Ci-dessus, parcelle de carotte. Cet article évoque les résultats de tests de Bacillus firmus contre les nématodes sur cette culture. Photo : P. Lespinasse - CAPL 84
Portraits de la chenille de noctuelle Heliotis armigera et des dégâts qu'elle cause sur tomate. Le Pool Production légumières a testé l'effet du Bacillus thuringiensis contre ce ravageur.
Le Pool Productions légumières d'InVivo AgroSolutions expérimente depuis quelques années des produits de biocontrôle dans ses essais, dans l'objectif de tester de nouvelles solutions plus écologiques pour répondre aux problématiques des producteurs.
Cet article fait l'inventaire des produits Nodu vert biocontrôle disponibles et traite de leurs intérêts en productions légumières. Il présente les premiers résultats obtenus sur trois de ces produits testés au sein du réseau.
Biocontrôle et légumes, état des lieux
Intérêt du biocontrôle en maraîchage
Depuis quelques années, le Pool s'investit dans les moyens de biocontrôle concernant les productions légumières en testant des produits dans les essais afin d'obtenir des références techniques.
Ces produits alternatifs s'inscrivent dans la politique agricole menée dans le plan Ecophyto, à savoir de réduire l'usage des produits phytosanitaires tout en maintenant une agriculture économiquement performante. Les produits de biocontrôle sont un levier pour limiter l'impact des pratiques agricoles sur l'environnement.
Ils sont également une solution pour répondre à la problématique des usages orphelins que rencontrent les producteurs en cultures légumières.
Ces usages orphelins font suite au retrait du marché de certaines substances actives, donc de certains produits, alors que le nombre de dérogations est en diminution et qu'il existe des manques d'autorisations de mise sur le marché de produits sur certaines problématiques légumières.
De plus, selon la profession légumière, les limites maximales de résidus ne cessent de se réduire et les délais avant récolte des produits chimiques continuent de s'accroître. Les produits de biocontrôle pourraient donc être un espoir pour la filière légumière.
Produits Nodu vert biocontrôle autorisés en cultures légumières
La liste des produits entrant dans le calcul du Nodu vert biocontrôle au titre de l'année 2013 est parue en décembre de l'année dernière et a été consolidée depuis lors (voir l'article p. 16).
Or, 26 des produits de référence contenus dans cette liste donc reconnus comme Nodu vert biocontrôle en France sont utilisables en productions légumières.
Pour la filière légumière, les produits disponibles se répartissent dans seulement deux catégories, à savoir micro-organismes et substances naturelles. On peut noter 18 produits homologués à base de microorganismes et 8 à base de substances naturelles (Tableaux 1 et 2). On ne compte pas dans ce cas les seconds noms commerciaux (ex. : Vacciplant Fruits et Légumes n'est pas cité car il est identique à Iodus 2 Cultures spécialisées).
En ce qui concerne les micro-organismes (Tableau 1), 11 d'entre eux (soit 61 %) ont un usage insecticide, un est virucide et six luttent contre des maladies. Trois de ces derniers sont autorisés comme fongicides et trois comme stimulateur de défenses naturelles (SDN) ou de vitalité visant plutôt la défense contre les maladies.
Parmi les produits à base de substances naturelles (Tableau 2), sept ont des autorisations spécifiques sur des cultures légumières (fraisier compris) : trois sont à usage insecticide, trois autres à usage fongicide (dont un SDN), et un à usage virucide.
Le huitième produit est un antilimace autorisé en traitements généraux, donc, de fait, utilisable sur cultures légumières de plein champ.
En quatre ans, 29 essais biocontrôle réalisés au sein du Pool
Depuis l'année 2010, 29 essais incluant des produits alternatifs (listés Nodu vert biocontrôle ou non par la suite) ont été mis en place dans le réseau au sein du Pool Productions légumières.
Dix-neuf essais avaient pour but de lutter contre les ravageurs et 10 de lutter contre les maladies. Delfin®, Prev'am®, Xen Tari®, Naturalis®, Flocter® et Mycotal® ont été testés contre la première problématique et Contans®, Sérénade max®, Armicarb®, Trianum® et LBG 01F34® contre la seconde. Ces produits alternatifs ont été expérimentés soit en solo soit en complément de produits chimiques. Les modalités à base de produits de biocontrôle ont été comparées à des références chimiques afin de les évaluer par rapport aux produits du marché.
Premiers enseignements sur un bionématicide
Deux ans de tests sur carotte
Depuis deux ans, le réseau teste le produit Flocter de Bayer CropScience pour lutter contre les nématodes. Le produit, qui contient 5 % de Bacillus firmus, est à ce jour autorisé en traitement du sol contre les nématodes sur carotte.
En 2012, le produit a été appliqué en préplantation sur cette culture à la dose de 80 kg/ha, comparé au Vydate 10G (100 g d'oxamyl/kg) à la dose de 20 kg/ha.
On n'a observé aucune différence significative de rendement commercialisable entre la modalité de référence et la modalité traitée avec le produit de biocontrôle. Le bionématicide a permis, dans ces conditions, de garantir la même maîtrise du ravageur que le nématicide chimique.
En 2013, l'essai sur carotte a été reconduit. Les résultats ont confirmé l'intérêt observé en 2012.
La modalité traitée avec Flocter à 80 kg/ha en préplantation a présenté un rendement commercialisable légèrement supérieur à la modalité de référence traitée chimiquement au Dorlone à 160 l/ha (N. B. : ce produit, qui contient 1 179 g/l de 1,3-dichloropropène, été retiré définitivement du marché en octobre 2013, donc après la réalisation de l'essai).
Par ailleurs, cet essai ne nous a pas permis d'observer d'intérêt du fractionnement du bionématicide. Ce résultat peut s'expliquer par une application trop tardive du produit lors du second passage.
Première année d'essai sur laitue et tomate
En 2013, deux autres essais ont été implantés, un sur salade (laitue précisément) et un second sur tomate, dans des coopératives membres du réseau.
Sur laitue, le produit de biocontrôle a été comparé à un témoin non traité afin d'observer l'efficacité sur la culture. Sur tomate, il a été uniquement comparé à la référence chimique Dorlone appliquée pendant l'interculture à 160 l/ha.
Pour l'essai sur laitue, une différence significative a été constatée entre la modalité traitée et le témoin non traité. Le produit de biocontrôle a permis de réduire de 57 % le pourcentage de salade présentant des symptômes de nématodes (salades rabougries). De plus, on a noté un gain de rendement de 46 % des parcelles traités par rapport à celles non traitées.
Pour l'essai sur tomate, aucune différence significative n'a été constatée entre la modalité référence traitée chimiquement et celle traitée avec le nouveau produit.
Toutefois, une meilleure vigueur des plants traités au nématicide chimique a été observée. On suppose que ce phénomène est lié à un effet « booster » du dichloropropène sur cette culture.
Sur un bio-insecticide
Antilépidoptères, une stratégie de lutte sur tomate à réétudier
Depuis 2010, le Pool teste le produit Delfin de Certis à base de Bacillus thuriengensis var. kurstaki (32 000 UIAK/mg) pour lutter contre les lépidoptères. Plusieurs essais ont été mis en place sur différentes cultures et plusieurs ravageurs. Dans les essais, le produit a été utilisé soit en solo, soit en association avec des insecticides chimiques, notamment Karaté Zéon (100 g de lambdacyhalothrine/l). Nous aborderons ici uniquement l'effet sur la noctuelle sur tomate. Dans les conditions de l'essai (deux applications du produit/20 à 30 papillons par piège par semaine), le bio-insecticide, appliqué deux fois à 1,5 kg/ha au stade fruits verts, n'a pas apporté une efficacité satisfaisante contre le ravageur. Son efficacité était uniquement de 42 %. A contrario deux passages de l'insecticide chimique aux doses de 0,075 l/ha ont permis d'atteindre une efficacité de 70 %.
Le bio-insecticide améliore l'efficacité d'un insecticide conventionnel
Toutefois, l'essai a permis d'observer l'intérêt d'associer Delfin et Karaté Zéon. Les deux produits ont été mélangés aux doses respectives de 1,5 kg/ha et de 0,075 l/ha, et ce mélange a été appliqué deux fois, comparé à une double application de chaque produit seul.
Cette association permet d'améliorer l'efficacité du programme. En effet, la modalité traitée avec le mélange a permis d'atteindre une efficacité de 93 %, significativement supérieure à celle obtenue dans la modalité traitée avec l'insecticide chimique seul (70 %, comme écrit plus haut).
Il est important de poursuivre ces essais et de tester le produit en solo sur des programmes intégrant 4 à 5 applications.
La firme conseille d'utiliser ce bio-insecticide au moment présumé des éclosions ou dès l'observation des jeunes larves.
En cas de fortes pressions ou de vols étalés, il est recommandé de renouveler le traitement au bout de 7 à 10 jours.
Sur un biofongicide
Tests sur laitue contre le sclerotinia, intérêt en préplantation
Le Contans de Belchim à base de Coniothyrium minitans a été testé en préplantation et en postplantation sur culture de laitue. À ce jour, le produit est autorisé en traitements généraux contre le sclerotinia.
Les résultats obtenus nous enseignent qu'une application en préplantation à une dose de 4 kg/ha permet de maîtriser convenablement la maladie. Dans les deux essais mis en place, l'efficacité du produit est supérieure à 70 % à la récolte et elle atteint 82 % dans un des deux essais. Même si ce n'est pas l'efficacité de 95 % que l'on peut constater avec certains produits chimiques, le produit permet de limiter les infestations de sclérotinia sur la culture.
Inutile de le répéter plusieurs fois sur la même culture
Sur laitue, nos essais indiquent qu'ajouter deux applications en cours de culture à l'application avant plantation n'a aucun intérêt par rapport à une application unique de Contans avant plantation à 4 kg/ha.
En effet, C. minitans, qui a la capacité de parasiter le mycélium et les sclérotes de Sclerotinia, possède une durée de vie dans le sol indéfinie au contact du champignon. Des applications successives sur une même culture ne permettent donc pas d'optimiser l'efficacité du produit. En revanche, la société a démontré qu'une seule application répétée chaque année sur la même parcelle augmente significativement l'efficacité du produit.
Par ailleurs, les résultats obtenus par la firme montrent que ce biofongicide contrôle mieux S. sclerotiorum que le S. minor.
Le travail continue
Continuer des essais sur les produits et leur positionnement
Aujourd'hui, il semble indispensable au Pool Productions légumières d'InVivo AgroSolutions de continuer à développer une expertise sur les moyens de biocontrôle.
Le développement des essais sur ces produits sera une première étape. Cela permettra de préciser l'efficacité de certains produits autorisés et d'observer l'intérêt des produits en cours d'autorisation ou d'extension d'usage. Les premiers enseignements évoqués précédemment devront être confirmés.
Une seconde étape consistera à préciser le positionnement de certains produits et d'observer leurs conditions optimales d'utilisation.
Bientôt du nouveau sur les macro-organismes et sur la méthodologie
En plus des micro-organismes et des substances naturelles actuellement à l'étude, nous allons proposer des protocoles aux coopératives afin d'étudier l'efficacité des macro-organismes sur certaines thématiques.
Enfin, la façon d'évaluer des produits de biocontrôle va être étudiée. Actuellement ils sont comparés aux produits chimiques « toutes choses égales par ailleurs », autrement dit sans rien changer aux autres pratiques agricoles. Le Pool est en réflexion sur la méthodologie à employer afin d'analyser l'efficacité de ces produits de biocontrôle.
L'objectif est bien entendu d'être au service des coopératives et de leurs producteurs en répondant à leurs problématiques.
17 coopératives dans le Pool Productions légumières d'InVivo AgroSolutions
Dans une volonté de concevoir et de développer des solutions innovantes intégrant agronomie, environnement et économie, le groupe coopératif InVivo a créé en 2011 la structure InVivo AgroSolutions afin de favoriser les échanges et la transversalité dans la conception de solutions alternatives.
Au sein de cette filiale, le Pool Productions légumières, au nombre de 17 coopératives, a pour objectif de tester des produits de protection des légumes développés par les firmes, afin d'obtenir des références techniques en termes d'efficacité et d'utilisation pour lutter contre une problématique préalablement identifiée.
Les thématiques étudiées, sur près de 30 espèces légumières, sont variées et traitent de la lutte contre les adventices, les maladies et les insectes.