Hôtel à insectes dans un « jardin partagé » parisien. Il favorise l'installation d'insectes utiles, pollinisateurs et macro-organismes auxiliaires lâchés par l'homme ou présents spontanément. La méthode se développe à côté de l'usage d'insecticides microbiologiques. Dans les deux cas, on protège les végétaux des ravageurs à l'aide d'organismes vivants. Photo : M. Decoin 2014
Comment savoir quels produits phytopharmaceutiques ont de l'avenir en espaces verts et jardins ? D'abord en listant ceux qui, autorisés aujourd'hui, pourront le rester à l'horizon 2020 en espaces verts ouverts au public et en 2022 en jardins d'amateurs. Puis en évoquant, quand même, les nouveautés de l'année.
Rappel à la loi
Qui pourra rester ?
En effet, la loi dite Labbé du 6 février 2014, publiée le 8 février, prévoit d'interdire une bonne part des produits phytopharmaceutiques à partir du 1er janvier 2020 en espaces verts, forêts et promenades ouverts au public, et du 1er janvier 2022 en jardins d'amateurs. Mais elle prévoit que certains produits échapperont à l'interdiction.
Il s'agit des produits UAB (utilisables en agriculture biologique), ceux dits « de biocontrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative », et enfin les « produits qualifiés à faible risque ».
Les produits à faible risque seront reconnus... après-demain
Ces derniers sont une catégorie reconnue par l'Union européenne. Ou plutôt : qui sera reconnue ! En effet, l'Europe a prévu cette catégorie de produits, mais pour l'instant n'y a rangé aucun produit (ou substance) existant ou nouveau. Cela peut changer. Mais quand, et pour quels produits ? À suivre...
UAB n'est pas NVB... enfin, pas toujours
En attendant, revenons aux produits déjà légalement disponibles.
Il s'agit, parmi ceux aujourd'hui autorisés en espaces verts et/ou jardins, de ceux reconnus UAB (liste sur le site de l'Itab, voir « Pour en savoir plus » p. 32) et, très probablement, ceux de la liste Nodu vert biocontrôle 2013 (NVB 2013).
Les deux listes sont différentes mais de nombreux produits figurent sur les deux.
Contre les ravageurs, un éventail assez large
Dix-neuf spécialités à la fois UAB et NVB déclinent sept micro-organismes
La protection des jardins contre les ravageurs bénéficie de la plus grande variété de moyens.
D'abord les organismes vivants. On peut lâcher des macro-organismes auxiliaires : coccinelles, chrysopes, nématodes, autres prédateurs, parasitoïdes... Sans oublier de bichonner les auxiliaires naturels avec par exemple des hôtels à insectes (photo ci-dessus).
Mais les macro-organismes auxiliaires, mêmes microscopiques et présentés dans des emballages ressemblant à ceux de produits phytos (cas des nématodes), ne sont pas des produits phytos. Si on se limite à ces derniers, 19 spécialités à base de micro-organismes sont à la fois UAB et NVB (Tableau 1).
Ce sont en fait 15 produits différents. En effet, un même produit, sous le même numéro d'AMM (autorisation de mise sur le marché), peut avoir divers noms commerciaux. Ils déclinent 7 micro-organismes. On y trouve deux bactéries : deux souches différentes du Bt, Bacillus thuringiensis, utilisé depuis les années 1930 et premier insecticide microbiologique mondial (voir Phytoma de mars 2010).
Il y a aussi le virus du carpocapse des pommes. Ces organismes protègent des chenilles (diverses pour les Bt, celle du « carpo » pour le virus).
Les quatre autres organismes sont des champignons : Beauveria bassiana antichenille du papillon palmivore, Metarhizium anisopliae antiotiorhynque (qui sont des coléoptères) et les deux anti-aleurodes Verticillium lecanii et Paecilomyces fumosoroseus.
Cinq substances naturelles UAB/NVB, et cinq seulement UAB
Par ailleurs, cinq substances naturelles à la fois NVB et UAB sont autorisées en zones non agricoles. Deux sont d'origine végétale : pyrèthres naturels et huile de colza. Trois sont minérales : kaolin, huile minérale paraffinique et phosphate ferrique. Ce dernier est un antilimace. Les autres sont des insecticides à spectres relativement larges (pucerons, cochenilles, etc.).
Beaucoup sont utilisables en traitements d'hiver, c'est-à-dire contre les formes hivernantes des ravageurs (Tableau 2).
Il y a en plus cinq substances dans des produits UAB mais non NBV : spinosad, huile d'orange douce, savon mou, huiles blanches de pétrole, huile de vaseline (voir liste Itab).
Dix attractifs ou répulsifs
Restent dix attractifs et répulsifs, tous NVB (Tableau 3). Deux attractifs préviennent les dégâts de chenilles par confusion sexuelle (codlémone, aussi UAB) ou piégeage (phéromones d'agrégation). Rappel : les phéromones utilisées comme outil de lutte (confusion sexuelle ou piégeage destinés à tuer massivement une espèce cible) doivent avoir une AMM. Si elles sont utilisées pour la détection, elles n'y sont pas soumises. Par ailleurs, huit répulsifs (dont un UAB) protègent des vertébrés.
Maladies : une mince panoplie
Sept substances plus trois
À côté de la protection contre les ravageurs, celle contre les maladies fait un peu parent pauvre : sept substances NVB, dont quatre micro-organismes et trois substances naturelles (Tableau 4). S'y ajoutent trois substances reconnues UAB mais pas NVB : cuivre et soufre avec de nombreuses spécialités (voir encore la liste Itab !) et, nouveau, Trichoderma asperellum souche TV1 de Xedavir. Autorisé trop tard pour être listé NVB 2013, il devrait être listé NVB 2014.
Que ces produits soient classés SDN (stimulateurs de défenses naturelles) ou fongicides (ex. : Armicarb), ils visent des oïdiums et parasites telluriques (« maladies du sol »), parfois le botrytis.
Et le mildiou ? Parmi les produits UAB et NVB utilisables en zones non agricoles, seul le cuivre vise cette maladie ! Va-t-on vers un monopole de cette substance ?
Le désherbage : parent pauvre en produits
Deux substances... et c'est tout
Reste le désherbage (Tableau 5). Six spécialités NVB, en fait cinq produits, déclinent deux substances seulement : l'acide pélargonique et l'hydrazide maléique. Le règlement bio européen ne prévoyant pas d'autoriser des herbicides, il n'y a pas d'herbicide UAB.
Autres solutions actuelles
Bien sûr, en matière de gestion des sols, il existe d'autres solutions :
– ne pas désherber, en paillant les massifs et en enherbant le maximum de surfaces ; si l'on ne peut pas tondre deux fois par mois à la belle saison par manque de personnel (le désherbage chimique, c'est deux fois par an), on peut envisager de végétaliser par plantes couvre-sols rampantes.
– désherber alternatif : thermique (mais, vu les résultats de Compamed, voir p. 33, on s'interroge sur le bien fondé écologique de remplacer les herbicides par le gaz, l'eau chaude ou la vapeur !) ou mécanique, motorisé ou à la binette.
Et demain ?
Il semble qu'il y ait intérêt à trouver des innovations en matière de désherbage. Ce pourrait être des herbicides NVB (il y en aurait en attente d'autorisation) ou d'autres techniques alternatives ; on parle de désherbeur thermique à l'électricité, par exemple.
Côté nouveautés
Deux NVB ou UAB
Au fait, six nouveaux produits ont été autorisés en ZNA (Tableau 6). C'est moins que les deux années précédentes (voir Phytoma n° 665). Parmi eux, Xedavir et Armicarb sont NVB ou UAB (voir ci-avant), donc resteront utilisables en espaces ouverts au public en 2020.
Les quatre autres produits
Et les quatre autres ? Ils ont un temps limité devant eux. Phytopast, autorisé aussi en agriculture, sera utilisable en espaces verts jusqu'en 2019. Revive a six étés devant lui pour la lutte par injection contre le charançon rouge du palmier. L'adjuvant Silwett vise davantage le marché agricole.
Quant à l'herbicide Génoxone ZXE, la loi va interdire ce type de produit en espaces verts, forêts et promenades ouverts au public. Mais il reste les forêts privées et parcelles de reboisement engrillagées, les zones artisanales et industrielles, autoroutes, voies ferrées, aéroports, cimetières, etc. On y utilise de moins en moins de désherbants mais encore un peu quand même.
Récapitulatif
Trente-neuf substances NVB et/ou UAB disponibles (= dans des produits autorisés) en France en 2014 le resteront en 2020 en espaces verts ouverts au public et 2022 en jardins amateurs : 27 antiravageurs, 10 anti-maladies et 2 pour désherber.