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DOSSIER - Cultures ornementales

Vers une lutte biologique en production de Pittosporum

YANN VILAIN*, LOÏC IFFAT** ET JEAN-MARC DEOGRATIAS**, D'APRÈS LEUR COMMUNICATION À LA 10E CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS EN AGRICULTURE (CIRA) DE L'AFPP À MONTPELLIER, LES 22 ET 23 OCTOBRE 2014 - Phytoma - n°681 - février 2015 - page 16

Observation du pathosystème Aphis fabae/Pittosporum tobira (puceron/plante) et évaluation de plusieurs auxiliaires potentiels.
Dispositif expérimental « au niveau de la parcelle en conditions extérieures », neuf semaines après le rempotage, donc en mai 2013. Il s'agit de la modalité 2 (« M2 ») : lâchers de Chrysoperla carnea.  Photo : GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest

Dispositif expérimental « au niveau de la parcelle en conditions extérieures », neuf semaines après le rempotage, donc en mai 2013. Il s'agit de la modalité 2 (« M2 ») : lâchers de Chrysoperla carnea. Photo : GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest

Vue du dispositif expérimental dit « au niveau de la plante entière ». Chaque espèce d'auxiliaire y est testée seule.  Photo : GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest

Vue du dispositif expérimental dit « au niveau de la plante entière ». Chaque espèce d'auxiliaire y est testée seule. Photo : GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest

Chrysope Chrysoperla carnea adulte. L'espèce s'est montrée prometteuse, tout comme sa cousine Chrysoperla lucasina. Les deux espèces vont continuer à être testées, sous forme larvaire, bien sûr.  Photo : GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest

Chrysope Chrysoperla carnea adulte. L'espèce s'est montrée prometteuse, tout comme sa cousine Chrysoperla lucasina. Les deux espèces vont continuer à être testées, sous forme larvaire, bien sûr. Photo : GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest

Tableau 1 : Résultats des tests de prédation

Tableau 1 : Résultats des tests de prédation

Le puceron noir de la fève, Aphis fabae (Scopoli, 1763), est un puceron très polyphage et ubiquiste infestant plus de deux cents genres et espèces végétales, dont des plantes ornementales comme le pittospore du Japon, Pittosporum tobira (Thunb.) W. T. Aiton.

Pourquoi ce travail ?

Intérêt pour la lutte biologique

Les pucerons entraînent des déformations foliaires et apicales sur cette plante ornementale à feuillage persistant. Ces dégâts d'ordre esthétique sont très dommageables pour la qualité commerciale des plants. Des moyens de lutte doivent donc être mis en oeuvre pour limiter ces infestations.

La tendance actuelle étant à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires au profit de solutions alternatives, la lutte biologique par apport d'auxiliaires est l'une des possibilités envisagées.

Il existe de nombreux ennemis naturels du puceron noir de la fève :

- Coccinellidae (ex. : Scymnus spp., Cryptolaemus montrouzieri (Mulsant, 1853) et Coccinella septempunctata (Linnaeus, 1758) ;

- chrysopes (genres Chrysoperla et Chrysopa) et hémérobes (Hemerobiidae) ;

- parasitoïdes Lysiphlebus testaceipes (Cresson, 1880 ; Pons et Lumbierres, 2001).

Il existe peu d'informations concernant l'influence des plantes-hôtes sur la dynamique des populations d'Aphis fabae et des auxiliaires naturellement présents ou apportés pour lutter contre le puceron.

Or il convient d'identifier dans le cadre de la lutte biologique pour chaque plante-hôte une stratégie de lutte adaptée aux conditions de culture et aux auxiliaires. C'est dans cet objectif que cette étude a été réalisée.

Objectif : trouver le meilleur auxiliaire

Cette étude a pour objet de déterminer l'auxiliaire le plus efficace contre Aphis fabae en culture hors-sol de Pittosporum tobira. En effet, il est souvent reporté dans la littérature qu'un auxiliaire efficace en conditions contrôlées peut perdre de son efficacité en conditions extérieures (Höller et Haardt, 1993).

Trois échelles d'analyse ont été testées pour identifier l'efficacité des auxiliaires :

- au niveau de la parcelle en conditions extérieures (photo ci-dessus) ;

- au niveau d'une plante entière en cylindre fermé « insect-proof » (Figure 1 et photo) ;

- au niveau d'une feuille détachée en boîte de Petri (Figure 1).

Le choix des auxiliaires à tester est fait en fonction d'éléments bibliographiques indiquant leur efficacité contre Aphis fabae et de leur disponibilité commerciale.

Choix du matériel testé

Prédateurs : pourquoi les chrysopes ?

Les chrysopes dites « vertes » sont des insectes de l'ordre des névroptères, de la famille des Chrysopidae et du genre Chrysoperla. Elles sont souvent toutes nommées Chrysoperla carnea (Stephens, 1836) mais il existe un complexe d'espèces comprenant plusieurs espèces sous le même nom.

La nomenclature française des espèces de ce complexe peut se présenter ainsi : Chrysoperla carnea sensu stricto Thierry, Chrysoperla lucasina (Lacroix, 1912), Chrysoperla affinis (Stephens, 1836) et Chrysoperla agilis (Henry, Brooks, Duelli & Johnson, 2003).

Ces différentes espèces ont été identifiées grâce à leur chant de cour qui varie suivant l'espèce (Henry et al., 1996, Henry et al., 2002), néanmoins les auteurs ne sont pas tous d'accord sur le nom des espèces (Villenave, 2006). Une remise en question de la bibliographie antérieure aux identifications de ces chrysopes s'impose, car ces études portent en fait sur Chrysoperla carnea sensu lato, sans identification des différentes espèces de ce complexe.

Les chrysopes sont des auxiliaires polyphages. La larve peut s'attaquer à de nombreux ravageurs comme les pucerons, les thrips, les aleurodes, les acariens, les cochenilles, les oeufs et larves de papillons et certaines larves de mouche mineuse (Caldumbide et al., 2001).

Deux espèces de chrysopes choisies

Chrysoperla carnea est, parmi les chrysopes vertes, l'espèce la plus largement commercialisée pour la lutte contre les pucerons. Elle a donc été choisie pour cette étude.

Des éléments bibliographiques montrent une efficacité de Chrysoperla lucasina contre Aphis fabae sur la culture d'artichaut en Bretagne (Maisonneuve et al., 2003). C'est pourquoi nous avons choisi de la tester aussi pour comparer la capacité des deux espèces pour lutter contre ce bioagresseur.

Parasitoïdes : les espèces testées

D'autres auxiliaires peuvent aussi agir contre les pucerons. Des hyménoptères parasitoïdes tels qu'Aphidius matricariae (Haliday, 1834) présentent au regard de la bibliographie (Tahriri et al., 2007, 2010) un intérêt pour réguler Aphis fabae.

Des conditionnements de différentes espèces d'endoparasitoïdes et d'ectoparasitoïdes sont disponibles sur le marché (BasilProtect - Viridaxis). Nous avons testé en condition de culture extérieure l'application d'un de ces conditionnements en choisissant le tube contenant la plus grande proportion d'A. matricariae.

Pour les tests sur plante entière et sur feuille détachée, seuls les parasitoïdes présents dans le tube de BasilProtect et ayant une efficacité probable sur Aphis fabae sont testés. Il s'agit d'A. matricariae, Aphidius colemani (Viereck, 1912), Aphelinus abdominalis (Dalman, 1820) et Praon volucre (Haliday, 1833).

Matériel végétal

L'essai est mené sur Pittosporum tobira (Thunb.) W. T. Aiton. Les plantes réceptionnées sous forme de jeunes plants en godet sont ensuite empotées en conteneurs de trois litres dans un substrat Star JP FT MOD3 SF avec fertilisation incorporée.

Les plantes sont empotées en mars 2013 puis installées en condition extérieure en avril 2013. L'essai s'achève dès que le stade commercial de la plante est atteint (fin novembre 2013).

Les plantes utilisées pour les tests en cylindre « insect-proof » et en boîte de Petri (voir Figure 1) suivent le même itinéraire cultural mais sont séparées géographiquement des autres plantes.

Ces plantes sont soit infestées naturellement soit inoculées à l'aide d'adultes aptères d'Aphis fabae issus d'une population naturelle prélevés sur des Pittosporum tobira indépendants des parcelles expérimentales en milieu extérieur.

Interventions réalisées

En culture, six stratégies comparées

En culture hors-sol en milieu extérieur, six modalités expérimentales sont testées. Ces modalités correspondent à différentes stratégies de lutte contre Aphis fabae.

Modalité n° 1. Lutte conventionnelle, la parcelle expérimentale est traitée avec un produit phytosanitaire utilisé dans la lutte contre ce puceron (flonicamid 500 g/kg à une dose de 0,140 kg/ha) et présentant peu d'effets secondaires sur les différents stades des insectes auxiliaires ainsi qu'une faible persistance dans le temps (inférieur à une semaine). Les traitements sont réalisés lorsque le seuil d'intervention est atteint, soit l'observation de 50 % de plantes infestées par un niveau 3 ou 4 d'attaque de pucerons dans la modalité. La modalité est traitée une seule fois, le 28 juin 2013.

Modalité n° 2. Chrysoperla carnea, avec un apport de 10 individus/m² toutes les trois semaines. Les larves de chrysopes sont achetées sous forme de Chrysopa-System (Biobest, France) ou de Chrysopa (Koppert, France), respectivement sous forme de plaquettes cartonnées ou de flacons contenant des larves.

Modalité n° 3. Chrysoperla lucasina, avec un apport de 10 individus/m² toutes les trois semaines. Les chrysopes sont obtenues sous forme de larves venant d'émerger (IF Tech, France).

Modalité n° 4. Aphidius matricariae avec un apport de deux individus/m² toutes les deux semaines. Les parasitoïdes sont obtenus auprès de Biobest sous forme de momies de pucerons prêtes à émerger.

Modalité n° 5.Tube de BasilProtect (Koppert, France) contenant les parasitoïdes Aphidius colemani, Aphidius matricariae, Aphidius abdominalis, Aphidius evri (Halliday, 1833), Praon volucre et Ephedrus cerasicola (Stary, 1962), avec l'apport d'un tube/200 m², le tube est changé toutes les deux semaines. Les tubes sont obtenus auprès de Koppert.

Modalité n° 6. Association des Chrysoperla lucasina avec un tube de BasilProtect, le tout avec les mêmes fréquences et doses d'apport.

Calendrier des interventions

Les premiers apports sont effectués le 22 mai 2013 pour les modalités Chrysoperla carnea et Aphidius matricariae, le 23 mai pour la modalité BasilProtect et le 3 juin pour la modalité Chrysoperla lucasina.

Cette dernière n'a pas été positionnée sur les Pittosporum en même temps que les Chrysoperla carnea à la suite d'un problème de livraison. Afin de respecter la dose d'apport, les auxiliaires ont été apportés sur la culture à l'aide d'un pinceau. Les doses ont été choisies en fonction des doses recommandées par les fournisseurs.

Toutes les modalités ont reçu un traitement au flonicamid 500 g/kg à 0,140 kg/ha le 7 mai 2013, en début d'essai, afin d'éliminer les pucerons déjà présents, évaluer les nouvelles infestations naturelles et suivre l'apparition de pucerons et de dégâts.

Tests sur plantes isolées et sur feuilles

Pour les tests sur plantes entières et feuilles détachées, les différents macro-organismes utilisés sont : Chrysoperla carnea, Chrysoperla lucasina et Cryptolaemus montrouzieri (Muls) ainsi que les Aphidius matricariae, les Aphidius colemani, les Aphelinus abdominalis et les Praon volucre.

Dispositif expérimental en culture : modalités, plantes de service et éventuel traitement de rattrapage

L'essai « au niveau de la parcelle » est réalisé en plein air, sur une plate-forme de culture hors-sol de la station de recherche et développement Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et Plantes à Bordeaux, France.

Chaque modalité est constituée d'une parcelle unitaire de 4,8 m² et contenant 45 plantes.

Trois plantes de service sont ajoutées dans chaque modalité afin d'observer leurs effets sur les auxiliaires et sur les ravageurs. Il s'agit de Ribes rubrum (L., 1753), Potentilla fructicosa (L., 1753) et Hieracium pilosum (Scleich. ex Froël, 1838). Le choix de ces plantes est en lien avec les essais menés à la station d'expérimentation d'Angers Astredhor Loire-Bretagne.

Dans le cas de dépassement du seuil de nuisibilité dans une modalité en lutte biologique qui est de 50 % de plantes au niveau 3 ou 4 d'attaque de puceron, un traitement chimique est appliqué.

Cela a été le cas pour les modalités Aphidius matricariae (M4), BasilProtect (M5) et BasilProtect + Chrysoperla lucasina (M6) le 2 juillet 2013. Elles ont été traitées indépendamment lors de l'analyse des données à partir de cette date.

Critères d'évaluation d'efficacité des auxiliaires vis-à-vis d'A. fabae

Évaluation des niveaux d'attaque et des classes de dégâts

Toutes les deux semaines à partir du 7 mai 2013 jusqu'à la fin de l'essai, le niveau d'infestation et la classe de dégâts de l'apex le plus infesté de chaque plante suivie sont notés. Les auxiliaires présents sur l'ensemble de la plante sont aussi quantifiés. Cinq niveaux d'infestation sont établis :

- niveau 0 : absence de puceron ;

- niveau 1 : présence de fondatrice ailée ;

- niveau 2 : présence d'une fondatrice ailée avec quelques larves ;

- niveau 3 : colonie avec plusieurs fondatrices aptères ;

- niveau 4 : colonie avec plusieurs fondatrices aptères et une ou plusieurs fondatrices ailées.

Ces niveaux sont illustrés Figure 2.

Les classes de dégâts sont au nombre de quatre :

- classe 0 : absence de dégâts ;

- classe 1 : quelques déformations foliaires ;

- classe 2 : apex et/ou feuilles déformés ;

- classe 3 : pousse bloquée et jaunissement du bord des feuilles.

Ces classes sont illustrées Figure 3.

Mesure de hauteur

Des mesures de hauteur en cours d'essai sont réalisées afin d'évaluer si la croissance des P. tobira est impactée par les pucerons en fonction de l'auxiliaire utilisé.

Classes commerciales

Les classes commerciales des plantes de chaque modalité sont relevées le 28 septembre 2013. Les classes sont :

- classe A : sans défaut commercial ;

- classe B : avec quelques défauts mais commercialisable ;

- classe C : non commercialisable.

Ces relevés montrent l'influence du choix de l'auxiliaire sur la qualité finale des plantes. Ces classes sont illustrées Figure 4.

Tests de prédation/parasitisme sur plantes entières

Une plante est placée dans un cylindre « insect-proof » (62,5 cm × 28 cm) pendant 24 heures, les pucerons présents sur la plante sont comptés au début et à la fin de l'expérience.

Un prédateur (Chrysoperla lucasina, Chrysoperla carnea ou Cryptolaemus montrouzieri) ou un parasitoïde (Aphidius matricariae, Aphidius colemani ou Aphelinus abdominalis) est mis sur la plante et est retiré à la fin de l'expérience. Chaque test est répété six fois par modalité. Tous les auxiliaires déjà présents sur la plante sont préalablement retirés pour ne pas perturber l'essai.

Dans le cas des parasitoïdes, les momies de pucerons sont comptées une semaine plus tard. Un témoin sans auxiliaire est réalisé parallèlement pour pouvoir observer la mortalité naturelle des pucerons dans les conditions du test.

Le taux de prédation ou de parasitisme est calculé par répétition (nombre de pucerons consommés ou parasités sur le nombre de pucerons présents initialement).

Tests de prédation/parasitisme sur feuilles détachées

Une feuille infestée par vingt pucerons est placée dans une boîte de Petri (8 cm × 1,5 cm) fermée à l'aide de parafilm, pendant 24 heures. Un prédateur ou un parasitoïde (mêmes auxiliaires que pour les tests en plantes entières) est mis dans chaque boîte puis retiré à la fin du test. Ceci est répété vingt fois pour chaque modalité.

Les comptages suivent les mêmes modalités que ceux réalisés en cylindre « insect-proof » et le taux de prédation ou de parasitisme est calculé de la même façon.

Traitement statistique

Tous les tests statistiques réalisés l'ont été avec un risque de première espèce alpha de 0,05. Les données brutes concernant les niveaux d'attaque et les classes de dégâts sont analysées séparément pour chaque date de relevé. Les données sont analysées en utilisant un test du Khi² en comparant deux classes : absence de pucerons ou de dégâts et présence de pucerons ou de dégâts.

Les moyennes pondérées obtenues pour chaque modalité sont ensuite comparées grâce à une analyse de variance. Si les données respectent les postulats de l'Anova, ce test est employé ; sinon un test non paramétrique Kruskal-Wallis est appliqué. Si des différences significatives sont observées à la suite de ces tests, un test de comparaison multiple sera mis en place (test de Turkey HSD pour l'Anova ou test de Nemenyi pour l'Anova non paramétrique).

Les données de hauteur des modalités sont analysées grâce à une Anova ou un test de Kruskal-Wallis. Dans le cas de différences significatives, la même procédure statistique que celle des données de niveau d'attaque et de classe de dégâts est appliquée.

Les classes commerciales sont analysées grâce à un test du Khi².

Les moyennes de taux de prédation et de parasitisme sont comparées grâce à une Anova ou un test de Kruskal-Wallis. Dans le cas de différences significatives, la même procédure statistique que celle des données de niveau d'attaque et de classe de dégâts est appliquée.

Résultats sur l'efficacité des auxiliaires vis-à-vis d'Aphis fabae en milieu extérieur

Niveau d'attaque et classe de dégâts

Les modalités M4 (Aphidius matricariae), M5 (BasilProtect) et M6 (BasilProtect + Chrysoperla lucasina) ont nécessité un traitement insecticide le 2 juillet pour contrôler la progression des populations de pucerons. Ainsi, ces auxiliaires seuls n'ont pas régulé efficacement les populations de pucerons.

Il existe des différences significatives entre modalités aux dates du 29 mai, 11 juin, 25 juin et 9 juillet pour les niveaux d'attaque et du 11 juin, du 25 juin, du 9 juillet et du 23 juillet pour les classes de dégâts. Concernant les niveaux d'attaque, en analysant les composantes de la statistique du Khi² il est observé que la modalité C. carnea présente moins de plantes infectées par Aphis fabae aux dates du 11 juin, du 25 juin et du 9 juillet. Auparavant, le 29 mai, les différences entre modalités s'expliquent car les modalités C. lucasina et BasilProtect ont une plus forte infestation (figure non montrée, disponible auprès des auteurs).

Concernant les classes de dégâts, avec le même type d'analyse, il apparaît que les modalités diffèrent car la modalité C. carnea présente moins de plantes endommagées par Aphis fabae aux dates du 11 juin, du 25 juin et du 9 juillet ; le 23 juillet, ce sont les modalités C. carnea et C. lucasina qui présentent moins d'infestation que le témoin en lutte conventionnelle (figure non montrée).

Concernant le pourcentage de dégâts (effectif des classes 1, 2 et 3 sur l'effectif total multiplié par cent), celui de chaque modalité est estimé pour chaque date.

À noter que la modalité M2 (Chrysoperla carnea) présente au cours de l'essai un pourcentage de dégât assez faible, inférieur à 10 % hormis le 20 août.

Mesure de hauteur

Les mesures de hauteur effectuées lors de cet essai ne montrent aucune différence significative quelle que soit la date de notation.

Classes commerciales

Les résultats de notation des classes commerciales en fin d'essai pour chaque modalité sont représentés sur la Figure 5.

Seules les modalités M5 (BasilProtect) et M6 (BasilProtect + C. lucasina) sont différentes du témoin M1 (lutte conventionnelle). Ces deux modalités sont celles qui présentent les effectifs en classe C les plus importants, soit le plus grand nombre de plantes de mauvaise qualité. De plus, la modalité M5 (BasilProtect) diffère du témoin également par son nombre inférieur de classe A, alors que la modalité M6 (BasilProtect + C. lucasina) se détache du témoin autant par son nombre supérieur de classe A que son nombre supérieur de classe C.

Les autres modalités sont équivalentes au témoin lutte conventionnelle, la modalité M4 (A. matricariae) au prix d'un traitement insecticide le 2 juillet, les modalités M2 et M3 sans ce traitement.

Résultats des tests sur plantes entières et feuilles détachées

Parasitisme : aucun résultat probant

Les tests de parasitisme en cylindre « insect-proof » ne permettent pas de mettre en évidence du parasitisme sur Aphis fabae, et ce pour tous les parasitoïdes testés. Seul un test avec Aphidius matricariae permet d'obtenir un taux de parasitisme de 1,6 %.

Prédation : chiffres obtenus

Les résultats des tests de prédation sont présentés dans le Tableau 1. Les niveaux de prédation en cylindre « insect-proof » sont de 3,1 % pour C. carnea et de 8,3 % pour C. lucasina. En boîtes de Petri, la prédation est de 21,5 % pour C. carnea et de 22,2 % pour C. lucasina.

Des tests similaires ont été effectués avec la coccinelle Cryptolaemus montrouzieri. Aucune prédation n'a été observée par cet auxiliaire dans les tests sur feuilles détachées. Néanmoins, sur plantes entières, une réduction importante des populations de pucerons a été observée avec un comportement de fuite des pucerons.

Discussion

Des chrysopes prometteuses

Les objectifs de cette étude étaient d'analyser les performances de diverses espèces d'auxiliaires pour lutter contre Aphis fabae.

Dans notre étude, 10 Chrysoperla carnea/m² ont été appliquées et le contrôle d'Aphis fabae a été satisfaisant tout au long de l'essai.

Chrysoperla lucasina présente une plus faible efficacité, mais ces faibles performances s'expliquent par le décalage dans les périodes de lâchers. En effet, les niveaux d'attaque sont plus élevés pour la modalité C. lucasina après le lâcher du 3 juin (53 % des plantes infestées au 11 juin) par rapport au lâcher de C. carnea réalisé le 22 mai (2 % des plantes infestées au 22 mai). Ces observations semblent montrer que les lâchers de chrysopes contre Aphis fabae sont plus efficaces s'ils sont réalisés à des niveaux d'attaque faibles.

Les tests sur plantes entières et sur feuilles détachées ne mettent pas en évidence de différence de prédation d'Aphis fabae entre C. carnea et C. lucasina. Ceci appuie l'hypothèse que la moindre efficacité de C. lucasina sur les parcelles expérimentales est en fait consécutive à des lâchers plus tardifs sur des populations d'Aphis fabae plus importantes.

Des études ont montré l'efficacité de Chrysoperla lucasina vis-à-vis d'A. fabae en culture d'artichaut en Bretagne (Maisonneuve et al., 2003) et de Chrysoperla carnea en culture de fraise en Aquitaine (Turquet et al., 2009) et en conditions contrôlées (Khan et Zaki, 2008). Dans leur expérience, Turquet et al. (2009) ont montré que l'application de 3,8 Chrysoperla carnea/m² toutes les deux semaines permettait un contrôle d'Aphis fabae sur fraisier.

Les parasitoïdes testés sont décevants

Aucun parasitisme n'est observé sur plante entière, même pour Aphidius matricariae. Les essais en extérieur confirment ces résultats. Les modalités utilisant des parasitoïdes ont, de plus, nécessité un traitement avec un aphicide, mais elles présentent une valeur commerciale plus faible que le témoin traité chimiquement (un seul traitement).

Nos résultats ne montrent donc pas d'efficacité des parasitoïdes testés vis-à-vis d'Aphis fabae en culture hors-sol.

Ces résultats s'accordent avec ceux de Tahriri et al., (2010) en culture de fève qui montrent qu'une femelle d'Aphidius matricariae issue d'une momie de puceron d'Aphis fabae ne produit que 16 à 20 oeufs. Saljoqui et Emden (2003) ont observé, quant à eux, que ce nombre d'oeufs était de 200 sur Myzus persicae.

De plus, l'expérience de Tahriri et al. (2010) montre également des différences significatives entre les performances d'Aphis fabae et d'Aphidius matricariae suivant le cultivar de fève employé. Dans notre essai, nous avons utilisé des Pittosporum tobira.

Ces plantes pourraient avoir un effet négatif sur les performances d'Aphidius matricariae et d'autres parasitoïdes. Hagvar et Hofsang (1994) ont montré que le parasitoïde Ephedrus cerasicola a, en situation de choix, une préférence pour une plante en particulier et une espèce de puceron.

En effet, l'observation des environs de la parcelle d'essai révèle d'autres plantes-hôtes d'Aphis fabae et d'autres espèces de pucerons, comme Aphis spiraecola (Patch, 1914), qui peuvent se montrer plus appétents pour les parasitoïdes utilisés. Cela peut être l'une des raisons de la faible performance de ces derniers.

Néanmoins, des momies de pucerons sont observées en extérieur et en nombre important. Ces momies sont pour la plupart dues au parasitisme d'Aphidius spp. et de Lysiphlebus sp., un parasitoïde indigène. Le parasitisme est donc possible sur le couple Aphis fabae/Pittosporum tobira, mais l'efficacité d'une stratégie de lutte basée uniquement sur les parasitoïdes reste incertaine.

Conclusion

Nous avons pu montrer l'intérêt des chrysopes pour la lutte contre le puceron noir de la fève sur le pittospore du Japon. Mais il reste encore énormément de recherches à effectuer sur les interactions plante/ravageur/auxiliaire compte tenu du peu d'informations disponibles sur Aphis fabae et sur les auxiliaires de ce puceron sur Pittosporum tobira.

Ce programme de recherche appliquée continue afin d'évaluer les performances des différentes espèces de chrysopes vis-à-vis d'Aphis fabae, en tenant compte des stades de développement des végétaux et du climat afin de définir des seuils d'intervention optimaux pour les lâchers d'auxiliaires.

Dans les études futures, seules les espèces de chrysope seront observées. Afin d'affiner les résultats, de nombreuses répétitions vont être menées en boîte de Petri et en cylindre « insect-proof ». De plus, l'impact du parasitisme naturel en favorisant un environnement propice à l'installation de Lysiphlebus sera mis à l'étude.

Fig. 1 : Dispositifs expérimentaux aux niveaux « feuille » et « plante entière »

À gauche, feuille détachée, avec vingt pucerons et un auxiliaire (prédateur ou parasitoïde selon la modalité).

À droite, plante entière sous filet insect-proof, avec cinquante pucerons et un auxiliaire.

Fig. 2 : Grille d'évaluation des niveaux d'attaque d'Aphis fabae sur Pittosporum tobira

 Photos : GIE FPSO

Photos : GIE FPSO

Niveau 0 : absence de puceron ; niveau 1 : présence de fondatrice ailée ; niveau 2 : présence d'une fondatrice ailée avec quelques larves ; niveau 3 : colonie avec plusieurs fondatrices aptères ; niveau 4 : colonie avec plusieurs fondatrices aptères et une ou plusieurs fondatrices ailées.

Fig. 3 : Classes de dégâts d'Aphis fabae sur Pittosporum tobira

 Photos : GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest

Photos : GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest

Classe 0 : absence de dégâts ; classe 1 : quelques déformations foliaires ; classe 2 : apex et/ou feuilles déformés ; classe 3 : pousse bloquée et jaunissement du bord des feuilles.

Fig. 4 : Classes commerciales de Pittosporum tobira

 Photos : GIE FPSO

Photos : GIE FPSO

Classe A : sans défaut commercial ; classe B : avec quelques défauts mais commercialisable ; classe C : non commercialisable.

Fig. 5 : Résultats des tests en culture

Classes commerciales de Pittosporum tobira en fin d'essai. Seules les modalités M5 et M6 diffèrent significativement du témoin lutte conventionnelle, sachant que les modalités M4, M5 et M6 ont nécessité un traitement insecticide le 2 juillet 2013.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le puceron noir de la fève, Aphis fabae, espèce infestant plus de deux cents genres et espèces végétales, est très nuisible sur Pittosporum tobira.

TRAVAIL RÉALISÉ - Différentes espèces d'auxiliaires ont été testées pour déterminer leur efficacité contre ce puceron sur cette production, à différentes échelles.

Deux prédateurs, un parasitoïde, une association de parasitoïdes et une combinaison prédateur/parasitoïde ont été testés en culture hors-sol.

Parallèlement, des tests de prédation ou parasitisme ont été réalisés à l'échelle de la plante entière et d'une feuille détachée.

RÉSULTATS - En culture hors-sol, Chrysoperla carnea apparaît comme l'auxiliaire le plus efficace dans les conditions de l'essai.

Dans les tests de parasitisme, aucun des parasitoïdes testés ne parasite Aphis fabae. Dans les tests de prédation, C. carnea a un taux de prédation de 3,1 % sur plante entière et de 21,5 % sur feuille détachée et Chrysoperla lucasina un taux de 8,3 % et de 22,2 %.

Un essai axé sur les chrysopes est prévu pour valider leur efficacité vis-à-vis d'Aphis fabae.

MOTS-CLÉS - Protection biologique intégrée, Chrysoperla carnea, Chrysoperla lucasina, culture hors-sol, prédation.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *Y. VILAIN, Agrocampus Ouest, Centre d'Angers - Institut national d'horticulture et du paysage - 2, rue André-Le-Nôtre 49045 Angers Cedex 1.

Premier prix du concours « Poster étudiant » de la Cira 2014 pour la communication dont est tiré cet article.

**L. IFFAT, **J.-M. DEOGRATIAS, Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et Plantes - 71, avenue Édouard-Bourleaux, BP 81 33883 Villenave-d'Ornon.

CONTACTS : yann.vilain@outlook.fr

loic.iffat@astredhor.fr

jeanmarc.deogratias@astredhor.fr

BIBLIOGRAPHIE : Bibliographie (11 références) et figures non montrées disponibles auprès des auteurs de cet article (contacts ci-dessus) ainsi que dans la communication intégrale (Annales de la Cira).

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