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DOSSIER - Biocontrôle

Gestion de la processionnaire du pin : les pratiques ont évolué

JEAN-CLAUDE MARTIN* **, LOUIS DAMOISEAU*, ÉLISABETH TABONE* **, BRIGITTE FREROT* *** ET MAXIME GUERIN* ****, D'APRÈS LEUR COMMUNICATION À LA 5E CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES MÉTHODES ALTERNATIVES DE PROTECTION DES PLANTES DE L'AFPP, À LILLE, DU 13 AU - Phytoma - n°682 - mars 2015 - page 42

Voici comment la recherche a anticipé l'évolution vers le biocontrôle et comment elle continue à l'accompagner.
Nid de chenilles de processionnaire du pin vidé par une mésange. Ce prédateur perfore le nid et y prélève sa nourriture. Par la suite, la soie non entretenue se dégrade très vite. Photo : J.-C. Martin - Inra

Nid de chenilles de processionnaire du pin vidé par une mésange. Ce prédateur perfore le nid et y prélève sa nourriture. Par la suite, la soie non entretenue se dégrade très vite. Photo : J.-C. Martin - Inra

Au temps de la lutte 100 % manuelle : ouvrage de l'inspecteur général des forêts Julien Calas. DR

Au temps de la lutte 100 % manuelle : ouvrage de l'inspecteur général des forêts Julien Calas. DR

Mésange Parus major sur un nid de chenilles processionnaires du pin.  Photo : R. Bigel - Agrobiotech

Mésange Parus major sur un nid de chenilles processionnaires du pin. Photo : R. Bigel - Agrobiotech

Outil d'aide à la décision sur l'application mobile Agiir, téléchargeable gratuitement.

Outil d'aide à la décision sur l'application mobile Agiir, téléchargeable gratuitement.

 La mise en place de nichoirs artificiels favorise la sédentarisation de la mésange. Photo : J.-C. Martin - Inra

La mise en place de nichoirs artificiels favorise la sédentarisation de la mésange. Photo : J.-C. Martin - Inra

 Photo : J.-C. Martin - Inra

Photo : J.-C. Martin - Inra

En Europe, la lutte organisée contre la processionnaire du pin existe depuis la fin du XIXe siècle, période durant laquelle des campagnes de reboisement en pin noir d'Autriche de terrains de montagne déforestés ont conduit à une recrudescence massive du ravageur dans le sud de l'Europe.

Plus tard, au milieu du XXe siècle, l'Afrique du Nord a connu le même phénomène après les reboisements monospécifiques en pin d'Alep comme barrière à la désertification.

Historique : de la lutte mécanique au BtK

De l'échenillage au DDT

Dans ces jeunes plantations, la technique de lutte était l'échenillage. Ainsi, au cours des hivers 1894-1896, l'inspecteur général des forêts Julien Calas (Calas, 1897) évoque l'échenillage sur 1 000 hectares dans le département des Pyrénées-Orientales, avec 1 275 000 nids d'hiver détruits pour un budget d'environ 5 000 francs.

Dans les années 1940, cette lutte mécanique a été remplacée en Espagne et en France par une lutte chimique par poudrage de DTT (Grison, 1959).

À la fin des années 1960, le DTT restait considéré par les gestionnaires comme efficace, facile à mettre en oeuvre et économique (Dafauce, 1970).

1955 : Inra et lutte microbiologique

Face aux phénomènes de résistance des insectes à cette lutte chimique, les scientifiques biologistes forestiers de l'Inra commencent en 1955 des recherches sur les germes entomopathogènes.

En 1958, une alternative au traitement chimique est testée en France en traitement aérien : c'est un virus spécifique Smithiavirus pityocampae (Grison, 1959). L'expérimentation, dite « opération Ventoux », est conduite sur 320 ha au mont Ventoux. La préparation virologique a été obtenue en laboratoire après élevage de 200 000 chenilles processionnaires du pin infectées par le virus. Mais les conditions de travail dans les élevages de ces chenilles urticantes sont inacceptables. Elles induisent l'arrêt de la production de virus, malgré d'excellents résultats.

Des recherches sont alors menées en partenariat Inra/Institut Pasteur/CNRS sur la bactérie entomopathogène Bacillus thuringiensis (BtK). Les travaux aboutissent, en 1972, à l'homologation d'une préparation commerciale à base de BtK spécifique des larves de lépidoptère.

1975-1995 : vingt ans de compétition entre inhibiteurs de mues (chimique) et BtK (microbiologique)

En 1975, la molécule chimique diflubenzuron est homologuée en Europe contre la processionnaire du pin sous le nom commercial de Dimilin. La facilité d'utilisation et les performances de cet insecticide issu de la synthèse chimique conduisent très vite les gestionnaires à l'utiliser massivement.

La forte persistance d'action du produit sur le feuillage, supérieure à une année, permet de détruire d'un coup les chenilles de deux générations (Demolin et al., 1993). En 1992, en France et en Espagne, plus de 90 % des traitements par voie aérienne contre la chenille processionnaire du pin sont réalisés avec le Dimilin.

Mais ensuite, l'efficacité des spécialités insecticides à base de BtK s'accroît par l'amélioration des concentrations. En 1993, l'Inra met en évidence la corrélation entre la dose de BtK utilisée par hectare et l'efficacité contre la chenille processionnaire jusqu'au quatrième stade larvaire. Les doses homologuées sont revues à la hausse en 1994. Dès lors, les traitements aériens microbiologiques par pulvérisation de BtK se développent à nouveau en Europe.

Le règne du BtK

Appuyé par les études (Demolin et al., 1998) montrant l'excellente efficacité et la faible persistance d'action (8 à 12 jours) du BtK, ce dernier devient en 2000 l'insecticide le plus utilisé en traitement aérien contre la processionnaire du pin. Inversement, les insecticides chimiques à action peu ciblée et persistance trop forte ne sont pratiquement plus utilisés. Il a fallu vingt années de recherche et de communication pour accompagner ce changement.

Recherche de solutions alternatives, de la surveillance au piégeage de masse

Une phéromone connue et déjà utilisée pour la surveillance

Dès le début des années 2000, ce changement étant consolidé, la recherche se réoriente vers les luttes alternatives en complément ou en remplacement des traitements BtK. Plus de vingt ans après l'identification de la phéromone sexuelle de la processionnaire du pin (Guerrero, 1981), des études sont réactivées sur sa synthèse commerciale et la lutte avec des leurres contenant des phéromones de synthèse.

Les pièges à phéromone sont connus dès 1982 sous formes de piège delta à glu, piège entonnoir muni d'une miniplaquette insecticide et piège Trampa G avec sachet plastique collecteur.

Utilisés très tôt pour la surveillance (« monitoring »), ils n'avaient pas été satisfaisants comme technique de lutte à une période où la demande sociétale était orientée vers l'efficacité maximale quel que soit le moyen utilisé (Demolin et al., 1993).

Optimiser le piégeage des papillons mâles, comparer les pièges...

Le piégeage des papillons mâles comme méthode de régulation posait des questions :

- quelle est l'efficacité comparative des pièges et des diffuseurs de phéromones de la processionnaire du pin ?

- est-il possible d'optimiser les captures par la conception d'un nouveau piège ?

- quelles seraient les modalités d'une lutte par piégeage de masse contre ce ravageur ?

Une étude prévue sur deux années a duré plus de six ans (2008-2014) afin d'évaluer les nouveautés du marché (pièges et phéromones) et tester des prototypes conçus par l'Inra. La conception de nouveaux modèles de pièges avait pour but de développer un piège plus efficace en termes de captures de papillons mâles et plus respectueux de l'environnement.

Ainsi, les pièges devaient empêcher la fuite des papillons sans utiliser de plaquettes insecticides.

Dès 2011, un piège à phéromone très performant et adapté aux milieux urbanisés a été breveté sous le nom de Procerex (modèle déposé Inra-Protecta et enregistrée sous le n° DM/075 698) (Martin, 2011) (Martin et al., 2012 (a)).

Ce piège, vendu aussi sous le nom de Processa Trap Expert, a été primé « Innovert d'argent » au Salon du végétal d'Angers en 2013. Tous les tests ultérieurs confirment sa supériorité. Mais il a une contrainte d'usage : il s'utilise avec 2 l d'eau et 25 ml d'huile végétale dans le réservoir à papillons.

Les combinaisons gagnantes piège-phéromone

Au niveau des phéromones, la démarche expérimentale (plusieurs années de tests par l'Inra et de mise en concurrence des firmes) a abouti à la publication ouverte des résultats sur le site internet Ecophytozna-pro entre 2011 et 2014, ce qui a induit les firmes à ne commercialiser que des diffuseurs efficaces.

À ce jour, les phéromones mises sur le marché en France ne montrent pas de différences significatives, hormis la phéromone Process'Attract (réf. 009107) qui valide, deux années de suite, sa supériorité dans l'efficacité d'attraction des adultes mâles de la processionnaire du pin.

Le piège Procerex ou Processatrap Expert (utilisé avec de l'eau et de l'huile végétale), chargé avec la phéromone Process'Attract est ainsi la meilleure combinaison pour optimiser les captures.

Néanmoins, dans des milieux difficiles d'accès où l'usage d'un piège avec de l'eau n'est pas possible, la combinaison « piège sans eau Mastrap L (test non effectué sur piège Entonnoir) chargé avec la phéromone Process'Attract » donne des résultats satisfaisants en termes de captures, bien que 50 % plus faibles (Morel E. et al., 2014).

Une méthode adaptée aux arbres alignés ou groupés, en milieux urbain et forestier

Entre 2011 et 2014, le projet Alterpro (voir les remerciements) a permis de tester et d'évaluer le piégeage de masse des adultes en conditions urbaines grâce à l'appui de plus de vingt villes partenaires réparties sur l'ensemble de l'aire nationale de la processionnaire du pin. Durant la même période, des expérimentations de piégeage de masse sont conduites à grande échelle sur 70 ha dans les parcs départementaux du conseil général des Alpes-Maritimes (CG06).

Les modalités testées s'appuient sur la configuration végétale : six pièges par hectare en forêt ou parc urbain et un piège réparti tous les 25 m pour des arbres d'alignement.

Les résultats de ces tests confirment que le piégeage de masse est une alternative prometteuse aux traitements phytosanitaires, mais nécessite quelques ajustements d'année en année pour en optimiser l'efficacité. La méthode est adaptée aux configurations urbaines comme aux forêts.

Attention, il faut une bonne connaissance de la phénologie du ravageur et des techniques de pose des pièges pour réduire les cas d'échecs.

Une innovation : le piégeage des chenilles

Un principe original

Un modèle de pièges à chenilles, l'Ecopiège, développé par la firme la Mésange Verte (France) a été testé par l'Inra (Martin et al., 2012(b)). Ce piège est formé d'une collerette réglable entourant le tronc et d'un sachet collecteur des chenilles, préalablement rempli de terre, relié à la collerette par un conduit tubulaire. Ce piège doit être installé sur le tronc des conifères ayant des nids d'hiver de processionnaire du pin. Il doit être suspendu à une hauteur suffisante pour empêcher tout contact humain avec les chenilles. Celles-ci sont piégées à une période où le risque dû aux soies urticantes est le plus important.

Ce système est original par son principe car il utilise une séquence comportementale de l'insecte, celui de la procession de nymphose et de l'enfouissement en fin de développement larvaire : les chenilles se regroupent le long du tronc et descendent de l'arbre en file indienne afin de « chrysalider » dans le sol.

Arrivées dans la collerette, elles sont dirigées dans le sachet rempli de terre dans lequel elles vont s'enfouir et se transformer en chrysalide.

À la fin de la période des processions, l'utilisateur décroche le sachet plastique contenant les chrysalides. Il l'élimine en prenant soin d'avoir tué les insectes par macération de 24 heures dans de l'eau et du produit mouillant.

Une méthode adaptée aux jardins et arbres isolés

Cette méthode est particulièrement intéressante dans les jardins et sur les arbres isolés dans les secteurs fréquentés par le public.

Le piégeage des chenilles par Ecopiège est un concept performant pour l'usage en espaces verts. Il est efficace pour la protection individuelle des pins contre la processionnaire, sans impact sur l'environnement et sur la santé humaine. Néanmoins, deux conditions capitales de pose peuvent impacter son efficacité :

- l'ajustement du piège à l'arbre (les fentes entre l'écorce et le piège doivent être colmatées scrupuleusement afin d'éviter la fuite des chenilles vers le sol) ;

- la période d'installation (les Ecopièges doivent être installés avant les premiers départs en procession de nymphose et être enlevés après les dernières processions, donc en général posés de janvier à mai ; mais dans les régions à climat océanique, donc à processions précoces, la pose doit se faire mi-octobre et les pièges doivent rester en place jusqu'en avril de l'année suivante).

Les tests effectués ont montré une efficacité inégalée de l'Ecopiège pour intercepter les chenilles de la processionnaire par rapport à d'autres types de pièges à chenilles avec des variantes.

Récemment, d'autres firmes ont commercialisé de nouveaux modèles de pièges à chenilles pour lesquels aucun test comparatif n'a été présenté. Pour ces deux raisons et afin d'éviter toute confusion, le piège recommandé à ce jour par l'Inra demeure le modèle déposé Ecopiège.

La confusion sexuelle aidée par une bonne pâte

Il y a dix ans, une piste prometteuse mais non suivie

La confusion sexuelle consiste à saturer l'air avec une grande quantité de la phéromone de synthèse de l'insecte en période de reproduction des adultes afin de désorganiser la rencontre entre les femelles et les mâles qui ne peuvent plus localiser leurs partenaires. Cela réduit les accouplements et, de ce fait, le nombre de pontes.

Les résultats d'essais effectués en 2004 et en 2005 contre la processionnaire du pin, bien que prometteurs (Martin J.-C. et al., 2005), n'ont pas été valorisés commercialement en raison du marché non porteur à cette époque.

Regain d'intérêt pour certains secteurs avec une technique de dépôt originale

Très récemment, des expérimentations de régulation par confusion sexuelle ont à nouveau été conduites avec d'excellents résultats en termes d'efficacité.

À ce jour, la demande sociétale pour les luttes alternatives suggère que cette étude débouchera rapidement. Néanmoins, la technique de la confusion sexuelle nécessite le « traitement » de surfaces assez grandes pour favoriser la saturation de l'air en phéromone. Le projet 2015-2017 Optim'Phéro financement Ecophyto, conduit en partenariat avec la firme M2i Life Sciences, a pour objectif de tester la confusion sexuelle contre la processionnaire avec des modes d'application inédits. La phéromone sera déposée sous forme de pâte biodégradable (Martin et al., 2014).

Ce projet vise à lever le verrou économique de la lutte par confusion sexuelle en réduisant la charge en main-d'oeuvre pour la pose et le retrait des dispositifs.

La lutte biologique à l'aide de prédateurs

Le principe : favoriser la nidification des mésanges (Parus sp.)

Les mésanges sont des oiseaux insectivores connus pour leur prédation importante des chenilles de stades L4 et L5.

Cet oiseau prélève sa nourriture à l'intérieur du nid de chenilles processionnaire du pin en perforant la soie, ce qui produit un orifice caractéristique (voir photo p. 42). En quelques jours, le nid est vidé et la soie non entretenue se dégrade très vite.

L'avantage majeur de ces oiseaux sédentaires réside dans leur opportunisme tant alimentaire qu'au niveau des sites de nidification, souvent localisés dans des cavités naturelles.

Mais la rareté de ces dernières peut freiner leur établissement sur un site. Pour pallier à ce problème, la mise en place de nichoirs artificiels adaptés à ce type d'oiseau favorise la sédentarisation de l'espèce, sa nidification et, en conséquence, la prédation des chenilles présentes sur le site.

Tests sur trois sites expérimentaux

Cette méthode de régulation biologique est testée sur plusieurs sites en France, tant urbains que forestiers.

Trois sites expérimentaux ont été installés entre 2007 et 2009 : Réserve naturelle de Sainte-Victoire, 815 nichoirs à mésanges pour 51 ha, parcs départementaux de la Brague (CG06), avec 226 nichoirs pour 18,5 ha et réserve de Biosphère du mont Ventoux, avec 80 nichoirs sur 10 ha.

Les modalités testées vont de huit à vingt nichoirs par hectare, contrôlés annuellement avec note du nombre de couvées. En parallèle, la dynamique des populations de la processionnaire du pin est suivie par un dénombrement des nids d'hiver dans les parcelles avec nichoirs et dans le témoin (parcelle à caractéristiques similaires).

Les premiers résultats sont prometteurs : les sites n'ont plus fait l'objet de traitement BtK depuis 2007 pour le premier, alors qu'ils étaient auparavant traités de façon récurrente par voie aérienne depuis une vingtaine d'années.

Sur ces trois sites, l'infestation par la processionnaire suit une dynamique ajustée, inférieure à celles des témoins. Le taux de colonisation des nichoirs par les mésanges, bien que lent, a suivi une progression linéaire les quatre premières années, et il se maintient à ce jour.

En superposant les dynamiques spatiales du ravageur (chenilles) et du prédateur (mésange), nous observons que la densité des nids de chenille a diminué dans les zones où les mésanges ont nidifié et est restée plus ou moins stable dans les zones à couvées rares (Martin et al., 2013).

Pour chacun des sites, il est validé que la pose de nichoirs facilite la nidification des mésanges. Le nombre de couvées est fortement corrélé au nombre de nichoirs installés à l'hectare tout en intégrant le facteur milieu-habitat qui joue un rôle prépondérant sur la mésange.

À noter : dans ces sites à forte fréquentation par le public, les gestionnaires n'ont recensé aucune réclamation en lien avec la processionnaire du pin alors que d'autres sites ont fait l'objet de réclamations. L'effet régulateur de la mésange par la prédation de la processionnaire est-il atteint ? Il est encore trop tôt pour l'affirmer, plusieurs années de suivi seront nécessaires pour valider cette hypothèse.

Attention : seule, la pose de nichoirs ne permet pas de protéger les riverains contre le risque de santé publique dû aux chenilles urticantes. La combinaison de plusieurs stratégies alternatives est souhaitable pour réduire ce risque.

Autres prédateurs : des recherches sont en cours

Les parasitoïdes oophages jouent un rôle important dans la régulation naturelle de la processionnaire du pin. Néanmoins à ce jour, aucune technique de biocontrôle faisant appel à ces auxiliaires n'a été mise au point sur ce ravageur. Des études nouvelles sont initiées (É. Tabone, Inra UE0348 laboratoire biocontrôle) pour transférer à la processionnaire du pin les compétences acquises en protection biologique contre les insectes ravageurs des cultures telles que :

- des stratégies originales de lutte biologique par l'association de lâchers inondatifs de parasitoïdes oophages à partir de techniques mises au point sur plusieurs ravageurs des cultures (modèle Chilo saccchariphagus) ;

- les techniques de stockage des auxiliaires sur le modèle Trichogramma chilonis.

Les premiers résultats d'élevage du parasitoïde Ooencyrtus pityocampae (Hym., Encyrtidae) sur un hôte de substitution permettent d'envisager à terme la mise au point d'une solution nouvelle de lutte biologique contre la processionnaire du pin.

Indicateurs et outils d'aide à la décision

Évaluation des changements de pratiques des communes

Deux enquêtes sur l'analyse des pratiques des villes en matière de lutte contre la processionnaire du pin ont été réalisées par l'Inra et Plante & Cité en 2009 et en 2012 (Brinquin et al., 2013). Un questionnaire en ligne a été adressé aux 36 000 communes de France. En 2012, 67 % des communes ayant répondu à l'enquête (437/653 réponses) sont concernées par cet insecte ravageur. Parmi ces dernières, 62 % entreprennent des actions de lutte.

Entre 2009 et 2012, les traitements chimiques sont passés de 11,4 % à 3,5 % des méthodes de lutte. Inversement, le piégeage des adultes passe de 14,5 % à 15,9 %, le piégeage des chenilles de 3,6 % à 15,9 %, la lutte biologique par conservation (pose de nichoirs à mésange) passe de 2,6 % à 7,0 %.

De plus, à la question « quelles pratiques envisagées pour l'avenir ? », les traitements chimiques sont à 1,3 % et inversement 18,9 % pour le piégeage des adultes, 18 % pour le piégeage des chenilles et 15,8 % pour la lutte biologique.

En 2012, le cumul des méthodes alternatives est de 87 % contre 13 % pour les traitements microbiologique et chimique. En 2015, une nouvelle enquête actualisera ces résultats et suivra cette tendance positive des pratiques de gestion.

Outils d'aide à la décision, recherche participative et transfert des résultats

En partenariat Inra (UMR Santé et Agroécologie du vignoble et UE Entomologie et Forêt méditerranéenne), l'application mobile Agiir (alerter et gérer les insectes invasifs et/ou ravageurs) a été développée comme outil d'aide à la décision pour le gestionnaire (Martin et al., 2014).

Cette application mobile gratuite est téléchargeable sur les plateformes Google Play (voir ci-dessus) et Apple Store. Elle a aussi pour vocation d'être un outil d'alerte de la présence de l'espèce en dehors de son front d'expansion.

La base de données collectées sera gérée par l'Inra pour paramétrer l'outil d'aide à la décision et actualiser la progression géographique de l'insecte. Ces informations sont disponibles sur la plateforme Ephytia Santé des Plantes(1).

Plusieurs dossiers d'aide à la décision en téléchargement libre ont été publiés sur le site Ecophytozna-pro(2).

En 2013, Phytoma a édité en 8 000 exemplaires le dossier technique « La lutte contre la processionnaire du pin : des alternatives au traitement chimique » (Martin, 2013). Ce même dossier a été réédité en 5 000 exemplaires sous le titre « Gérer autrement la processionnaire du pin » par le conseil général des Bouches-du-Rhône.

Conclusion

Pour le Btk, il a fallu du temps, bien avant Ecophyto...

La processionnaire du pin, c'est plus de soixante ans de recherches fondamentale et appliquée à l'Inra contre cet important ravageur des forêts et des zones non agricoles.

L'évolution des pratiques, de la lutte chimique vers la lutte microbiologique, est due aux précurseurs du Grenelle de l'environnement et du plan Ecophyto qui, dès 1955, ont initié les recherches sur le BtK. Il aura fallu plus de vingt ans après sa première homologation et un appui fort de la recherche pour que le BtK prenne le premier rang des insecticides antiprocessionnaire.

Des pièges aux nichoirs, un écho rapide

Cette étape franchie, l'Inra devait proposer des solutions en alternative au traitement microbiologique. À la même période, les recherches fondamentales sur cet insecte se sont intensifiées en France et dans les pays euroméditerranéens pour accompagner les recherches appliquées.

La mise au point des stratégies de piégeage et les études in situ sur la prédation par les mésanges ont fait rapidement écho chez les gestionnaires. En effet, la réglementation et le plan Ecophyto ont apporté, dès le début des années 2010, une contrainte forte de réduction de l'usage des pesticides et de la pulvérisation aérienne. La recherche et les instituts techniques (Plante & Cité, Fredon...) appuyés par des aides financières (Ecophyto) ont fait un effort de formation, communication et développements d'outils innovants d'aide à la décision (application mobile Agiir, publication en ligne/Ecophyto ZNA, édition de fiches techniques...).

Des réseaux recherche-instituts techniques-gestionnaires se sont formés pour accompagner ces changements de pratiques de gestion et de réglementation contre la processionnaire du pin.

À l'avenir, un comportement adaptatif

Aujourd'hui, de nouvelles solutions sont à l'étude. La confusion sexuelle va être testée dans le cadre du projet Ecophyto Optim'Phéro (2015-2017). La lutte biologique par lâchers de parasites oophages et la recherche d'hôtes de substitution pour faciliter l'élevage de masse des parasitoïdes sont à l'étude au laboratoire biocontrôle de l'unité expérimentale Entomologie et Forêt méditerranéenne.

Une nouvelle enquête en 2015 auprès des communes devrait confirmer la tendance à l'utilisation de solutions alternatives afin de protéger les arbres et les personnes contre la processionnaire du pin.

La lutte contre ce ravageur s'avère souvent nécessaire vu les problèmes de santé publique occasionnés par cet insecte. Rappelons que le risque minimal pour les personnes et les animaux ne peut s'obtenir qu'en combinant plusieurs méthodes alternatives qui exigent un suivi de l'insecte et une connaissance de sa phénologie locale.

La génération de chercheurs pionniers des années 1950 a préparé ce terrain du biocontrôle sans profiter des fruits.

Ceux des années 2000 ont anticipé en mettant au point des techniques adaptées alternatives à la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques. Ils ont connu cette évolution des pratiques, très vite accélérée, « entraînée » par le Grenelle de l'environnement, le plan Ecophyto et la réglementation sur les traitements aériens.

L'évolution ou le comportement « adaptatif » à la réglementation devraient encore se poursuivre à l'avenir grâce aux outils déployés par la recherche.

Aujourd'hui, la processionnaire du pin va servir d'exemple pour gérer d'autres lépidoptères ravageurs des forêts et des zones non agricoles.

(1) http://ephytia.inra.fr/fr/P/128/Agiir(2) www.ecophytozna-pro.fr

REMERCIEMENTS

Les études de la dernière décennie ont été conduites grâces aux financements des conseils généraux des départements des Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône, des projets ANR Urticlim et Alterpro (soutenu par le plan Ecophyto et l'Onema en partenariat Inra et Plante & Cité). Les auteurs remercient les agents de l'unité expérimentale Entomologie et Forêt méditerranéenne qui ont assuré la mise en place et le suivi des dispositifs expérimentaux sur du long terme. Sans ces soutiens, résultats et impacts n'auraient pas été si rapides.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La processionnaire du pin, Thaumetopoea pityocampa, a toujours fait l'objet de campagnes de lutte à cause de sa nuisibilité pour la santé publique et la santé des arbres.

La place des méthodes alternatives et son évolution méritent d'être rappelées pour anticiper l'évolution future.

HISTORIQUE - Dès 1958, les recherches sur la lutte microbiologique ont commencé mais c'est seulement en 1994 avec les travaux de l'Inra que les insecticides micro-biologiques deviennent les insecticides les plus utilisés contre cette chenille.

Plus récemment, des stratégies alternatives et raisonnées ont été testées et mises au point par la recherche en complément ou en substitution des traitements microbiologiques.

Elles exigent une meilleure connaissance de la phénologie de l'insecte et de ses variantes climatiques et sont adaptées à chaque période de son cycle.

Des indicateurs ont été mis en place et des outils d'aide à la décision ont été développés pour accompagner et former les gestionnaires à cette autre façon d'appréhender la lutte.

PERSPECTIVES - Aujourd'hui, les recherches se poursuivent sur la processionnaire du pin afin de proposer d'autres stratégies de biocontrôle pour une régulation durable.

De plus, ces travaux servent de modèle pour d'autres lépidoptères ravageurs des zones non agricoles.

MOTS-CLÉS - Biocontrôle, lutte alternative, Ecophyto, insecte ravageur, processionnaire du pin, Thaumetopoea pityocampa.

SUMMARY

ABSTRACT - The pine processionary caterpillar, Thaumetopoea pityocampa has always been the subject of campaigns of control because of health problems it causes to public and trees.

Research on the microbiologic control began in 1958, and it is only in 1994 that microbiologic insecticides become the most used against this caterpillar thanks to the Inra's works.

More recently, alternative and integrated strategies were experimented and focusing by the research as a complement or a substitute for microbiologic treatments. They require a better knowledge of the insect phenology, its climatic variants and are adapted to each period of its cycle. Indicators were set up, decision-making tools were developed to accompanied and form (green spaces) managers to this other way of approaching the control.

Today, this study serves as model for other damaging lepidoptera of the non-agricultural areas.

Nevertheless research continues on the pine processionary caterpillar in order to propose other biocontrol strategies for a sustainable management.

KEYWORDS - Biocontrol, alternative control, Ecophyto, insect pest, Thaumetopoea pityocampa.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : * **J.-C. MARTIN, *L. DAMOISEAU, * **É. TABONE, ****B. FREROT ET * ****M. GUERIN

*Académie du biocontrôle et de la protection biologique intégrée - Maison de l'agriculture 35000 Rennes.

**Inra UE348 Unité expérimentale Entomologie et Forêt méditerranéenne. Site Agroparc - 84914 Avignon Cedex 9.

***Inra UMR 1392 iEES Bat. 1. RD 10, route de Saint-Cyr 78026 Versailles Cedex.

****Plante & Cité 26, rue Jean-Dixméras 49066 Angers Cedex 1.

CONTACTS : damoiseau.louis@orange.fr

Jean-claude.martin@paca.inra.fr

Elisabeth.tabone@paca.inra.fr

Brigitte.frerot@versailles.inra.fr

Maxime.guerin@plante-et-cite.fr

LIENS UTILES : www.afpp.net, http://ephytia.inra.fr/fr/P/128/Agiir, www.ecophytozna-pro.fr

BIBLIOGRAPHIE : La bibliographie de cet article (13 références, dont 7 articles dans Phytoma) est disponible auprès de ses auteurs (contacts ci-dessus) et à l'AFPP (lien utile ci-dessus) dans la communication intégrale publiée dans les annales de la 5e conférence sur les méthodes alternatives de protection des plantes, à Lille, du 11 au 13 mars 2015.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :