Ci-contre et ci-dessus, brosseuse métallique rotative, outil de désherbage mécanique des surfaces imperméables. Photos : Cetev
En vignette, autre méthode mécanique (mais pas mécanisée !) : la binette, testée sur surfaces imperméables comme perméables.
De 2010 à 2013 inclus, le programme Compamed a duré quatre ans. Son séminaire de restitution final a été organisé début 2014, le 11 mars. En voici quelques échos.
Objectifs du programme
Comparaison
Tout d'abord Claire Grizez, de la Sous-direction de l'eau et de la biodiversité au MEDDE (ministère chargé de l'Écologie), a situé les objectifs du programme Compamed.
L'objectif de départ était de comparer, non pas toutes les méthodes de gestion du sol (enherbement, paillage, désherbage curatif et préventif), mais uniquement les principales méthodes de désherbage curatif : procédés thermiques, mécaniques et chimiques.
Aide à la décision
Un nouvel objectif a été défini en cours de route : élaboration d'un outil d'aide à la décision pour les gestionnaires d'infrastructures.
Suivi des pratiques
Travail réalisé
Pauline Laïlle, de Plante & Cité et Lucile Rimbaud, de la Fredon Île-de-France ont présenté l'évaluation des pratiques et coûts des désherbages tels que réalisés sur le terrain.
Une enquête a été menée en 2010, puis un observatoire des pratiques en 2011 avec 29 partenaires et 500 observations réalisées (voir pour en savoir plus p. 35). L'observatoire a utilisé deux méthodes :
– suivi systématique par les gestionnaires : état de la végétation avant intervention, matériel utilisé, temps d'intervention, conditions climatiques, ÉPI...
– suivi ponctuel par observateurs Compamed : mêmes enregistrements plus d'autres paramètres avec matériel spécifique (débit ou consommation d'intrants, relevés de température des appareils, etc.).
L'enquête montre une évolution : une baisse du désherbage chimique et une hausse des méthodes alternatives. Parmi les méthodes mécaniques, la binette est davantage utilisée que les méthodes mécanisées (brossage, travail du sol).
L'observatoire a permis une évaluation objective des temps de travaux, coûts, etc., utilisée pour les autres volets du programme.
Efficacité
Deux années d'étude
Adeline Rénier a présenté l'étude de l'efficacité des techniques par le Cetev.
Le travail a été réalisé en 2011 et 2012 sur surfaces imperméables et perméables, avec pour chacune deux objectifs : contraignant (action dès la levée) ou non contraignant. Il a comparé huit techniques : deux chimiques, trois thermiques et une mécanique (binette) sur les deux types de surface, plus le brossage sur sols imperméables et le travail du sol (herse rotative) sur sols perméables.
Bilan : les méthodes mécaniques ont une efficacité immédiate mais fugace. Les méthodes chimiques, d'efficacité plus lente, sont au final les plus efficaces (moindre nombre de passages). Les méthodes thermiques (eau chaude, vapeur, gaz) sont intermédiaires (le gaz est moins efficace). Certaines données acquises ont été utilisées ensuite, notamment pour réaliser l'ACV.
ACV des méthodes de désherbage
L'ACV, qu'est-ce que c'est ?
La comparaison environnementale s'est faite par ACV, analyse de cycle de vie. Stéphane Le Pochat, de la société Evea, auteur de ce travail réalisé selon la norme ISO 14040 et soumis à revue critique, l'a présenté.
Le but était de comparer les techniques avec un objectif d'efficacité identique. L'ACV prend en compte les matériels et consommables (produits, eau, gasoil...) le transport sur site (opérateur et matériel), l'application et la fin de vie. Origine des données :
– matériels et consommables (matériaux, durée de vie, entretien) : avis d'experts, documents techniques... ;
– transport pour une distance 10 km A/R ;
– application (rendement, nombre d'applications et d'applicateurs, modèles d'émissions dans le milieu) : données Cetev ;
– fin de vie : données Ademe ;
Il y a 11 indicateurs : énergies non renouvelables (consommation) - eau (consommation) - changement climatique - oxydation photochimique - eutrophisation - écotoxicité aquatique - couche d'ozone (disparition) - épuisement des ressources non renouvelables - acidification (air) - toxicité humaine/cancer, autre toxicité humaine.
Les méthodes de calcul suivent les recommandations du guide ILCD (Commission européenne, JRC/EC, 2010).
Résultats généraux
Le rapport fait 127 pages. Il en ressort que :
– Les techniques thermiques (eau chaude, vapeur, gaz) sont les plus impactantes sur la quasi-totalité des indicateurs (sauf l'écotoxicité eau douce), en particulier vis-à-vis des ressources fossiles et des impacts associés à la combustion de celles-ci. Parmi elles, et contrairement à une idée reçue, l'eau chaude et la vapeur sont globalement plus impactants que le gaz.
– Les méthodes chimiques ont le plus fort impact pour l'écotoxicité aquatique (impact faible des autres méthodes sur ce critère) et un faible impact sur les autres indicateurs. Parmi elles, le système à détection optique a un avantage environnemental significatif sur le pulvérisateur à dos.
– Les techniques mécaniques sont peu impactantes sauf sur l'épuisement des ressources, notamment pour le brossage (pertes d'acier par usure de la brosse). La binette est la moins impactante des trois.
Rendement et nombre de passages
Les problématiques environnementales ne sont pas de même nature entre techniques chimiques et alternatives : impacts locaux (écotoxité eau douce)/globaux et/ou délocalisés (changement climatique...).
Point important : les paramètres rendement et nombre de passages sont prépondérants. En clair, plus souvent on passe, plus important est l'impact. Aucune technique n'est 100 % vertueuse au plan environnemental, même si les techniques mécaniques sont moins impactantes, surtout la binette. Si on ne peut pas la généraliser (contrainte coût/temps de travail), le conseil pour minimiser l'impact du désherbage peut être :
– limiter les surfaces à désherber (paillage, enherbement, autre végétalisation...) ;
– limiter l'exigence (passer moins souvent).
Ainsi, il n'est pas aisé de classer les techniques sur les plans de l'efficacité et de l'impact environnemental... Et cela se complique si on combine les deux ! Encore plus avec la question du coût. La décision du gestionnaire dépendra du contexte : situation, objectifs visés.
Outil d'autoévaluation
Pourquoi cet outil
Grande diversité des pratiques de terrain et des résultats produits... Qu'en faire ? Comment restituer les éléments afin de les rendre utiles pour les gestionnaires ?
Un outil d'autoévaluation a été élaboré. Il permet de construire des scénarios de désherbage, les évaluer, les comparer entre eux ou par rapport à des scénarios types.
Comment construire les scénarios
Sur un formulaire, on choisit son type de site, sa surface, la distance pour y accéder. On accède à des scénarios illustratifs préenregistrés. On peut construire le sien en précisant la méthode choisie, la durée et la période de l'intervention, la taille du chantier, le taux d'enherbement... On peut renseigner sur la main-d'œuvre, les intrants, le matériel de désherbage, les véhicules, etc. Les données préenregistrées sont des données consolidées issues de cas réels.
Ce qu'on peut en tirer
Parmi les scénarios illustratifs, on peut directement accéder à l'impact environnemental, à des éléments d'interprétation et aux fiches de synthèse. On peut comparer jusqu'à quatre scénarios (saisis et/ou illustratifs) : tableau comparatif des impacts environnementaux des scénarios.
On peut évaluer le coût d'un scénario : coût horaire par intervenant, tarifs des intrants.
On peut ajouter des valeurs (ex. : coût du carburant), un onglet sur les matériels de désherbage et de protection, d'autres coûts. L'outil peut être utilisé sans identification via les cookies. Mais on peut s'identifier depuis n'importe quel ordinateur, récupérer ses scénarios et données et imprimer les résultats. On trouve, dans les ressources documentaires, des fiches d'observatoire utilisables sur le terrain.
Table ronde
Les sept participants
Une table ronde a permis de répondre aux questions du public. Les sept participants, tous membres du comité de pilotage de Compamed, étaient :
– Sarah André (SA), direction des Espaces verts de la Ville de Paris ;
– Philippe Beuste (PB), AAPP (Association des applicateurs professionnels phytopharmaceutiques) ;
– Cathy Biass Morin (CBM), direction des Espaces verts de la Ville de Versailles.
– Gilbert Chauvel (GC), expert ZNA MAAF ;
– Étienne Cuénot (EC), APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône) ;
– Jacques My (JM), UPJ (Union des entreprises pour la protection des jardins et espaces publics) ;
– Dominique Poujeaux (DP), MEDDE.
Autour des objectifs
Public/ Quel était l'objectif ? Pas de pollution ou pas de phyto ?
CBM/ Vu la loi Labbé, dans 6 ans, il faudra vous passer des phytos. On savait que le désherbage chimique est le plus efficace mais il fallait convaincre pour se diriger vers d'autres méthodes et réaliser des études.
EC/ J'aurais aimé que d'autres gestionnaires que ceux de collectivités s'investissent. Les préoccupations diffèrent selon le type de gestionnaire... En ville, il y a les exigences des élus. Ailleurs (autoroute, voie ferrée, ligne électrique, gazoduc...), il y a d'autres contraintes (ex. : sécurité routière).
Public/ Que dire du conseil indépendant ? Cet outil va aider les conseillers et pour répondre aux appels d'offres de gestionnaires ?
CBM/ L'outil accompagnera le donneur d'ordre en fonction des impératifs. Il peut aussi aider le prestataire ou le conseiller.
Les lois et les publics
Public/ L'outil est-il utile si un gestionnaire veut continuer d'utiliser du phyto ? Que dit la loi Labbé ? Quels décrets d'application ?
DP/ Il n'y aura pas de décret. L'interdiction en espaces verts et promenades est actée à échéance 2020. Les cimetières, terrains de sport et voiries sont exclus.
JM/ Il faut un texte d'application de la loi d'avenir sur les produits de biocontrôle.
PB/ Un applicateur répond à la demande d'un donneur d'ordre. Un prestataire phyto n'est pas pro-phyto mais professionnel du phyto et utilise aussi des méthodes alternatives. Participer à Compamed a permis de valider scientifiquement la réalité de terrain.
SA/ Cela aidera à légitimer les décisions prises concernant la gestion des espaces verts auprès des élus notamment.
Public/ À qui s'adresse l'outil d'autodiagnostic ? Aux politiques ou aux services ?
CBM/ Aux deux, car il permet de simuler des coûts induits et faire des hypothèses auprès des élus qui prendront la décision.
Les bases
Public/ Y a-t-il une base bibliographique ?
JM/ On a tenu compte de ce qui existait et notamment de l'étude de C. Kempenaar.
GC/ Le groupe s'est informé d'au moins 150 études de méthodes alternatives. Compamed a associé la comparaison de méthodes pour l'efficacité, l'environnement, sur sols perméable/imperméable, par rapport aux souhaits de plus ou moins d'entretien... C'est la première fois que l'on regroupe ces données. Cela donne du lien et la méthode pour faire ses choix.
Des limites assumées
Public/ Il n'y a rien sur le désherbage préventif. Cela sera-t-il fait ?
PB/ Non. Le désherbage préventif est chimique, à quoi le comparer ?
Public/ Des tests seront-ils conduits avec du matériel innovant ? Les matériels testés ont fait leurs preuves mais ont 15 ans.
CBM/ Non, le matériel utilisé n'a pas 15 ans.
PB/ On a travaillé sur ce qui se fait.
Au final
Public/ Est-ce qu'avec Compamed on est sur d'être un bon désherbeur ?
JM/ Qu'est-ce qu'un bon désherbeur ? Il faut essayer de faire au mieux entre les objectifs politiques et de résultats. L'outil permet de se situer selon ses critères et d'éclairer le politique sur ses choix de gestion.
Public/ Quelle suite pour Compamed ?
DP/ Une étude sur la santé sera menée.
Public/ Et sur l'environnement ?
DP/ Il faut trouver un autre porteur de projet pour compléter l'outil avec de nouvelles méthodes. On peut lancer la suite sous un an si on trouve ce porteur de projet.