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JÉR 2015 à Dijon : les résistances sur le grill

RÉSEAU R4P* - Phytoma - n°684 - mai 2015 - page 10

La seconde édition des JÉR, Journées d'échanges sur les résistances aux produits de protection des plantes, a permis la poursuite du dialogue autour des résistances entre recherche et « terrain ».
Ambiance studieuse lors de l'exposé sur la prédiction, la prévention et la gestion des résistances, dans un des amphithéâtres d'AgroSup Dijon. Photo : R4P

Ambiance studieuse lors de l'exposé sur la prédiction, la prévention et la gestion des résistances, dans un des amphithéâtres d'AgroSup Dijon. Photo : R4P

Tableau 1 : Moyens de lutte non chimique, disponibilité et efficacité selon le type de bioagresseurs visésde +++ : disponibles et efficaces à - : non disponibles.

Tableau 1 : Moyens de lutte non chimique, disponibilité et efficacité selon le type de bioagresseurs visésde +++ : disponibles et efficaces à - : non disponibles.

Tableau 2 : Rappel des stratégies « chimiques » visant à réduire le risque de sélection de résistances(1) .

Tableau 2 : Rappel des stratégies « chimiques » visant à réduire le risque de sélection de résistances(1) .

Après le succès de leur première édition en Avignon en 2013 (voir Phytoma n° 670, p. 7-9), les Journées d'échanges sur les résistances (JÉR) se sont tenues à Dijon en février dernier. Elles ont été l'occasion d'échanges, de rappels utiles et de nouveautés.

Les JÉR, pourquoi, déjà ?

Du profit à échanger

Les professionnels de la protection des plantes sont demandeurs d'informations pouvant les aider à définir des stratégies efficaces de contrôle des bioagresseurs (pathogènes fongiques, ravageurs et adventices) dans le contexte actuel.

En effet, aujourd'hui, la réduction de la gamme des produits de protection des plantes (PPP) autorisés, la multiplication des cas de résistance sur le terrain et le peu de solutions alternatives à la chimie encore actuellement disponibles rendent de plus en plus difficile la protection des cultures en agriculture conventionnelle.

Une partie de l'information est générée par la recherche, mais les chercheurs ont assez peu l'occasion d'échanges directs avec le « terrain ».

Première rencontre fin 2013

Cette situation a conduit R4P (Réseau de réflexion et de recherches sur les résistances aux PPP) à lancer les Journées d'échanges sur les résistances (JÉR).

L'objectif est de faire dialoguer les chercheurs travaillant sur les résistances (Inra, Anses) et les acteurs de l'épidémiovigilance (DGAL, Anses, Inra) avec les différents professionnels impliqués dans le conseil à l'utilisation des PPP.

L'intérêt attendu est de permettre à ces professionnels d'acquérir ou de mettre à jour leur connaissance scientifique des résistances chez les adventices, maladies fongiques et ravageurs : cas de résistance, mécanismes de résistance, bonnes pratiques et stratégies de prévention et de gestion des résistances...

En retour, pour les scientifiques intervenants, il s'agissait d'avoir une image actualisée de la situation sur le terrain et de mieux identifier les questions que se posent concrètement les professionnels confrontés à la résistance.

La première édition de ces journées, les JÉR 2013, avait rassemblé une centaine de personnes à l'université d'Avignon les 21 et 22 octobre 2013.

Une deuxième édition s'imposait

À la suite de ce succès, une seconde édition s'est tenue les 2 et 3 février 2015 dans les locaux d'AgroSup Dijon (photo ci-dessus).

Avec un effectif comparable, le public présent en 2015 représentait surtout des coopératives, des chambres d'agriculture et des instituts techniques, avec en outre la présence de représentants du ministère chargé de l'Agriculture et de l'Anses.

Au menu : la résistance à toutes les sauces

Mécanisme, diagnostic, réglementation

Le programme a balayé les facettes des résistances avec des exposés par des membres de R4P et trois experts invités, puis échange avec l'assistance :

- La résistance, comment ça marche ? Il a été rappelé que l'application d'un PPP ne fait que révéler des adventices, insectes ou champignons résistants qui étaient déjà présents en faible quantité dans les parcelles.

Il a été souligné le risque agronomique lié aux résistances non liées à la cible (RNLC) : imprévisibles, elles peuvent concerner des PPP à modes d'action différents.

- Comment diagnostiquer les résistances ? Avec un descriptif des outils de diagnostic des résistances (tests biologiques, tests ADN...) ;

- La réglementation face au risque de survenue de résistance avant et après l'AMM (autorisation de mise sur le marché) et l'organisation du suivi réglementaire des résistances dans le cadre d'Ecophyto. Le manque de moyens dédiés par l'État à ce sujet a de nouveau été souligné.

Situation des résistances en France

Après un rappel sur les modes d'action des PPP, un état des lieux des cas de résistance français publiés a été présenté. Les grandes tendances actuelles de la résistance sont :

- en fongicides, l'émergence de résistances spécifiques aux SDHI et de résistances de type multidrogue (dites « MDR ») ;

- en insecticides, la multiplication des cas de résistance aux pyréthrinoïdes, l'émergence de résistance aux néonicotinoïdes et la montée des résistances chez les coléoptères du colza ;

- en herbicides, la multiplication des nouveaux cas de résistance aux inhibiteurs de l'ALS chez les dicotylédones et les graminées estivales

Recettes pour réduire le risque

Phénomène inéluctable mais « retardable »

Lorsque l'on utilise un PPP, on sélectionne quasi inéluctablement la résistance... mais il est possible de ralentir cette sélection. C'est capital car, dans la décennie à venir, très peu de PPP à nouveaux modes d'action seront commercialisés et des PPP anciens seront encore retirés du marché.

Trois points clés

Les exposés se sont attachés à décrire la prédiction de l'évolution des résistances, et à souligner les points clés pour réduire et gérer son risque de résistance (Encadré 1) :

- Ne pas tout miser sur le chimique : utiliser la prophylaxie, les techniques non chimiques et régulations naturelles (auxiliaires...), la résistance variétale, diversifier la rotation... Les possibilités d'application de ces techniques aux divers types de bioagresseurs sont résumées dans le Tableau 1.

- Connaître ses PPP, notamment leur mode d'action et le risque de résistance associé.

- Connaître la biologie de son ou ses bioagresseurs : cultures-hôtes, période de présence, conservation, dissémination...

Stratégies d'utilisation des PPP

Il existe des stratégies d'emploi des PPP pour réduire et gérer les risques de sélection de résistance : mélange, alternance, mosaïque (Tableau 2 p. suivante).

Ces stratégies peuvent aussi être déployées quand la résistance a été sélectionnée. Il ne s'agit plus alors de réduire le risque de résistance mais de conserver un contrôle efficace du bioagresseur ayant développé la résistance : la marge de manoeuvre est moindre qu'en prévention et les contraintes bien supérieures car le contrôle chimique est déjà moins efficace.

Au-delà du livre de recettes

Adaptation au cas par cas

Deux points ont été soulignés. D'abord, il n'y a pas de solution « passe-partout » pour limiter le risque de résistance. Il faut des stratégies au cas par cas, adaptées aux particularités de chaque bioagresseur ainsi qu'aux caractéristiques de la parcelle et de l'exploitation qui déterminent les techniques à mettre en oeuvre (PPP et autres).

Jouer collectif

Ensuite, une prévention et une gestion efficaces des résistances passent par une action collective et concertée : une fois sélectionnée, la résistance peut se propager aux parcelles voisines. De ce fait, la résistance n'est pas le problème d'un seul agriculteur, mais est à gérer collectivement.

Comment faire prendre la mayonnaise ?

La discussion a montré que les praticiens sont conscients du risque de résistance. Mais nombre d'agriculteurs sont réticents à mettre en oeuvre les pratiques préventives, jugées trop contraignantes ou inacceptables économiquement.

Pourtant, vu l'ampleur des pertes et difficultés que peut générer la résistance, il vaut mieux adapter un peu son système de production et faire un peu d'efforts tous les ans pour réduire son risque, plutôt que de devoir changer drastiquement et brutalement de système et faire beaucoup d'efforts durant des années pour gérer une résistance installée.

Pour le dessert : des cas concrets

Champagne et autres

Les JÉR se sont poursuivies avec un bilan, par Marie-Laure Panon, du CIVC, de la gestion des résistances aux fongicides chez botrytis en Champagne (nombre de traitements limités globalement et par mode d'action, bon positionnement, emploi de méthodes complémentaires), un point, par Jean-Baptiste Thibord, d'Arvalis, sur la gestion de la résistance de la pyrale du maïs aux pyréthrinoïdes (association d'un mode d'action différent et de méthodes alternatives et prophylactiques) et un descriptif, par Jean-Philippe Guillemin, d'AgroSup Dijon, des techniques non chimiques de désherbage pour prévenir ou gérer les résistances aux herbicides.

Mise en oeuvre collective

Ces techniques fonctionnent, encore faut-il les utiliser. Elles réussissent d'autant mieux qu'elles sont mises en oeuvre collectivement car, comme déjà signalé, les bioagresseurs ne s'arrêtent pas en limite de parcelles, et la résistance non plus !

Vous prendrez bien un peu de rab ?

L'objectif des JÉR est de diffuser les connaissances sur les résistances et d'instaurer un dialogue entre communauté scientifique et techniciens.

Pour les membres de R4P, les JÉR 2015 ont de nouveau été l'occasion de confronter leurs connaissances aux attentes du « terrain » et de valider leurs orientations de recherche.

Pour les professionnels, ces échanges ont été satisfaisants (taux global de 98 % de « très satisfait » ou « satisfait » dans les questionnaires distribués à l'issue de ces JÉR). Nombre de ces professionnels ont réalisé que, malgré des moyens limités, R4P est un interlocuteur vers lequel se tourner en cas de problème de résistance aux PPP. Vu la richesse des interactions et la demande de l'assistance, une édition 2017 des JÉR est au menu.

1 - Comment réduire son risque de résistance

Diversité

1. des pratiques : éviter le tout chimique, n'utiliser les PPP qu'après les méthodes non chimiques (voir Tableau 1).

2. Dans l'espace (sur le parcellaire).

3. Dans le temps (rotation...).

Efficacité/intensité du contrôle

1. Empêcher les bioagresseurs de proliférer : associer techniques non chimiques (Tableau 1) et chimie, limiter les applications, respecter les seuils d'intervention.

2. Respecter les conditions d'application de la chimie :

Utiliser les doses adaptées.

Utiliser la stratégie adéquate (mélange, alternance, mosaïque : voir Tableau 2).

Actions complémentaires à mener en cas de résistance

1. Ne plus utiliser le mode d'action incriminé.

2. Favoriser le retour à la sensibilité (si possible) : créer des zones-refuges, faire exprimer le coût de la résistance.

2 - Le Réseau R4P : fiche d'identité

R4P, Réseau de réflexion et de recherches sur les résistances aux produits de protection des plantes, est un regroupement de scientifiques d'organismes publics travaillant sur les résistances.

Ses membres sont : Marie-France Corio-Costet (Inra Bordeaux, fongicides), Danièle Debieu (Inra Grignon, fongicides), Christophe Délye (Inra Dijon, herbicides, coanimateur de R4P), Sabine Fillinger (Inra Grignon, fongicides), Jacques Grosman (DGAL Lyon, expert Vigne), Annie Micoud (Anses-RPP Lyon, fongicides, herbicides, insecticides), Myriam Siegwart (Inra Avignon, insecticides) et Anne-Sophie Walker (Inra Grignon, fongicides, animatrice de R4P).

Objectifs :

- Décloisonner la recherche publique sur les résistances aux PPP et orienter son organisation.

- Favoriser une approche intégrative des résistances en vue de leur prédiction et d'une gestion durable des PPP. Développer des projets de recherche dans cet objectif.

- Entretenir l'expertise publique sur les PPP et répondre aux sollicitations de la profession.

- Partager les méthodologies. Favoriser les transferts recherche-profession.

REMERCIEMENTS

Nous remercions les partenaires ayant permis la tenue des JÉR 2015 : AgroSup Dijon, Draaf de Bourgogne avec l'appui du plan Ecophyto et de l'Onema, Métaprogramme SMaCH de l'Inra, Anses, DGAL (Direction générale de l'alimentation) du MAAF (ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt), et coopérative Dijon Céréales.

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RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les deuxièmes Journées d'échanges sur les résistances (JÉR) 2015 ont regroupé les chercheurs et les experts en résistances aux produits de protection des plantes du Réseau R4P Inra-Anses-DGAL et les professionnels impliqués dans le conseil à l'utilisation des produits de protection des plantes.

CONTENU - Elles ont été l'occasion d'échanges mutuellement enrichissants autour des multiples aspects de la résistance, des plus fondamentaux (la « mécanique » de la résistance) aux plus appliqués (comment réduire son risque de résistance ? Comment gérer une résistance en pratique ?), en passant par un panorama des cas de résistance aux herbicides, fongicides et insecticides répertoriés en France.

BÉNÉFICES MUTUELS - Pour les scientifiques, les JÉR ont été l'occasion de confronter la science à la réalité du terrain. Pour les professionnels, elles ont permis d'actualiser les connaissances sur les résistances et les stratégies de prévention de celles-ci, et d'échanger sur les problématiques qu'ils rencontrent au quotidien.

MOTS-CLÉS - Résistance, fongicide, herbicide, insecticide, prévention, gestion, dialogue recherche-profession.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *RÉSEAU R4P, voir Encadré 2 ci-dessus.

CONTACT : contact-r4p@listes.inra.fr

LIENS UTILES : Fongicides : www.frac.info/publication/anhang/FRAC%20Code%20List%202013-update%20April-2013.pdf .

Herbicides : www.hracglobal.com/pages/classificationofherbicidesiteofaction.aspx.

Insecticides : www.irac-online.org/eClassification/

L'essentiel de l'offre

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