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Sur le métier

Patrick Borgeot, chef jardinier d'un domaine historique

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°687 - octobre 2015 - page 44

Depuis huit ans, Patrick Borgeot est aux commandes des 33 hectares de jardins à la française du château de Vaux-le-Vicomte, ouverts au public huit mois de l'année. Les principales tâches sont le désherbage des 13 hectares d'allées de graviers et la protection des 3 000 m² de buis anciens contre la pyrale et les maladies du dépérissement. Un métier passionnant qui lui donne cependant de plus en plus de fil à retordre, notamment en matière de santé végétale.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Descendant d'une famille de jardiniers depuis plusieurs générations, Patrick Borgeot n'a pas échappé à son destin. Après avoir travaillé pendant deux ans dans l'entreprise d'espaces verts de son père, il crée la sienne en 1986. Vingt ans plus tard, la conjoncture étant difficile pour les petites structures, il rendosse le costume de salarié. Au château de Vaux-le-Vicomte, en Seine-et-Marne, il devient chef jardinier à la tête des 33 ha de jardins à la française (13 ha d'allées, 13 ha de pelouses et 7 ha de plans d'eau) que compte ce domaine privé de 500 ha. Il s'appuie sur cinq salariés permanents et quatre saisonniers de début mars à fin octobre. La tonte des pelouses et la taille des haies sont confiées à une entreprise d'espaces verts.

Herbicides et désherbage manuel

« Les jardins de Vaux-le-Vicomte ne sont pas des jardins comme les autres, tient à souligner d'emblée Patrick Borgeot.

Ce sont des jardins à la française, c'est-à-dire avec des règles de gestion historiques à respecter. Et c'est un domaine privé, mais ouvert au public tous les jours de mars à début novembre, moyennant un ticket d'entrée. Ceci a pour conséquences une réglementation à respecter et un résultat à assurer. » Toutes ces particularités compliquent l'entretien.

« Le désherbage des 13 ha d'allées de graviers occupe une grande partie de notre temps. À l'heure actuelle, un antigerminatif est utilisé en février. Mais fin juillet, son efficacité arrive en bout de course. Le binage manuel prend alors le relais pour minimiser l'impact sur le public et l'environnement. Quand on ne s'en sort plus manuellement, je suis obligé d'avoir recours au glyphosate qui a un délai de rentrée de seulement six heures et qui a l'avantage de détruire les racines au contraire du binage. »

Zéro phyto en ligne de mire

Mais notre chef jardinier a en ligne de mire le 1er janvier 2017, date à laquelle les domaines publics ouverts au public ne pourront plus utiliser de produits phytosanitaires.

« Vaux-le-Vicomte étant privé, nous ne sommes pas obligés d'appliquer cette réglementation. Mais la tendance est d'aller vers le zéro phyto. De plus, il risque de ne plus y avoir de produits phytosanitaires homologués pour les jardins sur le marché. »

Or, en l'absence de couche d'enrobé sous les graviers, le passage au désherbage manuel multiplie par dix le temps de travail.

« Je n'aurai pas le budget pour embaucher plus de personnel. Et quand bien même je l'aurais, il serait impossible de recruter. Le travail est en effet très pénible et pas du tout motivant. Refaire les allées en y mettant un enrobé coûterait également extrêmement cher. »

Alternatives peu efficaces

Depuis des mois, Patrick Borgeot passe au peigne fin toute la littérature sur le sujet pour essayer de trouver une solution.

« Je lis souvent qu'il faut expliquer au public que de l'herbe dans les allées, ce n'est pas grave. Mais à Vaux-le-Vicomte, nous sommes dans un jardin à la française avec des codes très stricts. On ne peut pas imaginer des allées enherbées ! »

Des techniques alternatives telles que le désherbage thermique au gaz ou à l'eau chaude ont été testées, mais l'efficacité n'est pas au rendez-vous. Heureusement, les 13 ha de pelouse ne nécessitent aucun désherbage.

Des buis fragilisés

Autre souci de taille : les 3 000 m² de buis à bordure qui datent du début du XXe siècle, piliers du jardin à la française, aujourd'hui attaqués par la pyrale (Cydalima perspectalis) et deux maladies de dépérissement (Volutella buxi et Cylindrocladium buxicola).

« Les buis sont âgés et affaiblis. Or Volutella s'attaque en priorité aux buis affaiblis. Il n'y a pas de moyens de lutte vraiment efficaces, sauf pour les buis jeunes à raison de trois à cinq traitements fongicides. Couper les bois morts et ramasser les feuilles infestées n'empêche pas la maladie de revenir, et d'être de plus en plus virulente. »

La solution serait de les remplacer par d'autres variétés plus résistantes. Mais il restera le problème de la pyrale, ravageur installé au château depuis cette année.

« Le Bt(1) est efficace mais son délai de rentrée d'au moins 24 heures nous empêche de l'employer car les jardins sont ouverts au public tous les jours.

Donc pour l'instant, nous utilisons un produit à base de spinosad. Son délai de rentrée de 6 heures permet de traiter le soir après la fermeture. »

Une situation très particulière

Des recherches sont en cours sur des micro-guêpes parasitant les oeufs de pyrale du buis(2), mais la solution n'est pas encore disponible. Patrick Borgeot a testé d'autres espèces pour remplacer les buis, notamment des houx, mais l'effet visuel n'est pas le même.

« Comment fera-t-on en 2017 ?, s'inquiète-t-il. Les zones non agricoles constituent déjà une petite niche du marché de la santé végétale. Et au milieu des ZNA, les jardins historiques représentent une niche encore plus petite. Il est donc difficile d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur notre situation pour avoir une réglementation adaptée, et d'intéresser les sociétés phytosanitaires pour développer des solutions efficaces comme les micro-guêpes », déplore notre chef jardinier, qui conclut : « J'ai un métier passionnant mais je m'arrache les cheveux pour accomplir ma mission ! »

(1) Bacillus thuringiensis kurstaki. (2) Des trichogrammes. Voir Phytoma n° 685, juin-juillet 2015, p. 21 à 24.

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BIO EXPRESS

PATRICK BORGEOT

1984. Bepa option Jardins et Espaces Verts, à Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne).

Salarié de l'entreprise d'Espaces Verts de son père, à Touquin (Seine-et-Marne).

1986. Crée son entreprise de Jardins et Espaces Verts, à Coulommiers (Seine-et-Marne).

Depuis 2007. Chef jardinier au château de Vaux-le-Vicomte (Seine-et-Marne).

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