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Sur pomme de terre, les fongicides antimildiou sont conçus pour prévenir ou au moins limiter les symptômes sur feuilles mais aussi, indirectement, les dégâts sur tubercules. Ces antimildious (certains visant en même temps l'alternariose) représentent la majorité des nouveautés présentées ici. Photo : Euroblight
Visite d'essai de défanage en 2013, comparant le défanant évoqué dans cet article avec d'autres outils. La demande d'AMM de ce produit a obtenu un avis favorable de l'Anses puis a été soumise à consultation publique du 22 décembre 2014 au 5 janvier 2015. Photo : M. Decoin
Sur les cultures de pomme de terre, le mildiou aura marqué 2014. Sa pression a, hélas, été très forte dans les champs, et par ailleurs il est la cible de la majorité des nouveautés phytopharmaceutiques de l'année.
De plus, une paire d'extensions d'usage pour le traitement des plants et une autre contre des insectes ont été obtenues. Enfin, les noms de deux produits attendus début 2015, dont un défanant de biocontrôle, sont connus.
Trois spécialistes du mildiou
Amisulbrom : une nouvelle substance
La pomme de terre est la première culture en France à voir arriver l'amisulbrom (Tableau 1). Philagro propose cette substance d'origine Nissan Chemical (un de ses actionnaires) dans la spécialité Leimay.
Ce fongicide appartient à la famille des sulfonamides dont certains représentants sont utilisés en médecine humaine. Il agit sur la respiration mitochondriale de Phytophothora infestans, l'agent du mildiou de la pomme de terre.
Son mode d'action est proche de celui de la cyazofamide (principe actif de Ranman). Ces deux substances sont les seuls représentants du groupe C4 du Frac(1) autorisés dans des produits phytos (= phytopharmaceutiques) dans le monde.
Le nouveau produit est translaminaire. Rapidement à l'abri du lessivage (il pénètre vite et bien dans la cuticule des feuilles), il est actif sur la germination des spores de P. infestans et la croissance du mycelium ; c'est aussi un antisporulant. Il annonce une excellente efficacité préventive.
Son AMM (autorisation de mise sur le marché) précise qu'il est utilisable jusqu'à six fois par saison, mais sans dépasser trois applications successives.
La société souligne son intérêt notamment en fin de saison, sur végétation stabilisée, ceci pour pouvoir protéger indirectement les tubercules.
Zoxamide et cymoxanil : une association inédite
Deux autres nouveaux antimildious proposent des substances déjà utilisées sur cet usage, mais en configurations inédites.
Le premier se nomme Reboot (Tableau 1). Il est proposé par Gowan. Ses deux substances actives, à savoir la zoxamide et le cymoxanil, étaient déjà connues sur pomme de terre mais c'est la première fois qu'elles sont associées.
La zoxamide, apparue sur le marché français en 2000, fait partie du groupe B3 du Frac qui agit sur la division cellulaire. Elle était déjà proposée sur pomme de terre, toujours en association avec une substance multisite : soit du mancozèbe (Aderio, etc.), soit du sulfate de cuivre (Amaline Flow, etc.).
Le cymoxanil est une substance active bien plus ancienne : il est présent sur le marché français depuis les années 1980. De nombreux produits en contiennent.
Le Frac le classe comme ayant un mode d'action inconnu – mais estimé différent de celui de la zoxamide. La nouvelle association est utilisable quatre fois par an.
Propamocarbe autorisé seul, mais non vendu
L'autre produit à configuration inédite est cité ici pour prendre date, car il ne devrait pas être commercialisé lors de cette campagne 2015. C'est Edipro, d'Agriphar, à base de propamocarbe HCl (Tableau 1). La substance était déjà utilisée sur pomme de terre associée au chlorothalonil (dans Tattoo C) ; elle est ici autorisée en solo pour un produit à meilleur profil toxicologique et environnemental. Sa ZNT(2) est de seulement 5 m. Le produit pourra s'utiliser jusqu'à six fois en saison.
À noter : la substance active, un carbamate, fait partie du groupe F4 du Frac qui agit sur les acides gras des oomycètes (dont P. infestans). C'est le seul représentant de ce groupe autorisé dans des produits phytos en France à notre connaissance.
Mixtes mildiou-alternariose
Mandipropamid et difénoconazole : une autre association inédite
La quatrième nouveauté antimildiou est Rêvus Top de Syngenta France. Ce produit utilisable trois fois par an associe le mandipropamid (groupe H5 du Frac) déjà utilisé sur la pomme de terre contre le mildiou (seul dans Rêvus, avec du mancozèbe dans Pergado MZ Pépite), à un partenaire qui vise l'alternariose : le difénoconazole. Ce triazole (groupe G1 du Frac), connu depuis les années 1980, notamment sur vigne, est une nouveauté pour la pomme de terre.
Important, il apporte un mode d'action inédit contre l'alternariose. Certes, cette maladie préoccupe en général moins les producteurs que ne le fait le mildiou, mais c'est quand même la seconde affection du feuillage en importance.
Or, nous l'avions écrit l'an dernier(3), seules deux substances différentes étaient autorisées pour lutter contre elle en 2011 : la zoxamide et le mancozèbe. Deux modes d'action, même si l'un d'eux est multisite, c'est peu... Cette lutte pouvait alors être qualifiée d'usage mal pourvu.
En 2013, deux autres substances avaient été autorisées, indissolublement associées dans les produits jumeaux Optimo Tech et Coach Plus : le dimétomorphe et la pyraclostrobine, respectivement des groupes H5 et C3 du Frac.
Cela représentait deux modes d'action nouveaux contre cette maladie, soit quatre modes d'action différents mais seulement trois possibilités... Le difénoconazole augmente la variété des solutions possibles.
Amétoctradine : une substance inédite lancée en 2014
À noter le lancement effectif en 2014 d'un des produits autorisés en 2013 mais non encore disponibles il y a un an(4).
Nommé Zampro MZ et proposé par BASF, il représente l'arrivée de l'amétoctradine contre le mildiou de la pomme de terre. La nouvelle substance est associée au mancozèbe, ce qui permet à cet antimildiou de viser également l'alternariose. Quatre applications par an sont possibles.
Point important : l'amétoctradine représente un mode d'action nouveau.
Il y a un an, il était établi qu'il s'agissait d'un inhibiteur de respiration cellulaire, donc pour le Frac, un C « suivi d'une lettre », mais le site d'action précis n'était pas encore connu.
Fin 2014, le fabricant a annoncé avec délectation être désormais certain que la substance agit sur un site original, et ceci sans résistance croisée avec d'autres inhibiteurs de la respiration(5)...
Désormais, l'amétoctradine est l'unique représentant mondial du groupe C8 du Frac. C'est donc un nouveau mode d'action contre le mildiou de la pomme de terre.
Autres nouveautés 2014
Flutolanil : un doublé contre la gale argentée
Vis-à-vis des autres bioagresseurs de la pomme de terre, 2014 a vu moins de nouveautés. Côté fongicides, il se produit une « extension d'usage de fait » pour deux produits de Philagro nommés Iota P et Iota L, ce dernier connu commercialement sous son second nom de Rialto (Tableau 2).
Il s'agit de deux produits de traitements des plants à base de flutolanil. Ils diffèrent par leur forme physique : le « P » est une poudre pour poudrage, l'autre une formulation liquide (suspension concentrée).
Tous deux étaient autorisés contre le rhizoctone brun depuis les années 1990. Le nouveau catalogue des usages entré en vigueur en 2014 a automatiquement traduit cet ancien usage en « champignons autres que pythiacées ». Le rhizoctone brun en fait partie, tout comme la gale argentée.
La société confirme l'efficacité contre cette deuxième maladie – mais décline toute responsabilité en cas d'efficacité insuffisante contre tout autre « champignon autre que pythiacée », notamment ceux des genres Phoma et Fusarium. Non que les produits n'aient pas d'activité, mais la société ne peut et ne veut pas garantir de résultats.
Ses étiquettes précisent désormais les usages et doses sur rhizoctone brun et gale argentée, et avertissent que pour les autres usages « l'utilisation [de ces fongicides] est sous la responsabilité des utilisateurs ». À bon entendeur...
Clothianidine : une substance inédite contre différents insectes
Une autre autorisation vient d'être obtenue. C'est l'extension d'emploi de Dantop 50 WG, encore un produit de Philagro – mais un insecticide cette fois, déjà autorisé auparavant en vergers de pommiers. Il représente l'arrivée de la clothianidine sur la pomme de terre.
Deux cibles peuvent être visées par ce néonicotinoïde à large spectre : les coléoptères phytophages, dont clairement le doryphore, et les pucerons, avec pour tous les deux la possibilité de deux traitements à sept jours d'intervalle.
Et en 2015 ?
Acide pélargonique : pour le défanage en mode biocontrôle
Pour 2015, deux dossiers de demande d'autorisation de produits ont été soumis à consultation publique le 22 décembre 2014. Le premier se nomme Beloukha. Ce produit de la société Jade est à base d'acide pélargonique (ou nonanoïque) naturel extrait de cultures oléagineuses. Il avait été présenté au Columa 2013(6) sous le nom de code VVH 86086.
L'avis de l'Anses soumis à consultation publique est favorable pour le défanage de la pomme de terre (et également sur vigne, pour le désherbage et l'épamprage).
Pour le défanage, son caractère de « contact strict » assure l'absence de résidus dans les tubercules (de toute façon, la faible rémanence et la biodégradabilité avec absence de métabolites toxiques de cet acide gras végétal font qu'il est catégoriquement exempté de LMR, limite maximale de résidus).
Il a été testé seul mais aussi, sur des variétés vigoureuses et/ou en conditions très poussantes, associé à du défanage mécanique auquel il permet le succès.
La consultation publique se clôturant le 5 de ce mois de janvier 2015, l'AMM ne pouvait pas encore être publiée lors de l'écriture de ces lignes ! Mais une autorisation rapide est très probable. En effet :
– un autre produit à base de la même substance extraite de végétaux (Katoun, AMM n° 2140254, de Jade lui aussi mais distribué par Syngenta) vient d'être autorisé en zones non agricoles ; la consultation publique n'était pas nécessaire pour ces autorisations, des produits à base d'acide pélargonique étant déjà autorisés auparavant sur ces usages ;
– le nouveau défanant est un produit de biocontrôle car d'origine naturelle, sans classement écotoxicologique et sans toxicité ni nocivité chronique (il est classé irritant car acide) ; or les pouvoirs publics veulent encourager ces produits.
Il devrait bénéficier du précieux sésame « Nodu vert biocontrôle » : en effet, les herbicides non agricoles à base d'acide pélargonique industriel déjà autorisés l'ont bien obtenu...
Lambda-cyhalothrine : un nouveau produit en traitement du sol
Le deuxième produit est un insecticide. Nommé Trika Expert, il voit son autorisation de mise sur le marché en France demandée par la société Sipcam Iberia (le produit est déjà autorisé en Italie).
Il est à base de lambda-cyhalothrine – certes, cette pyréthrinoïde est fort utilisée en France, notamment sur pomme de terre ! L'originalité du nouveau produit est qu'il s'utilise en traitement du sol et non en TPA (traitement des parties aériennes) comme les insecticides à base de lambdacyhalothrine déjà autorisés sur pomme de terre.
Il vise bien entendu les insectes du sol. Propose-t-il un espoir face à la recrudescence des taupins, par exemple ? Et par qui sera-t-il vendu ? Attendons l'AMM éventuelle pour en savoir un peu plus.
Néanmoins, l'avis de l'Anses est favorable sur pomme de terre, comme sur diverses autres cultures, sous condition que l'application de ce granulé soit mécanisée.
Il faudra utiliser, cela est exigé, un « tracteur équipé d'un microgranulateur ».
<p>(1) Frac = Fungicide Resistance Action Committee. C'est la référence internationale en matière de classement des modes d'action des fongicides. Un « groupe Frac » réunit les substances fongicides ayant le même mode d'action biochimique, qu'elles appartiennent à une seule famille chimique ou à plusieurs, pour peu qu'elles agissent sur les mêmes cibles. Ainsi, tous les fongicides agissant sur la respiration sont classés en C suivi d'un chiffre, ce dernier différenciant des sites d'action différents.</p> <p>(2) ZNT comme <i>« zone non traitée »</i>, sous-entendue <i>« le long de l'eau »</i> ; c'est la largeur de la zone qu'il ne faut pas traiter le long de cours ou points d'eau tels qu'identifiés sur les cartes IGN au 25 000e. Il peut exister des ZNT le long des cultures adjacentes, des plantes non-cibles, ou pour protéger des arthropodes, mais c'est alors précisé.</p> <p>(3) et (4) « Nouveautés produits pour la pomme de terre – depuis deux ans... » <i>Phytoma</i> n° 670, janvier 2014, p. 16 à 18.</p> <p>(5) La résistance croisée (sous-entendue « positive ») survient entre deux substances quand les souches de mildiou (ou autre bioagresseur) résistantes par mutation de cible à l'une des substances sont, de ce fait, résistantes également à l'autre.</p> <p>Si les résistances aux deux substances sont indépendantes l'une de l'autre, il n'y a pas de résistance croisée. Si la résistance à une des substances rend la souche plus sensible à l'autre, il s'agit de résistance croisée négative.</p> <p>(6) Innovation herbicide à la 22e conférence du Columa. <i>Phytoma</i> n° 669, décembre 2013, p. 38 à 42.</p>
