Ci-dessus, culture de fraises sous abris, ici hors-sol, telles que celles mises à contribution pour l'étude rapportée ici. Photo : Fredon Nord-Pas-de-Calais
Dégâts de thrips Frankliniella occidentalis sur fleur de fraisier. Photo : Fredon Nord-Pas-de-Calais
Introduction d'acariens phytoséiides auxiliaires sous forme de sachets. Photo : Fredon Nord-Pas-de-Calais
Parmi les ravageurs les plus nuisibles en cultures abritées de fraise figurent les thrips, en particulier Frankliniella occidentalis. Cet insecte piqueur peut entraîner d'importants dégâts à la récolte. Les fraises atteintes présentent une couleur terne, une surface souvent asséchée et durcie, des akènes qui ressortent ou des plages décolorées.
Collaboration transfrontalière
Raisons de ce travail
Pour limiter les pertes de rendement, les traitements insecticides sont aujourd'hui largement utilisés dans le bassin de production transfrontalier franco-belge. Mais les produits autorisés sont parfois insuffisamment efficaces. Par ailleurs, le développement de méthodes alternatives est souhaité.
Un programme d'études des thrips sur fraise a été mené de 2012 à 2014 par des partenaires du nord de la France et de la Flandre belge : Fredon Nord-Pas-de-Calais (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles), chambre d'agriculture de région Nord-Pas-de-Calais et Inagro.
Ce travail fait partie du programme Emma (« Échanges transfrontaliers pour le maraîchage et la culture de fraise, favorisant les méthodes alternatives »), conduit grâce au financement de l'Union européenne avec le Fonds européen de développement régional (Feder), de la Région Nord-Pas-de-Calais et de la Province Oost-Vlaanderen, dans le cadre du programme transfrontalier Interreg IV. Le groupe de travail a réalisé en 2012 un bilan des espèces de thrips rencontrées en culture de fraises et un suivi des périodes de développement des ravageurs, puis a conduit en 2013 et 2014 des essais de protection biologique intégrée.
Systèmes de culture étudiés
Le programme a été mené en cultures de fraise sous abris froids, sur variétés remontantes plantées en deuxième quinzaine de février dans le Nord-Pas-de-Calais et sur variétés de saison plantées mi-mars ou mi-juillet en Flandre belge.
Les essais en PBI ont été conduits sur systèmes hors-sol sous des tunnels où le sol est géré par un couvert végétal entretenu par des tontes ou bien par un paillage plastique complété par un nettoyage manuel (photo).
Travail d'observation
Thrips identifiés sur quatorze sites
Vingt-trois échantillons de thrips adultes ont été prélevés sur fraisiers sur quatorze sites de référence, à différentes dates de culture. Les thrips recueillis sur au moins vingt-cinq fleurs réparties dans chaque tunnel, à raison d'un thrips par fleur, ont été conditionnés puis leurs espèces identifiées sous microscope par le laboratoire d'entomologie de l'Anses, celui de la Fredon Nord-Pas-de-Calais et par Inagro.
Étude du développement et de la nuisibilité des thrips
Pour préciser les sites de conservation possibles des ravageurs dans les tunnels à paillage plastique au sol, la Fredon a prélevé des échantillons de débris végétaux et de terre en janvier 2013 sur un site de référence, et les a placés individuellement sous cage insect-proof, en salle climatisée à 20 °C, pour favoriser l'émergence des adultes.
Par ailleurs, des observations ont été réalisées sous tunnel sur des adventices en saison de végétation, pour rechercher la présence éventuelle de thrips et d'auxiliaires.
La dynamique de développement des thrips a été suivie par les trois partenaires sur huit tunnels en 2012 et cinq en 2013 et 2014, par comptage hebdomadaire des thrips adultes sur panneaux bleus englués et/ou dénombrement sur fleur.
En 2014, la nuisibilité des thrips a été évaluée en culture remontante par notation des dégâts à plusieurs dates clés, sur un des tunnels suivis, sur cent fruits pris aléatoirement lors de la récolte, selon une classe de notation de 0 à 4, établie par le Ctifl :
- 0 = aucun dégât ;
- 1 = petits dégâts (piqûres) sous la collerette ;
- 2 = « plage dorée » sur une partie du fruit ;
- 3 = « grande plage dorée » sur une partie du fruit ;
- 4 = fruit entièrement terni.
Expérimentation de la PBI, protection biologique intégrée
Trois sites expérimentaux
Trois tunnels ont été conduits en PBI en 2013 et 2014, dans le cadre d'essais menés sur trois sites :
- site n° 1 : essai suivi par la Fredon sur variété Charlotte (tunnels de 672 m²) ;
- site n° 2 : essai suivi par la chambre d'agriculture de région sur variétés Mara des bois et Anabelle (tunnel de 1 500 m²) ;
- site n° 3 : essai suivi par Inagro sur variété Elsanta (tunnels de 300 m²) ;
Sur les sites n° 1 et n° 3, un tunnel adjacent conduit en conventionnel constituait un témoin.
Stratégies testées
Les stratégies de PBI testées sont basées sur :
- la prophylaxie (mise en place d'un vide sanitaire d'au minimum un mois entre deux cultures, gestion des adventices potentiellement réservoirs de ravageurs) ;
- le piégeage massif des thrips adultes sur plaques bleues engluées placées en début de culture environ deux semaines après plantation, 20 cm au-dessus des fraisiers, à raison d'une plaque tous les 4 m linéaires, puis tous les 2 m linéaires (densification si les thrips sont détectés de manière notable) ;
- les lâchers d'auxiliaires (Tableau 1).
Neoseiulus cucumeris et Amblyseius swirskii sont des acariens phytoséiides. Le premier, espèce de climat tempéré, est observé spontanément en extérieur en France. Le second, originaire de régions méditerranéennes, apprécie nos conditions estivales sous abris. Ces prédateurs généralistes se nourrissent de larves de thrips mais aussi d'autres arthropodes et de pollen. Ils sont utilisés en cultures abritées y compris en préventif. Orius laevigatus est une punaise prédatrice capable de se nourrir de larves et d'adultes de thrips, complémentaire des phytoséiides.
Les premiers lâchers d'acariens prédateurs sont réalisés dès que les plantes ont un volume foliaire suffisant. Sur fraises remontantes, N. cucumeris est introduit à partir de fin mars ou début avril, dès que les températures le permettent (minimum 10-12 °C enregistré dans les tunnels). Sur variétés remontantes ou variétés de saison estivales, A. swirskii est introduit à partir de juin ou juillet, voire mai, si les températures moyennes atteignent 20-22 °C.
Dans l'essai n° 1, la stratégie a évolué de 2013 à 2014 dans le but de réduire les coûts et le temps consacré aux lâchers grâce à l'utilisation plus limitée d'A. swirskii et à l'emploi plus important des sachets d'élevage.
La stratégie mise en place dans l'essai n° 2 a évolué pour améliorer son efficacité, par l'augmentation des doses de N. cucumeris et l'usage accru d'A. swirskii en été.
Échantillonnage et variables mesurées
Les thrips ailés sont détectés en début de culture puis comptabilisés chaque semaine sur des panneaux englués bleus répartis dans le tunnel (un panneau/50 m²).
Les populations de thrips et de phytoséiides sont suivies grâce au dénombrement hebdomadaire des formes mobiles (larves et adultes) par frappage sur vingt-cinq fleurs épanouies réparties dans le tunnel. Les insectes sont en effet difficilement observables sur fruits car ils fuient la lumière et se cachent à l'abri des sépales.
Par ailleurs, le nombre de fruits intacts ou présentant des symptômes liés aux thrips est mesuré sur cent fruits pris aléatoirement à la récolte, à plusieurs dates clés de la période.
Les thrips
Les espèces les plus fréquemment rencontrées
Le thrips californien Frankliniella occidentalis est l'espèce identifiée très majoritairement dans les tunnels suivis. En Flandre belge, le thrips du tabac et de l'oignon Thrips tabaci, le thrips du rosier Thrips fuscipennis et l'espèce Thrips major ont également été rencontrés ponctuellement.
Le thrips californien possède une capacité de reproduction très rapide et est favorisé par les températures élevées des cultures sous abris. Très fréquent en cultures maraîchères et ornementales, il serait capable, en Europe du Nord, de se reproduire à l'extérieur durant les étés chauds (Loomans, 2003). Dans le sud de la France, il est observé en plein air de février à décembre (Pizzol et al., 2014). Dans la zone transfrontalière franco-belge, il serait intéressant de vérifier la possibilité d'échanges entre les cultures sous abris et leur environnement végétal extérieur.
Sites d'hivernation et plantes-réservoirs dans les tunnels
D'après Loomans (2003), F. occidentalis ne résisterait pas aux basses températures de l'hiver en Europe du Nord. Il est donc probable que des populations hivernent à l'abri des tunnels.
Les résultats des suivis en salle climatisée d'échantillons de débris végétaux et de terre montrent que les adventices sèches laissées sous les tunnels sont une source d'infestation potentielle en sortie d'hiver. En revanche, très peu de thrips ont émergé des échantillons de terre, de matière organique présente au sol sur les bâches et d'amas de mousses présents par endroits sur les gouttières.
Pour préciser et améliorer la prophylaxie, il serait intéressant d'approfondir l'étude des sites d'hivernation possibles du thrips californien en tunnels de production de fraises.
Par ailleurs, les observations en saison de végétation ont montré que certaines espèces d'adventices, comme le mouron blanc Stellaria media, les laiterons Sonchus spp. et le pâturin annuel Poa annua peuvent héberger les thrips en quantités notables à proximité des lignes de fraisiers. Des foyers d'acariens tétranyques ont été détectés sur rumex (Rumex spp.). Par contre, aucun auxiliaire n'a été observé dans notre étude. Ces données confirment la nécessité de gérer les plantes spontanées dans les tunnels pour éviter le développement non contrôlé des ravageurs.
Dans le cadre de la PBI, il peut être envisagé de mettre en place en période de culture des plantes-pièges pour attirer des ravageurs ou des plantes-relais. Les plantes doivent alors être suivies, avec des mesures pour supprimer les ravageurs attirés sur les plantes-pièges ou pour maintenir un mini-élevage d'auxiliaires sur les plantes-relais.
Périodes de développement
Sur variétés de saison, les comptages sur panneaux montrent que les thrips n'ont été présents de façon notable que sur certains sites et surtout entre le 15 août et le 15 septembre. Sur le site n° 3, suivi jusqu'en 2014, les populations de ravageurs comptabilisés sur panneaux et sur fleurs sont restées limitées. Globalement, très peu de dégâts ont été observés sur variétés de saison. En production de fraises remontantes, les suivis réalisés de 2012 à 2014 sur des tunnels conduits de façon conventionnelle ou en PBI montrent que F. occidentalis peut être actif durant presque toute la période de culture, de la fin de l'hiver à l'automne, avec des pullulations plus marquées en périodes chaudes.
Les premiers adultes sortis d'hivernation ont été observés sur les panneaux au plus tôt lors de la première quinzaine de mars en 2014.
Sur fleurs, les premiers thrips ont été détectés en avril ou mai selon les sites et les années, sachant que les fraisiers plantés pendant la deuxième quinzaine de février produisent les premiers boutons floraux vers le 25 mars. Les premières populations notables (au moins un individu par fleur) ont été enregistrées le 31 mai 2013 et le 24 avril 2014 (semaines 22 et 17).
La première pullulation (plus de deux individus par fleur) a été observée à partir du 21 juin 2012, du 28 juin 2013 et du 30 avril 2014 (semaines 25, 26 et 18). Mais les thrips se multiplient surtout l'été, en juillet et août, et peuvent poursuivre leur développement parfois jusqu'en octobre.
Nuisibilité mieux connue
Les pertes de rendement liées aux thrips sont principalement dues aux piqûres sur les fruits en formation. Les seuils couramment utilisés par les producteurs et leur encadrement technique se situent entre deux et cinq thrips par fleur.
L'objectif des stratégies de protection est d'intervenir assez tôt pour éviter la multiplication des populations et l'apparition de dégâts entraînant des pertes de rendement.
Sur certains tunnels, les densités de thrips ont dépassé le seuil de cinq individus/fleur en été, parfois même dès le printemps en conditions chaudes. Des densités maximales de plus de quinze thrips ont été notées en août et des valeurs supérieures à cinq ou dix thrips en septembre voire octobre.
En 2014, sur le site n° 2, les niveaux de symptômes sur fraises ont été mis en parallèle avec les densités de populations de thrips évaluées à partir du frappage des fleurs, de manière à vérifier les seuils au-delà desquels des dégâts sont constatés (Figure 1). Sous ce tunnel, les premières piqûres ont été détectées sur fruits à partir de mi-mai. Jusqu'à mi-juin, les fraises atteintes restaient commercialisables, les symptômes ne dépassant pas la note 2, et les populations de thrips ont régulièrement dépassé deux individus par fleur mais rarement cinq.
Par contre, dès la deuxième quinzaine de juin, les premières pertes de rendement ont été constatées (fruits notés 3 et 4, non commercialisables).
Des pertes ont ensuite été enregistrées à chaque notation jusqu'à mi-septembre. Durant cette période, les populations de thrips sont restées constamment élevées avec des densités toujours supérieures à cinq individus par fleur.
Les stratégies de PBI
Conditions climatiques sous tunnels et introduction d'auxiliaires
La température et l'humidité relative en culture de fraise ont été mesurées sur le site n° 1 grâce à un thermo-hygromètre. Dans cette culture remontante en hors-sol sous tunnel froid, avec irrigation goutte-à-goutte et sol couvert par paillage plastique, les conditions étaient relativement favorables à l'installation de N. cucumeris et/ou A. swirskii. En 2014, les humidités relatives journalières moyennes étaient le plus souvent comprises entre 60 % et 80 % et les températures entre 15 °C et 25 °C. Les températures minimales ont atteint au moins 10 °C durant quelques jours début avril et autour du 20-25 avril, ce qui permet d'envisager l'installation de N. cucumeris.
À partir de mai, elles ont régulièrement dépassé ce seuil. Les températures moyennes ont atteint 20 °C à partir de mi-mai et se situaient entre 20 °C et 25 °C en juin et juillet, situation favorable à l'activité d'A. swirskii.
Lâchers d'auxiliaires efficaces sur fraises remontantes dans certains cas
Sur fraises de saison, l'essai mené en Flandre belge n'a pas permis d'évaluer la stratégie de PBI car les populations de thrips sont restées naturellement faibles sur le site choisi. En 2014, des introductions d'A. swirskii et d'Orius laevigatus ont été faites sur culture estivale, mais les populations de thrips, initialement basses, n'ont pas subi de réduction visible par rapport au tunnel voisin conduit de manière conventionnelle.
Sur fraises remontantes, deux essais en PBI ont été menés dans le Nord-Pas-de-Calais.
Sur le site n° 1, les thrips ont été maîtrisés de manière très satisfaisante : les populations sur fleur n'ont pas dépassé 0,9 individu en 2013 et un individu en 2014 pendant la durée du suivi (Figures 2 et 3).
Dans le tunnel conventionnel témoin, les thrips ont atteint deux à dix individus de mi-juillet à début septembre 2013 et deux à onze individus de mi-mai à mi-août 2014.
Les symptômes sur fruits ont été très fortement réduits. Ainsi, le 10 juillet 2013, on comptait 71 % de fruits intacts dans le tunnel en PBI contre seulement 5 % dans le tunnel conventionnel.
Par contre, sur le site n° 2, la PBI n'a pas permis d'améliorer suffisamment la situation vis-à-vis des thrips. Des modifications du programme sont à envisager pour améliorer l'efficacité de la protection.
Le suivi des populations explique les différences d'efficacité
Dans le cadre d'une stratégie globale, l'effet du piégeage massif et de la prophylaxie est difficile à évaluer. En revanche, nous avons pu étudier l'effet des auxiliaires grâce au suivi des populations.
Sur le site n° 1, les phytoséiides ont été introduits fin mars. Les premiers individus ont été observés sur fleurs le 10 mai 2013 et le 16 avril 2014, quasiment en même temps que les premiers ravageurs. Les introductions précoces successives ont permis aux auxiliaires d'agir dès l'apparition de leurs proies. Cette réactivité est importante car le ravageur peut se multiplier dès avril, comme cela a été constaté sous tunnels de référence.
Jusqu'aux 25 juillet 2013 et 18 juin 2014, le ratio auxiliaires/ravageurs a été le plus souvent positif (densités de phytoséiides équivalentes voire supérieures à celles des thrips). Ensuite, les densités de phytoséiides ont été dépassées par celles des thrips mais sont restées suffisantes pour maintenir le ravageur à un niveau bas.
Sur le site n°2, en 2013 et 2014, le démarrage des auxiliaires a été plus lent. Puis le ratio est resté largement défavorable aux phytoséiides. Face à la multiplication rapide des ravageurs sur ce site, il semble nécessaire de renforcer la stratégie de lâchers : maintien de la fréquence toutes les deux semaines (pour le vrac) et quantités introduites augmentées.
Apports simultanés de deux espèces différentes de prédateurs
L'utilisation simultanée de N. cucumeris et d'A. swirskii doit être discutée. Il existe en effet de possibles interactions négatives entre les deux phytoséiides s'ils sont utilisés ensemble. De fait, une étude canadienne menée en laboratoire (Buitenhuis et al., 2010) signale une prédation mutuelle entre les deux espèces. Chacune montre une préférence pour l'autre prédateur par rapport aux larves de thrips. En particulier, A. swirskii manifeste cette préférence même si les deux types de proies sont abondants.
Mais, selon une étude en culture de chrysanthème, un ajout de supplément alimentaire (pollen de pommier ) peut réduire fortement cette prédation (Faucher Delisle, 2014).
Et les auxiliaires spontanés ?
Lors des essais sur fraises remontantes, des punaises anthocorides « spontanées » ont parfois été détectées lors du frappage des fleurs. Ces auxiliaires prédateurs de thrips sont parfois aussi observés par les producteurs sous tunnels conventionnels.
De façon générale, l'arrêt ou la forte réduction des traitements favorise leur présence. Sur le site n° 1, il semble que le nombre de punaises prédatrices ait légèrement augmenté dès la première année de PBI, selon les résultats des comptages comparés à ceux du tunnel conventionnel voisin. Sur ce site, les anthocorides ont été détectées à partir de mi-août. Sur d'autres sites, elles sont observées ponctuellement en été, période favorable à la pullulation des thrips.
Compatibilité de la PBI avec les traitements insecticides et acaricides
Des traitements insecticides et acaricides sont parfois intégrés dans les stratégies de PBI, en début de saison si les températures sont trop basses pour introduire des auxiliaires, en cours de culture si les ravageurs ne sont pas suffisamment contrôlés, ou encore si aucun auxiliaire n'est commercialisé pour un ravageur donné. Les produits, autorisés pour l'usage ciblé, sont choisis comme ayant le moins d'effet secondaire possible sur les auxiliaires. Ils sont utilisés en dernier recours, en respectant un délai lié à la persistance d'action du produit entre le traitement et le lâcher suivant. En 2014, une intervention a été réalisée début mars sur les sites n° 1 et 2 et les premiers lâchers d'A. cucumeris ont eu lieu trois semaines après.
Par ailleurs, en cours de saison, si le délai d'introduction des auxiliaires après un traitement est relativement court, il peut être nécessaire d'adapter les introductions. Ainsi, en 2014, des ravageurs, autres que les thrips, ont été ciblés par des traitements ponctuels sur le site n°1. Les sachets de phytoséiides mis en place ont alors été complétés par des apports en vrac pour renforcer rapidement les populations d'auxiliaires et assurer une nouvelle dispersion rapide sur les plantes.
Certains ravageurs représentent un frein à la PBI car aucun auxiliaire ou aucune autre méthode alternative efficace n'est disponible et les traitements insecticides autorisés peuvent avoir d'importants effets secondaires et rendre difficile voire impossible l'utilisation des auxiliaires. Les punaises phytophages peuvent provoquer des déformations de fruits. La punaise de l'ortie Liocoris tripustulatus a ainsi été identifiée dans le Nord-Pas-de-Calais sur fraises remontantes en 2014.
Par ailleurs, la drosophile à ailes tachetées Drosophila suzukii, identifiée pour la première fois en Belgique en 2011 et dans le Nord-Pas-de-Calais en 2014, était présente sur le site n° 1. Elle y a entraîné d'importants dégâts en fin d'été, justifiant une protection insecticide et l'arrêt de la PBI fin août.
Conclusion
Les acquis du programme
Le programme Emma montre l'intérêt technique de la protection biologique intégrée contre les thrips en culture de fraises sous abris dans le bassin transfrontalier franco-belge, en particulier sur fraises remontantes touchées par les attaques les plus graves.
La PBI peut permettre d'améliorer les rendements en limitant notablement les pertes dues aux dégâts de thrips sur fruits. Sur l'un des sites expérimentaux, la réussite de la PBI a permis au producteur de généraliser cette stratégie à l'ensemble de ses tunnels dès la seconde année.
La réussite de la PBI dépend en partie du programme d'introductions. La régularité des suivis est essentielle pour couvrir l'ensemble de la période de culture, notamment les phases clés de démarrage et d'augmentation des populations de thrips. Dans notre contexte climatique et cultural, les phytoséiides N. cucumeris et A. swirskii sont capables de se développer sous abris et d'agir efficacement contre les thrips.
Ce qu'il reste à étudier
En perspective, les espèces de thrips identifiées en tunnels de fraise pouvant se développer au moins une partie de l'année en plein air, il serait intéressant d'étudier les échanges entre les abris et leur environnement extérieur. Certaines plantes peuvent être des sources d'infestation de thrips, mais d'autres peuvent héberger et favoriser des auxiliaires type punaise anthocoride. Sous tunnels, il est envisageable de favoriser la multiplication d'auxiliaires (spontanés ou introduits) par des plantes-relais ou l'apport de pollen comme supplément alimentaire.
Par ailleurs, d'autres phytoséiides commercialisés en France et en Belgique, tel Amblydromalus limonicus, sont potentiellement intéressants contre les thrips et les aleurodes.
Enfin, la PBI doit être abordée dans un cadre global intégrant la protection contre les maladies et les autres ravageurs comme la drosophile à ailes tachetées.
Fig. 1 : Notation de dégâts sur fruits et densité de thrips sur fleurs
Les pertes (fraises notées 3 ou 4 donc non commercialisables) apparaissent dès la deuxième quinzaine de juin.
Fig. 2 et 3 : Succès de la PBI en fraise remontante sur le site n° 1
Évolution du nombre de thrips sur fleur. Il reste très bas avec la PBI en 2013 et 2014, alors qu'il connaît des pics en conventionnel.
REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient les groupements de producteurs du Marché de Phalempin et Fruits rouges en Nord, ainsi que la société Koppert, fournisseur d'auxiliaires. Ils remercient également Jessie Dourlens, Sophie Brouard, Jordan Schuppe et Rachel Van Robaeys.