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dossier - Qualité sanitaire des grains

Détection des mycotoxines : les méthodes évoluent

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°676 - août 2014 - page 32

Dans la filière grain, on a souvent besoin d'évaluer les teneurs en mycotoxines, celles qui sont réglementées mais aussi certaines autres. Quoi de neuf en matière de détection et dosage ?
Microconidies et macroconidies de Fusarium tricinctum, espèce productrice de mycotoxines, cultivées et photographiées dans le cadre d'une identification par microscopie. Le laboratoire source de la photo (Qualtech) utilise aussi la PCR pour l'identification, ainsi que la chromatographie pour le dosage des mycotoxines. Photo : Qualtech

Microconidies et macroconidies de Fusarium tricinctum, espèce productrice de mycotoxines, cultivées et photographiées dans le cadre d'une identification par microscopie. Le laboratoire source de la photo (Qualtech) utilise aussi la PCR pour l'identification, ainsi que la chromatographie pour le dosage des mycotoxines. Photo : Qualtech

À gauche, vue du laboratoire mycotoxines de Phytocontrol, avec équipements LC/MS/MS. Photos : Phytocontrol - Capinov

À gauche, vue du laboratoire mycotoxines de Phytocontrol, avec équipements LC/MS/MS. Photos : Phytocontrol - Capinov

À droite, Catherine Perhirin, responsable pôle mycotoxines à Capinov, devant les derniers équipements LC/MS/MS et GC/MS/MS de ce laboratoire.

À droite, Catherine Perhirin, responsable pôle mycotoxines à Capinov, devant les derniers équipements LC/MS/MS et GC/MS/MS de ce laboratoire.

Face à un lot de grains, on peut avoir besoin d'évaluer sa teneur en telle ou telle mycotoxine. Comment faire ?

Certaines méthodes sont rapides mais demandent vérification.

Par ailleurs, il existe des méthodes chromatographiques fiables, dites de référence, et qui sont mises en œuvre dans des laboratoires spécialisés et accrédités.

Entre les deux, il y a des techniques intermédiaires. Le tout évolue d'une année sur l'autre. Le point.

Méthodes rapides

Leurs intérêts et limites, en général

Le principe d'une méthode rapide, c'est d'analyser le grain, par exemple le jour de la moisson, en ayant aussitôt une indication sur la présence de mycotoxines en deçà ou au-delà d'un certain seuil, voire une estimation de leur teneur. On peut ainsi prendre une décision immédiate.

Par exemple, on orientera le lot soit vers l'alimentation humaine, soit vers l'alimentation animale (pour certaines toxines, les seuils réglementaires sont différents ; d'autres toxines sont réglementées en alimentation humaine et pas en alimentation animale...). On peut encore décider ou non de réaliser une opération de décontamination. C'est le cas vis-à-vis du DON (voir l'exposé de S. Mimoun, de l'UMR Toxalim de Toulouse, dans l'article p. 18 à 21).

On peut enfin différencier les cas limites (teneurs proches des seuils réglementaires et pour lesquels il faudra une analyse plus précise) des autres cas. Ces derniers sont des lots qui semblent soit nettement sains, soit contenant une mycotoxine bien au-delà des seuils réglementaires : dans les deux cas, une décision rapide sera possible sans trop de risque d'erreur... Quitte à réaliser l'analyse chromatographique ensuite. Insistons là-dessus : ces méthodes sont un outil de criblage, de première appréciation. D'abord, on l'a vu, il y a les cas limites. Ensuite, même pour les lots apparus nettement sains ou lourdement « chargés », elles ne donnent qu'une indication, certes précieuse. Ce sont d'utiles aides à la décision, mais pas des garanties à 100 %.

Évolutions récentes

Les méthodes rapides les plus répandues, et Phytoma en a déjà parlé, sont les tests immuno- chromatographiques – sur le terrain, on parle de « tests bandelettes ».

Le plus connu est le plus ancien : le Quali'DON. La société BASF Agro a commencé en 2004 à tester cet outil de détection du DON dans le grain. À l'époque, le règlement européen 1881/2006 (publié fin 2006, voir Encadré 1) était en préparation : on savait que le DON allait être réglementé, et on avait déjà une idée des seuils prévus.

Depuis son lancement sur blé tendre avec lecture du résultat à l'œil nu, l'outil a évolué, s'est amélioré... Sa version 2, dite Quali'DON 2, lancée en 2008 avec lecture facilitée, se décline depuis 2009 en Quali'DON L. Cette dernière version permet une quantification grâce à un lecteur nommé « R ida Quick Scan ». L'opération dure 15 minutes. La quantification est annoncée fiable si les teneurs évaluées se situent entre 250 et 5 000 ppb (microgrammes/kg). En dessous, on est loin des seuils réglementaires de 1 250 ou 1 750 ppb (selon le grain analysé) et des seuils de 1 000 voire 750 ppb exigés par certains opérateurs. Au-delà, la quantification n'est pas précise... mais montre que l'échantillon dépasse très (trop !) largement les seuils réglementaires.

En parallèle, l'outil a élargi son champ : désormais il permet la recherche de DON non seulement dans le blé tendre mais aussi dans le blé dur, le triticale et le maïs. À noter que, avec des consommables appropriés, le lecteur permet aussi d'analyser la fumonisine, les aflatoxines et la zéaralénone.

Les analyses se font désormais « en routine » dans divers sites. Pour pouvoir fournir l'aide nécessaire et répondre aux questions techniques, BASF a annoncé en juillet dernier avoir confié la distribution de cet outil à RBiopharm (fabricant des tests). Cette société spécialisée dans la détection est son partenaire depuis le début – elle avait travaillé à la mise au point de l'outil avec les équipes de BASF et réalisait déjà des formations sur le terrain avec eux.

Méthodes « de référence »

Les stars du chromatographe

Passons aux méthodes de référence, pour lesquelles des laboratoires spécialisés sont accrédités par le Cofrac(1) et/ou référencés par la DGCCRF(2). Elles sont de type chromatographique : GC, LC, HPLC, UPLC ou UFLC, puis UV, FLD ou MS voire MS/MS... Voici l'explication de sigles, bien sûr anglais :

– GC = Gaz Chromatography = chromatographie en phase gazeuse ;

– LC = Liquid Chromatography = chromatographie liquide ;

– HPLC = Hight Performance Liquid Chromatography = LC haute performance ;

– UPLC = Ultra Performance Liquid Chromatography = LC ultra performance ;

– UFLC = Ultra Fast LC = LC ultra rapide ;

– UV = ultraviolet ;

– FLD = fluorescence detector = fluorimétrie ;

– MS = mass spectrometry = spectrométrie de masse.

Le tout se combine. Par exemple, LC/MS/MS = chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem.

Cinq entreprises sur une vingtaine interrogées nous ont signalé du nouveau. Voici les réponses par ordre de date de réception.

LCA La Rochelle, accrédité maïs

L'antenne du LCA (Laboratoire Centre Atlantique) de La Rochelle (Charente-Maritime) a récemment renouvelé son matériel de LC /MS/MS. De plus, le 15 juillet 2014, elle a obtenu une accréditation Cofrac pour l'analyse multimycotoxine en LC/MS/MS sur maïs des neuf toxines réglementées sur maïs (voir Encadré 1) plus les toxines T-2 et HT-2, le DAS et les 3 et 15 A-DON.

C'est la première accréditation mycotoxines de ce laboratoire. Elle s'ajoute aux accréditations du groupe LCA pour l'analyse des résidus de pesticides dans les produits végétaux riches en eau, le dosage de six métaux lourds sur céréales, oléagineux et d'autres analyses, avec des collaborations avec Germ-Services, Atlantique Analyses et Arvalis-Institut du végétal.

Qualtech et ses packages

Pour sa part, Qualtech analyse et quantifie les mycotoxines depuis longtemps. La filiale laborantine de l'IFBM (Institut français de la brasserie et de la malterie), basée en Meurthe-et-Moselle, est fière d'avoir « des limites de quantification basses en package multitoxine sur toutes les céréales ».

Outre les neuf mycotoxines réglementées sur céréales à paille et maïs, pour lesquelles elle est accréditée Cofrac, elle analyse douze alcaloïdes d'ergot, nous l'avions écrit l'an dernier(3). S'y ajoutent deux alcaloïdes de datura, même si, quand on les classe selon leur origine, il ne s'agit pas de mycotoxines mais de phytotoxines (issues de végétaux).

Développement récent, Qualtech dose désormais les quatre principales enniatines émergentes (codées A, A1, B et B1 ; voir l'article p. 22 à 24), mais aussi la moniliformine et la beauvéricine. Ces six toxines non réglementées s'ajoutent aux T-2 et HT-2, recherchées depuis longtemps de même que le nivalénol, l'alternariol, la tentoxine et la citrinine, sans compter la patuline et la sterigmatocystine.

Encore plus nouveau : depuis 2014, le laboratoire propose le dosage du DON 3-glucoside. Il s'agit d'une mycotoxine dite « masquée » : ce n'est pas du DON et elle échappe donc à l'analyse « classique » de cette toxine et de ses dérivés (3 A-DON, 15 A-DON). Mais elle pourrait se métaboliser en DON...

Phytocontrol, les 23 et les autres

Passons à Phytocontrol, qui, basé dans le Gard, annonce proposer « le dosage de toutes les mycotoxines d'intérêt via des méthodes mono ou multimycotoxines par UPLC/MS/MS, et même désormais UFLC, technique encore plus évoluée » (explication de sigles plus haut).

En particulier, trois ans de travaux ont permis de mettre au point une méthode de dosage simultané de 23 mycotoxines pouvant être présentes dans les grains :

– toujours les neuf réglementées (voir Encadré 1) ;

– deux surveillées : les toxines T-2 et HT-2 ;

– les quatre enniatines émergentes ;

– quatre autres trichothécènes : nivalénol, fusarénone X, 3 A-DON et DAS ;

– l'alternariol, l'alternariol monométhyl ether 2, la tentoxine et la beauvericine.

Et les alcaloïdes d'ergot ? Ils ne sont pas oubliés mais dosés à part. Le laboratoire propose un dosage de 14 alcaloïdes, dont 12 d'ergot et deux de datura. Ceci par UPLC/MS/MS. Pour ces dosages, explique la société, « une accréditation sera prochainement envisagée ».

Par ailleurs, elle est en train de développer une méthode analytique permettant de rechercher le DON-3-glucoside. Cette « mycotoxine cachée » intéresse visiblement de plus en plus de monde.

Rappelons que Phytocontrol est accrédité Cofrac pour le dosage des mycotoxines dans « toutes les denrées alimentaires destinées à l'homme et aux animaux et l'alimentation infantile », ainsi que pour le dosage des pesticides, son activité initiale, celui des métaux lourds et également celui des OGM.

Cereco, accrédité et référencé

La société Cereco (Centre de recherche et de conseils), belge à l'origine, possède trois laboratoires en France. Son unité Sud, située elle aussi dans le Gard, est accréditée Cofrac pour les analyses de mycotoxines (plus les pesticides et métaux lourds ; elle est même référencée par la DGCCRF pour le dosage des quatre aflatoxines réglementées sur fruits à coque et fruits secs, et peut donc réaliser les contrôles officiels, notamment à l'arrivée de fruits d'importation – mais revenons à nos grains).

Côté qualité des grains, l'accréditation Cofrac concerne les neuf toxines réglementées sur grains plus la patuline et les toxines T-2 et HT-2.

Parmi les techniques utilisées par Cereco, citons la HPLC UV pour la recherche de DON, l'HPLC FLD pour les aflatoxines et l'OTA et la LC/MS/MS pour la patuline et encore l'OTA.

Capinov et les émergentes

Enfin, le Finistère accueille Capinov, qui fut créé par Coopagri Bretagne pour analyser les produits laitiers en 1965. Le laboratoire a commencé en 1988 à développer « l'expertise mycotoxines ». Il est accrédité Cofrac depuis 2002 pour la recherche de ces mycotoxines (plus les pesticides, etc.). Son accréditation a récemment été renouvelée pour les neuf toxines réglementées sur grains de céréales à paille et/ou maïs, mais aussi les métabolites du DON et de la zéaralénone et les trichothécènes surveillés (T-2, HT-2).

Cette année, le laboratoire lance l'analyse des toxines qu'il qualifie d'« émergentes sur céréales ». Leur liste comporte neuf noms. Ce sont les enniatines A, A1, B et B1, la beauvéricine, l'alternariol, l'alternariol monométhyl éther, la tentoxine et l'acide ténuazonique. Le tout en LC/MS/MS.

Pour assurer le développement de son activité, la société a acheté cette année son quatrième appareillage LC/MS/MS et son troisième GC/MS/MS.

Enfin, Capinov a participé à un groupe de travail Irtac(4) sur le dosage des toxines T-2 et HT-2 en LC/MS/MS, ceci en tant que maître d'œuvre technique au côté d'Arvalis-Institut du végétal. En effet, il n'existe pas encore de méthode normalisée française ou européenne de dosage de ces toxines T-2 et HT-2. Le but du groupe de travail était donc de décrire une telle méthode et de déterminer ses performances.

La normalisation (en cours) de la méthode sera l'aboutissement de deux ans et demi de travail.

Méthodes intermédiaires

Bien sûr, les tests Elisa

Mais, entre la chromatographie « haut de gamme » et les tests rapides, on trouve un autre type de technique, celui des tests immuno- enzymatiques, plus connus sous le nom de tests Elisa. Ils exigent un équipement de laboratoire, mais ce dernier peut être plus ou moins « de campagne », et en tout cas à la portée de nombreux OS (organismes stockeurs). De fait, de plus en plus d'OS choisissent de mettre en œuvre ces tests par eux-mêmes.

En effet, cette technique est plus rapide et moins onéreuse que la LC et ses dérivés. Mais elle est aussi moins sensible : ses limites de détection et de quantification sont bien plus élevées.

Par rapport aux tests bandelettes, elle est plus précise et quantitative mais moins rapide, et de plus elle demande davantage de technicité. C'est bien une technique intermédiaire.

Certains laboratoires équipés par ailleurs pour la « chromato » peuvent réaliser des analyses par Elisa, cas de Phytocontrol, ou vendent du matériel et/ou de l'accompagnement technique pour les clients voulant les réaliser eux-mêmes – cas notamment de LCA et de Cereco. Capinov, qui ne pratique pas de test Elisa, assure leur accompagnement technique au travers de Triskalia (issu du regroupement de Coopagri avec d'autres coopératives).

Et pour prévoir ?

PCR et grilles pour pister les champignons

On peut aussi chercher à prévoir, avant la récolte, la présence de certaines mycotoxines : les fusariotoxines produites au champ par des champignons du genre Fusarium.

D'abord, les tests rapides (tests bandelettes) cités plus haut peuvent parfaitement être réalisés en prélevant un échantillon de grain avant la récolte.

Ensuite, il y a la PCR. Elle permet de repérer la présence des espèces fongiques susceptibles de produire des mycotoxines par le biais de leur ADN. Si cette PCR est quantitative, on a une idée de la quantité d'ADN – donc de la densité de l'organisme.

Bien sûr, on ne sait pas, lors de l'analyse, si les champignons sont vivants ou morts suite à un stress thermique et/ou hydrique ou un traitement fongicide. Mais un champignon mort a pu secréter des mycotoxines de son vivant, et celles-ci resteront en place car elles ne se dégradent pas aisément...

Qualtech propose ces analyses de mycoflore par PCR pour les principales espèces de Fusarium et de Microdochium, tout en gardant son expertise en analyse microbiologique (identification de cultures de champignons à l'œil nu et par microscopie). Phytocontrol va lancer un programme de RD (recherchedéveloppement) pour l'analyse PCR.

Enfin, n'oublions pas les grilles de prévision en fonction des critères agronomiques et climatiques. Citons celles d'Arvalis-Institut du végétal pour le DON sur blé tendre et blé dur et pour trois fusariotoxines (DON, zéaralénone, fumonisines) sur maïs, celles de Syngenta pour les toxines T-2 et HT-2 sur blé et, également, pour le DON sur blé et les trois fusariotoxines sur maïs... On a le choix, sans embarras : ces grilles sont cohérentes entre elles.

<p>(1) Cofrac = Comité français d'accréditation. Créé en 1994 et <i>« désigné comme unique instance nationale d'accréditation par le décret du 19 décembre 2008, reconnaissant ainsi l'accréditation comme une activité de puissance publique ».</i> (source : site du Cofrac, lien p. 36).</p> <p>(2) DGCCRF = Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (dite souvent « la répression des fraudes », voire « les fraudes ») du ministère de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique. Lien p. 36.</p> <p>(3) M. Decoin. « Techniques d'analyses, ce qui bouge en France ». <i>Phytoma</i> n° 666, septembre 2013, p. 23.</p> <p>(4) Irtac = Institut de recherches technologiques agroalimentaires des céréales. Il est l'institut technique pour les céréales après la moisson, comme Arvalis-Institut du végétal l'est pour ces céréales jusqu'à la moisson. Les deux instituts collaborent très étroitement.</p>

1 - Mycotoxines réglementées : quelles sont-elles ?

Certaines mycotoxines des grains sont réglementées en Europe par le règlement 1881/2006(1). Il y a des seuils à ne pas dépasser dans les céréales à paille (blé, orge, seigle, triticale, avoine) et/ou le maïs, ainsi que dans les produits dérivés, en alimentation humaine et/ou animale. En cas de dépassement, le lot de grains ou d'aliments n'est pas vendable légalement en l'état.

Les mycotoxines réglementées dans les grains de céréales à paille(2) et de maïs, et souvent des produits dérivés, sont :

l'aflatoxine B1 et la somme des aflatoxines B1, B2, G1 et G2, donc quatre toxines à doser ; à noter que, par ailleurs, l'alfatoxine M1 (M comme « milk », le lait en anglais), est réglementée dans le lait où on peut la trouver si les laitières ont ingéré des aflatoxines dans leur ration ;

l'OTA (ochratoxine A) ;

le DON (déoxynivalénol ou vomitoxine), trichothécène du groupe B produit par des champignons du genre Fusarium ;

la zéaralénone (ZEA), issue elle aussi de champignons du genre Fusarium (c'est donc, elle aussi, une fusariotoxine).

Les fumonisines, fusariotoxines trouvées essentiellement sur maïs, sont réglementées uniquement sur cette culture et les produits dérivés, et les seuils fixés pour la somme des fumonisines B1 et B2.

Cela fait neuf toxines différentes à doser, séparément ou ensemble.

À noter : une autre mycotoxine, la patuline, est réglementée en Europe dans le jus de pomme, le cidre, etc., mais pas dans les céréales à paille où elle semble très rare, ni le maïs où on peut la détecter dans des lots visiblement moisis.

Et les toxines T-2 et HT-2 ? Voir, page 34, l'Encadré 2 !

(1) Règlement 1881/2006 du 19 décembre 2006, au J. O. de l'Union européenne (JOUE) du 20 décembre 2006, modifié en 2007 pour la ZEA et les fumonisines.

2) Mais pas le riz, bien qu'il s'agisse botaniquement d'une céréale, et qu'on parle de « paille de riz »...

2 - Mycotoxines non réglementées mais surveillées

Des mycotoxines non réglementées font l'objet de recommandations de surveillance, détection et dosage. Il s'agit de toxines qui pourraient être réglementées à l'avenir.

Les toxines T-2 et HT-2 sont deux trichothécènes du groupe A. La seconde est le métabolite de la première (elle en dérive rapidement).

On les recherche dans les grains de céréales, particulièrement les orges de printemps, les avoines et les produits dérivés. Elles se trouvent plus rarement que le DON et en quantité généralement moindre.

Le règlement n° 1881/2006 prévoyait déjà de les réglementer. Son annexe 1, titrée « Teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires », comporte, à la fin de sa section 2, intitulée « Mycotoxines », une partie sur les toxines T-2 et HT-2...

...Mais, en face de la case nommant les produits alimentaires concernés : « Céréales brutes et produits à base de céréales », la case devant préciser les teneurs maximales (ppb ou microgrammes/kg) de la somme de ces deux toxines est... vide.

Elle l'était en décembre 2006, plus de sept ans après, elle l'est toujours(1).

Des textes officiels européens existent pourtant.

La recommandation n° 2013/165/UE du 27 mars 2013 publiée le 3 avril 2013 conseille de surveiller T-2 et HT-2 dans les céréales (riz exclu) en même temps que le DON, les fumonisines et la zéaralénone. Elle évoque les méthodes de prélèvement d'échantillons et d'analyse (limite de quantification, etc.).

Elle fixe les niveaux de la somme T-2 + HT-2, « au-dessus desquels il convient d'effectuer des enquêtes, surtout en cas de découvertes répétées » : 1 000 ppb dans l'avoine, mais seulement 200 ppb dans les orges et maïs et 100 ppb dans les autres céréales (blé, seigle, triticale...). Seront-ils les seuils officiels ? À comparer aux seuils légaux de DON, de 1 250 ou 1 750 ppb selon le cas.

Autre texte : le règlement n° 519/2014 du 16 mai 2014, publié le 17, modifie les critères de performances des analyses de T-2 et HT-2. On voit que l'Europe n'oublie pas ces toxines.

Les alcaloïdes d'ergot, ou ergotoxines, pourraient aussi faire l'objet d'une réglementation. Mais, là encore, ce n'est pas effectif. Seuls les poids d'ergot (= sclérotes de Claviceps purpurea, l'agent de la maladie) sont réglementés dans certains grains (voir l'article p. 26 à 31).

Mais il y a une recommandation officielle de 2012 (n° 2012/514/UE), pour surveiller les six principaux alcaloïdes d'ergot et leurs épimères. Ils ont pour noms ergocristine, ergotamine, ergocryptine, ergométrine, ergosine et ergocornine.

(1) Extraction du règlement initial et du règlement consolidé, effectuée le 14 août 2014.

Pour information, il y a eu neuf règlements modificatifs de septembre 2007 à mars 2012, portant notamment sur la ZEA et les fumonisines (règlement n° 1126/2007 du 28 septembre 2007, au JOUE le 29), mais aussi d'autres contaminants (nitrates, métaux, dioxines, etc.)... mais pas sur les toxines T-2 et HT-2 !

3 - Mycotoxines ni réglementées ni surveillées

La réglementation ignore certaines mycotoxines malgré leur toxicité avérée ou soupçonnée. Il y a plusieurs raisons possibles à cela.

D'abord, c'est parfois inutile de fixer des taux maximaux réglementaires pour certaines. C'est le cas du nivalénol : ce précurseur du DON a certes une toxicité connue, mais sa quantité est liée à celle de DON. Il suffit de doser ce dernier pour évaluer l'état sanitaire des grains en la matière.

De même le 3-A-DON (3-acétyldéoxynivalénol) et le 15-A-DON (15-acétyldéoxynivalénol) sont des dérivés du DON connus pour une toxicité égale ou inférieure à la sienne(1) et parfois analysés avec lui.

Ou encore la T-2 triol est un dérivé de la toxine T-2...

Ou enfin la fusarénone X, trichothécène du groupe B comme le DON, est rarissime sur céréales en Europe.

Ensuite, d'autres toxines sont dites émergentes car on commence seulement à les découvrir et/ou les étudier. C'est le cas des enniatines évoquées p. 22 à 24.

Certains y ajoutent l'alternariol et la beauvericine.

Sans compter la moniliformine, l'alternariol monométhyl ether, le diacétoxyscirpenol (alias DAS), le monoacétoxyscirpenol (alias MAS), la sterigmatocystine, la tentoxine, la citrinine, l'acide ténuazonique voire la patuline bien qu'on la trouve rarement dans les grains (voir Encadré 1).

Plusieurs laboratoires proposent leur analyse car, selon le cas, ce sont des marqueurs de qualité, leur incidence augmente, leur toxicité commence à inquiéter...

Restent les mycotoxines cachées. Il s'agit en particulier du DON-3 glucoside.

Ce n'est pas vraiment du DON, il n'est pas décelé par les techniques analytiques spécifiques du DON. Mais, sitôt ingéré, il serait susceptible de se transformer en DON avec les problèmes que pose le plus connu des trichothécènes et sa réelle toxicité. Certains laboratoires commencent donc à proposer sa détection et son dosage.

(1) Pestka J. J., 2007. Deoxynivalenol : toxicity, mechanisms and animal health risks. Animal Feed Science and Technology 137, 283-298.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les techniques analytiques pour détecter et quantifier les mycotoxines (et les champignons qui les produisent), évoluent suite aux évolutions de seuils réglementaires, mais aussi entre deux évolutions (cas actuel) en anticipation de celles-ci.

MÉTHODES RAPIDES - Les méthodes rapides, des tests immuno-chromatographiques (tests bandelettes), sont des outils de tri à la récolte. Le plus connu (Quali'DON) change de mains.

MÉTHODES ACCRÉDITÉES - Cinq laboratoires, tous accrédités Cofrac pour les analyses officielles par chromatographie (GC ou LC) de mycotoxines réglementées, ont vu récemment des évolutions en matière d'accréditation (obtention ou renouvellement), d'équipement matériel (achats) et/ou de propositions d'analyses de mycotoxines réglementées mais aussi de mycotoxines émergentes.

Il s'agit des laboratoires LCA, Qualtech, Phytocontrol, Cereco et Capinov.

MÉTHODE INTERMÉDIAIRE - Entre les deux types de méthode, on trouve les tests Elisa.

OUTILS DE PRÉVISION - Pour prévoir le taux de certaines toxines avant récolte, on peut utiliser les tests bandelettes, la PCR et les grilles de risque agroclimatiques.

MOTS-CLÉS - Qualité sanitaire des grains, céréales à paille, maïs, mycotoxines, seuils réglementaires, détection, laboratoire, chromatographie, tests Elisa, PCR.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : http://www.cofrac.fr http://www.economie.gouv.fr/dgccrf

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