Drosophila suzukii adultes, à gauche un mâle (reconnaissable par la tache sur l'aile), à droite une femelle.
En viticulture, les drosophiles ou petites mouches des fruits sont à l'origine du développement de la pourriture acide. Cette maladie, jusqu'ici, concernait surtout les vignes conduites en vendanges tardives, et certains cépages. L'arrivée de Drosophila suzukii pourrait-elle changer la donne ?
La pourriture acide, qu'est-ce que c'est ?
Les vignes sont concernées
La pourriture acide est ainsi nommée car elle fait augmenter l'acidité volatile des moûts. Elle peut aller jusqu'à détruire totalement les baies par pourrissement sur pied, en particulier sur cépages blancs.
Elle survient après la véraison dans les baies matures riches en sucres, notamment des variétés à peau mince type sauvignon blanc.
Elle est particulièrement dommageable dans les vignes où la récolte est menée à un stade avancé de maturité, notamment celles destinées à produire du vin liquoreux.
Des agents et des vecteurs
La pourriture acide est le résultat d'un mécanisme complexe impliquant des microorganismes infectieux, comprenant des levures (en particulier Kloeckera apiculata) et des bactéries (Gluconobacter spp., en particulier les Acetobacter spp. qui seraient des bactéries acétiques dominantes dans le stade ultime de l'évolution de la maladie sur les baies de raisin). La maladie est associée à divers vecteurs potentiels (Blancard et al., 2000 ; Gravot, 2000). Les épidémies sont toujours associées à de fortes populations de drosophiles, généralement observées dans les parcelles touchées où elles assurent la propagation de la maladie. Les larves prolifèrent dans les baies déjà colonisées par des levures ou des bactéries. Les mouches peuvent transporter ces micro-organismes de deux manières :
– par la présence de structures de survie des bactéries à la surface du corps ;
– à l'intérieur du corps dans le tube digestif (Fermaud et al., 2002).
Des espèces déjà connues sur vigne
Capus (1899) avait déjà mentionné l'existence de dommages de Drosophila funebris (Frabricius) dans les vignes où se pratiquent les vendanges tardives. Depuis, sept espèces de drosophiles ont été classées ravageurs de la vigne en Europe : Drosophila busckii Coquillett, D. funebris, Drosophila hydei Sturtevant, Drosophila repleta Wollaston, Drosophila melanogaster Meigen, Drosophila simulans Sturtevant et Lordiphosa fenestrarum (Fallen) (Stockel, 2000).
Les drosophiles effectuent, selon l'année, de cinq à sept générations en France. Elles apparaissent dans les vignobles surtout en fin d'été/début d'automne, au moment où elles trouvent de nombreuses sources de nourriture pour leurs larves. C'est à cette période-là que les dégâts sont les plus importants.
Dans le vignoble bordelais, c'est la région de Sauternes, productrice de vins liquoreux issus de vendanges tardives, qui est la plus touchée par les attaques de drosophiles. Une étude pionnière menée sur ce secteur viticole par Capy et al. (1987) avait montré que les espèces D. melanogaster et D. simulans étaient majoritaires, tandis que les espèces Drosophila subobscura Collin, D. immigrans et D. busckii étaient anecdotiques.
En 2011, Drosophila suzukii entre en scène au vignoble
En 2011, nous avons signalé en vignoble, la présence de l'espèce invasive Drosophila suzukii (Matsumura), la drosophile à aile ponctuée (Figure 1C), détectée au stade adulte à Sauternes et Barsac à l'aide de pièges alimentaires (Rouzes et al., 2012). Nous n'avons pas détecté d'individus de cette espèce sur grappes à la récolte.
Le comportement et les caractéristiques morphologiques de D. suzukii en font une réelle menace pour de nombreuses cultures fruitières, y compris les raisins de table comme de cuve (Walsh et al., 2011).
D. suzukii peut attaquer des fruits intacts
De nombreuses cultures concernées
Contrairement à la plupart des autres drosophiles qui infestent des fruits mûrs, pourris ou tombés au sol, D. suzukii est capable d'attaquer le fruit intact durant la phase de maturation (Mitsui et al., 2006). La femelle est équipée d'un grand et fort ovipositeur (Figure 1B) capable de perforer des fruits sains et d'y pondre ses œufs. Après le développement des larves, la pellicule du fruit s'affaisse autour du site d'alimentation, puis se désintègre rapidement. En parallèle, les microblessures laissées par l'ovipositeur de la femelle offrent des portes d'entrées à des infections secondaires (insectes et pathogènes), accélérant ainsi le processus de décomposition.
D. suzukii occasionne des dommages à de nombreux fruits : raisin, myrtilles, mûres, fraises, framboises et cerises, et même les pommes, poires, pêches, abricots, nectarines, prunes, figues, kakis et kiwis (EPPO, 2010). Les pertes peuvent atteindre 80 % du rendement (Rota-Stabelli et al., 2013). En l'absence d'hôte préférentiel, Kanzawa (1939) a observé que D. suzukii pouvait établir son cycle sur les glands de chêne.
Des observations plus récentes aux États-Unis ont montré que cette espèce pouvait aussi se développer sur les plantes ornementales et les plantes indigènes pendant la fructification (Walsh et al., 2011).
2011 en Aquitaine : dégâts sur fraise
En France, on parle surtout de dégâts sur fruits. Ainsi en 2011, en Aquitaine, dans les départements de la Dordogne et du Lot-et-Garonne, près de 440 tonnes de la production de fraises d'été ont été perdues (Dubon, 2012). En 2013, la perte a été de 600 tonnes rien que pour le département de la Dordogne (données M.-L. Ravidat).
Sur vigne, une espèce à suivre
Installation progressive
D. suzukii est un organisme nuisible non sujet à la lutte obligatoire. Cet insecte est considéré pour le moment comme un ravageur secondaire du vignoble en Europe car aucun dommage important n'a été signalé (Kehrli et al., 2013). Cependant, cette espèce est une menace potentielle pour la biodiversité et l'écologie des régions envahies (Rota-Stabelli et al., 2013).
La présence de D. suzukiidepuis 2011 dans l'agrosystème viticole bordelais montre une installation progressive des populations de ce nouveau ravageur potentiel dans les différents vignobles aquitains.
Il nous a donc semble important de suivre l'évolution dans le temps de cette installation et d'analyser les facteurs régulant cette progression.
Pour cela, nous avons effectué des échantillonnages dans le vignoble pour acquérir des données sur la présence de cette mouche et sur la distribution de ses populations dans la région de Bordeaux, que nous avons comparées aux données historiques.
Suivi effectué : une parcelle en 2012, six en 2013
Dix à vingt-cinq grappes ont été prélevées par parcelle à la maturité du raisin pour évaluer la présence des drosophiles.
En 2012, les prélèvements ont été effectués sur une seule parcelle de sémillon de sauternes. Elle est située à une centaine de mètres de l'endroit où, en 2011, nous avions détecté D. suzukii en récoltant un échantillon par piégeage.
En 2013, les prélèvements ont été réalisés dans six parcelles réparties sur cinq sous-régions viticoles bordelaises :
– dans le Sauternais, à Sauternes : la même parcelle de sémillon qu'en 2012 ;
– dans le Pessac-Léognan, à Villenave-d'Ornon (site Inra de la Grande-Ferrade) : une parcelle de sémillon ;
– dans le nord-Médoc, à Saint-Germain-d'Esteuil : une parcelle de merlot ;
– dans le Libournais, à Montagne : une parcelle de merlot ;
– dans l'Entre-deux-Mers, à Blasimon et à Naujan-et-Postiac : deux parcelles de merlot.
Suivi des émergences et données supplémentaires
Les grappes ont été stockées individuellement dans des boîtes en plastique et entreposées sept jours en chambre climatique (photopériode : 16/8 (J/N) ; température : 22 ± 1 °C ; humidité relative : 70 ± 10 %) pour obtenir des adultes (Figure 2).
Après passage au congélateur pour tuer les individus, ils ont été comptés puis stockés dans l'alcool avant identification sous loupe binoculaire (× 100) à l'aide de la clé de détermination taxinomique de Séguy (1934) actualisée (Séguy, 1938 ; Vlach, 2010).
Les données ont été complétées avec celles de Capy et al., (1987) réalisées dans deux sous-régions viticoles :
– dans le Pessac-Léognan, à Villenave-d'Ornon, sur notre site Inra de la Grande-Ferrade (Pont-de-la-Maye) ;
– à Sauternes : deux parcelles.
Les échantillons de 2011 (Rouzes et al., 2012) avaient été récoltés sur sémillon dans le Sauternais, à Barsac et à Sauternes.
Analyses statistiques
L'interprétation statistique des différences de distribution de chaque espèce entre parcelles et années est réalisée par comparaison des intervalles de confiance de pourcentages à 95 % (Scherrer, 1984).
Résultats de notre suivi
En 2012, Drosophila melanogaster règne sur la parcelle
Sur l'inventaire faunistique réalisé en 2012 (Tableau 1 et Figure 3), 90 % des grappes étaient attaquées par des drosophiles avec en moyenne six pupes ou adultes par grappe. L'espèce majoritaire était D. melanogaster avec 93 % des adultes obtenus. Les femelles étaient légèrement majoritaires (52 % des individus de D. melanogaster).
Ces résultats sont cohérents avec ceux obtenus en Sauternais dans notre inventaire 2011 (Rouzes et al., 2012) avec 97 % de D. melanogaster dont 55 % de femelles, mais moins de grappes infestées (20 %).
Il faut noter la présence en 2012 de 0,8 larve d'eudémis (Lobesia botrana [Denis & Schiffermüller]) par grappe (80 % de grappes avec une larve), ce qui peut expliquer le taux de développement de la pourriture acide (plus fort sur dégâts de tordeuses).
Ces résultats sont cohérents avec les données plus anciennes de Capy et al., (1987) : à l'époque, le cortège de drosophiles dans le Sauternais se composait de 98 % de D. melanogaster, soit quasiment les résultats actuels.
En 2013, la suzukii s'est développée dans trois parcelles sur six
En 2013 (Tableau 1 et Figure 3), le développement de D. suzukii sur grappes a été observé sur trois des six secteurs suivis : Inra Grande-Ferrade, Sauternes et Saint-Germain-d'Esteuil, avec des niveaux de 1 % à 82 % des drosophiles trouvées.
Ces sites se répartissent sur la longueur de la Gironde, ce qui suggère que les zones intermédiaires des Graves et du sud-Médoc sont elles aussi infestées ou le seront rapidement.
Autres résultats
Les trois échantillons plus à l'est (Libournais et Entre-deux-Mers) semblent exempts. Nous avons également observé une évolution significative dans la structure des communautés de drosophiles à Sauternes : la proportion de l'espèce initialement majoritaire D. melanogaster diminue, et celle de Drosophila simulans, l'espèce compagne marginale jusqu'à présent dans ce secteur, augmente notablement.
Cette différence de distribution des espèces est significative depuis 2013 alors que la durant vingt-cinq ans, de 1987 à 2012.
Une évolution est observée également sur le site Inra de la Grande-Ferrade... Mais avec un phénomène inverse : D. melanogaster devient l'espèce dominante au détriment de D. simulans. La différence est significative comparée aux données de 1987 sur le site.
Bilan : un établissement rapide
D. suzukii semble être maintenant bien établie dans une partie du vignoble bordelais et nos résultats ont montré que cette espèce est capable de se développer sur le raisin. Les communautés de drosophiles commencent à évoluer avec cette nouvelle espèce.
Cette situation s'est produite en peu de temps : introduite en Europe en 2008 (Grassi et al., 2009 ; Calabria et al., 2012), l'espèce a été signalée en France en 2009 dans le sud-est à Montpellier et à la Minière de Vallauria (EPPO, 2011), puis en Aquitaine (en Dordogne) en 2010 (Decoin et al., 2011 ; Weydert et Bourgoin, 2012).
Elle n'a été détectée en Gironde qu'en 2011 (Rouzes et al., 2012), notamment sur vigne par piégeage, et en 2013, sa présence sur grappe en région bordelaise a donc déjà été avérée.
Comment expliquer cette évolution ?
Sauternes : « effet cerisier » ?
Cette évolution rappelle celle de Metcalfa pruinosa, espèce qui s'est propagée le long de la Garonne à partir du Lot-et-Garonne (Sforza, 2008). Dans ce département et ceux limitrophes, les dégâts de D. suzukii sur petits fruits sont extrêmement dommageables au moins depuis 2011. Dans le secteur de Langon, proche de Sauternes, il y a eu de fortes attaques sur cerisiers en 2012. L'arrivée de D. suzukii dans le Sauternais était donc vraisemblable.
Le site Inra encore peu touché
Sur notre site Inra de la Grande-Ferrade à Villenave-d'Ornon, le faible pourcentage détecté semble indiquer que D. suzukii est arrivée dans le secteur bien après son introduction en Gironde.
Nord-Médoc : « effet framboisier » ?
Le plus surprenant est le niveau atteint dans le nord-Médoc : D. suzukii représente 82 % de la totalité des drosophiles !
Qui plus est, c'est sur une parcelle de merlot, cépage noir, avec des dégâts de pourriture acide peu courants sur les cépages de cette couleur. Mais on sait que D. suzukii s'attaque à des fruits rouges, couleur des baies de merlot en cours de maturation.
En fait, la présence de D. suzukii était déjà signalée depuis 2011 à proximité en Bourgeais-Blayais chez un producteur de framboise. On peut donc supposer un déplacement des drosophiles depuis cette zone vers le Médoc.
Une résistance aux parasitoïdes
Des recherches en cours pour la mise au point d'une méthode de lutte biologique montrent une certaine résistance de D. suzukii aux parasitoïdes naturels des drosophiles indigènes. Ceci pourrait expliquer en partie son expansion rapide (Poyet et al., 2013).
La structure des communautés évolue car D. suzukii la perturbe
Les parcelles viticoles bordelaises sont essentiellement infestées de D. melanogaster, une des espèces endémiques viticoles de la région. Cette espèce semble adaptée à cet habitat, au contraire de D. simulans, prédominante sur le site de la Grande-Ferrade, localisé intra muros de la communauté urbaine de Bordeaux.
Mais il a été observé une évolution des populations avec l'arrivée de D. suzukii, en zone urbaine et viticole. Cette espèce invasive effectuerait son cycle biologique avant les autres drosophiles (Rouzes et al., 2012 ; van Timmeren et Isaacs, 2014).
Les équilibres naturels dans les communautés de drosophiles viticoles autochtones seraient alors perturbés, ce qui entraînerait des modifications dans les proportions entre toutes les espèces.
Compétition interspécifique ou non ?
La structure de ces communautés est régie par la compétition interspécifique. Certes, les études en laboratoire de Takahashi et Kimura (2005) montrent une faible concurrence interspécifique chez les drosophiles étudiées.
Mais ce travail n'a été réalisé que sur une même période de colonisation des espèces. Il n'y a donc pas de différentiel d'infestation temporel, comme on le suppose in natura pour D. suzukii.
Il faut mieux comprendre la structure des communautés de drosophiles au vignoble et leur évolution potentielle avec l'apparition de D. suzukii (van Timmeren et Isaacs, 2014).
Quels risques pour la viticulture ?
La présence de D. suzukii sur raisin est confirmée ailleurs
Hormis nos observations, la présence de D. suzukii sur grappes se confirme en Italie (Weydert et Bourgoin, 2012), au Québec (Saguez et al., 2013) et dans le vignoble du Michigan (van Timmeren et Isaacs, 2014). Bien avant ces observations, Kanzawa (1939) élevait cette espèce sur le raisin. Ceci laisse présager son installation durable dans le vignoble.
En France, 2014 a été une année à dégâts de pourriture acide dans différents vignobles, en lien avec d'importantes populations de drosophiles. La question de la proportion de D. suzukii et de son rôle (précocité des attaques notamment) a été posée par de nombreux praticiens. Toutefois, l'identification formelle des espèces en présence n'a pas toujours été réalisée, à l'exception du Bordelais (voir Encadré 3).
Originalités de D. suzukii : dégâts directs possibles sur vigne, dégâts indirects plus précoces
Au contraire des autres drosophiles, D. suzukii a la capacité de provoquer des dégâts directs, sans action préalable de micro-organismes ou présence de blessures, et surtout précocement d'après ce qui est observé sur les cultures fruitières.
Concernant les dégâts indirects, on peut craindre également la vection de certains pathogènes liée notamment au mutualisme de D. suzukii avec certaines levures (Hamby et al., 2012) ou d'autres pathogènes (van Timmeren et Isaacs, 2014). C'est une caractéristique des drosophiles, quelle que soit l'espèce, d'être associées aux levures (Morais et al., 1992). Le rôle de propagation de champignons est également connu, avec notamment la vection du botrytis par D. melanogaster, agent de la pourriture grise de la vigne (Louis et al., 1996).
Si les attaques de D. suzukii étaient plus précoces sur grappes que celles d'autres espèces comme D. melanogaster et D. simulans, alors le risque sanitaire serait majeur pour les vignobles.
Les cépages rouges semblent davantage concernés
D. suzukii paraît avoir des préférences pour certains cépages (Justrich, 2013 ; Saguez et al., 2013 ; van Timmeren et Isaacs, 2014), comme les cépages rouges (Justrich, 2013 ; Saguez et al., 2013). Nos résultats semblent confirmer cela car nous trouvons une forte proportion de cette espèce sur le cépage merlot du site de Saint-Germain-d'Esteuil, dans la grande zone viticole de cépage noir du Médoc.
Jusqu'à présent, le risque de dégâts de drosophiles était, en France du moins, limité aux zones de production de raisin blanc surtout pour vins liquoreux (Stockel, 2000).
Le risque sanitaire concernerait alors désormais l'ensemble des cépages et des types de production de vin. En un mot, en Gironde, ce ne serait plus les 4 500 ha de vigne qui pourraient être concernés par les dégâts potentiels que représentent le secteur de production du sauternes et autres vins blancs doux (CIVB, 2014), mais tout le vignoble bordelais, soit 125 000 ha (Lamoureux, 2011).
Nuisibilité sur vigne à évaluer
Après avoir observé la présence de l'espèce invasive D. suzukii au stade adulte dans le vignoble du Sauternais en 2011, rapidement, dès 2013, nous avons démontré sa capacité de développement sur vigne dans le sud-ouest de la France. Elle présente donc une plasticité comportementale non négligeable et une capacité de passer de culture en culture tout au long de l'année.
Concernant la vigne, il nous semble donc urgent d'étudier la dynamique des populations de cet insecte dans ses dimensions spatiales, temporelles et numériques, et d'évaluer sa nuisibilité.
DETECTION OF DROSOPHILA SUZUKII ON CLUSTERS IN 2013 IN GIRONDE SUMMARY
SUMMARY - In 2011, the invasive fruit fly species Drosophila suzukii(Matsumura) (Diptera : Drosophilidae) was recorded for the first time in a trap network in the Sauternes area (south of Bordeaux). In 2013 we observed complete reproductive cycles of this species on grapes in vineyards located on the left bank of the Garonne river both in the Sauternes (South) and the Medoc (North) areas. Further studies are now needed to determine population dynamics in vineyards, the damages induced by this species, the evolution in space and time of fruit flies communities on grapes and the occurrence of native natural ennemies, among which parasitoids on D. suzukii.
KEY WORDS - Fruit fly, drosophila communities, grapevine, Drosophila suzukii, monitoring.
Fig. 1 : Comment reconnaître Drosophila suzukii
Le robuste ovipositeur (photo B) de la femelle peut pondre à travers des cuticules intactes sans attendre que les baies soient en surmaturité ou attaquées par d'autres agresseurs. D'où une nuisibilité supérieure à celle d'autres espèces.
1 - Les drosophiles comptent 66 genres
Les drosophiles sont connues partout dans le monde sous des noms divers : mouches du vinaigre ou petites mouches des fruits. Ces insectes très communs vivent souvent à proximité des activités humaines. La majorité des drosophiles sont frugivores, avec une préférence pour les fruits très mûrs, voire pourris ; d'autres espèces se nourrissent de champignons, de fleurs ou d'autres sont des prédateurs d'invertébrés (Merritt et al., 2003).
Près de 3 300 espèces de drosophiles ont été décrites dans le monde entier, réparties en 66 genres dont le genre Drosophila (O'Grady, 2003).
Fig. 2 : Protocole de mise en émergence et d'identification des drosophiles sur grappes
De la récolte des grappes à l'identification visuelle sous loupe binoculaire, en passant par l'obtention des adultes.
Fig. 3 : Localisation et distribution des espèces de drosophiles dans la région bordelaise par année de suivi
Les données de 1987 sont issues de Capy et al., (1987) et celles de 2011 sont issues de Rouzes et al.,(2012)
2 – Côté biologie : suzukii l'ubiquiste
Concernant le cycle biologique de D. suzukii sur vigne, il reste des interrogations. Nos observations ont été réalisées lors des vendanges mais on suppose qu'elle agit bien avant (Rouzes et al., 2012). Les seules informations connues concernent les piégeages d'adultes.
En effet, depuis 2010, un réseau de pièges a été mis en place sur les principales cultures régionales dans le cadre d'une délégation de la Draaf-Sral Aquitaine, dont trois pièges suivis en vigne. Depuis 2011, les captures en vigne interviennent surtout à partir de fin août et s'intensifient avec la maturité du raisin, sans lien avec des dommages pour l'instant.
Ces résultats sont confirmés par ceux obtenus dans le vignoble suisse (Justrich, 2013). Ce phénomène est également observé pour les autres cultures touchées par cette espèce (fraise, framboise et cerise), où aucune corrélation entre le niveau de piégeage des adultes et les dégâts n'a été établie jusqu'à présent (données M.-L. Ravidat).
Concernant l'impact du paysage, différentes études ont démontré que les compartiments sauvages jouent un rôle important dans les paysages agricoles, notamment en influençant les dynamiques de populations d'auxiliaires et de ravageurs ainsi que le potentiel de régulation naturelle dans les parcelles cultivées (Chaplin-Kramer et al., 2011 ; Rusch et al., 2010).
Ainsi, il a été montré que les repousses de porte-greffes dans l'environnement des vignobles peuvent héberger de fortes populations de cicadelles Scaphoideus titanus (Pavan et al., 2012).
Or D. suzukii a été beaucoup retrouvée dans l'environnement immédiat des parcelles de vigne, sur les baies de la phytolaque américaine (Phytolacca americana L.) ou en lisière boisée. Cela démontre que cette espèce est ubiquiste (van Timmeren et Isaacs, 2014). Elle pourrait ainsi passer à la vigne par défaut pour effectuer son cycle avant de voler vers d'autres sources nutritives (Saguez et al., 2013).
Ceci correspondrait à l'apparition des adultes mi-août dans le vignoble, son intensification numérique lors de la maturité du raisin et sa disparition en fin de vendanges par manque de ressources dans les parcelles.
3 - Quid du vignoble aquitain en 2014 ?
Alertée mi-septembre par la présence inhabituelle de foyers de pourriture acide avec suspicion de présence de Drosophila suzukii, la Draaf Sral Aquitaine a diligenté une enquête pour mieux apprécier la situation sanitaire.
Diffusée par le biais du Bulletin de santé du végétal vigne, cette enquête a permis de recueillir une centaine de signalements. Ceux-ci concernent en proportion équivalente aussi bien les cépages noirs que blancs.
Suite à ces signalements, des prélèvements de grappes ont été réalisés par délégation du Sral Aquitaine à la Fredon.
Sur 265 grappes prélevées, 122 révèlent la présence de D. suzukii, soit 46 %. On peut noter que D. suzukii est davantage présente sur cépages noirs : elle représente 10,75 % de la population totale de drosophiles contre 0,5 % pour les cépages blancs. Ainsi, en moyenne sur cépages noirs, on dénombre 2,7 adultes de D. suzukii pour 22 drosophiles autres.
Une réflexion est actuellement en cours pour intégrer le suivi de D. suzukii au vignoble dans le cadre des réseaux nationaux d'épidémio-surveillance (BSV).
Le Point de vue de
REMERCIEMENTS
à Nathalie Poppe et Tristan des Ordons (Établissements Touzan) pour la collecte des échantillons, ainsi qu'aux différentes propriétés viticoles ayant mis à disposition leurs parcelles de vigne pour les suivis, au lycée professionnel agricole de la Tour-Blanche et à la Fredon Aquitaine pour le suivi et la synthèse des données de piégeage par délégation du Sral Aquitaine.