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Méthodes alternatives à Lille : élargir le champ des possibles

JEAN-LOUIS BERNARD* - Phytoma - n°685 - juillet 2015 - page 12

L'utilisation des produits de biocontrôle, mais aussi d'autres procédés ont été abordés à Lille, du 11 au 13 mars 2015, lors de la 5e Conférence internationale sur les méthodes alternatives de protection des plantes.
Le public présent a pu faire le point sur la réglementation, et aussi découvrir des nouveautés plus ou moins près d'être applicables.  Photo : M. Decoin

Le public présent a pu faire le point sur la réglementation, et aussi découvrir des nouveautés plus ou moins près d'être applicables. Photo : M. Decoin

Déjà applicable, un produit pour le défanage de la pomme de terre, l'épamprage et le désherbage de la vigne a été présenté par Caroline N'Guyen, de Jade, et Christophe Gaviglio, de l'IFV, lors de la session « Substances naturelles ». D'autres substances en sont encore au stade des tests de laboratoire.  Photo : M. Decoin

Déjà applicable, un produit pour le défanage de la pomme de terre, l'épamprage et le désherbage de la vigne a été présenté par Caroline N'Guyen, de Jade, et Christophe Gaviglio, de l'IFV, lors de la session « Substances naturelles ». D'autres substances en sont encore au stade des tests de laboratoire. Photo : M. Decoin

La mise en oeuvre de l'IPM (gestion intégrée des ennemis des cultures) et la réglementation dans l'Union européenne  qui la concerne, ainsi que les méthodes alternatives ont été abordées par Silke Dachbrodt, du Julius Kühn Institut (Allemagne) lors d'une des conférences introductives. Photo : M. Decoin

La mise en oeuvre de l'IPM (gestion intégrée des ennemis des cultures) et la réglementation dans l'Union européenne qui la concerne, ainsi que les méthodes alternatives ont été abordées par Silke Dachbrodt, du Julius Kühn Institut (Allemagne) lors d'une des conférences introductives. Photo : M. Decoin

Ces complants, dans leur manchon de protection antivertébrés, remplacent des ceps arrachés pour cause d'esca, une maladie évoquée à Lille.  Photo : M. Decoin

Ces complants, dans leur manchon de protection antivertébrés, remplacent des ceps arrachés pour cause d'esca, une maladie évoquée à Lille. Photo : M. Decoin

 Photo : M. Decoin

Photo : M. Decoin

La cinquième Conférence internationale sur les méthodes alternatives de protection des plantes, organisée par l'AFPP et la Fredon Nord-Pas-de-Calais, a rassemblé près de 400 personnes à Lille en mars dernier.

Sur la base d'un ressenti très personnel, voici les points saillants évoqués lors de la clôture de ces trois journées.

Réglementation

Du point de vue français

Dès les conférences introductives, Fanny Molin, du ministère de l'Agriculture, a souligné l'importance de la loi d'avenir, de ses différentes composantes, du cadre favorable qu'elle crée pour les moyens de protection des cultures issus du vivant.

Elle rappelle que la protection intégrée des cultures est un objectif national et européen - avec un nom en anglais européen : c'est l'IPM ou « Integrated Pest Management », littéralement « gestion intégrée des ennemis des cultures ».

Cet objectif durable nécessite encore beaucoup de recherches fondamentales et encore plus de mises en pratique responsables, soucieuses de l'équilibre économique des exploitations.

À l'échelle européenne

Par la suite, Silke Dachbrodt, du Julius Kühn Institut (Allemagne), a dressé un tableau actualisé de la mise en oeuvre de l'IPM dans les différents pays de l'UE. Il s'agit, dans tous les pays, de transposer la directive « utilisation durable » de 2009.

Comme attendu, cette mise en oeuvre comporte de nombreuses déclinaisons nationales. Mais ceci, autant qu'il m'en souvienne, était largement prévu par les rédacteurs de textes initiaux.

On peut souligner les différences, notamment dans les indicateurs choisis. Ainsi, la France est un des rares pays à avoir un objectif de baisse quantitative globale de l'utilisation des produits phyto, les autres pays privilégiant d'autres indicateurs notamment sur leurs impacts, différenciés selon les produits et circonstances.

Mais je crois important de ne pas s'y arrêter et au contraire de constater que dans le domaine de la protection intégrée, la flotille de l'Union européenne avance, et elle avance dans la même direction.

Génétique et prophylaxie

Des synthèses de référence

En matière de génétique et de mesures prophylactiques, nous avons eu des communications synthétiques de grande qualité.

Toutes concernaient les grandes cultures, notamment trois communications d'Arvalis-Institut du végétal sur la résistance des variétés de blé tendre aux maladies, la prophylaxie contre la fusariose des épis du blé(1) et la synthèse d'un essai de longue durée de gestion des adventices.

Un autre intervention, proposés par InVivo, concernait les performances des variétés de blé tolérantes aux maladies foliaires, confrontées à ces maladies(2). Toutes ces communications resteront comme des références de valeur et serviront de longues années. Merci à leur auteurs et aux présentateurs de ces travaux.

Produits de biocontrôle

Substances naturelles

Un certain nombre d'approches nouvelles ont été présentées concernant les substances naturelles. La moindre n'est pas le nouveau défanant à effet herbicide présenté en séance.

Beaucoup de solutions potentielles présentées à Lille sont issues des ressources naturelles des pays du Maghreb qui recherchent avec dynamisme des agents actifs dérivés de la flore ou de la microflore de ces régions. Cela élargit le champ des possibles et ouvre des perspectives à tous les acteurs de ce type de recherche.

Cependant, je ferai mienne la remarque de Daniel Caron qui insiste sur l'importance de pouvoir confirmer au champ les promesses entrevues au laboratoire.

Dans ce domaine, l'expérience nous a appris la prudence. Il n'est pas toujours facile d'assurer au champ la régularité de performance d'une substance naturelle. De même, il est important de vérifier la qualité des formulations et la régularité des fabrications pour mettre les utilisateurs à l'abri de déceptions coûteuses. Nous avons dans ce domaine un incontournable « devoir de réalisme ».

Mais ces recherches demeurent un préalable incontournable, et les chercheurs engagés dans ces travaux doivent être encouragés.

Micro-organismes et leurs dérivés

Nous avons vécu avec les micro-organismes une séance très dense et parfaitement intéressante.

J'ai pris un grand intérêt à ces travaux qui concernent aussi bien la fusariose du Dipladenia que la sclérotiniose du colza ainsi que la communication faite au sujet des pathogènes de la pomme de terre.

Les annonces faites sur les lipopeptides issus de micro-organismes sont porteuses d'une espérance légitime.

Quant aux présentations relatives à l'esca de la vigne, elles montrent bien que les efforts dans ce domaine ne se sont pas relâchés. Cela laisse entrevoir quelques promesses pour les vignerons inquiets devant la progression des maladies du bois.

Stimulateurs de défense des plantes

Avec les SDP (stimulateurs de défense des plantes), souvent dits SDN (stimulateurs de défenses naturelles des plantes), nous avons découvert des avancées, en particulier contre la rouille blanche du chrysanthème.

Certains pourront regretter que ce soient des SDP anciens produits par synthèse chimique qui aient montré les promesses les plus crédibles aux yeux des expérimentateurs...

Mais cela démontre aussi qu'il ne faut pas relâcher ses efforts dans un domaine difficile, inégalement cadré au plan réglementaire, où le succès ne vient qu'après de longues phases de mise au point où l'étude de la physiologie des plantes-cibles tient autant de place que la connaissance des éliciteurs eux-mêmes.

Macro-organismes

Nous avons enregistré plusieurs résultats prometteurs avec les macro-organismes. Ce secteur progresse régulièrement, au moins aussi vite que les introductions de ravageurs nouveaux, résultats de l'imprudence ou de l'inconséquence des hommes.

Je voudrais particulièrement saluer les initiatives de notre regretté collègue Bernard Blum qui s'était beaucoup investi au sujet de la lutte autocide. Merci à ceux qui poursuivent cette oeuvre de salut public qui, au-delà de la protection des plantes, contribuera à la santé des animaux et bien sûr à celle des populations concernées par le chikungunya, la dengue ou la maladie de West Nile.

Penser aux ZNA

La session consacrée aux zones non agricoles a intéressé tout le public par la qualité de ses communications. Celles-ci concernaient les forêts attaquées par la processionnaire ou soumises à des plans de régénération, ou encore les zones urbaines menacées par les processions de chenilles urticantes ou confrontées à la destruction de leurs parterres de buis.

Protection intégrée

L'étude des ravageurs prédomine

La session intégrative du troisième jour a eu le mérite de poser de bonnes questions au sujet des objectifs du plan Ecophyto. Je retiendrai quatre points importants.

Tout d'abord, les approches actuelles montrent une nette dominante « ravageurs ».

Nous nous efforçons ainsi de réduire l'emploi des insecticides, alors même que leurs quantités mises en oeuvre ne cessent de diminuer depuis vingt ans pour ne représenter que moins de 5 % des tonnages phytosanitaires à ce jour. Il y a urgence à s'attaquer à d'autres domaines, en particulier fongicides - et pour cela, soulignons les espérances entrevues lors de la session micro-organismes.

Intercultures et biologie descriptive en manque de connaissances

Ensuite, il serait souhaitable de mieux utiliser les intercultures et les plantes-pièges, voire les engrais verts à vertus insecticides ou nématicides. Que sait-on de leur potentiel pratique pour réduire l'influence des maladies et l'emploi de fongicides ? Un focus nouveau est indispensable.

Autre point, l'insuffisance de nos connaissances en biologie descriptive. Elle freine les travaux visant à mieux piloter des systèmes complexes et ne permet pas d'appréhender de manière réaliste les impacts réels de l'activité humaine sur la biodiversité, impacts dont la réduction est en fait l'objectif véritable du plan Ecophyto.

Gare aux bioagresseurs introduits

Enfin, il est nécessaire de maintenir les efforts pour lutter contre les bioagresseurs introduits. En effet, ils occasionnent plus de 30 % de la consommation phytosanitaire sur certaines cultures... et même, sur la vigne, l'utilisation de plus de 90 % des fongicides !

La majorité des nouveaux bioagresseurs introduits s'attaque aux plantes ornementales donc concerne au premier chef les horticulteurs, les jardiniers et les gestionnaires d'espaces verts. Mais une minorité de ces bioagresseurs impacte fortement l'agriculture et se traduit régulièrement par une charge supplémentaire pour les agriculteurs. Cet aspect doit interpeller très concrètement les autorités administratives et les instances européennes.

Formation, information, lutte indirecte

Pour conclure, je voudrais souligner l'importance de la formation et de la communication à des fins de vulgarisation pour mettre en oeuvre les avancées les plus pertinentes de la recherche. Elle est indispensable pour faire mûrir les esprits afin que la transition vers la protection intégrée soit réellement engagée et que la transformation des systèmes soit effectivement conduite.

Autre suggestion : il est hautement souhaitable de ne pas se focaliser systématiquement sur la lutte directe. Dans un système intégré, il convient de bien mettre en avant les mesures indirectes de protection connues afin de diminuer préventivement la pression des ravageurs, pathogènes et adventices sur les parcelles agricoles.

(1) Ce dernier exposé a été partiellement repris d'un article des mêmes auteurs (E. Gourdain & al.) dans Phytoma n° 682 de mars, p. 28 à 31.(2) Jean-Louis Bernard oublie modestement sa propre et excellente communication, intitulée « Génétique et prophylaxie : du blé Dattel aux conférences de Lille » (note de la rédaction).

Cet article fait partie du dossier

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RÉSUMÉ

CONTEXTE - La 5e Conférence internationale sur les méthodes alternatives de protection des plantes s'est tenue à Lille (Nord, France) du 11 au 13 mars 2015. Cet article en donne un écho.

SYNTHÈSE - La session « Réglementation » a abordé l'encadrement réglementaire français et européen des méthodes alternatives.

La session « Génétique et prophylaxie » concernait les maladies et les adventices en grandes cultures.

Dans la session « Substances naturelles », la présentation de produits utilisables (sur pomme de terre et vigne) a côtoyé celle de travaux de laboratoire encore éloignés de la pratique.

La session « Micro-organismes » s'est intéressée à la vigne, au colza, à la pomme de terre, au dipladenia...

Celle consacrée aux « SDP » a même surpris par ses résultats.

Dans la riche session « Macro-organismes », le volet sur la lutte autocide a particulièrement retenu l'attention.

La session « Zones non agricoles » a passionné à propos des espaces verts et des forêts.

La session « Protection intégrée » a soulevé des questions essentielles et répondu à certaines. L'intérêt des mesures indirectes est souligné.

MOTS-CLÉS - Méthodes alternatives, biocontrôle, AFPP (Association française de protection des plantes), Fredon (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles), Lille, réglementation, génétique, prophylaxie, substances naturelles, micro-organismes, SDP stimulateurs de défense des plantes, macro-organismes, protection intégrée.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *J.-L. BERNARD, Académie d'agriculture de France et AFPP, commission MPPI.

CONTACT : jlbernard.gif@orange.fr

LIEN UTILE : www.afpp.net

BIBLIOGRAPHIE : Les communications de ce colloque sont rassemblées dans les annales de celui-ci, disponibles à l'AFPP. Voir lien utile ci-dessus.

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