Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Bonnes pratiques en ZNA

Encadrement des pratiques : mise à jour et pousse-au-vert

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°687 - octobre 2015 - page 30

L'actualisation, quasiment la traduction, de règles existantes, ainsi que des mesures encourageant directement le biocontrôle, font partie des nouveautés de l'année en matière de réglementation des pratiques phytosanitaires.
Pour désherber à l'herbicide ce bord de chaussée, il faut l'interdire aux passants durant le traitement mais aussi le délai de rentrée du produit. C'est vrai aujourd'hui, cela le restera en 2017 quand les seuls herbicides autorisés sur voirie publique seront « bio » : eux aussi ont des délais de rentrée !  Photo : M.-F. Delannoy

Pour désherber à l'herbicide ce bord de chaussée, il faut l'interdire aux passants durant le traitement mais aussi le délai de rentrée du produit. C'est vrai aujourd'hui, cela le restera en 2017 quand les seuls herbicides autorisés sur voirie publique seront « bio » : eux aussi ont des délais de rentrée ! Photo : M.-F. Delannoy

Parc privé ouvert au public : les allées sont désherbées à la binette ou traitées le soir après la fermeture, délai de rentrée oblige. Photo : M. Decoin

Parc privé ouvert au public : les allées sont désherbées à la binette ou traitées le soir après la fermeture, délai de rentrée oblige. Photo : M. Decoin

Ci-dessus, le parasitoïde Aphidius ervi. Ces deux espèces figurent sur la liste d'auxiliaires parue en avril 2015. Photo : DR

Ci-dessus, le parasitoïde Aphidius ervi. Ces deux espèces figurent sur la liste d'auxiliaires parue en avril 2015. Photo : DR

Ci-dessus, le prédateur Adalia bipunctata.  Photo : DR

Ci-dessus, le prédateur Adalia bipunctata. Photo : DR

Tableau 1 : Ce qui est interdit concernant les mélanges

Tableau 1 : Ce qui est interdit concernant les mélanges

Tableau 2 : Les règles de délais de rentrée

Tableau 2 : Les règles de délais de rentrée

Concernant l'encadrement des pratiques phytosanitaires, les évolutions en matière de prohibition de produits ne sont pas les seules nouveautés des douze derniers mois. Voici un rapide inventaire.

Mise à jour : mesures traduites en « CLP »

Un troisième « arrêté mélanges »

Ainsi, le 23 juin dernier, était publié un arrêté du 12 juin remplaçant un arrêté de 2010, lui-même étant une actualisation de l'« arrêté mélange » de 2006(1).

Tous ces textes encadrent les mélanges extemporanés, c'est-à-dire ceux de spécialités commerciales différentes effectués dans la cuve du pulvérisateur juste avant un traitement. Certes, la pratique est moins courante en ZNA qu'en agriculture, mais elle peut exister quand même.

Comme les précédents, le nouvel arrêté interdit le mélange de tout produit phyto contenant un ou des triazoles avec tout autre à base de pyréthrinoïdes, ainsi que le mélange de tout produit phyto à ZNT (zone non traitée) supérieure ou égale à 100 mètres avec tout autre, quel qu'il soit.

Comme les précédents, il édicte des règles interdisant a priori le mélange de spécialités différentes affectées de certains classements et phrases de risque toxicologiques.

Comme les précédents, il ajoute que les interdictions peuvent être levées pour certains mélanges précis après demande, fourniture d'un dossier, examen de celui-ci et autorisation...

Mais, c'est nouveau, l'arrêté de juin 2015 remplace les phrases de risque en « langage DPD » par les mentions de dangers équivalents en « langage CLP ». Autrement dit, il les exprime selon le code édicté par le « règlement CLP » de 2008(2) pour de nombreux produits, les phytos entre autres. Cette codification remplace celle dite « DPD » car issue de la directive préparations dangereuses.

Le même fond, mais attention...

Les règles du nouvel arrêté sont donc les mêmes que celles des anciens, à une nuance près : les anciens et nouveaux classements ne sont pas totalement équivalents. Certains produits qui étaient « mélangeables » avec d'autres, pourraient, au passage, ne plus l'être pour avoir vu leur classement toxicologique s'aggraver.

À noter : l'arrêté de juin dernier précise que les dispositions du précédent arrêté « continuent de s'appliquer jusqu'au 1er juin 2017 concomitamment » à ses propres dispositions. En effet, des produits fabriqués et étiquetés à l'ancienne, en « code DPD » avant le 1er juin dernier (date jusqu'à laquelle c'était autorisé) peuvent encore être vendus et utilisés donc, pour certains, mélangés, jusqu'au 1er juin 2017. Les anciennes règles continuent à leur être appliquées.

Au fait, qu'en est-il du mélange d'un produit R62 avec un produit H361f, par exemple ? Selon la lettre, les produits seraient-ils mélangeables... alors que les deux phrases sont équivalentes et qu'un produit R62 ne peut être mélangé à un autre R62 et un H361f avec un autre H361f ?

Traduction des délais de rentrée

Une autre « traduction » de règle existante a été publiée elle aussi en juin. Elle concerne les délais de rentrée(3). Il s'agit des durées durant lesquelles, une fois un traitement fini, on ne doit pas laisser entrer le public ou d'autres travailleurs dans ou sur la zone traitée. Elles ne s'appliquent qu'aux traitements à base de produits professionnels, car les produits EAJ sont dispensés de délais de rentrée. La règle existante est issue d'un arrêté de 2006, mais, lui, daté de septembre(4).

Là encore, la règle ne change pas sur le fond : les produits allergisants sont affectés d'un délai de rentrée de 48 heures et ceux simplement irritants d'un délai de 24 heures ; le nouvel arrêté la traduit juste en « code CLP » (Tableau 2).

Très logiquement, le nouvel arrêté précise que les règles exprimées en « langage DPD » continuent à s'appliquer pour les produits portant encore ces codes sur leurs étiquettes.

Bonnes pratiques obligatoires

C'est l'occasion de rappeler ici cette bonne pratique exigée par la réglementation : après un traitement dans un espace vert ouvert au public, il faut interdire à ce public l'accès de cet espace durant 6, 8, 24 ou 48 heures selon le produit.

Cette règle s'applique aussi bien si cet espace vert est public, au sens d'« appartenant au domaine public », que s'il appartient à un propriétaire privé. Pour les produits à délai de rentrée de 6 heures (ou 8 heures en milieu fermé, cas de serres ouvertes au public), la solution est de traiter le soir, après l'heure de fermeture, qu'il faudra peut-être avancer. Pour les produits à délai de rentrée de 24 ou 48 heures, on doit jouer sur les jours de fermeture hebdomadaire s'ils existent, ou fermer spécialement l'espace vert.

Il faut respecter les mêmes règles pour les traitements sur les voiries accessibles au public (ex. : traitement d'arbres ou arbustes d'alignement en ville) : baliser et interdire le périmètre pendant le délai de rentrée des produits.

Attention, même les produits UAB et Nodu vert, qui seront encore utilisables sur les voiries du domaine public après 2017, sont soumis à des délais de rentrée !

Que se passe-t-il en cas de mélange de produits ? D'une part il faut respecter l'arrêté mélange, d'autre part, si ces produits ont des délais de rentrée différents, il faut respecter le plus long.

Pousse-au-vert : les listes positives

La liste des macro-organismes est enfin sortie

Des encouragements directs au biocontrôle ont été publiés récemment. Ils sont directs car ils ne se contentent pas d'épargner aux produits « verts » les interdictions frappant les autres produits (mesures évoquées dans les articles p. 22 à 25 et p. 26 à 28).

Le premier est la publication, le 22 avril dernier, d'une liste très attendue : celle des macro-organismes auxiliaires non indigènes destinés à la lutte biologique qui sont autorisés à être élevés, vendus et utilisés sur le territoire français.

Il s'agit en fait plutôt des territoires : une autorisation aux Antilles ne vaut pas forcément pour La Réunion, la Corse ou la France métropolitaine continentale.

Un arrêté daté de février dernier mais paru en avril(5) divulgue enfin cette liste. Il permet d'appliquer sereinement un décret de janvier 2012(6) appliquant lui-même l'article 105 de la loi Grenelle 2 de juillet 2010(7).

Ainsi les éleveurs, vendeurs, distributeurs et utilisateurs de ces auxiliaires savent ce qu'ils ont le droit ou non d'élever, vendre et utiliser sans entrave.

Un usage très libre en pratique

C'est l'occasion de rappeler que, depuis toujours et qu'il s'agisse d'insectes ou acariens prédateurs ou parasitoïdes, ou encore de nématodes (il en existe d'utiles !), tous ces macro-organismes ne sont pas des produits phyto au sens légal du terme. Aussi, ils ne sont concernés par aucune des restrictions et prohibitions évoquées p. 22 et p. 26.

Ces auxiliaires sont et resteront donc utilisables sans restriction aucune dans les lieux ouverts au public et/ou fréquentés par des enfants et personnes vulnérables et à proximité de ces lieux. De même, il n'y aura aucun frein en jardin d'amateur. Et leur commercialisation ou leur application peuvent se faire sans certiphyto.

Enfin, pour les macro-organismes qui s'appliquent avec un pulvérisateur (certains nématodes notamment), il n'y a aucun délai de rentrée après leur application, ni de ZNT (zone non traitée), ni d'interdiction d'épandage par vent dépassant force 3. Ceci étant, une pulvérisation par vent fort n'est pas recommandée : elle risque fort de dériver, donc de manquer sa cible !

Ces auxiliaires peuvent même être épandus par traitement aérien, c'est-à-dire depuis des aéronefs, ce qui est interdit pour les produits phyto, sauf en cas de traitement obligatoire contre des organismes nuisibles officiels (et, au fait, reste autorisé sans restrictions pour les produits biocides comme les insecticides pour démoustication).

Listes produits phyto « verts » et nouvel e-phy

Un autre encouragement au biocontrôle est la publication et mise à disposition de listes de produits phyto « verts ».

La « liste de biocontrôle établie par l'autorité administrative » évoquée dans les articles p. 22 et p. 26 est encore attendue. Cependant, il faut noter que la liste Nodu vert 2014 publiée en février 2015 est bien plus longue que la liste dite 2013 publiée début 2014. Cet élargissement sonne comme un encouragement...

Par ailleurs, il existe aussi la liste des produits UAB. Elle a été réactualisée depuis l'année dernière. La liste la plus récente disponible à l'heure où nous mettons sous presse a été validée le 24 mars 2015 et est disponible depuis avril dernier sur le site de l'Itab. Une nouvelle version est attendue en novembre prochain.

À ce propos, il faut noter que cette réactualisation périodique de liste représente un véritable travail. Celui-ci n'est pas rémunéré directement par les utilisateurs de la liste, puisque celle-ci est disponible en accès libre. Il est actuellement financé par le Casdar(8). Or ce financement n'est pas pérenne et n'est pas garanti au-delà de 2016...

Certes, la nouvelle version du site e-phy que prépare l'Anses signalera le caractère UAB ou non des produits autorisés. Elle permettra la recherche par critères, dont la caractère UAB (et aussi la mention jardin ou EAJ). Mais :

- ce « nouvel e-phy » n'est pas encore accessible ; il est annoncé pour l'automne 2015, mais les promesses en matière de date de sortie de site internet n'engagent en général que ceux qui y croient ;

- on ne sait pas si l'on pourra croiser le critère UAB avec d'autres (ex. UAB x EAJ) ou encore sortir des sous-listes de produits UAB par type de produits et d'usage, alors que le guide géré par l'Itab offre tout cela.

Actuellement, tout le monde s'accorde sur l'intérêt de favoriser le biocontrôle. Il serait dommage de voir disparaître cette actualisation périodique de la liste des produits UAB. Elle offre un service utile à l'agriculture biologique mais aussi à tous ceux qui veulent « verdir » leur protection des plantes, en agriculture comme en zones non agricoles.

(1) Arrêté du 13 mars 2006, au JORF du 5 avril 2006. Voir Phytoma n° 602, mars 2007, p. 14 à 17. Arrêté du 7 avril 2010, au JORF du 16 avril 2010 (qui ne changeait pas les critères mais seulement les procédures, le traitement des dossiers étant transféré à l'Afssa, ancêtre de l'Anses, alors qu'il incombait auparavant au ministère chargé de l'Agriculture). Arrêté du 12 juin 2015 signalé en p. 9 de Phytoma n° 685 de juin-juillet. (2) Règlement n° 1272/2008 du 16 décembre 2012. À propos de ce règlement « Classification, labelling, packaging » encadrant les règles de classification, étiquetage et emballage, voir p. 26. (3) Arrêté du 12 juin 2015 au JORF du 25 juin, signalé en p. 5 de Phytoma n° 686 d'août-septembre dernier. (4) Arrêté du 12 septembre 2006 au JORF du 21 septembre. (5) Arrêté du 26 février 2015 au JORF du 22 avril, signalé en p. 6 de Phytoma n° 684 de mai 2015. (6) Décret n° 2012-140 du 30 janvier 2012, paru au JORF du 31 janvier 2012. (7) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, parue au JORF du 13 juillet. (8) Compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural.

Pour mémoire, la dispense de certification

Une des mesures « probiocontrôle » prévues dans la loi d'avenir agricole d'octobre 2014(1) touche les entreprises appliquant des produits phyto en prestation de service.

Normalement, elles doivent être agréées et pour cela certifiées, ce qui oblige à suivre des procédures et notamment passer un audit. Mais la loi prévoit de dispenser de cette certification les entreprises appliquant exclusivement des produits de biocontrôle.

Seul problème : quels produits précisément ? Portés sur quelle liste ? Alors que l'obligation d'agrément et de certification d'entreprise est effective depuis le 1er octobre 2013, cette dispense est-elle possible dès aujourd'hui ?

Une seule chose est sûre actuellement : même dans une entreprise prestataire qui serait, sera ou est dispensée d'agrément et de certification car tous les produits phyto qu'elle applique sont « verts », tout salarié appliquant ces produits doit, depuis le 1er octobre 2013, et devra toujours demain être titulaire d'un certiphyto catégorie « travaux et services ».

(1) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, au JORF du 14 octobre 2014. C'est dans l'article 53.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Plusieurs évolutions réglementaires récentes autres que les projets de prohibition de produits concernent les bonnes pratiques en ZNA.

TRADUCTION CLP - Deux d'entre elles traduisent des règles de bonnes pratiques datant de 2006 dans les normes et codes édictés par le règlement CLP (qui change le libellé des classements toxicologiques des produits phyto). Ce sont :

- la réactualisation de l'arrêté mélanges qui interdit les mélanges extemporanés de produits phyto affectés de certains classements toxicologiques ;

- la réactualisation des règles concernant les délais de rentrée.

LISTES POSITIVES - Par ailleurs, l'encouragement au biocontrôle se traduit par la mise à disposition de listes positives :

- publication de la liste positive des macro-organismes auxiliaires non indigènes destinés à la lutte biologique, avec les territoires concernés ;

- élargissement de la liste Nodu vert biocontrôle 2014 publiée début 2015 par rapport à la précédente publiée début 2014 ;

- réactualisation de la liste des produits phytos UAB, même si l'on s'interroge sur les futures réactualisations de cette liste.

MOTS-CLÉS - ZNA (zones non agricoles), bonnes pratiques, réglementation, produits phytopharmaceutiques, produits phyto, règlement CLP n° 1272/2008, mélanges extemporanés, délais de rentrée, lutte biologique, macro-organismes auxiliaires, biocontrôle, UAB (utilisable en agriculture biologique).

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : www.journal-officiel.gouv.fr

www.itab.asso.fr

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :