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DOSSIER - Cultures ornementales

Produits phytosanitaires : quatre nouveautés notables

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°681 - février 2015 - page 32

Panorama des nouveautés ayant eu des AMM depuis un an sur cultures ornementales : un insecticide et trois produits contre les maladies.
Chenille d'Helicoverpa armigera (qui fut Heliothis armigera), dite « armigère », « héliothis », « noctuelle de la tomate », « noctuelle du coton, « ver de la capsule »... et qui s'attaque aussi aux cultures ornementales ! Un bio-insecticide vient d'être autorisé contre ce ravageur.  Photo : G. Csoka - Hungary Forest Research Institute

Chenille d'Helicoverpa armigera (qui fut Heliothis armigera), dite « armigère », « héliothis », « noctuelle de la tomate », « noctuelle du coton, « ver de la capsule »... et qui s'attaque aussi aux cultures ornementales ! Un bio-insecticide vient d'être autorisé contre ce ravageur. Photo : G. Csoka - Hungary Forest Research Institute

Pour être commercialisables sur les marchés et en boutiques, les roses et autres fleurs coupées doivent être visuellement indemnes d'oïdium et de botrytis. Un fongicide déjà connu en agriculture vient d'être autorisé pour lutter contre ces maladies sur rosier et cultures florales.  Photo : M.-F. Delannoy

Pour être commercialisables sur les marchés et en boutiques, les roses et autres fleurs coupées doivent être visuellement indemnes d'oïdium et de botrytis. Un fongicide déjà connu en agriculture vient d'être autorisé pour lutter contre ces maladies sur rosier et cultures florales. Photo : M.-F. Delannoy

Tableau 1 : Le nouvel insecticide autorisé sur cultures ornementales depuis un an

Tableau 1 : Le nouvel insecticide autorisé sur cultures ornementales depuis un an

Tableau 2 : Nouveaux produits visant les maladies autorisés en cultures ornementales depuis un an (listés par ordre de numéro d'AMM)

Tableau 2 : Nouveaux produits visant les maladies autorisés en cultures ornementales depuis un an (listés par ordre de numéro d'AMM)

En un an, les cultures ornementales ont vu arriver quatre nouveautés en matière de produits phytopharmaceutiques - c'est encore moins que les cinq signalées lors de notre point publié il y a tout juste un an !

Deux faits sont à noter. D'abord, deux nouveautés sur quatre sont de type biocontrôle. Ensuite, il y a un an, seules les maladies étaient concernées ; cette année, un des quatre nouveaux produits est un insecticide.

NPV Ha contre noctuelle

Un virus contre une chenille

Ambiance « vive le biocontrôle » oblige, commençons par Helicovex (Tableau 1). Ce bio-insecticide d'Andermatt France, tout récemment autorisé(1), est à base de NPV Ha, le nucléopolyhédrovirus d'Helicoverpa armigera. Il s'agit d'un virus naturel, sans modification génétique. Il cause la polyhédrose nucléaire chez l'armigère, alias noctuelle de la tomate.

Cette noctuelle, parfois appelée « héliothis » car son ancien nom scientifique était Heliothis armigera, est dite noctuelle du coton ou encore ver de la capsule dans les pays producteurs de coton où elle est un des principaux ravageurs de cette culture. Quel que soit le nom de cette espèce de lépidoptère, ses chenilles (photo) sont capables de grignoter voracement une grande variété de plantes, y compris ornementales.

Le produit vient d'être autorisé en France sur cultures florales et plantes vertes en même temps que sur maïs, maïs doux, tomate, etc. En matière de biocontrôle, il semble de plus en plus courant que les cultures ornementales bénéficient des nouveautés en même temps que les productions alimentaires, au lieu d'attendre quelques années l'arrivée d'extensions d'usage.

Quelques atouts

Point intéressant : ce baculovirus n'attaque que des insectes, sans toxicité sur l'être humain ni sur aucun vertébré. De plus, il s'agit d'une souche infestant spécifiquement H. armigera, donc sans effet sur les abeilles et bourdons ni sur les coccinelles, chrysopes et autres insectes prédateurs utilisés en lutte biologique sous serre. C'est ce que l'on appelle avoir un « bon profil tox-écotox ».

De fait, le produit est non classé au plan toxicologique et environnemental. Vu sa nature (micro-organisme vivant non modifié), il devrait être reconnu UAB (utilisable en agriculture biologique).

Comme il a, en plus, le « bon profil tox-écotox » déjà évoqué, il devrait également être listé Nodu vert.

À l'heure où nous mettons sous presse, l'autorisation est trop récente pour que toutes ces reconnaissances soient officielles.

Il s'agit d'un produit vivant, donc à stocker soigneusement. Dans l'impossibilité de l'utiliser rapidement après livraison, il faut le conserver au réfrigérateur. Attention, surtout pas celui de la cuisine ! Il faut un appareil placé dans le « local phyto » (local de stockage des produits phytos), qui sera dédié aux produits phytos à garder au froid.

Streptomyces contre fusarium (entre autres)

Une bactérie du sol à appliquer dans le sol

Passons à la protection contre les maladies, mais en restant dans le biocontrôle et précisément dans les produits à base de micro-organismes. Cette fois, il s'agit d'une bactérie du genre Streptomyces.

En effet, le nouveau produit Mycostop, proposé par Lallemand Plant Care (Tableau 2), a comme substance active une souche vivante de cette bactérie, sans manipulation génétique ni chimique.

Cette souche K61 de Streptomyces griseoviridis, isolée du sol, vient d'être autorisée en traitement du sol sur tous les végétaux non alimentaires en même temps que sur cultures légumières à « légumes fruits » ne touchant pas le sol.

Là encore, les cultures ornementales bénéficient d'une toute dernière nouveauté en matière de biocontrôle.

Ce produit devrait être classé UAB car c'est un micro-organisme vivant non modifié, et Nodu vert car, en outre, il est non classé aux plans toxicologique et écotoxicologique. Des atouts notables. Là encore, l'autorisation est trop récente pour qu'il apparaisse déjà sur les listes.

Un préventif tout-terrain

Le nouveau produit est autorisé à la fois contre les pythiacées (genres Pythium et Phytophthora) et les champignons autres que pythiacées ; l'autorisation précise qu'il est efficace contre ceux du genre Fusarium. Il semble qu'il soit actif aussi contre d'autres champignons pathogènes. Son mode d'action est complexe : une action directe contre les champignons pathogènes (compétition mais aussi probable action de métabolites) et également une stimulation du métabolisme et/ou des défenses des plantes (meilleure croissance en l'absence de pathogènes visibles).

Ce biofongicide s'applique en préventif, en pleine terre ou conteneurs, sur terreau, substrat organique ou inorganique. Les conditions idéales pour que la bactérie colonise la rhizosphère (l'entourage des racines) sont un milieu humide, un pH acide à neutre (5,5 à 7) et une température comprise entre 15 °C et 25 °C.

Mais la bactérie supporte la sécheresse et une gamme plus large de pH, et est active entre 5 °C et 45 °C. Attention, comme il contient des spores mais aussi du mycélium, il faut le stocker au frais (pas plus de 8 °C) afin qu'il se mette en sommeil et garde ainsi longtemps ses qualités.

Oligomère adjuvant

Un spécialiste des fongicides foliaires

Le troisième produit est un adjuvant. Nommé Helioterpen Film, il est proposé par Action Pin et constitué d'oligomères terpéniques (Tableau 2). Il s'agit de polymères à chaîne courte issus des terpènes. Ces derniers sont eux-mêmes d'origine naturelle, précisément végétale (il s'agit d'extraits du pin).

Il est autorisé pour accompagner des bouillies fongicides sur arbres et arbustes d'ornement en même temps que sur des productions alimentaires (céréales, vergers, légumes de plein champ). Là encore, les végétaux d'ornement sont parmi les premiers à bénéficier d'une nouveauté !

Un appui aux produits de contact

Utilisable avec tous les types de fongicides, il est particulièrement recommandé pour accompagner des fongicides de contact en traitement contre les maladies foliaires. Son but est de limiter le lessivage en cas de pluie (le fabricant parle d'effet sticker).

L'intérêt annoncé est d'améliorer, prolonger et sécuriser l'efficacité des fongicides. Même si le fabricant n'en parle pas, peut-on supposer que cet adjuvant permette aussi de réduire les doses dans le cadre d'Ecophyto ? Qui sait... C'est à étudier !

Association anti-oïdium

Pyraclostrobine et boscalid

La cinquième nouveauté est l'extension d'emploi d'un fongicide connu en agriculture : Signum, de BASF, à base de pyraclostrobine et de boscalid (Tableau 2).

Le produit apporte deux substances inédites sur les arbres et arbustes d'ornement, le rosier et les cultures florales diverses. Il est autorisé contre les oïdiums sur tous ces végétaux, plus la pourriture grise sur rosier et cultures florales et les « maladies diverses » - en fait, seulement celles dues au genre Septoria - sur plantes ligneuses.

Atout mode d'action

Ce fongicide conventionnel dispose d'un bon profil toxicologique ; son seul classement est environnemental.

Par ailleurs, ses deux substances sont des inhibiteurs de la respiration cellulaire, mais le Frac (Fungicide Resistance Action Committee, comité international qui classe les fongicides en fonction de leurs modes d'action), a inclus le boscalid (un SDHI) dans son groupe C2 et la pyraclostrobine (un QoI) dans son groupe C3. En pratique et sans entrer dans les détails, cela signifie que les deux substances ont des modes d'action différents. C'est bon pour la prévention des résistances.

De plus, si le mode d'action de la pyraclostrobine était déjà utilisé sur rosier ainsi que sur arbres et arbustes d'ornement (via le krésoxim-méthyl et l'azoxystrobine), le boscalid est le premier SDHI à arriver sur cette culture. Il leur apporte un nouveau mode d'action, ce qui est intéressant.

(1) La demande d'autorisation de ce produit a été soumise à consultation publique du 27 novembre au 12 décembre 2014. Le 8 janvier 2015, la rédaction de Phytoma a constaté la mise en ligne sur e-phy de l'AMM (autorisation de mise sur le marché) du produit.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - De février 2014 à janvier 2015, les cultures ornementales ont vu arriver quatre nouveautés en matière de produits phytos, dont deux de type biocontrôle.

CÔTÉ INSECTES - La première innovation est le NPV Ha (virus de la polyhédrose nucléaire de H. armigera), bio-insecticide autorisé contre la noctuelle Helicoverpa armigera sur cultures florales et de plantes vertes (première autorisation en cultures ornementales en même temps que sur des cultures alimentaires).

CÔTÉ MALADIES - Trois nouveautés visent les maladies :

- Streptomyces K61 (souche K61 de S. griseoviridis), biofongicide autorisé en traitement du sol sur végétaux non alimentaires (première autorisation en cultures ornementales en même temps que sur des cultures alimentaires) contre différents pathogènes ;

- les oligomères terpéniques issus de pin, autorisés comme adjuvants des bouillies fongicides ;

- une association de pyraclostrobine et de boscalid connue sur cultures alimentaires, autorisée contre oïdium sur arbres, arbustes, rosier et cultures florales.

MOTS-CLÉS - Cultures ornementales, produits phytopharmaceutiques, produits phytos, biocontrôle, bio-insecticide, fongicides, biofongicide, adjuvant.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIEN UTILE : http://e-phy.agriculture.gouv.fr/

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