Trois des nouveaux micro-organismes (deux souches distinctes du CpGV et une de l'Adoxophyes orana granulovirus) sont utilisables sur pommier. Il en est de même de deux des produits à base de phéromones et d'un des pièges « attrack & kill ». Photo : M. Decoin
Le plan Ecophyto veut encourager les méthodes alternatives à l'emploi de pesticides chimiques. Un de ses moyens est d'augmenter le nombre de produits phytopharmaceutiques de biocontrôle disponibles. Il y a pour cela deux possibilités : reconnaître le caractère « biocontrôleur » de produits déjà autorisés et autoriser des produits vraiment nouveaux.
Les vraies nouveautés
Plus du quart des produits vraiment nouveaux sont de biocontrôle
Commençons par les nouvelles autorisations en examinant, parmi les spécialités autorisées depuis un an, celles qui sont de véritables nouveautés car :
- contenant des nouvelles substances actives ;
- ou contenant des associations inédites de substances déjà connues ;
- ou correspondant à l'autorisation d'usages inédits pour des substances déjà connues.
On arrive à un total de soixante-douze « vrais nouveaux produits » fongicides, herbicides ou insecticides. Dix-neuf d'entre eux sont de type biocontrôle, c'est-à-dire que leurs substances actives sont des micro-organismes, des phéromones ou des substances naturelles. Cela représente plus du quart des nouveautés : 26,4 % pour les puristes. Cela reste une minorité mais c'est davantage que le poids de ces produits sur le marché phytopharmaceutique.
En effet, IBMA France, association qui représente les fabricants de produits de biocontrôle, estime que ce secteur pèse environ 5 % du marché phyto. Elle compte les macro-organismes auxiliaires dans ce total. La part des produits phytos de biocontrôle est probablement comprise entre 3 % et 4 % du marché. Les 26 % de nouvelles autorisations vont permettre d'agrandir cette part. Elles manifestent la volonté conjointe des pouvoirs publics et des fabricants de contribuer à ce développement.
Douze nouveautés pour treize nouvelles substances
De fait, douze de ces dix-neuf nouveautés représentent l'arrivée de treize nouvelles substances sur le marché phyto.
Tous ces nouveaux produits sont listés Nodu vert. Quatre d'entre eux sont également UAB, utilisables en agriculture biologique. Six autres ont tout pour être UAB mais ont été autorisés après le 3 septembre 2014, date de clôture de dernière édition de la liste des produits UAB. Ils devraient être intégrés dans la prochaine édition espérée fin mars.
Sept nouveaux micro-organismes
Sept des treize nouvelles substances sont des micro-organismes (Tableau 1) : trois sont autorisées dans des fongicides et quatre dans des insecticides. Les sept produits sont, c'est à souligner, non classés aux plans toxicologique et écotoxicologique.
Le premier fongicide est Ballad, de DuPont, à base de la souche QST 2808 de la bactérie Bacillus pumilus. Le produit s'applique sur colza en végétation contre la sclérotiniose. Il est proposé associé à un fongicide chimique à demi-dose : baisse de 50 % de l'IFT et du Nodu « hors nodu vert » !
Mycostop, de Verdera, commercialisé par Lallemand Plant Care, est à base de la souche K61 d'une bactérie du genre Streptomyces. Le produit, autorisé en traitement du sol, sur plantes non alimentaires et légumes fruits, contre les champignons « pythiacées et autres que pythiacées », est annoncé efficace contre le genre Fusarium.
Xedavir, de Xeda international, est à base de la souche TV1 du champignon Trichoderma asperellum. Il s'applique en traitement du sol contre les pythiacées et autres (efficace contre Rhizoctonia, Phytophthora et Verticillium). Il est autorisé sur toutes cultures sauf plantes aromatiques et condimentaires et cultures légumières.
Les quatre insecticides sont pour leur part à base de virus, et tous viennent de la société suisse Andermatt Biocontrol.
Madex Pro et Madex Twin, vendus en 2015 par Compo Expert, visent le carpocapse. Le premier est autorisé sur pommier (donc aussi sur poirier) et noyer, le second sur ces mêmes cultures ainsi que sur pêcher, prunier et amandier. Chacun contient une souche différente du CpGV, virus de la granulose du carpocapse. Les deux souches sont inédites par rapport à celles déjà connues.
Capex vise capua, alias la tordeuse de la pelure : il contient du granulovirus d'Adoxophyes orana (nom scientifique du ravageur). Il est autorisé sur pommier.
Enfin Helicovex vise Helicoverpa armigera, la noctuelle de la tomate, alias héliothis (francisation de son ancien nom scientifique) : il est à base de virus d'H. armigera. Il est autorisé sur de nombreuses cultures.
Quatre nouvelles phéromones
Quatre nouvelles phéromones dans trois nouveaux produits
Cinq autres nouvelles spécialités représentent l'arrivée de six substances actives inédites (Tableau 2).
Il y a d'abord trois produits pour la confusion sexuelle à base de phéromones. Ce sont Cidetrack OFM, de Certis Europe, autorisé en vergers, ainsi que Rak 1 + 2 Mix et Rak 3 Super, tous deux de BASF Agro, l'un autorisé sur vigne et l'autre en vergers.
Ces trois diffuseurs introduisent sur le marché quatre phéromones identifiées comme originales par les autorités (même si on peut supposer que certains nouveaux noms désignent des phéromones connues). Les produits commerciaux sont classés plus ou moins dangereux pour les organismes aquatiques. Mais ils n'entraînent pas de risque de transfert de substance vers les eaux de surface (donc pour la faune aquatique) ni souterraines. Ces produits sont donc Nodu vert et sont ou seront UAB - les deux les plus récemment autorisés seront dans la prochaine liste.
Deux substances herbicides dans deux produits
Viennent ensuite deux herbicides quasi jumeaux, Herbiclean Allées et Herbiclean jardin, tous deux de Bayer ES. Ils contiennent de l'acide caprilyique et de l'acide caprique, substances présentes dans la nature : dans le lait de chèvre (d'où leurs noms) et des huiles végétales (de coco, de palme...).
Ces deux produits, bien que listés Nodu vert, ne peuvent pas être classés UAB car la réglementation européenne sur l'agriculture biologique ne reconnaît pas les herbicides. Ils sont autorisés contre les mousses et comme herbicides non sélectifs, le premier en espaces verts et le second en jardins.
Sept produits nouveaux à base de substances connues
Trois produits pour un concept
Parmi les nouveaux produits à base de substances connues mais apportant de l'inédit (Tableau 3), trois sont à base de... deltaméthrine ! Pourtant, il s'agit d'un insecticide chimique autorisé depuis les années 1980.
C'est le concept qui est nouveau, ou plutôt son autorisation officielle : il est expérimenté en vergers depuis des années.
Ce concept est dit « attrack and kill » : une petite quantité de substance insecticide est placée dans des pièges, associée à un ou des attractifs. Ceux-ci, composés volatils odoriférants, attirent dans le piège les insectes visés. L'insecticide les tue mais sans entrer en contact avec les végétaux et les eaux, ni même l'air ambiant au contraire des attractifs associés qui se diffusent dans l'air mais ne sont ni insecticides ni toxiques. Ces systèmes sont donc listés Nodu vert et UAB. Les trois produits proposés visent des mouches.
Decis Trap de Bayer(1) est autorisé sur pommier, pêcher, agrumes, cultures tropicales et vigne. Magnet Med de Suterra est destiné au cerisier et Vio-Trap de Dakofaka à l'olivier.
Trois nouveautés Nodu vert à usages inédits pour leur substance
Deux autres produits sont à base d'une substance déjà listée Nodu vert 2013 : l'acide pélargonique. Ils sont autorisés sur des usages inédits pour cette substance.
Herbistop de Compo France est utilisable pour le désherbage et la destruction des mousses et algues sur gazons de graminées, cultures légumières et fruitières et de petits fruits (sauf framboisiers et autres rubus), sur rosier et cultures florales et de plantes vertes, et avant mise en culture.
Beloukha, de Jade, est autorisé sur vigne pour le désherbage et l'épamprage et sur pomme de terre pour le défanage. Cet extrait de végétaux est présenté p. 53 de ce numéro.
Enfin Cosavet DF, commercialisé par Certis Europe, est à base de soufre. C'est le seul produit à base de cette ancienne substance autorisé sur avoine, seigle et fraisier en production ! Sans compter une foultitude d'usages classiques.
Un brin de cuivre
Le dix-neuvième nouveau produit n'est pas sur la liste Nodu vert. Mais ce composé de cuivre est UAB. Nommé Copseed, ce traitement des semences des céréales de Nufarm vise la carie commune (Tilletia caries et T. foetida) sur blé, épeautre et triticale, et le genre Tilletia sur seigle.
Cinq extensions d'usage
Quatre pour des anciens Nodu vert
De plus, cinq extensions d'usage de produits connus font arriver leur substance active sur des usages inédits pour elle. Quatre étaient déjà sur la liste Nodu vert 2013.
Armicarb de De Sangosse, déjà connu sur vigne (entre autres), introduit le bicarbonate de potassium sur pommier contre la tavelure, et sur poivron (et piment et chili), tomate (et aubergine, pépino, physalis et baie de goji), rosier sous abri, AAO (arbres et arbustes d'ornement) et CFD (cultures florales diverses) contre les oïdiums.
Esquive WP, d'Agrauxine, distribué par Bayer et autorisé auparavant contre l'eutypiose de la vigne, l'est désormais aussi contre l'esca.
Iodus 2 Cultures spécialisées (Vacciplant Fruits et Légumes), de Goëmar, a eu des extensions sur vigne, fraisier, laitue et fruits à pépins.
Flocter, bionématicide de Bayer, vient juste d'avoir des extensions sur concombre, melon, poivron, tabac et tomate.
Et un nouvel entrant
Microthiol Spécial Disperss d'UPL France, fongicide à base de soufre micronisé UAB, devient autorisé aussi comme acaricide sur phytopte du poirier, et entre au Nodu vert.
Les « rattrapages »
Car l'enrichissement de la liste Nodu vert ne vient pas que des nouveautés ! D'une part, de nouvelles spécialités déclinent des substances déjà connues dans des produits sur la liste 2013 sur des usages déjà couverts par ces mêmes substances. D'autre part, il y a le « rattrapage » d'anciens produits. Certains déclinent des substances déjà sur la liste 2013 (phosphate ferrique, laminarine, Bt, etc.). Mais plus de quatre-vingts produits apportent sur la liste des substances qui y sont inédites, dans des produits connus, eux, depuis longtemps. Voir Tableau 4.
(1) Ceratipack (AMM n° 2130114), produit quasi jumeau autorisé en même temps sur les mêmes usages, n'est pas commercialisé et ne figure pas dans la liste Nodu vert (version de février 2015), mais est en revanche listé UAB.