L'Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne (UEFM) de l'Inra PACA est spécialisée en recherche de solutions respectueuses de l'environnement pour protéger les forêts et les arbres contre les lépidoptères ravageurs. Cette équipe a mis au point des stratégies alternatives pour réguler la processionnaire du pin. Un nouvel outil pourrait s'ajouter à la panoplie disponible. Il s'agit de la confusion sexuelle grâce à un nouveau mode d'application de la phéromone. Rapport d'étape.
Les raisons de ce travail
Des techniques existent, mais leur exigence en main-d'œuvre freine leur adoption
Parmi les techniques de protection des pins contre leur processionnaire, le piégeage des papillons mâles, celui des chenilles et la prédation par les mésanges favorisée par la pose de nichoirs sont utilisés par les gestionnaires (Brinquin, 2013). La combinaison de méthodes permet de réduire les risques de santé publique et de défoliations d'arbres causés par ce ravageur (Martin et al., 2012).
Mais la mise en place de ces techniques nécessite un investissement humain important pour la pose des dispositifs et ensuite pour le démontage. Cela freine leur adoption. C'est le cas, par exemple, du piégeage de masse de la processionnaire du pin en forêt ou en espace vert urbain.
Confusion sexuelle : la contrainte du démontage
Une méthode utilisée en viticulture et arboriculture est la confusion sexuelle. Cette technique n'est pas encore homologuée en forêt ni espace vert contre la processionnaire du pin. Pourtant, les phéromones sexuelles du ravageur sont connues. Mais le temps de pose puis de dépose des diffuseurs en fin de période de vol des adultes représente une contrainte forte.
Un diffuseur biodégradable destiné à la lutte par confusion sexuelle contre la processionnaire du pin permettrait de lever le verrou économique en réduisant la charge en main-d'œuvre.
Naissance d'un partenariat
C'est à partir de ce cahier des charges qu'est né le partenariat entre l'UEFM et la société française M2i Life Sciences.
M2i, groupe de chimie fine acteur du biocontrôle car producteur de phéromones, a mis au point une technologie de micro-encapsulation sans solvant. La phéromone est encapsulée dans des microparticules. Cela permet le relargage contrôlé de la substance ; la diffusion est régulière et sa durée allongée.
Cette solution peut rendre possible des modes d'application inédits. De plus, elle utilise des cires naturelles sans nécessiter le support d'un diffuseur en plastique. La phéromone micro-encapsulée, biodégradable, répond ainsi à l'objectif souhaité : une véritable technologie verte.
Premiers tests in situ en été 2014
Nouvelle formulation comparée à une classique
Cette technologie a été expérimentée par l'UEFM sous la forme d'une formulation micro-encapsulée de la phéromone de la processionnaire du pin.
Pour ce premier test, il fallait valider le principe attractif de cette nouvelle configuration de la phéromone, fournie à titre expérimental dans des seringues par M2i, en la comparant avec une formulation classique. La phéromone a été déposée sur les ailettes du piège Mastrap L, en comparaison avec le diffuseur Attract et disposé dans le même modèle de piège.
Le dispositif expérimental formé de dix pièges par modalité a été mis en place le 8 juillet 2014 dans les pinèdes du mont Ventoux (Vaucluse). Les pièges ont été relevés une fois par semaine jusqu'à la fin du vol des papillons.
Résultats
La comparaison des captures hebdomadaires (Figure 1) montre l'excellente diffusion de la phéromone micro-encapsulée. Elle couvre toute la période de vol. Les taux de capture sont supérieurs à ceux obtenus avec la phéromone Attract (Figure 2).
Bien entendu, il s'agit d'un premier test. Ces résultats préliminaires très encourageants sont à confirmer.
Suite intégrée dans Optim'Phéro 2015-2017
M2i va poursuivre l'optimisation de cette phéromone afin d'en améliorer encore l'attractivité. Puis elle va développer un mode d'application adapté à l'usage en confusion sexuelle.
Ce premier test s'avère prometteur alors que va débuter le programme conjoint Optim'Phéro dans le cadre du plan Ecophyto PSPE2. Ce programme a pour but de développer une solution innovante de lutte par confusion sexuelle contre trois lépidoptères ravageurs des zones non agricoles, les processionnaires du pin et du chêne ainsi que la pyrale du buis.
Cette solution unique rend possible des modes d'application inédits, adaptés au végétal cible et à son environnement. Elle simplifie l'usage des phéromones pour la confusion sexuelle et permettra de le généraliser à moindre coût par la réduction du temps de pose et l'absence de démontage.
Fig. 1 : Suivi de l'essai, un produit prometteur
Comparaison du nombre de papillons récoltés par modalité testée. La formulation expérimentale micro-encapsulée capture, à chaque relevé hebdomadaire, davantage de papillons que celle déjà dans le commerce (Attract).
Le Point de vue de
REMERCIEMENTS
Le projet Optim'Phéro, initié par l'Inra UEFM en partenariat avec la firme M2i Life Sciences, la Fredon PACA et l'Inra UEFL, a été arbitré favorablement en juillet 2014 pour un financement par le plan Ecophyto PSPE2 à partir de 2015. Les auteurs remercient les partenaires cités et tout le personnel de l'Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne pour leur contribution à ces résultats appliqués.