Retour

imprimer l'article Imprimer

Sur le métier

Marie Lescop veille sur la qualité sanitaire des grains et fruits secs

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°686 - août 2015 - page 48

Responsable de la sécurité sanitaire chez NutriXo, numéro un de la meunerie en France, Marie Lescop est chargée d'évaluer les dangers et les risques en termes de contaminants, principalement au niveau des matières premières entrant dans les usines. Les mycotoxines et les résidus de pesticides en font partie. Parmi les deux mille matrices surveillées, le blé et les fruits secs et à coque sont les plus analysés.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Si au départ, Marie Lescop, responsable sécurité sanitaire chez NutriXo, s'est concentrée sur le risque microbiologique, son champ d'action s'est élargi en 1998 aux mycotoxines, et ensuite à d'autres contaminants chimiques comme les résidus de pesticides. Parallèlement, son rayon d'action évolue, en même temps que l'entreprise. NutriXo est en effet né en 2001 de la réunion des activités meunerie de quatre structures (dont GMP où elle a débuté) et des activités boulangerie-viennoiserie-pâtisserie (BVP) et traiteur de Délifrance. C'est aujourd'hui le premier meunier français : il transforme environ 1 million de tonnes de blé tendre par an. Mais le groupe utilise d'autres matières premières, pas moins de deux mille, que Marie Lescop doit aussi surveiller !

Avec l'aide d'une petite équipe basée à Verneuil-l'Étang (Seine-et-Marne), elle réalise les analyses microbiologiques et mycotoxines sur ce site. Les autres contaminants chimiques sont traités par un laboratoire prestataire.

Trois cents résidus sur blé

« En matière de résidus de pesticides, pour les blés, nous ciblons les matières actives autorisées dans les pays de production. Pour ceux provenant des pays tiers, le screening est plus large que pour ceux d'origine européenne afin de surveiller des produits autorisés dans ces pays mais pas chez nous. Actuellement, nous en recherchons environ trois cents. Sur les fruits secs, ce nombre est bien plus important car beaucoup viennent de pays tiers. »

Pour orienter ses screenings, Marie Lescop se base sur le système européen d'alerte rapide pour les denrées alimentaires (RASFF) et sur les plans de surveillance de la DGAL et de la DGCCRF(1). Les farines sont également analysées mais avec un screening allégé : « Si la matière première est conforme, normalement la farine le sera. »

Résultats dans les normes

Les résidus ne sont pas analysés sur chaque lot de matières premières entrant dans les usines, mais selon un plan de surveillance défini chaque année par chaque usine en fonction notamment des résultats d'analyse de l'année précédente et des changements de réglementation que compile Marie Lescop.

Au final, trois cents analyses de résidus, chacune étant souvent multirésidu, sont réalisées en moyenne par an. L'objectif est de vérifier que les résultats sont en dessous des normes réglementaires ou des limites encore plus basses pour le blé cultivé sous référentiel label rouge, CRC(2), ou encore celui utilisé pour l'alimentation infantile.

« On retrouve principalement des insecticides et un peu de régulateurs. Même si les quantités détectées sont inférieures à la réglementation, c'est un sujet qui nous préoccupe car nous avons beaucoup de questions de la part de nos clients et de nos consommateurs. Ils ont du mal à comprendre que leur présence à ces doses n'a pas d'incidence pour leur santé. »

Analyses de plusieurs mycotoxines différentes

Côté mycotoxines, le DON (déoxynivalénol) est la plus surveillée sur le blé. S'y ajoutent la T2 et la zéaralénone.

« Avant la récolte, nous échangeons avec nos fournisseurs pour cerner les zones à risque. Puis, dès la récolte, les usines récupèrent des échantillons de leurs fournisseurs que nous analysons avec des kits Elisa. »

En deux mois, au moins mille échantillons sont scrutés ; cela peut aller jusqu'à deux mille, voire plus selon les années.

« Si un échantillon révèle une teneur plus élevée que la normale, nous affinons en en prélevant d'autres sur la zone concernée. »

Sur les fruits, notamment les fruits à coque, les analyses se focalisent sur les mycotoxines de stockage : ochratoxine A (OTA) et aflatoxine. Elles sont réalisées tout au long de l'année de façon aléatoire, sauf si la matière première provient d'un pays tiers à conditions et pratiques de stockage différentes de la France.

Toutes matrices confondues, chaque année environ trois mille analyses de mycotoxines sont réalisées ; cela peut monter à sept mille les années favorables au DON.

Qu'arrive-t-il si un lot dépasse une teneur réglementaire ?

« Comme les blés sont analysés avant réception du lot, nous ne réceptionnons jamais de lots contaminés. Sur fruits secs et à coque importés, les dépassements sont rares car les pouvoirs publics réalisent d'importants contrôles aux frontières pour ne pas laisser entrer de lots contaminés. Si cela devait arriver, nous refuserions le lot. »

Rongeurs et insectes

De plus, Marie Lescop évalue la qualité du transport pour éviter les contaminations croisées et gère les plans de lutte contre les rongeurs et insectes.

« Pour les locaux et silos de stockage, nous cherchons et testons des alternatives aux insecticides suffisamment efficaces pour réduire leur utilisation et avoir des moyens de lutte plus performants. »

Nouveaux contaminants

Comment notre responsable sécurité sanitaire voit-elle l'avenir concernant tous ces contaminants ?

« Le nombre de contaminants différents recherchés augmente car chaque année, de nouveaux contaminants, encore sans réglementation, sont à surveiller dans le cadre d'une veille mise en place par l'Europe, ou par la France, ou encore par la profession. C'est le cas des alcaloïdes d'ergot et de datura en ce moment. En revanche, avec la restriction du nombre de molécules phytosanitaires autorisées, le nombre de résidus différents détectés va diminuer mais les teneurs de ceux présents risquent d'être plus importantes », estime Marie Lescop. La tendance va être difficile à expliquer aux clients.

(1) Direction générale de l'Alimentation (ministère chargé de l'Agriculture) et Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (ministère chargé des Finances).(2) Culture raisonnée contrôlée.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

BIO EXPRESS

MARIE LESCOP

1992. BTS Analyses biologiques et biotechnologiques, à Douai (Nord).

Chargée de projet au laboratoire de biotechnologie de l'Inra, à Dijon (Côte-d'Or), avec notamment un projet sur les levains pour les Grands Moulins de Paris (GMP).

1995. Responsable laboratoire GMP à Verneuil-l'Étang (Seine-et-Marne) : mise en place d'un laboratoire de microbiologie pour le groupe.

1998. Extension des analyses aux mycotoxines.

1999. Responsable sécurité alimentaire sur le site GMP de Verneuil-l'Étang et responsable du laboratoire d'analyses microbiologiques et mycotoxines pour le groupe.

2004. Extension de la responsabilité sécurité alimentaire au site GMP de Meaux (Seine-et-Marne).

Depuis 2007. Responsable sécurité sanitaire pour le groupe NutriXo.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :