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DOSSIER - Zones non agricoles

En ZNA, les produits phyto continuent d'innover

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°685 - juillet 2015 - page 29

Malgré les lois prévoyant de prohiber la majorité des produits phyto dans certains espaces non agricoles, neuf nouveautés sont apparues depuis un an. Récapitulatif.
L'entretien professionnel des gazons bénéficie de deux innovations : un « doublé » de biofongicides et un fongicide conventionnel. Tous ces produits ont un spectre d'action large, incluant le dollar spot. Photo : M. Decoin

L'entretien professionnel des gazons bénéficie de deux innovations : un « doublé » de biofongicides et un fongicide conventionnel. Tous ces produits ont un spectre d'action large, incluant le dollar spot. Photo : M. Decoin

La gamme « amateurs » a accueilli un duo d'herbicides (et antimousse) Nodu vert inédits, un nouveau fongicide et des extensions d'usage pour deux insecticides jumeaux.  Photo : M. Decoin

La gamme « amateurs » a accueilli un duo d'herbicides (et antimousse) Nodu vert inédits, un nouveau fongicide et des extensions d'usage pour deux insecticides jumeaux. Photo : M. Decoin

Tableau 1 : Produits destinés aux professionnels

Tableau 1 : Produits destinés aux professionnels

Tableau 2 : Nouveautés en matière de produits EAJ (« emploi autorisé dans les jardins » = gamme « amateurs »)

Tableau 2 : Nouveautés en matière de produits EAJ (« emploi autorisé dans les jardins » = gamme « amateurs »)

Onze autorisations représentent huit nouveautés : le bilan de l'innovation en ZNA depuis un an semble plus riche que celui de l'année précédente avec ses six nouveautés. Il l'est nettement pour le jardinage amateur après deux années très calmes. Du côté des professionnels, le courant des innovations apporte six produits dont un doublé.

Pour les professionnels du gazon, côté biocontrôle

Deux produits frères

Voyons le secteur « professionnel » avec d'abord trois produits autorisés pour protéger les gazons (Tableau 1 page suivante).

Les deux premiers procèdent de la même innovation : ce sont deux formulations différentes de spores de la souche T22 de Trichoderma harzianum. Ils sont autorisés sur gazon en traitement du sol. Trianum G est formulé en granulés à appliquer directement avant semis ou lors d'une aération du sol, Trianum P est une poudre à incorporer dans l'eau puis à pulvériser.

Ces deux biofongicides, proposés par Koppert, étaient déjà autorisés pour l'horticulture ornementale et sur certaines cultures légumières. Ils ont obtenu des extensions d'usage entre autres sur gazon. Ils sont utilisables pour produire du gazon de placage (usage agricole) comme pour entretenir du gazon en place (usage non agricole).

Point important : étant d'origine biologique puisqu'à base d'un micro-organisme naturel, ils sont reconnus UAB (utilisables en agriculture biologique). De ce fait, ils font partie des produits qui resteront autorisés après le 31 décembre 2016 dans les « jardins, forêts, promenades et voiries ouverts au public » relevant des personnes publiques (mairies et collectivités territoriales), du fait de la loi Labbé amendée par la loi de transition énergétique (voir article p. 16). Ce qui ne les empêche pas d'être utilisables également pour protéger les autres gazons, tels que ceux des golfs et autres clubs sportifs.

Bon profil tox-écotox enfin reconnu

Deuxième atout, ils sont enfin estampillés « SSCL » : sans classement toxicologique ni écotoxicologique. Lors de leur lancement en 2009, ils étaient classés Xn R37 R42/43 : pouvant irriter les voies respiratoires et/ou causer des allergies respiratoires ou cutanées (sensibilisants). Un article de Phytoma (Piron, 2009) expliquait que ce classement avait été donné par défaut, tous les tests toxicologiques n'étant à l'époque « pas adaptés à l'étude des micro-organismes ». En 2014, les produits ont été reconnus, tests à l'appui, comme non irritants pour la peau et les yeux et dispensés de classement. Ces deux produits de biocontrôle sont également listés Nodu vert biocontrôle grâce à l'association de ce bon « profil tox-écotox » officialisé et de leur origine naturelle.

Troisième point intéressant : ils ont un mode d'action multiple avec notamment les compétitions spatiale et nutritionnelle et l'antagonisme direct vis-à-vis des pathogènes. Le tout est totalement inédit sur gazon.

Un large spectre d'action

Mais de quoi protègent-ils ? Chacun a deux autorisations sur gazon avec des libellés officiels consultables sur e-phy, la base de données en ligne du ministère chargé de l'Agriculture (voir le lien dans « Pour en savoir plus »). Les voici :

- « Gazons de graminées - Traitement du sol - Champignons (pythiacées) » ;

- « Gazons de graminées - Traitement du sol - Champignons autres que pythiacées) ».

Ces deux biofongicides ont donc un large spectre d'action. Il comprend notamment le dollar spot, ce qu'ont montré des expérimentations rapportées il y a un an dans Phytoma (Piron & al., 2014).

Sur gazon, rosier, arbustes...

Gazon : association inédite

Le troisième produit gazon représente la deuxième innovation. C'est un fongicide conventionnel, il n'est donc utilisable que jusqu'au 31 décembre 2016 en jardins, etc. relevant de personnes publiques et ouverts au public. Il n'est en fait pas destiné à ce type de gazons mais à ceux des golfs et autres terrains sportifs (plus la production de gazon de placage), lesquels ne sont pas touchés par les interdictions de 2017.

Quel est ce produit ? Nommé Dedicate et proposé par Bayer ES (ES comme Environnemental Science), il associe la trifloxystrobine et le tébuconazole.

La première substance est une strobilurine déjà connue en agriculture mais inédite en ZNA. C'est une innovation même s'il ne s'agit pas d'un nouveau mode d'action puisque deux autres strobilurines étaient déjà autorisées sur gazon (azoxystrobine et pyraclostrobine). Le tébuconazole, triazole déjà connu sur gazon, est pour la première fois associé à une « strob ». Deux modes d'action différents et complémentaires.

Le nouveau produit est autorisé contre toute une liste de maladies (voir Tableau 1). On y trouve l'essentiel des affections du gazon dues à des champignons.

Rosier, arbustes et arbres

L'autre nouveauté est une série d'extensions d'usage pour Scimitar Pro, produit de Syngenta à base de lambda-cyhalothrine, la pyréthrinoïde phare de cette société. Cette substance était déjà connue sur rosier et arbres et arbustes d'ornement via d'autres spécialités depuis le milieu des années 2000.

Mais elle a été autorisée début 2015 sur de nouveaux ravageurs : pucerons sur rosier et tigres sur arbres et arbustes. Dans ce dernier cas, c'est bien sûr le tigre du platane qui est visé au premier chef !

Ce produit professionnel a bénéficié d'une extension d'emploi quasiment en même temps que ses pendants dans la gamme destinée aux amateurs, nous y reviendrons.

Côté désherbage

Association inédite

Mais on sait que l'essentiel du marché phytopharmaceutique professionnel en ZNA est constitué d'herbicides. Ce secteur voit arriver deux nouveautés.

La première, Parsec, de Syngenta, associe le dicamba et le prosulfuron.

Le dicamba est un antidicotylédones connu en agriculture depuis les années 1960, et depuis les années 1970 sur gazon mais seulement associé à d'autres matières actives. Aujourd'hui, il est autorisé sur un usage inédit pour lui.

Le prosulfuron est lui aussi connu en agriculture, mais depuis moins longtemps : sa première autorisation en solo date de 2008, et celle en association des années 1990. Surtout, il était totalement inédit en ZNA, d'où l'innovation.

Le nouvel herbicide est autorisé pour deux usages de désherbage différents :

- « allées PJT (de parcs et jardins et des trottoirs), cimetières, voiries » ; ces usages seront restreints à partir du 1er janvier 2017 aux lieux qui ne relèvent pas du domaine public ou ne sont pas ouverts au public ;

- celui dit « DT », désherbage total, notamment sur sites industriels et voies ferrées, deux types d'espaces sur lesquels son autorisation perdurera après 2016.

À noter : le produit est interdit sur les « surfaces imperméables telles que bitume, béton, pavés, et dans toute autre situation où le risque de ruissellement est important ». Cette restriction est en fait désormais quasi généralisée, nous le verrons plus loin.

Biocontrôle original par son origine

L'autre nouvel herbicide, Katoun, marque déposée de Jade mais lui aussi distribué par Syngenta, est à base d'acide nonanoïque alias acide pélargonique.

Il est autorisé pour le désherbage PJT (là aussi sauf sur surfaces imperméables et, de plus, seulement d'avril à septembre inclus, c'est-à-dire à la belle saison), usage sur lequel il existe d'autres herbicides à base d'acide pélargonique. Alors, quoi de neuf ? En fait, c'est le premier produit dans lequel l'acide pélargonique est issu de végétaux. D'autre part, ses coformulants sont également d'origine « biosourcée », pour utiliser le terme en usage aujourd'hui... Tout cela fait la nouveauté du produit.

Cet herbicide listé Nodu vert biocontrôle a donc toutes les chances de figurer sur la « liste des produits de biocontrôle établie par l'autorité administrative » qui échapperont aux restrictions le 1er janvier 2017.

Concernant les amateurs

Doublé herbicide Nodu vert

La première innovation pour les amateurs est herbicide : c'est le lancement de deux produits de Bayer ES-AJ (Environmental Science - Activité Jardin), nommés Herbiclean Allées et Herbiclean Jardin. Tous deux sont à base d'un mélange d'acide caprylique et d'acide caprique. Ces acides se trouvant dans la nature, les deux produits sont listés Nodu vert (Tableau 2).

La différence ? Elle tient aux usages sur lesquels chacun est autorisé. Le premier, son nom le suggère, est destiné aux allées : destruction des mousses et algues et désherbage PJT (le libellé administratif de l'usage autorisé est « désherbage PJT cimetières et voiries », mais il s'agit bien des allées de jardins et autres espaces entretenus par des jardiniers amateurs, jardinant pour eux-mêmes et non titulaires de Certiphyto).

Le second désherbe les surfaces à végétaliser avant plantation et les végétaux en place, comme les rosiers, les arbres et arbustes d'ornement et également les cultures fruitières. Il détruit aussi les mousses, algues et lichens sur l'écorce des arbres.

Tébuco en solo

La deuxième innovation, le fongicide Horizon Jardin, proposé lui aussi par Bayer ES - AV, est à base de tébuconazole. Ce triazole largement utilisé en agriculture était déjà connu dans des produits EAJ, mais jusqu'ici seulement associé à d'autres matières actives.

Le nouveau produit est autorisé sur rosier, cultures florales et plantes vertes, arbres et arbustes, ainsi que sur trois légumes : tomate et, plus rares en jardin d'amateur, poivron (sous serre seulement) et melon, contre diverses maladies (oïdiums, rouilles, etc., voir Tableau 2 ; selon le fabricant, il agirait aussi contre le dépérissement du buis).

Le produit a obtenu son AMM (autorisation de mise sur le marché) au printemps 2015, après une consultation publique expirant le 19 mars. De type conventionnel, il ne sera donc utilisable que jusqu'en 2021. Ainsi, le fabricant a moins de sept ans pour obtenir le retour sur un investissement entamé depuis probablement une dizaine d'années.

Doublé contre pucerons

Vient ensuite un doublé d'extensions d'usage pour deux produits à base de lambda-cyhalothrine. C'est le pendant, pour le marché jardin, de celle de Scimitar Pro obtenue pour le marché professionnel et citée plus haut. Les deux produits concernés, nommés Axiendo et Axiendo Easy, sont eux aussi des marques de Syngenta mais ils sont distribués par Compo France (Tableau 2).

Parmi ces nouveaux usages, certains, notamment les pucerons sur rosier et les tigres sur arbres et arbustes, sont inédits pour la lambda-cyhalothrine en jardin d'amateur.

Un secteur actif... et demain ?

Avec cinq autorisations représentant trois innovations, le marché amateur bouge davantage que les précédentes années (aucune véritable innovation à notre connaissance de juin 2013 à mai 2014, une seule de juin 2012 à mai 213, voir Decoin 2013 et 2014).

Comme pour le marché professionnel, les innovations de type biocontrôle sont bien représentées, une tendance qui existe depuis plusieurs années. Demain, le flux des innovations « vertes » va-t-il remplacer celui des conventionnelles ? Surtout, suffira-t-il pour compenser à temps les effets de leur prohibition ? À suivre.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Onze autorisations, soit, compte tenu des doublés, huit innovations, ont été autorisées pour la protection des végétaux en ZNA depuis un an.

POUR LES PROFESSIONNELS - Cinq innovations intéressent les professionnels. Ce sont :

- le micro-organisme Trichoderma harzianum souche T22, dans deux biofongicides pour gazon ;

- un fongicide associant la trifloxystrobine (inédite en ZNA) au tébuconazole sur gazon ;

- un insecticide à base de lambda-cyhalothrine connu en ZNA sur des usages inédits ;

- deux herbicides PJT, l'un associant le prosulfuron (inédit en ZNA) au dicamba, l'autre à base d'acide pélargonique d'origine naturelle et reconnu de biocontrôle.

POUR LES AMATEURS - Trois innovations intéressent les amateurs (produits EAJ). Ce sont :

- une association d'acide caprylique et d'acide caprique (substances totalement inédites) dans deux herbicides de biocontrôle ;

- un fongicide au tébuconazole seul (inédit sur ces usages) ;

- la lambda-cyhalothrine pour des usages inédits (les mêmes que pour le marché professionnel) dans deux produits frères.

MOTS-CLÉS - ZNA (zones non agricoles), produits phytopharmaceutiques, produits phyto, EAJ (emploi autorisé dans les jardins), produits conventionnels, biocontrôle, professionnels, amateurs, innovation.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : liste des intrants UAB (utilisables en agriculture biologique) : www.itab.asso.fr/downloads/com-intrants/guide_intrants_v7.pdf

htpp://e-phy.agriculture.gouv.fr/

BIBLIOGRAPHIE : - M. Decoin (2013). Nouveautés phytos, les huit et leur parcours. Phytoma n° 665, juin-juillet 2014, p. 36 à 40.

- M. Decoin (2014). Produits phyto en espaces verts et jardins : préparer demain. Phytoma n° 675, juin-juillet 2014, p. 28 à 32.

- M. Piron (2009). Qu'est-ce que Trichoderma harzianum souche T22. Phytoma n° 629, décembre 2009, p. 45 à 48.

- M. Piron, E. Lascaux et O. Dours (2014). Biofongicide contre dollar spot sur gazon : extension attendue, Phytoma n° 675, juin-juillet 2014, p. 23 à 27.

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