Tout petit, Étienne Cuénot était déjà attiré par le monde du vivant. Il faut dire que plusieurs de ses ascendants ont baigné dans la biologie. D'où une maîtrise de biologie végétale, complétée par un diplôme d'ingénieur horticole.
En 1983, après quatre ans en expérimentation fruitière, le hasard des offres d'emploi lui fait prendre un virage à 180 ° en le conduisant à pousser la porte de la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) à Dijon.
Deux mondes étrangers
On était bien loin des fleurs, fruits et légumes !
« APRR avait besoin de quelqu'un qui la conseille sur la gestion des espaces verts, un domaine dont ils ne connaissaient rien, se souvient Étienne Cuénot. C'était une création de poste, donc passionnant car tout était à construire. Mon rôle a été en premier lieu d'établir la communication entre le monde du génie civil et celui du vivant qui n'avaient pas le même langage, voire qui étaient parfois en conflit. »
Notre ingénieur élabore alors la politique de gestion des espaces verts d'APRR et la met en œuvre notamment en formant le personnel, et en l'aidant à rédiger les cahiers des charges destinés aux prestataires.
« Un exploitant autoroutier, c'est comme un agriculteur, il connaît son terrain, c'est-à-dire son tracé d'autoroute et ses contraintes. Je devais répondre à ses attentes comme un conseiller répond à celles de ses agriculteurs. » Et les problématiques, sont-elles différentes ? Pas vraiment. Étienne Cuénot se trouve très vite confronté à des adventices résistantes aux triazines trop utilisées.
700 ha à désherber
Au début des années quatre-vingt-dix, Étienne Cuénot vit la montée en puissance de la réglementation sur l'environnement, et donc de ses missions. En 1994, il passe à la maîtrise d'œuvre, puis en 2008 devient adjoint au chef du département génie civil et environnement.
Celui-ci compte aujourd'hui 41 salariés et travaille sur 1 850 km d'autoroutes, soit 3 700 km d'accotements et de clôtures. Sa mission : concevoir, monter des dossiers d'appel d'offres et encadrer les prestataires dans le cadre des aménagements paysagers ainsi qu'assister la maîtrise d'ouvrage lors des extensions d'autoroutes, des agrandissements d'aires de repos, de construction de bassins de décantation, de murs antibruit...
700 ha sont également entretenus à l'aide de produits phytosanitaires, principalement en désherbage : des débroussaillants dans 50 % des cas, des herbicides sélectifs (20 %), des adjuvants antidérive (20 %) et 10 % d'herbicides totaux. « Un peu d'insecticides sont également nécessaires contre les chenilles processionnaires sur les aires de repos. »
Les débroussaillants constituent la méthode la plus efficace et la moins coûteuse pour entretenir des clôtures le long de l'autoroute.
« Nous avons quelques pistes de solutions alternatives comme celle de l'écopâturage, mais c'est encore très futuriste. »
Objectif sécurité
Quant au recours au désherbage mécanique, il exposerait le personnel d'APRR à trop de risque. « Pour protéger au maximum notre personnel, nous cherchons à intervenir le moins possible sur l'autoroute et le plus rapidement », explique Étienne Cuénot.
En complément du fauchage, APRR a recours aux herbicides sélectifs pour limiter l'apparition d'arbustes, de ronces... derrière les glissières afin que les usagers en situation de détresse puissent s'y mettre en sécurité.
S'y ajoutent des usages réglementaires comme la lutte contre le chardon ou l'ambroisie.
Les herbicides totaux sont, quant à eux, nécessaires pour nettoyer les pistes d'accès aux sites techniques en cailloux concassés.
Ecophyto 2018 déjà atteint
En 2010, l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) signe l'accord cadre Ecophyto 2018 relatif à l'usage professionnel des pesticides en ZNA. Cela implique notamment une réduction de 50 % des phytos en dix ans.
Pour Étienne Cuénot, les objectifs sont déjà atteints avec, en 2013, une réduction de 66 % des volumes comparé à 2008, grâce entre autres au fauchage qui a remplacé l'application de régulateurs de croissance, même si cela augmente le risque pour le personnel, ou encore au brossage métallique pour les chaussées en béton ou enrobé.
Ecophyto 2018, c'est également participer au réseau national de surveillance des organismes nuisibles pour l'ambroisie.
« Cela fait vingt ans qu'APRR se bat contre le développement de cette adventice, véritable problème de santé publique. Nous formons notre personnel à la repérer dans leur zone de travail et à mettre en place la lutte curative.
Je réalise également de la prévention au niveau des prestataires qui interviennent sur nos chantiers et je contrôle l'origine des matériaux (cailloux, sable, terre végétale...). »
Un métier d'avenir
À quelques années de la retraite, Étienne Cuénot ne regrette pas le monde de la production agricole, tant sa carrière a été riche d'évolutions, portée par le développement de la protection de l'environnement.
« En vingt ans à ce poste, le nombre de salariés chez APRR concernés par l'environnement est passé de un à quinze. La réglementation s'est beaucoup complexifiée.
À l'heure actuelle, quand on se lance dans un ouvrage, on passe plus de temps en étude – notamment environnementale – en amont qu'en travaux de génie civil ! Le travail ne manquera pas pour mes successeurs ! », conclut Étienne Cuénot.