (Amblyseius cucumeris) sont suspendus tous les 2 m² dans les fraises et les plantes à partir de début juin, et ce toutes les six semaines jusqu'à fin août. En s'attaquant aux larves, les acariens parviennent en général à gérer ce ravageur.

« Si ce n'est pas le cas, j'ai recours à une punaise ( Orius laevigatus) qui, elle, mange les adultes. Celle-ci est très mobile et reçue en vrac ; nous la saupoudrons un peu partout dans les serres. »

Contrairement aux produits phytosanitaires, tous ces prédateurs ne se stockent pas.

« Pour être en phase avec les besoins, je commande tous les quinze jours. Nous avons jusqu'au jeudi midi pour une réception le mardi suivant. En PBI, il faut vraiment anticiper la pression ravageurs, notamment suivre les prévisions météo. »

Quant à l'oïdium sur fraise, il est jugulé chimiquement tant que le fruit n'est pas visible.

« Je n'ai pas le choix car c'est une période très délicate et on risque de courir après l'oïdium pendant toute la saison si on ne le maîtrise pas très tôt, prévient le spécialiste. »

Bicarbonate et orange contre l'oïdium

« Dès la formation du fruit, du bicarbonate de potassium est pulvérisé en préventif jusqu'à la fin de la récolte. Si l'oïdium se déclare, je passe à l'huile essentielle d'orange. Ce produit, très efficace, a le défaut de risquer d'éliminer les prédateurs car il a aussi un effet insecticide(1). »

En recherche continuelle de solutions, Jean-Michel souhaiterait tester des purins (ex. : d'algues et de prêle) contre l'oïdium de la fraise, pour la stimulation des défenses sur pensée contre le mildiou qui est actuellement géré chimiquement, ou encore comme répulsif naturel (purin d'ail ou d'ortie) contre tout type d'insectes en préventif.

La PBI est efficace

« Avec le recul, pour moi la PBI est aussi efficace que les traitements chimiques, voire plus dans certains cas, et la pose des prédateurs demande moins de temps. » Seul bémol : son coût, trois fois plus élevé en moyenne.

« L'avenir pour notre production, c'est de trouver des solutions complètes sur les maladies comme l'oïdium de la fraise, car notre objectif est de réaliser de moins en moins de traitements chimiques », conclut Jean-Michel Lambin, estimant tout de même qu'il ne pourra pas s'en passer totalement.

<p>(1) Précisions : ces deux produits sont des spécialités phytopharmaceutiques dûment autorisées, et par ailleurs tout aussi dûment reconnues UAB (utilisables en agriculture biologique).</p>

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

BIO EXPRESS

EARL GRAVE

1900. Création de l'entreprise à Wambrechies (Nord).

1989. BTA en poche, Emmanuelle Grave devient aide familiale sur l'exploitation aux côtés de son père, Christian Grave.

1995. Jean-Michel Lambin entre en tant que salarié à mi-temps.

1999. Création d'un Gaec entre Christian et sa fille Emmanuelle.

2002. Début des essais de PBI sur l'exploitation par Jean-Michel.

2006. Reprise de l'exploitation en nom propre par Emmanuelle.

2007. Sous la houlette de Jean-Michel, généralisation de la PBI à toute la surface et à toutes les productions.

2013. Création de l'EARL Grave par Jean-Michel et Valérie Duthoit. Emmanuelle devient salariée.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :