Organisée par l'AFPP(1), la conférence 2013 sur l'entretien des ZNA a réuni professionnels, représentants de collectivités territoriales, chercheurs et étudiants de l'Ensat(2). Nous étions une cinquantaine d'étudiants en spécialisations ABSV(3) et QEGR(4), répartis dans les sept sessions (réglementation, gazon, arboriculture, jardins amateurs, forêts, végétation spontanée, plantes invasives). Chargés de résumer les exposés, nous avons écouté les interventions et débats avec une volonté de neutralité.
Une découverte à plus d'un titre
Futurs agronomes face aux ZNA
Plus habitués aux zones agricoles, nous avons été mis en face d'une autre réalité tout aussi concrète : les ZNA.
Zones agricoles et ZNA ont des problématiques communes : gestion des maladies (ex. : anthracnose sur graminées de golf), de l'enherbement et des plantes invasives (ex. : ambroisie Ambrosia artemisiifolia en bord de route), ravageurs émergeants (ex. : Pistosia dactyliferae sur palmier), réglementation changeante, etc. Les ZNA, notre décor quotidien, concentrent près de 10 % des 60 000 tonnes de pesticides utilisés en France.
Surpris par les interventions
Nous craignions un constat pessimiste, nous avons été surpris. Dans chaque session, nous avons senti un élan moteur vers des plans d'actions (réseau d'épidémiosurveillance de ravageurs, création de guides...). Certes, les chiffres et rapports indiquent des progrès à faire du côté du respect des doses et de la réglementation, mais des solutions sont en route. Des initiatives sont prises un peu partout. Il nous a semblé qu'elles illustrent bien l'axe 7 du plan Ecophyto : « Réduire et sécuriser l'usage des produits phytopharmaceutiques en zones non agricoles. » Pour information, rappelons les points de cet axe :
– améliorer la qualification des applicateurs professionnels en ZNA,
– sécuriser l'utilisation des pesticides par les amateurs,
– encadrer strictement l'utilisation des produits phytosanitaires dans les lieux destinés au public,
– développer et diffuser des outils spécifiques pour diminuer l'usage des pesticides en ZNA,
– stratégies globales d'aménagement du territoire.
Tous ces points ont été illustrés au cours des conférences(5). Nous évoquons ici quatre exposés qui nous ont marqués :
– L'approche pour réduire les phytos du bassin de Bages-Sigean,
– Le biocontrôle en ZNA,
– Les jardiniers amateurs au cœur des ZNA,
– Les certifications dans la gestion des produits phytos.
Focus sur le bassin de Bages-Sigean
Approche pluridisciplinaire et coopérative
Depuis 2009, le Réseau ferré de France, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, la SNCF, le Parc naturel régional de la Narbonnaise et les Jardins des cheminots de Narbonne travaillent à réduire la pollution des étangs de Bages-Sigean.
Des enjeux : d'un côté, l'obligation de lutter contre les mauvaises herbes pour des raisons évidentes de bon fonctionnement et de sécurité des voies ferrées avec l'envie de limiter l'impact écologique et économique de cet entretien ; de l'autre, des jardiniers amateurs souhaitant produire proprement des fruits et légumes pour leur consommation personnelle.
Des acteurs : un partenariat entre associatifs et entreprises réunissant plusieurs types de ZNA avec des tenants et aboutissants très différents.
Un projet : fondé sur la connaissance du milieu, des techniques novatrices... et un retour aux fondamentaux agronomiques.
Travail autour des voies ferrées
Plusieurs approches ont été proposées pour ne plus avoir à utiliser de produits phytos (herbicides). Quatre couches protectrices complémentaires ont été testées sur voies ferrées :
– un géotextile (textile dans le sol à rôle de filtre) qui bloque le développement de la végétation,
– un ruglei (grille angulaire) planté dans le sol et rempli de ballast pour maintenir les talus,
– une natte antivégétation,
– un plastol, matériau thermocollé non sensible aux U. V.
Selon les conditions du milieu, les voies aménagées avec ces revêtements ne devraient pas exiger de traitement durant une dizaine d'années. Cette solution devrait être étendue sur 80 km de zones très sensibles lors du renouvellement des voies avec des matériaux encore plus maniables.
Et dans les jardins de particuliers
Par ailleurs, suite au constat du surdosage des produits phytos, les Jardins des cheminots ont mis en place une charte du jardinage raisonné ainsi que des formations sur les thèmes bonnes pratiques de jardinage, protection raisonnée des cultures et préservation de la biodiversité. L'accent a été mis sur les connaissances agronomiques et sur des méthodes anciennes de jardinage qui ont fait leurs preuves. Lieu d'échange et de partage, l'association accueille et forme les jeunes au jardinage raisonné. Alain Llop, président du Jardin des cheminots de Narbonne, l'affirme : « Avec ce jardin, on cultive également le lien social. »
Ce projet illustre la volonté de chacun, du jardinier amateur à la grande entreprise publique ; il vise à réfléchir et à se former à des solutions propres, pluridisciplinaires et innovantes pour préserver l'environnement.
Le biocontrôle en ZNA
Pourquoi s'y intéresser
Face au contexte actuel de limitation de l'usage des produits phytos par le plan Ecophyto, de nouvelles stratégies sont mises en place tel que le biocontrôle. La conférence ZNA a permis de mettre en avant des projets utilisant le biocontrôle sur les golfs mais aussi dans les villes, notamment celle de Lyon.
Perspective sur les terrains de golf
La gestion des gazons de golf doit répondre à des contraintes importantes : occupation régulière de joueurs, réglementation (Direction régionale de l'équipement), respect de l'environnement et de la santé des utilisateurs. Face à cela, on étudie des solutions biologiques, type nématodes entomopathogènes contre des ravageurs, ou champignon antagoniste Trichoderma harzianum souche T22 contre des maladies du sol.
Les nématodes entomopathogènes vecteurs de bactéries spécifiques (ex. : du genre Xenorhabdus pour les nématodes Steinernematidae) ont une efficacité de 82 % contre les tipules, 90 % contre la noctuelle terricole et les hannetons des jardins, 60 à 100 % contre le hanneton commun. Ces outils agissent surtout durant les premiers stades larvaires des nuisibles. Une bonne connaissance des cycles biologiques est donc essentielle pour intervenir rapidement avant développement de symptômes visibles. La lutte contre les maladies fongiques Dollar Spot (Sclerotinia homeocarpa) et fusariose hivernale (Microdochium nivale) représente 70 % de l'utilisation de fongicides. En 2012, le Centre d'expertise en techniques environnementales et végétales (Cetev) a montré que l'association de produits de synthèse avec T. harzianum permet d'obtenir une très bonne efficacité et limiter l'utilisation de ces produits de synthèse. Une application mensuelle de T. harzianum est préconisée, si possible en phase d'aération pour faciliter la colonisation des nouvelles racines par le champignon antagoniste.
Ville de Lyon et biocontrôle sur gazons sportifs
Depuis 2008, la ville de Lyon a mis en place une démarche de qualité sur gazons sportifs. La ville a testé de nouvelles pratiques pour limiter l'usage des pesticides, comme l'implantation de ray grass anglais avec mycorhizes pulvérisées sur le terrain du Clos Layat pour améliorer l'enracinement du gazon, la résistance aux maladies et la résistance des plantules à la sécheresse et au froid.
Il existe des solutions biologiques pour réduire et retarder l'application de fongicides ou d'insecticides. Cette gestion sanitaire du gazon exige une bonne prise en compte du végétal, une connaissance des menaces possibles ainsi que du matériel d'application performant. Cependant, ces nouvelles méthodes ont un surcoût conséquent vu le matériel, la main-d'œuvre et le nombre de répétitions dans l'année. Cela peut limiter le développement de ces techniques.
Jardiniers amateurs au cœur des zones non agricoles
Des outils à la disposition : clinique en ligne
Les ZNA regroupent un très grand nombre d'acteurs, pas exclusivement professionnels. Les jardiniers amateurs ont un rôle important à jouer dans la gestion des ces espaces.
Divers outils de reconnaissance et de formation élaborés par des professionnels sont à disposition. Ainsi, la Clinique des plantes de l'Union des entreprises pour la protection des jardins (UPJ) permet aux jardiniers amateurs de bénéficier de conseils d'experts lors de manifestations horticoles.
Récemment, elle est devenue un outil d'autodiagnostic en ligne, permettant à l'amateur de trouver réponse aux problèmes de ses végétaux. Cet outil pédagogique simple à utiliser guide dans l'observation de la plante jusqu'à la description des symptômes. Le jardinier a alors accès à une fiche contenant les informations nécessaires pour effectuer le traitement adéquat. Outre l'outil de diagnostic, le site contient des informations complémentaires : fiches « plante » et « conseil » sur un thème particulier. Il y a même un formulaire de contact pour obtenir en direct un conseil d'expert.
Plateforme jardiner autrement
Dans le cadre du plan Ecophyto, la Société nationale d'horticulture de France a mis en place la plateforme internet www.jardiner-autrement.fr, afin de conseiller au mieux les jardiniers amateurs pour qu'ils réduisent l'usage des pesticides et gèrent leur jardin de façon raisonnée. Ce site informe et échange à travers des contenus originaux, méthodologiques, scientifiques et illustrés, validés par des professionnels. Il doit permettre aux jardiniers amateurs de réaliser un diagnostic concret et efficace. Il existe un projet de développement sur smartphone.
Concours pour valoriser les jardiniers amateurs
Le concours national des jardins potagers récompense, depuis 2000, les potagers et leurs jardiniers, tant sur des critères esthétiques que sur la manière dont les jardins sont conduits. Une importante diversité d'espèces et variétés cultivées ainsi que des pratiques respectueuses de l'environnement sont mises à l'honneur par divers prix et récompenses. Ce concours apporte aux lauréats la reconnaissance de la presse et des visiteurs. Et c'est un bon observatoire des pratiques de jardinage.
Changement d'habitude nécessaire
En 2012, les jardiniers amateurs ont utilisé 4 551 tonnes de matières actives et les espaces verts 794 tonnes. Le jardinier amateur recherche en général une solution simple et efficace, il lui est plus facile de changer de produit que de pratique. Dans le contexte actuel, ces amateurs doivent prendre conscience de leur rôle dans la préservation de l'environnement et apprendre à gérer leur jardin de manière plus raisonnée.
Certifications dans la gestion des produits
Le Certiphyto
Le Certiphyto est le certificat individuel attestant de la connaissance permettant l'utilisation des produits phytos. Il vise à sécuriser et raisonner leur usage. Il est obligatoire pour les professionnels de la distribution, de la prestation de service et du conseil depuis le 1er octobre 2013. Pour les autres agents (agents des collectivités territoriales, forestiers, agriculteurs...), le Certiphyto sera requis le 1er octobre 2014(6).
Son obtention est conditionnée par le suivi d'une formation dispensée par des organismes certifiés par le ministère chargé de l'Agriculture (listes sur les sites des Draaf(7) et Daaf(8)) ou par le passage d'un test si les connaissances sont déjà acquises. Lors de la formation, quatre grands thèmes sont abordés : santé, réglementation, protection de l'environnement et techniques alternatives. Ils sont globalement bien traités même si certains se révèlent être peu en adéquation avec le travail effectif de l'opérateur. Mais la durée de formation est souvent trop courte pour traiter ces thèmes dans leur intégralité.
Suite à la formation, le certificat délivré par la Draaf est envoyé par FranceAgriMer à son détenteur. Sa validité est de 5 ans pour les professionnels des travaux et services, de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques, et de 10 ans pour les utilisateurs en exploitation agricole.
L'agrément d'entreprise
Depuis le 1er octobre 2013, toutes les entreprises prestataires de service dans l'application, la distribution et le conseil de produits phytopharmaceutiques doivent être agréées pour exercer légalement leur métier, selon un décret du 18 octobre 2011. Cela permet la reconnaissance de la profession, un contrôle de sécurité, une meilleure communication et traçabilité.
Des conditions sont nécessaires pour obtenir l'agrément : détention de l'assurance responsabilité civile professionnelle, certification de l'entreprise par un organisme accrédité avec contrat avec l'organisme certificateur (et auditeur), certification individuelle des salariés concernés. Lors de la conférence, de nombreuses entreprises n'étaient pas encore certifiées. En effet, le court délai entre décret et date limite, le faible nombre d'auditeurs et la difficulté d'interprétation des textes sont à l'origine de retard dans leur application. Mais les différents partis concernés font des efforts et l'obtention de l'agrément par l'ensemble des entreprises devrait se concrétiser.
Les mentalités évoluent...
La situation actuelle en ZNA n'est pas idéale mais les mentalités évoluent pour trouver des solutions plus vertes. On note une synergie entre savoirs agronomiques et innovations techniques. Nous l'avons compris, c'est par la diffusion de l'information que les bonnes pratiques s'installeront. Cette conférence était un concentré de bonnes pratiques localisées, or le territoire français est étendu. Il nous incombe à tous de les diffuser. Futurs agronomes, nous tâcherons d'y œuvrer.
<p>(1) AFPP : Association française de protection des plantes (site p. 14).</p> <p>(2) Ensat : École nationale supérieure agronomique de Toulouse (site p. 14).</p> <p>(3) ABSV : AgroBioSciences Végétales (protection des cultures et amélioration des plantes).</p> <p>(4) QEGR : Qualité de l'eau et gestion des ressources.</p> <p>(5) Compte rendu présentant les sept sessions de cette conférence disponible sur le site internet de l'AFPP (adresse p. 14).</p> <p>(6) La loi d'avenir devrait repousser la date limite.</p> <p>(7) Draaf : Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt.</p> <p>(8) Daaf : Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt.</p>
Vous avez dit témoignage ?
Avertissement de la rédaction
À la lecture de cet article, nos lecteurs noteront deux points :
– Les auteurs s'éloignent par moment de la « neutralité » annoncée au début.
– Il n'y est pas fait mention de la loi prohibant les produits phytos pour les jardiniers amateurs et dans une partie des espaces publics (loi n° 2014-110 du 6 février 2014).
Nous avons décidé de ne pas réécrire(1) les passages concernés. En effet :
– La neutralité est, disons, un idéal... Les auteurs ont laissé transparaître leurs opinions ? Justement, il est intéressant de donner aux lecteurs un témoignage de l'état d'esprit des agronomes de demain.
– Ce texte a été écrit avant l'adoption de la loi de prohibition. C'est un témoignage de l'état d'esprit constructif de la filière (fabricants de produits compris) envers le plan Ecophyto et son objectif de réduction d'usage des pesticides, et des succès que rencontrait le volet « non agricole » du plan jusqu'à fin 2013. In memoriam.
(1) Les auteurs ayant des examens à préparer et des stages démarrés, pas question de leur demander de réécrire elles-mêmes !