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dossier - Ravageurs souterrains

Face aux limaces : les années à forte pression, des mesures prophylactiques à prendre

ANDRÉ CHABERT*, ELMINA MOTTIN * ET FRANÇOIS BRUN* - Phytoma - n°674 - mai 2014 - page 16

Tour d'horizon sur ces ravageurs qui se font remarquer ces temps-ci, sur l'intérêt des mesures prophylactiques et sur un projet d'OAD pour évaluer les risques.
Adulte de Deroceras reticulatum, la limace grise. C'est l'espèce la plus répandue en France, notamment dans les grandes cultures et sur légumes de plein champ. À l'automne 2013, on a pu constater dans certains sites la destruction de jeunes cultures, en particulier de colza. Photo : A. Chabert

Adulte de Deroceras reticulatum, la limace grise. C'est l'espèce la plus répandue en France, notamment dans les grandes cultures et sur légumes de plein champ. À l'automne 2013, on a pu constater dans certains sites la destruction de jeunes cultures, en particulier de colza. Photo : A. Chabert

Même si ces deux spécimens font les acrobates, Deroceras reticulatum est un ravageur souterrain ! Photos : A. Chabert

Même si ces deux spécimens font les acrobates, Deroceras reticulatum est un ravageur souterrain ! Photos : A. Chabert

 Photo : A. Chabert

Photo : A. Chabert

Particulièrement actives en 2013, les limaces le restent actuellement. En effet, 2013 a été une année climatique humide et les hivers 2013 et 2014 ont été assez doux. Ceci nous ramène à des situations comparables aux années 2000-2001 qui avaient été très favorables... Faisons le panorama de ce qui se passe dans les champs.

La biologie des limaces

Des phytophages qui se faufilent pour fuir la dessiccation

En Europe, Deroceras reticulatum est l'espèce la plus abondante dans les champs cultivés. On la retrouve aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Nouvelle-Zélande où elle a été introduite depuis l'ancien continent pour devenir l'espèce la plus répandue.

En France, les limaces noires (Arion hortensis et Arion distinctus) sont également très présentes.

De par leur appartenance au groupe des mollusques, elles ont un ensemble de caractéristiques physiologiques qu'il convient d'identifier pour comprendre leur biologie dans les champs cultivés. En effet, il est nécessaire pour elles d'échapper à la dessiccation car leur seule protection est cette couche de mucus bien connu qui couvre leur épiderme. À l'inverse des escargots, leur corps mou est sans protection, ce qui leur permet de se faufiler dans les moindres anfractuosités des sols où elles trouvent leur principal refuge.

Dans les champs cultivés, leur régime alimentaire est principalement phytophage (matière verte, semences), mais certains individus peuvent également être surpris à consommer des résidus végétaux, cadavres et excréments d'animaux.

Leur cycle et leur fécondité

Les limaces sont hermaphrodites et, lorsqu'elles ont atteint le stade adulte, elles peuvent se reproduire. Quelque temps après l'accouplement, chaque individu pond des œufs, dans le sol ou à la base des plantes en place dans la parcelle.

L'espérance de vie des limaces est de l'ordre d'une année : 9 à 12 mois. Mais généralement, dans les champs cultivés, les observations font état de deux générations par an dans nos conditions (France métropolitaine). Les individus meurent lors de l'apparition des jeunes individus. Très souvent, les adultes meurent après une période de ponte intense.

Le nombre d'œufs par ponte varie selon les conditions du milieu. Pour donner un ordre de grandeur, une limace grise peut pondre une centaine d'œufs au cours de sa vie (une vingtaine d'œufs par ponte).

La température optimale moyenne pour les œufs, les juvéniles et les adultes est d'environ 15 °C mais on observe les limaces entre 9 et 20 °C. Elles retournent généralement dans leurs abris au-dessus de 21 °C et sont très peu actives en dessous de 4 °C. En moyenne, les températures létales sont inférieures à -5 °C et supérieures à 30 °C chez les adultes.

Les mouvements des limaces

Peu visibles, les limaces ont une activité intense de recherche de nourriture la nuit ou le jour par temps humide. Les distances parcourues par D. reticulatum augmentent avec le manque de nourriture.

Les mouvements horizontaux des limaces sont également déterminés par la recherche de refuges pour résister à la dessiccation et fuir les températures létales.

Ainsi, les parcelles présentant une macroporosité importante seront plus favorables à leur survie pendant les périodes difficiles.

De par ces migrations, la répartition des limaces sur une parcelle est naturellement non homogène. Ceci va rendre leur détection assez aléatoire. Elles ne seront pas toujours là où on les attend, bien qu'à certains endroits, la densité de D. reticulatum peut dépasser 150 individus par mètre carré. En ce qui concerne la distribution verticale de l'espèce D. reticulatum dans les champs cultivés, il est généralement admis que l'on retrouve la majorité des limaces et leurs œufs dans les 10 premiers centimètres du sol.

Incapables de creuser elles-mêmes des galeries, les limaces sont dépendantes de la macroporosité liée à la structure du sol (fentes de restriction) ou celle liée aux galeries des lombriciens.

Parfois des dégâts importants aux cultures

Le blé moins vulnérable que le colza, mais touché quand même

La vulnérabilité des cultures aux attaques de limaces est en partie dépendante de la position du bourgeon terminal. Lorsqu'il est situé sous la surface du sol, à la base de la tige, il est protégé des limaces et sera donc capable de produire de nouvelles feuilles en cas de destruction, s'il dispose de suffisamment d'énergie. C'est le cas des céréales.

Ainsi les semis de céréales résistent mieux aux dégâts des limaces.

À l'inverse, lorsque le bourgeon terminal est au-dessus du sol, cas du colza, sa consommation par les limaces provoque la destruction complète de la plante.

De ce fait, une même population de limaces dans le sol causera des dégâts nettement plus importants au colza qu'au blé. Les mêmes écarts sont constatés en cultures de printemps de maïs et de tournesol.

Des chercheurs anglais ont montré qu'en une semaine après le semis, une limace grise peut potentiellement détruire cinquante graines de blé.

À l'automne 2013 et dans des conditions particulièrement favorables, nous avons pu enregistrer une destruction de 50 % d'un semis de blé avec une population de limaces de 25 individus par mètre carré. Pendant cette période, au sein du réseau de parcelles « nuisibilités » du projet CasDAR Resolim, de nombreuses parcelles semées en colza ont été totalement détruites en absence de protection.

Principales cultures concernées

Ainsi, les principales cultures susceptibles d'être endommagées par les limaces sont les céréales et les oléagineux qui représentent une part importante de la sole française.

En 2013, les estimations provisoires d'Agreste (2013) indiquent que les céréales couvrent 9,5 millions d'hectares et les oléagineux/protéagineux 2,3 millions d'hectares. Les surfaces et cultures sensibles aux limaces sont donc très importantes.

Les données sur la campagne 2005/2006 recueillies lors de l'enquête Agreste 2010 montrent que la part des molluscicides dans le tonnage total de pesticides épandus en France est faible (1 %). Mais leur utilisation sur les surfaces est largement répandue notamment en grandes cultures (13 %). Les antilimaces sont utilisés surtout sur les oléagineux (tournesol et colza), avec 1,1 traitement en moyenne, mais aussi sur les céréales.

De nombreux problèmes sont également rencontrés en cultures légumières : salades, pomme de terre primeur...

Ainsi, hormis les méthodes prophylactiques de lutte agronomique, la lutte directe contre les limaces est exclusivement chimique et basée sur des épandages de granulés molluscicides contenant les substances actives suivantes : métaldéhyde, méthiocarbe et phosphate ferrique.

Il est admis que ces méthodes doivent être mises en œuvre dans une démarche de protection intégrée. Ainsi, il est bon de connaître quelques méthodes prophylactiques.

Les pratiques agricoles qui influencent favorablement ou défavorablement les populations de limaces décrites ici doivent être prises en considération en tenant compte de leurs autres impacts agronomiques, sur d'autres bioagresseurs ainsi que sur la faune auxiliaire.

Solutions techniques : effet des pratiques agricoles

Type de travail (ou non-travail) du sol

Les opérations ne perturbant que peu ou pas le sol sont très favorables au développement des limaces. Le semis direct est la technique qui les perturbe le moins.

Cependant, même si le labour permet de réduire le nombre de limaces, son action est limitée dans le temps. En effet, après une semaine ou deux, les limaces présentes peuvent se remettre en activité.

Les opérations permettant d'influer sur la densité du sol, comme le roulage, sont également néfastes aux limaces : elles diminuent leur possibilité de déplacement à travers les interstices du sol. Certainement à cause de phénomènes de même nature, les sols argileux ou limoneux sont plus favorables aux limaces que des sols sableux.

Gestion des résidus de récolte, désherbage mécanique, semis...

Le mode de gestion des résidus de récolte ou les techniques de désherbage mécanique ont également un effet.

Le déchaumage post-récolte peut réduire les populations de limaces, car il enfouit les débris qui servent de refuges et maintient une certaine humidité à la surface du sol. De plus, il remet en surface les œufs qui s'assèchent et meurent.

Concernant l'implantation proprement dite de la culture, les facteurs ayant une influence sur le niveau de dégâts sont la nature du lit de semence et la profondeur de semis. Les graines seront davantage attaquées si elles sont facilement accessibles aux limaces, comme dans les lits motteux qui seront alors les plus défavorables aux cultures.

La profondeur de semis joue également un rôle. En effet, une profondeur élevée réduit l'accessibilité des graines aux limaces. Dans un lit de semences motteux, la protection des graines est plus importante avec une augmentation de la profondeur de semis d'un centimètre.

Cultures intermédiaires, adventices

A priori, le maintien d'un sol nu est défavorable aux limaces car il ne fournit ni nourriture ni abri – ce que procurent les cultures intermédiaires pendant les périodes d'interculture, permettant ainsi aux limaces de se développer.

Cependant, toutes les cultures intermédiaires n'ont pas la même appétence pour les limaces. Les plus appréciées sont les légumineuses (fabacées) et les céréales alors que certaines moutardes ne sont pas très appréciées.

Les adventices sont également une source de nourriture pour les limaces. La présence de certaines espèces peut réduire la gravité des dégâts occasionnés à la culture principale. Dans des parcelles de blé, la présence d'adventices très appétentes pour les limaces peut réduire significativement les dégâts. Ces plantes joueraient ainsi le rôle d'une source alternative de nourriture consommée en priorité par les limaces.

Une approche multicritère

Recherche d'un OAD sur le choix du système de culture : choix de Dexi

Dans le cadre du projet Resolim (voir Encadré 1), nous avons rassemblé ce type d'information pour construire un outil d'aide à la décision (OAD) à l'échelle du système de culture et de son environnement.

Son objectif est d'aider les agriculteurs ou les conseillers dans leurs choix stratégiques de systèmes de production visant à faire évoluer leurs systèmes de culture s'ils rencontrent des gros problèmes de limaces, qui ne sont pas toujours maîtrisables à l'aide des solutions chimiques.

Pour ce faire, nous avons choisi d'utiliser le logiciel Dexi®, développé à partir de 1990 par Marko Bohanec et qui permet de réaliser une analyse multicritère sur le risque limaces. Un modèle multicritère est une structure hiérarchisée qui décompose un problème complexe en sous-questions moins complexes et plus faciles à résoudre.

Ainsi, des critères sont agrégés pour construire un arbre de décision qualitatif qui va structurer et organiser les informations disponibles, en identifiant la place respective de chaque variable et son poids dans l'évaluation finale.

Construction de l'arbre de décision

Sa construction a d'abord nécessité d'identifier les « critères de base » qui sont ensuite regroupés en « critères agrégés » (Figure 1). Cette agrégation se réalise à l'aide de « fonctions d'utilité » : il s'agit des règles qui définissent l'agrégation (Craheix et al., 2012 ; Bohanec, 2012 [en ligne]).

Les « critères de base » retenus sont les pratiques agricoles ayant un effet sur les limaces : culture en place, travail du sol, gestion des résidus de récolte, semis, succession culturale, cultures intermédiaires, type de sol, adventices. À ceux-ci s'ajoutent des critères concernant l'environnement et l'emploi de molluscicides.

L'arborescence ainsi obtenue est intégrée dans le logiciel où les critères sont agrégés selon certaines règles (poids des critères, échelle d'appréciation...).

Test avec données réelles

L'OAD développé avec Dexi® a été testé avec les données issues des suivis de parcelles dans le cadre de différents projets (Tableau 1).

Les caractéristiques de chaque parcelle ont ainsi été entrées dans le logiciel qui détermine un niveau de risque plus ou moins favorable à l'agriculteur pour chacune d'entre elles.

À l'usage, l'outil semble bien discriminer les systèmes connus entre eux et l'on retrouve ce qui est généralement admis en termes de pression limaces (Tableau 1).

Des limites aujourd'hui, mais des améliorations demain

Cet outil permet d'effectuer un diagnostic. Cependant il existe deux limites : le climat dont on connaît l'influence sur les populations (voir Encadrés 2 et 3) et la population de limaces initialement présente sur la parcelle.

Les données climatiques pourraient être incluses en amont ou en aval du diagnostic. De plus, une analyse de piégeages effectués pourrait compléter cette information par évaluation des populations.

Cet outil sera amélioré avec les données obtenues dans le cadre de Resolim et l'information sera complétée par d'autres modèles en cours d'étude.

Conclusion

Les années à forte pression, certaines pratiques agronomiques peuvent être remises en question de par la présence de ce ravageur car les solutions agronomiques et chimiques ont encore des limites. Le projet Resolim se propose de cerner la question par les diverses approches évoquées dans cet article.

Nous pourrons sûrement apporter des éléments de compréhension et des solutions (Encadré 4).

Néanmoins, cela semble être un travail à long terme. Il devra se prolonger au-delà de la durée prévue du projet.

1 - Présentation du projet CasDAR Resolim

Évaluation et prévision du risque lié aux populations de limaces nuisibles aux grandes cultures : constitution d'un réseau expérimental permettant de comprendre l'impact des pratiques agricoles et des facteurs environnementaux.

Organisme chef de file : Acta.

Chef de projet : André Chabert.

Partenaires : Acta, Arvalis, ITB, Cetiom, Isara, Inra Dijon, CDA Rhône, Bayer, De Sangosse, Phyteurop, université Rennes 1.

Objectifs : Les limaces peuvent induire d'importants dégâts dans les milieux cultivés et restent un problème majeur. Afin de combler le manque d'études récentes à ce sujet, ce projet est destiné à mieux appréhender l'évolution des populations de limaces et le risque associé. Il permettra de :

1. Constituer un réseau expérimental suffisamment représentatif des différentes régions avec leurs différents climats et types de sol ainsi que des pratiques agricoles variées pour :

– évaluer l'influence des principales pratiques agricoles actuelles, et notamment les effets de la mise en place de cultures intermédiaires et de la réduction du travail du sol sur de vastes surfaces ;

– mesurer l'influence des facteurs environnementaux, notamment microclimatiques.

2. Intégrer l'ensemble des connaissances sur les facteurs climatiques, agronomiques et sur l'écophysiologie des limaces ainsi que les modèles associés pour la prévision des risques dans des nouveaux outils d'aide à la décision (OAD) plus sophistiqués et opérationnels.

3. Valider les OAD développés dans ce projet au travers de l'usage par les agriculteurs ou par leurs conseillers pour des recommandations opérationnelles à l'échelle de l'exploitation et dans le cadre de l'analyse de risque établie pour le Bulletin de santé du végétal (BSV) à l'échelle régionale.

Financement : CasDAR, compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt.

Fig. 1 : « L'arbre des limaces » : arborescence Dexi pour évaluer le « risque limace »

Version provisoire de l'arborescence construite avec le logiciel Dexi pour évaluer le risque limace dans le cadre du projet Resolim.

2 - L'écophysiologie des limaces : ce que l'on sait

Les populations de limace grise Deroceras reticulatum sont fortement dépendantes de la température et de l'humidité.

Les conditions climatiques sont donc très importantes.

On sait que les limaces supportent peu les températures chaudes et négatives ainsi que les milieux secs. Mais jusqu'à quel point ?

Lorsqu'on a pour but d'améliorer la prévision du risque « limace », cas du projet, il est indispensable de bien connaître la biologie et en particulier l'écophysiologie de ce mollusque terrestre. L'écophysiologie est la discipline scientifique qui étudie les réponses comportementales et physiologiques des organismes face aux contraintes de leur milieu.

Concernant la tolérance au gel, les animaux ectothermes, c'est-à-dire dont la température corporelle dépend du milieu extérieur, peuvent être répartis en deux catégories : ceux tolérants à la congélation et ceux intolérants à la congélation.

Les espèces tolérantes possèdent la capacité de survivre au gel de leurs tissus.

La formation de glace chez ces espèces va, paradoxalement, survenir à des températures relativement élevées.

Mais la vitesse de formation de cette glace sera chez eux suffisamment lente. Cela permettra à leur organisme de mettre en place des processus métaboliques qui vont le protéger contre les blessures provoquées sans cela par les cristaux de glace.

À l'inverse, les animaux classés comme intolérants au gel vont mettre en place tous les mécanismes leur permettant de retarder la formation de cristaux de glace dans leurs tissus qui leur serait fatale.

Mais dans la nature, les choses ne sont pas aussi compartimentées.

Les nombreuses observations réalisées indiquent l'existence d'un spectre continu allant de la tolérance jusqu'à l'intolérance au gel.

3 - L'écophysiologie dans Resolim : ce que l'on teste

 Photo : A. Chabert

Photo : A. Chabert

Par des expérimentations en laboratoire, nous tentons de mieux comprendre la tolérance des limaces à la température et à l'hygrométrie.

Les limaces utilisées lors de ces tests sont prélevées dans des parcelles cultivées de divers départements : Pas-de-Calais, Aisne, Essonne, Cher, Rhône et Lot-et-Garonne. Cette diversité géographique offre une bonne représentabilité des régions françaises.

Nous évaluons la résistance au froid par l'observation de la survie et par la mesure de la température de cristallisation au laboratoire. Des limaces sont exposées à différentes températures négatives (de -2 °C à -8 °C) pendant plusieurs heures.

La survie est évaluée en comptabilisant les individus morts à l'issue de l'exposition.

La température de cristallisation, ou point de surfusion, est la température la plus basse à laquelle le corps se congèle subitement. À cet instant précis, il se produit un dégagement de chaleur, d'où une brusque élévation de la température à la surface du corps. La température de cristallisation est définie en mesurant la température à la surface du corps de la limace pendant qu'on diminue progressivement la température de son environnement. Chez certaines espèces, il a été montré que la température de cristallisation présentait des variations saisonnières et au cours du développement.

Ainsi, dans le cadre du projet Resolim, nous étudions la tolérance au froid chez des limaces prélevées durant l'automne et le printemps. Nous avons mis en place un élevage nous permettant de mesurer la tolérance au froid au cours du cycle de vie (œuf, juvénile, adulte).

Ces expérimentations nous permettront d'évaluer la capacité de résistance au froid chez la limace grise.

Tolérance au chaud et à la dessiccation : À l'inverse du froid, il semble important de s'intéresser à l'effet, sur les limaces, des températures chaudes qui, sous nos latitudes, sont en général associées à un assèchement des sols avec augmentation du risque de dessiccation. De par l'anatomie des limaces, la perte en eau est un processus critique qui conduit à leur mort si elle est trop importante.

Pour lutter contre la dessiccation, les limaces mettent en place différentes réponses comportementales. Elles vont rechercher les milieux les plus humides qu'elles trouveront, sous un abri ou en s'enfouissant dans le sol. Elles tentent de se regrouper pour se blottir les unes contre les autres et ainsi diminuer l'évaporation en réduisant la surface de leur corps en contact avec le milieu ambiant.

Elles limitent leurs déplacements qui nécessitent la production de mucus constitué en majorité d'eau.

Aussi nous réalisons des expérimentations en couplant diverses températures positives (de 5 °C à 30 °C) à différents taux d'humidité du sol (de 10 % à 100 %) car nous supposons que la tolérance aux températures chaudes sera meilleure si le taux d'humidité est élevé.

4 - L'approche de la modélisation dans le cadre de Resolim

Quels outils d'aide à la décision disponibles ou à l'étude, pour quels besoins ?

Face au risque limace, l'agriculteur a besoin d'outils lui permettant de poser un diagnostic sur sa parcelle et de raisonner ses pratiques de lutte.

Les besoins en information et en appui à la décision de l'agriculteur pour évaluer le risque limace sont alors multiples en fonction des différentes solutions de lutte à sa disposition. On peut distinguer :

– les besoins liés à un raisonnement en amont de la campagne concernant des décisions stratégiques,

– les besoins en cours de campagne, d'appui à des décisions tactiques.

S'agissant des décisions stratégiques, il s'agit des pratiques agricoles mentionnées précédemment.

À ce jour, il n'existe pas encore d'outil opérationnel aidant au raisonnement de ces pratiques dans un souci de réduire le risque limace. Un outil en cours de développement, de conception et d'évaluation est décrit dans cet article.

S'agissant des décisions tactiques, (une fois les décisions stratégiques prises) il s'agit notamment des méthodes de lutte directe basées sur l'épandage d'appâts contenant des molluscicides.

S'il s'agit du dernier pilier dans le concept de la protection intégré (IPM-Integrated Pest Management) autorisant ces moyens de lutte directe en dernier recours, cette lutte doit être responsable et raisonnée afin de cibler l'usage des produits en optimisant leur efficacité.

Pour cela, l'agriculteur a besoin d'estimer les populations de limace en présence, leur activité et si le stade de la culture présente un risque particulier.

En cours de campagne, ces éléments sont sous la dépendance des pratiques mais aussi des conditions météorologiques.

À partir de ces éléments, on pourra chercher à optimiser le positionnement et les quantités des traitements afin de :

– couvrir une période où les limaces sont en activité et non en période de repos ou de refuge (lien avec les conditions météorologiques notamment) ;

– chercher à avoir le maximum d'impact sur les populations en touchant les individus clés (par exemple, les limaces avant les pontes, car une fois les pontes effectuées, la population de la génération suivante est, pendant une certaine durée, constituée sous forme d'œufs donc pas encore susceptible d'être impactée par les traitements) ;

– protéger les cultures lors des stades sensibles de celles-ci.

Un certain nombre d'outils sont dès à présent à disposition des agriculteurs ou leurs conseillers pour évaluer ces éléments et aider aux décisions tactiques.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les limaces étant un ravageur souterrain important, un projet financé par le Casdar et nommé Resolim a consisté à monter un réseau expérimental pour évaluer et prévoir le risque lié à ces mollusques en grandes cultures.

TRAVAUX - Dans ce cadre, on a voulu évaluer les effets des pratiques agricoles (autres que l'utilisation d'antilimace) sur les populations de limaces ; il s'agit d'une évaluation du risque parcellaire en fonction des pratiques durant la culture du précédent cultural, l'interculture, etc. On a modélisé ces effets par le logiciel Dexi.

RÉSULTATS - Ainsi, une première évaluation multicritère de l'intensité des risques de présence liés aux systèmes de culture a été construite (modélisation). La sensibilité de cet outil d'aide à la décision est en cours de test.

SUITE À VENIR - Mais cet outil n'évalue que cet aspect du risque, sans prendre en compte l'effet du climat et les populations de limaces initiales. Des travaux complémentaires sont en cours (sur l'effet des températures et de l'humidité). Il faudrait continuer le travail, probablement au-delà de la limite de durée du projet Casdar.

MOTS-CLÉS - ravageurs souterrains, limaces, Deroceras reticulatum, Arion hortensis, biologie, dégâts, pratiques agricoles, systèmes de culture, projet Resolim, évaluation des risques, OAD (outil d'aide à la décision), modélisation.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *A. CHABERT, *E. MOTTIN ET *F. BRUN, Acta.

CONTACT : andre.chabert@acta.asso.fr

BIBLIOGRAPHIE : - Disponible auprès d'A. Chabert (mail ci-dessus).

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