Si au départ, Marie Lescop, responsable sécurité sanitaire chez NutriXo, s'est concentrée sur le risque microbiologique, son champ d'action s'est élargi en 1998 aux mycotoxines, et ensuite à d'autres contaminants chimiques comme les résidus de pesticides. Parallèlement, son rayon d'action évolue, en même temps que l'entreprise. NutriXo est en effet né en 2001 de la réunion des activités meunerie de quatre structures (dont GMP où elle a débuté) et des activités boulangerie-viennoiserie-pâtisserie (BVP) et traiteur de Délifrance. C'est aujourd'hui le premier meunier français : il transforme environ 1 million de tonnes de blé tendre par an. Mais le groupe utilise d'autres matières premières, pas moins de deux mille, que Marie Lescop doit aussi surveiller !
Avec l'aide d'une petite équipe basée à Verneuil-l'Étang (Seine-et-Marne), elle réalise les analyses microbiologiques et mycotoxines sur ce site. Les autres contaminants chimiques sont traités par un laboratoire prestataire.
Trois cents résidus sur blé
« En matière de résidus de pesticides, pour les blés, nous ciblons les matières actives autorisées dans les pays de production. Pour ceux provenant des pays tiers, le screening est plus large que pour ceux d'origine européenne afin de surveiller des produits autorisés dans ces pays mais pas chez nous. Actuellement, nous en recherchons environ trois cents. Sur les fruits secs, ce nombre est bien plus important car beaucoup viennent de pays tiers. »
Pour orienter ses screenings, Marie Lescop se base sur le système européen d'alerte rapide pour les denrées alimentaires (RASFF) et sur les plans de surveillance de la DGAL et de la DGCCRF(1). Les farines sont également analysées mais avec un screening allégé : « Si la matière première est conforme, normalement la farine le sera. »
Résultats dans les normes
Les résidus ne sont pas analysés sur chaque lot de matières premières entrant dans les usines, mais selon un plan de surveillance défini chaque année par chaque usine en fonction notamment des résultats d'analyse de l'année précédente et des changements de réglementation que compile Marie Lescop.
Au final, trois cents analyses de résidus, chacune étant souvent multirésidu, sont réalisées en moyenne par an. L'objectif est de vérifier que les résultats sont en dessous des normes réglementaires ou des limites encore plus basses pour le blé cultivé sous référentiel label rouge, CRC(2), ou encore celui utilisé pour l'alimentation infantile.
« On retrouve principalement des insecticides et un peu de régulateurs. Même si les quantités détectées sont inférieures à la réglementation, c'est un sujet qui nous préoccupe car nous avons beaucoup de questions de la part de nos clients et de nos consommateurs. Ils ont du mal à comprendre que leur présence à ces doses n'a pas d'incidence pour leur santé. »
Analyses de plusieurs mycotoxines différentes
Côté mycotoxines, le DON (déoxynivalénol) est la plus surveillée sur le blé. S'y ajoutent la T2 et la zéaralénone.
« Avant la récolte, nous échangeons avec nos fournisseurs pour cerner les zones à risque. Puis, dès la récolte, les usines récupèrent des échantillons de leurs fournisseurs que nous analysons avec des kits Elisa. »
En deux mois, au moins mille échantillons sont scrutés ; cela peut aller jusqu'à deux mille, voire plus selon les années.
« Si un échantillon révèle une teneur plus élevée que la normale, nous affinons en en prélevant d'autres sur la zone concernée. »
Sur les fruits, notamment les fruits à coque, les analyses se focalisent sur les mycotoxines de stockage : ochratoxine A (OTA) et aflatoxine. Elles sont réalisées tout au long de l'année de façon aléatoire, sauf si la matière première provient d'un pays tiers à conditions et pratiques de stockage différentes de la France.
Toutes matrices confondues, chaque année environ trois mille analyses de mycotoxines sont réalisées ; cela peut monter à sept mille les années favorables au DON.
Qu'arrive-t-il si un lot dépasse une teneur réglementaire ?
« Comme les blés sont analysés avant réception du lot, nous ne réceptionnons jamais de lots contaminés. Sur fruits secs et à coque importés, les dépassements sont rares car les pouvoirs publics réalisent d'importants contrôles aux frontières pour ne pas laisser entrer de lots contaminés. Si cela devait arriver, nous refuserions le lot. »
Rongeurs et insectes
De plus, Marie Lescop évalue la qualité du transport pour éviter les contaminations croisées et gère les plans de lutte contre les rongeurs et insectes.
« Pour les locaux et silos de stockage, nous cherchons et testons des alternatives aux insecticides suffisamment efficaces pour réduire leur utilisation et avoir des moyens de lutte plus performants. »
Nouveaux contaminants
Comment notre responsable sécurité sanitaire voit-elle l'avenir concernant tous ces contaminants ?
« Le nombre de contaminants différents recherchés augmente car chaque année, de nouveaux contaminants, encore sans réglementation, sont à surveiller dans le cadre d'une veille mise en place par l'Europe, ou par la France, ou encore par la profession. C'est le cas des alcaloïdes d'ergot et de datura en ce moment. En revanche, avec la restriction du nombre de molécules phytosanitaires autorisées, le nombre de résidus différents détectés va diminuer mais les teneurs de ceux présents risquent d'être plus importantes », estime Marie Lescop. La tendance va être difficile à expliquer aux clients.
(1) Direction générale de l'Alimentation (ministère chargé de l'Agriculture) et Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (ministère chargé des Finances).(2) Culture raisonnée contrôlée.