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La cécidomyie équestre : quelle nuisibilité sur le blé ?

FLORENCE CENSIER*, SANDRINE CHAVALLE**, G. SAN MARTIN Y GOMEZ**, DANIEL WITTOUCK***, MICHEL DE PROFT** ET B. BODSON*, D'APRÈS LEUR COMMUNICATION LORS DE LA DIXIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS ET AUXILIAIRES EN AGRICULTURE DE L'AFPP, À MONT - Phytoma - n°685 - juillet 2015 - page 44

Une équipe belge a évalué la nuisibilité de la cécidomyie Haplodiplosis marginata et en tire des conseils pour la protection du blé tendre d'hiver. Le tout est valable en France aussi !
Ci-dessus, adulte de cécidomyie équestre. Photo : F. Censier

Ci-dessus, adulte de cécidomyie équestre. Photo : F. Censier

Le qualificatif « équestre » donné à ce moucheron vient des galles en forme de selle de cheval qu'il occasionne sur les tiges de blé. Photo : F. Censier

Le qualificatif « équestre » donné à ce moucheron vient des galles en forme de selle de cheval qu'il occasionne sur les tiges de blé. Photo : F. Censier

À Blankenberge, sur le site de l'essai effectué en 2013. Ce site, comme celui de Veurne où a été conduit l'essai de 2012, s'était révélé être fortement infesté par la cécidomyie équestre. Photo : F. Censier

À Blankenberge, sur le site de l'essai effectué en 2013. Ce site, comme celui de Veurne où a été conduit l'essai de 2012, s'était révélé être fortement infesté par la cécidomyie équestre. Photo : F. Censier

À Veurne, le 10 mai 2012, sur une parcelle traitée le 4 mai, le sol détrempé est parsemé de larves de cécidomyies qui étaient prêtes à la nymphose mais ont été atteintes par l'insecticide tombé à terre.  Photo : F. Censier

À Veurne, le 10 mai 2012, sur une parcelle traitée le 4 mai, le sol détrempé est parsemé de larves de cécidomyies qui étaient prêtes à la nymphose mais ont été atteintes par l'insecticide tombé à terre. Photo : F. Censier

Tableau 1 : Description des modalités de traitement en 2012 et 2013

Tableau 1 : Description des modalités de traitement en 2012 et 2013

Depuis 2010, la cécidomyie équestre, Haplodiplosis marginata (von Roser, 1840), connaît une recrudescence en Belgique, en Angleterre et aussi, de façon inaperçue mais souvent nuisible, en France et dans d'autres pays européens tels que les Pays-Bas (Censier et al., 2012 ; Dewar, 2012). Mais quelle est, au juste, sa nuisibilité ?

Ce qu'il faut savoir sur la cécidomyie

Un « moucheron » presque ignoré

La cécidomyie équestre est un petit diptère (« moucheron ») de la famille des Cecidomyiidae. Elle se développe aux dépens des céréales, à l'exception de l'avoine, rarement touchée. Le blé tendre est la culture la plus sensible (Nijveldt et Hulshoff, 1968 ; Golightly, 1979 ; Skuhravý et al., 1983).

Cette espèce, ravageur majeur en Europe centrale, s'était faite discrète en Europe de l'Ouest (Skuhravá, 2000).

Ainsi, en Belgique, la dernière pullulation connue remontait au milieu des années 1960, puis l'insecte n'avait plus été détecté pendant près de quarante ans (De Clercq et D'Herde, 1972 ; Skuhravý et al., 1983). Il aurait presque été oublié... Jusqu'à sa récente recrudescence.

Un cycle, des galles et des dégâts

Haplodiplosis marginata est une espèce univoltine, c'est-à-dire que son cycle de vie comporte une génération par an. Les adultes émergent en général au cours de la montaison des plantes, entre mi-avril et fin juin. Le plus souvent, ils ne vivent pas plus de cinq jours.

Les femelles pondent des chapelets d'oeufs sur les plus jeunes feuilles. Après l'éclosion, les larves migrent et vont se loger sous la gaine pour s'alimenter au détriment des tiges et induire la formation de galles de 5 à 10 mm en forme de selle - d'où le nom de cécidomyie « équestre ». Au stade L3, les larves quittent les tiges à la faveur de pluies, en général entre la mi-juin et la mi-juillet. Elles s'enfouissent dans le sol pour y passer l'hiver. Au printemps suivant, elles remontent à la surface pour la nymphose (Nijveldt et Hulshoff, 1968 ; De Clercq et D'Herde, 1972 ; Skuhravý et al., 1993).

Les femelles pondant préférentiellement sur les feuilles les plus jeunes, la localisation des dégâts sur les tiges reflète la phénologie des vols. Lors de vols précoces, les oeufs sont pondus sur les feuilles inférieures de la plante et les larves engendrent des galles sur les entre-noeuds inférieurs. Les vols plus tardifs induisent des galles sur les entre-noeuds supérieurs (Barnes, 1956).

Une nuisibilité variable mais notable

Selon le moment et l'intensité de l'attaque, la formation de ces galles peut engendrer une diminution de la longueur de l'épi, du nombre de grains et de leur qualité, voire inhiber la formation de l'épi dans des cas extrêmes (Nijveldt et Hulshoff, 1968 ; De Clercq et D'Herde, 1972 ; Golightly, 1979). De plus, la présence des galles favorise le développement de pathogènes (champignons, bactéries) et le bris des tiges, ce qui accroît les pertes de rendement (Nijveldt et Hulshoff, 1968 ; De Clercq et D'Herde, 1972).

Durant les années 1960-70, des études de la nuisibilité de la cécidomyie équestre ont montré son impact très variable sur le blé tendre d'hiver. Pour des niveaux d'infestation de 1 à 10 galles par tige, Rácz (1973) a mesuré une diminution du poids des grains par épi de 38 %, et De Clercq et D'Herde (1972) ont évalué une perte de rendement de 12 à 15 %. De fortes attaques d'H. marginata pouvant donc provoquer des pertes sévères de rendement, il est utile de développer une méthode de lutte adaptée.

Cette étude vise à évaluer la nuisibilité de la cécidomyie équestre pour des variétés contemporaines de blé tendre d'hiver conduites selon les pratiques culturales actuelles. Il s'agit aussi de déterminer comment protéger au mieux la culture en fonction du déroulement des vols, à l'aide d'insecticide, si l'on se trouve confronté à de fortes infestations d'H. marginata.

Travail réalisé jusqu'aux récoltes

Deux sites de 44 parcelles chacun pour tester six modalités

Deux essais ont été conduits en 2012 et 2013 en Belgique, respectivement à Veurne (51°4,18' N ; 2°43,25' E) et à Blankenberge (51°17,5' N ; 3°08,9' E), sites de polders côtiers, à sols argileux et charge céréalière élevée. Ces tests ont eu lieu dans des champs de blé tendre d'hiver (variétés Carenius en 2012 et Henrik en 2013) fortement infestés par H. marginata.

Pour chaque essai, le dispositif expérimental comprenait 44 parcelles, de 30 m² (3 m × 10 m) et 19,5 m² (3 m × 6,5 m), respectivement en 2012 et 2013. Six modalités ont été comparées selon un dispositif à quatre répétitions, avec vingt témoins systématiques non traités répartis au sein des blocs. Les données météorologiques des deux sites ont été enregistrées à partir d'un pluviomètre relevé quotidiennement et d'une ThermoPuce (Waranet Solutions SAS, Auch, France) placée à 1 mètre du sol.

Suivi des vols d'H. marginata

En 2012 comme en 2013, le suivi des vols d'H. marginata a été réalisé afin de déterminer le moment adéquat pour effectuer les traitements insecticides. Pour cela, trois pièges à noyade distants de 30 m ont été placés dans trois parcelles témoins.

Ces pièges étaient constitués de cuvettes jaunes Flora (Signe Nature, La Chapelle-d'Armentières, France) fixées sur une tige en fibre de verre à 0,2 m du sol. Les cuvettes contenaient 1 l d'eau savonneuse renouvelée régulièrement. Les insectes capturés ont été récoltés quotidiennement, du 19 avril au 22 juin 2012 et du 29 avril au 10 juillet 2013. Les adultes d'H. marginata ont été identifiés, sexés et comptés.

Protection insecticide

Pour les deux expérimentations, le Karaté Zéon (lambda-cyhalothrine 100 g/l) a été utilisé. L'efficacité de ce pyréthrinoïde contre H. marginata avait été démontrée lors d'essais antérieurs (Popov et al., 1998 ; Censier et al., 2012). Il a été appliqué, soit par applications uniques échelonnées au cours du temps, soit en quatre applications successives (Tableau 1). Le témoin a été pulvérisé avec de l'eau.

Chaque année, le premier traitement insecticide a été effectué quelques jours après le premier pic de captures, soit respectivement le 4 mai 2012 et le 22 mai 2013. Les applications suivantes ont été réalisées à intervalles d'environ 10 jours en 2012 et de 14 jours en 2013 afin de couvrir toute la période de vols. Les pulvérisations ont été effectuées à l'aide d'un pulvérisateur à dos équipé d'une rampe de 3 m, et à un litrage équivalent à 200 l de bouillie/ha.

Évaluation de l'infestation par H. marginata

Les niveaux de dégâts ont été mesurés en prélevant de manière aléatoire 30 tiges au sein de chaque parcelle, après la fin de la phase d'alimentation des larves, respectivement le 10 juillet 2012 et le 31 juillet 2013. Ces tiges ont ensuite été défeuillées, et les galles présentes sur chaque entre-noeud ont été dénombrées.

Travail réalisé sur le blé récolté

Mesure des rendements

Les parcelles d'essai ont été récoltées à l'aide d'une moissonneuse-batteuse expérimentale équipée d'une barre de coupe de 3 m, respectivement le 11 août 2012 et le 29 août 2013. La récolte de chaque parcelle a été pesée immédiatement sur le champ, et un échantillon de 1 kg de grains a été ensaché pour en mesurer l'humidité. Le rendement a été exprimé en kg de grains/ha, ramené à 15 % d'humidité.

Analyses statistiques

La communication exposée à la Ciraa détaille les analyses statistiques. À noter : les données concernant les niveaux de dégâts et les rendements ne sont pas les valeurs observées mais celles estimées par le modèle statistique après prise en compte de l'effet bloc. Ceci a permis de mettre en évidence les variations dues à d'autres facteurs que cet effet bloc.

Résultats

Suivi des vols et localisation des dégâts

Les patrons de vol peuvent varier très fortement d'une année à l'autre selon les conditions météorologiques (Figure 1).

En 2012, les vols ont été très étalés avec d'abondantes captures d'H. marginata : les premières le 25 avril, les dernières le 19 juin (n = 3051). Les captures les plus abondantes (61 %) ont eu lieu après la montaison, entre le 1er et le 9 juin. Les vols les plus intenses apparaissant après la montaison, c'est logiquement sur les entre-noeuds supérieurs que se sont distribuées les galles : respectivement 40 %, 59 % et 1 % pour les entre-noeuds 1 (le plus haut), 2 et 3.

En 2013, les vols ont été plus tardifs et moins abondants, et les adultes d'H. marginata ont été capturés du 10 mai au 27 juin (n = 89). Bien que des dégâts aient été localisés sur les quatre entre-noeuds supérieurs des tiges, les galles ont été dénombrées en grande majorité sur le premier entre-noeud, avec en moyenne près de 80 % des galles sur celui-ci pour les tiges des parcelles témoins. Il semble donc que les émergences abondantes des 19 et 20 mai avant la montaison des céréales, qui ont constitué le principal pic de captures de la saison, n'aient induit que très peu de dégâts : moins de 1 % des galles observées sur les deux entre-noeuds inférieurs. Cela s'explique vraisemblablement par l'orage intense survenu juste après ce pic de vol (12,2 mm le 20 mai) (Figure 1) : il aurait décroché les oeufs des feuilles et tué les adultes présents.

Ainsi, en 2012 comme 2013, seules les émergences tardives semblent avoir induit des dégâts importants.

Efficacité des traitements insecticides

En 2012 et 2013, la comparaison des niveaux de dégâts a montré des différences très hautement significatives entre les modalités (2012 : &#935;² = 83,49 ; dl = 5 ; p < 0,0001*** ; 2013 : &#935;² = 56,26 ; dl = 5 ; p < 0,0001***) (Figure 2).

En 2012, les traitements sont significativement différents du témoin (560 galles/100 tiges), sauf le plus tardif (Trait. D : moyenne de 490 galles/100 tiges). Sur les modalités à traitement unique, plus celui-ci est précoce, plus il réduit le nombre de galles. L'efficacité du traitement à quatre applications successives est du même niveau que l'application unique la plus précoce : baisses respectives de 99 % et 95 % du nombre de galles.

Fait inédit, un grand nombre de larves intoxiquées ont été observées sur le sol des parcelles traitées peu après le premier traitement (photo). Le 10 mai, ces larves ont été comptées dans quatre parcelles témoins et quatre traitées, à raison de six comptages sur une fenêtre de 1 dm² par parcelle : trois sur sol à végétation dense et trois sur sol à faible végétation (défauts de levée, traces de passage du tracteur). En moyenne, 0,4 ± 0,65 larves/dm² étaient visibles sur les témoins et 26 ± 27,0 larves/dm² sur les parcelles traitées ; celles-ci comportaient plus de larves en zones à faible couvert (moyenne 36 ± 35,0 larves/dm²) que sous végétation dense (15 ± 6,8 larves/dm²). Les écarts-types élevés s'expliquent par la variabilité d'infestation et le petit nombre de comptages.

En 2013, seuls les traitements B, C et 4X sont significativement différents du témoin (dont le niveau de dégâts moyen atteignait 875 galles/100 tiges) avec des efficacités respectives de 85 %, 70 % et 97 %.

Nuisibilité d'H. marginata et effet des traitements sur le rendement

L'analyse du rendement moyen estimé révèle des différences très hautement significatives entre modalités, en 2012 (&#935;² = 23,88 ; dl = 5 ; p = 0,0002***) et 2013 (&#935;² = 47,21 ; dl = 5 ; p < 0,0001***) (Figure 3). Pour les deux années, il existe une corrélation étroite entre niveau de dégâts et rendement : plus le nombre de galles par 100 tiges est élevé et plus la perte de rendement estimée est importante.

En 2012, le rendement moyen du témoin est estimé à 9 905 kg/ha (99,05 q/ha). Les traitements A et 4X diffèrent significativement du témoin avec des gains moyens de 420 kg (4,2 q/)ha et 620 kg(6,2 q)/ha).

En 2013, l'impact des traitements est encore meilleur. Pour toutes les modalités traitées, les rendements moyens sont significativement plus élevés que pour le témoin dont le rendement moyen est 9 700 kg(97 q)/ha). Les gains moyens vont de 865 à 1 690 kg/ha (8,65 à 16,9 q/ha), soit de 8,9 % à 17,4 %.

Des enseignements utiles

Le niveau de captures ne préjuge pas de celui des dégâts

Les niveaux de captures des adultes d'H. marginata ne sont pas toujours représentatifs de l'intensité de l'attaque ni de la localisation des galles. Ils ne permettent donc pas de prédire les dommages sur la culture. Ainsi, proportionnellement aux niveaux de dégâts notés en parcelles témoins, 50 fois moins d'insectes ont été piégés par cuvette en 2013 par rapport à 2012, alors que les dégâts les plus forts en parcelles témoins ont été observés en 2013.

Rôle des intempéries

Ce paradoxe pourrait s'expliquer par une influence majeure des conditions climatiques sur l'insecte : les oeufs pourraient se décrocher des feuilles sous l'effet du vent et des pluies. Les nymphes présentes au ras du sol et les adultes pourraient eux aussi être sensibles à l'action destructrice de pluies battantes. Ainsi, en 2013, le pic de vol juste avant l'orage du 20 mai n'a pas donné lieu à des galles sur les entre-noeuds existant à l'époque, alors que les vols du 20 au 30 juin, bien moins intenses, ont entraîné d'importants dégâts sur les entre-noeuds supérieurs.

De même, en 2012, les pluies régulières et abondantes pourraient avoir eu un impact sur l'émergence des adultes, les pontes et la maturation des oeufs.

Effet réel mais variable des insecticides

L'efficacité des traitements à base de lambda-cyhalothrine sur les attaques d'H. marginata a été très variable selon les dates de traitement et l'année.

En 2013, les traitements B et C ont protégé efficacement la culture : ils ont été effectués durant la période où les vols ont été les plus dommageables, c'est-à-dire entre le 5 et le 30 juin. À l'inverse, le traitement D n'a pas eu d'effet significatif : il a été réalisé six jours après le dernier vol, les larves étant déjà en grande majorité protégées sous les gaines foliaires.

Ce résultat montre qu'il faut réaliser les traitements dans les jours suivant un pic de vol pour qu'ils ciblent les adultes présents et surtout les oeufs et les jeunes larves migrant vers leur site d'alimentation. Ceci confirme des essais antérieurs (De Clercq et D'Herde, 1972 ; Mölck, 2007 ; Censier et al., 2012).

Ainsi, le suivi des vols permet non de prévoir l'intensité de futurs dégâts, mais de déterminer le moment où il faut, ou non, effectuer un traitement.

En 2012, ce sont les vols observés entre le 1er et le 9 juin qui ont engendré le plus de dégâts sur les témoins. Ils sont probablement le fait d'insectes nymphosés peu après la « date A ». Sur les parcelles traitées à cette « date A », les larves intoxiquées par la lambda-cychalothrine n'auraient pas généré de vol début juin.

Surprise : l'insecticide tombé au sol aurait son utilité

Cette hypothèse est appuyée par le très faible nombre de galles observées sur les entre-noeuds supérieurs dans ces modalités (Trait. A et Trait. 4X).

En effet, lors du premier traitement, la végétation étant peu dense, une partie de la bouillie aurait atteint le sol. La terre étant humectée après les précipitations, l'insecticide aurait atteint les larves situées dans le ou les premiers centimètres juste avant leur nymphose. Il les aurait alors « excitées » et fait apparaître en surface. Il aurait eu des effets létaux sur ces larves, ce qui aurait empêché la nymphose ou l'émergence d'adultes, voire des effets sublétaux sur les adultes issus des larves mais devenus incapables d'engendrer une génération viable.

Cet effet s'atténue au fil des applications, le taux d'interception de la bouillie par la végétation passant de 50 % à 90 % (Van Beinum et Beulke, 2009) entre le 4 mai (Trait. A, stade 32) et le 5 juin (Trait. D, stade 58).

Nombre de traitements

S'il est crucial de déterminer le moment adéquat d'un traitement insecticide, il est nécessaire de savoir combien de traitements il faut réaliser.

En cas de pic de vol unique, un seul traitement dans de bonnes conditions climatiques suffit à protéger le blé. Ainsi, en 2013, le traitement quadruple n'a pas été significativement plus efficace que les traitements uniques (B et C) bien synchronisés avec les pics de vol dommageables. Mölck (2007) avait déjà montré que des pertes significatives de rendement peuvent être évitées à l'aide d'un seul traitement.

En revanche, face à des vols étalés, un seul traitement ne suffira pas et il faut alors en effectuer plusieurs (Rijsten, 1967 ; Popov et al., 1998 ; Censier et al., 2012).

Inutile de traiter juste avant la pluie

De bonnes conditions météorologiques sont déterminantes pour la réussite d'un traitement. Leur absence peut le rendre inutile. C'est le cas de la dernière application de 2012 (Trait. D) : bien que synchronisée avec des captures abondantes, elle a été inefficace car effectuée juste avant de fortes pluies.

Action sur le rendement démontrée

Les traitements insecticides bien ciblés ont conduit à des augmentations significatives de rendement, en 2012 comme en 2013.

Par ailleurs, une corrélation claire entre les dégâts et le rendement a été révélée : moins les tiges ont été touchées, plus le rendement était élevé. Les pertes de rendement des témoins sont attribuables à H. marginata et aucun autre ravageur. En effet, en Belgique, les années 2012 et 2013 ont été marquées par de très faibles niveaux de populations de pucerons, thrips et criocères (Chavalle et al., 2013 ; Chavalle et al., 2014). La cécidomyie orange Sitodiplosis mosellana (Géhin) était présente, mais les vols sur les sites ont été très faibles en 2012, et en 2013 ils n'ont pas coïncidé avec la phase sensible du blé (Chavalle, non publié).

La cécidomyie équestre est un insecte très discret aux dégâts souvent sous-estimés. Nos essais ont montré son impact significatif sur le rendement et sa forte nuisibilité lors de fortes infestations comme en 2013 (1/6e de la récolte détruite, près de 2 t/ha).

Rôle du choix variétal et de la localisation des galles

Cependant, pour un même niveau d'infestation, l'impact des attaques et des galles peut varier.

Le choix variétal a probablement un rôle : des études antérieures ont révélé des niveaux de sensibilité variétale significativement différents (Nijveldt et Hulshoff, 1968 ; Golightly et Woodville, 1974).

L'impact du ravageur est également déterminé par la localisation des dégâts sur la plante, elle-même influencée par le déroulement des vols, les conditions environnementales et des facteurs culturaux type date de semis. En effet, plus le stade phénologique des céréales est précoce lors de l'attaque et plus celle-ci est dommageable (Nijveldt et Hulshoff, 1968 ; De Clercq et D'Herde, 1972 ; Bardner et Fletcher, 1974).

Un moucheron à suivre

Le plus souvent, les attaques d'H. marginata sont discrètes et passent inaperçues, mais ce ravageur peut pourtant être nuisible en cas de fortes infestations et engendrer des pertes significatives.

Les traitements insecticides sont efficaces et utiles si effectués dans les jours suivant un pic de vol et en conditions favorables à la ponte et au développement des oeufs. De ce fait, il faut réaliser un suivi des vols précis pour évaluer au mieux les populations et déterminer la pertinence et le moment idéal du ou des traitements. À cette fin, il serait utile de développer un piège spécifique à H. marginata, et d'établir le seuil de captures à partir duquel le ravageur représente un risque pour la culture.

Nos travaux ont également permis de mettre en évidence les effets d'un traitement insecticide réalisé tôt au printemps sur les larves se trouvant à la surface du sol avant d'entamer leur nymphose.

Fig. 1 : Des vols variables suivant l'année

Pourcentage d'adultes d'H. marginata capturés en 2012 et 2013 dans les champs d'essai, avec données météorologiques et stade phénologique de la culture lors de chaque traitement (Zadoks et al., 1974).

Fig. 2 : Efficacité des traitements : importance de la date

Nombre moyen estimé de galles par 100 tiges (± erreur standard) en fonction des différentes modalités de traitement en 2012 (date A le 4 mai) et 2013 (date A le 22 mai). Les valeurs portant au moins un indice commun ne sont pas significativement différentes selon les tests de Tukey (&#945; = 0,05).

Fig. 3 : Un seul traitement améliore le rendement

Rendement moyen estimé en kg/ha (± erreur standard) en fonction des différentes modalités en 2012 et 2013. Valeurs avec au moins un indice commun = non significativement différentes selon tests de Tukey (&#945; = 0,05).

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient les équipes techniques du Centre wallon de recherches agronomiques et d'Inagro pour leur aide dans la mise en oeuvre des expérimentations. Nous remercions également M. Huyghe et H. Desmidt pour nous avoir permis de réaliser les essais au champ. Le doctorat de F. Censier est financé par les fonds pour la formation à la recherche dans l'industrie et l'agriculture. S. Chavalle remercie la Région wallonne (DGARNE) pour son soutien financier.

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RÉSUMÉ

CONTEXTE - Depuis quelques années, la cécidomyie équestre, Haplodiplosis marginata (von Roser), connaît une recrudescence dans plusieurs pays d'Europe et inflige quelquefois de sévères dégâts aux céréales.

TRAVAIL - Des essais ont été menés dans des champs fortement infestés afin d'évaluer la nuisibilité du ravageur envers le blé tendre d'hiver.

À cette fin, des schémas de protection comprenant une à quatre applications successives de lambda-cyhalothrine ont permis de faire varier la fenêtre d'exposition de la culture aux attaques de l'insecte.

RÉSULTATS - L'impact du ravageur sur le rendement s'est avéré important et étroitement corrélé au nombre de galles induites sur les tiges.

Ces essais ont aussi montré l'importance de la synchronisation entre l'application d'un traitement et le déroulement des vols pour obtenir une bonne efficacité.

Enfin, ils ont révélé que dans certaines situations, l'insecticide appliqué lors des tout premiers vols pouvait atteindre les larves encore présentes dans le sol.

MOTS-CLÉS - Céréales, blé tendre d'hiver, diptère, Cecidomyiidae, Haplodiplosis marginata, traitement insecticide, galles, pertes de rendement.

SUMMARY

IMPACT OF THE SADDLE GALL MIDGE, HAPLODIPLOSIS MARGINATA (VON ROSER) AND PROTECTION OF WINTER WHEAT

ABSTRACT - These last years, the resurgence of the saddle gall midge, Haplodiplosis marginata (von Roser), has been observed in several European countries and this pest has sometimes inflicted severe damage in cereals.

Trials were conducted in heavily infested fields to assess its nuisibility to winter wheat crops. For this purpose, protection schemes including one to four successive applications of lambdacyhalothrin allowed to vary the exposure period of wheat to the saddle gall midge.

The impact of the pest on yield was substantial and closely correlated to the number of galls induced on stems. These trials also showed the importance to synchronize insecticide sprayings with flights to obtain a good efficacy. Eventually they revealed that applying insecticide at the moment of first flights could in some cases reach the larvae still present in the soil.

KEYWORDS - Cereals, wheat, diptera, Cecidomyiidae, Haplodiplosis marginata, insecticide treatment, galls, yield losses.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *F. CENSIER, *B. BODSON, Unité de phytotechnie des régions tempérées, Gembloux Agro-Bio Tech, université de Liège, passage des Déportés 2, B-5030 Gembloux, Belgique.

**S. CHAVALLE, **G. SAN MARTIN Y GOMEZ, **M. DE PROFT, Unité de protection des plantes et écotoxicologie, Département Sciences du vivant, Centre wallon de recherches agronomiques, bâtiment Balachowsky, Chemin de Liroux 2, B-5030 Gembloux, Belgique.

***D. WITTOUCK, Agriculture Department, Inagro vzw, Ieperseweg 87, B-8800 Rumbeke-Beitem, Belgique.

CONTACTS : florence.censier@ulg.ac.be

b.bodson@ulg.ac.be

deproft@cra.wallonie.be

LIEN UTILE : www.afpp.net

BIBLIOGRAPHIE : La bibliographie de cet article (21 références) est disponible auprès de ses auteurs (contacts ci-contre) et dans les annales de la 10e Ciraa de l'AFPP (lien ci-dessus).

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