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DOSSIER - Maladies des plantes

Substances actives : trois nouveautés à découvrir

MARIANNE DECOIN*, D'APRÈS LES COMMUNICATIONS DE BENJAMIN PÉROTIN & AL., FABRICE BLANC & AL., ODILE RAMBACH & AL. ET JEAN-LOUIS KLEINHANS ET JULIEN MARIES À LA 11E CIMA, CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES MALADIES DES PLANTES, À TOURS, DU 7 AU 9 DÉCEMBRE 20 - Phytoma - n°689 - décembre 2015 - page 30

Deux substances de synthèse et un ensemble de terpènes naturels, telles sont les trois nouveautés en matière de substances actives fongicides évoquées à la Conférence internationale sur les maladies des plantes.
Ci-dessus, culture de plants de vigne pour tester l'oxathiapiproline en conditions contrôlées. Photo : DuPont

Ci-dessus, culture de plants de vigne pour tester l'oxathiapiproline en conditions contrôlées. Photo : DuPont

Inoculation par l'agent du mildiou. Le produit est par ailleurs testé sur pomme de terre. Photo : DuPont

Inoculation par l'agent du mildiou. Le produit est par ailleurs testé sur pomme de terre. Photo : DuPont

L'orge est une des cultures sur lesquelles le benzovindiflupyr a été testé, une de celles pour lesquelles des AMM seront demandées dès l'approbation européenne obtenue.  Photo : Syngenta

L'orge est une des cultures sur lesquelles le benzovindiflupyr a été testé, une de celles pour lesquelles des AMM seront demandées dès l'approbation européenne obtenue. Photo : Syngenta

Ci-dessus, le blé, culture principale pour laquelle seront demandées les premières AMM de produit à base de benzovindiflupyr. Photo : Syngenta

Ci-dessus, le blé, culture principale pour laquelle seront demandées les premières AMM de produit à base de benzovindiflupyr. Photo : Syngenta

Ci-dessus, la vigne, sur laquelle a été testée l'association de trois terpènes (géraniol, eugénol, thymol) encapsulés dans des parois de levure, désignée sous le sigle 3AEY. Photo : J.-L. Kleinhans - Sumi Agro

Ci-dessus, la vigne, sur laquelle a été testée l'association de trois terpènes (géraniol, eugénol, thymol) encapsulés dans des parois de levure, désignée sous le sigle 3AEY. Photo : J.-L. Kleinhans - Sumi Agro

 Symptôme de botrytis sur vigne. C'est contre cette maladie qu'a été testé le biofongicide 3AEY accompagné de divers adjuvants, et appliqué soit seul sur toute la saison, soit en programme après un fongicide conventionnel. Photo : J.-L. Kleinhans - Sum Agro

Symptôme de botrytis sur vigne. C'est contre cette maladie qu'a été testé le biofongicide 3AEY accompagné de divers adjuvants, et appliqué soit seul sur toute la saison, soit en programme après un fongicide conventionnel. Photo : J.-L. Kleinhans - Sum Agro

En 2015, seules trois nouveautés sont présentées à la Cima en matière de substances actives, alors qu'elles étaient six en 2012 lors de la précédente édition(1). Mais ces trois présentations méritent d'être évoquées.

L'oxathiapiproline, alias Zorvec, pour la vigne et la pomme de terre

Mode d'action inconnu

La première substance, présentée par B. Perotin & al., est l'oxathiapiproline de DuPont. La société lui a trouvé un nom de marque internationale plus facile à mémoriser : Zorvec. Cette substance est en cours d'examen pour être approuvée par l'Europe.

La communication explique que ce fongicide appartient à une nouvelle famille, celle des pipérydinyl-thiazoles isoxazolines.

Son mode d'action, pour l'instant inconnu, est codé U15 par le Frac (Fungicide resistance action commitee, qui est la référence internationale en matière de modes d'action fongicides).

Le mode d'action proposé est l'inhibition de l'OSBP (oxysterol binding protein, protéine de liaison de l'oxystérol), une protéine liée à la synthèse ou la régulation des stérols. Mais cela reste encore à vérifier.

Mildious visés à plusieurs stades

La substance vise les oomycètes. Autrement dit, c'est clairement un antimildiou. Sont visés le mildiou de la vigne, celui de la pomme de terre et de la tomate ainsi que ceux de nombreuses cultures légumières : laitue, cucurbitacées, etc.

Des tests de laboratoire sur Phytophthora infestans, l'agent du mildiou de la pomme de terre et de la tomate, ont permis de préciser les stades de l'agent pathogène affectés par le fongicide. Il y en a plusieurs : libération des zoospores, leur germination et aussi celle des sporocystes, mais aussi croissance du mycélium...

Tests sur plantes entières

Différents tests ont été réalisés sur plante entière, sur vigne comme sur pomme de terre, d'une part en conditions contrôlées et d'autre part au champ.

Des tests en conditions contrôlées ont prouvé la distribution translaminaire et la systémie locale de la substance dans les feuilles de vigne. En clair, elle « traverse » la feuille pour la protéger dans son épaisseur et sur ses deux faces, y compris celle non touchée directement par la pulvérisation, et elle « s'étale » sur la totalité du limbe.

De plus, l'activité curative du produit a été testée. Attention : curatif signifie « après contamination » mais quand même avant l'apparition des symptômes ! Elle a été prouvée. Elle est due à l'effet de la substance sur la croissance mycélienne.

La résistance au lessivage a elle aussi été testée en conditions contrôlées. Elle a été établie, pour 60 mm de pluie 20 minutes après l'application, tout de même.

Enfin, une étude réalisée sur pomme de terre au champ a montré la capacité du produit à protéger les nouvelles pousses.

Le benzovindiflupyr, alias Solatenol, pour les céréales

Mode d'action connu mais récent

La deuxième substance est l'objet de deux communications proposées par son fabricant Syngenta. C'est le benzovindiflupyr. Là encore, la société préfère l'appeler sous un nom de marque déposée internationale plus facile à prononcer et à mémoriser : Solatenol.

Il s'agit d'un SDHI, en clair un inhibiteur de la succinate-déshydrogénase (SDH). Cette dernière est une enzyme essentielle à la respiration cellulaire.

Le benzovindiflupyr est, précisément, un pyrazole carboxamide. Il appartient donc à la même famille que le fluxapyroxade de BASF et le penthiopyrade de DuPont, qui avaient été présentés à la précédente Cima(2) et ont été autorisés en France depuis lors, ou encore le bixafen, de Bayer, et le sédaxane, lui aussi de Syngenta.

De nombreuses cultures dans le monde sont concernées

Des produits contenant le benzovindiflupyr sont autorisés dans le Nouveau Monde : Amérique du Sud à partir de 2012, États-Unis et Canada depuis 2015.

Les cultures concernées sont le blé, le maïs, le soja, le pois, mais aussi le pommier et la vigne, les pommes de terre et les cultures légumières, sans compter le café, le coton et la canne à sucre.

La substance est en cours de demande d'approbation au niveau européen.

Sur céréales, action sur maladies foliaires

Dès cette approbation obtenue, Syngenta demandera des AMM (autorisations de mise sur le marché) en France pour un concentré émulsionnable (EC) titrant 100 g/l de la substance.

Les cultures concernées seront les céréales à paille, telles que blés, orges, seigle, triticale et avoine. Les cibles sont les principales maladies foliaires : rouilles (brune, jaune, naine et/ou couronnée...) sur toutes ces cultures, la septoriose sur blé et triticale, la rhynchosporiose sur orges et seigle et, sur orges, l'helminthosporiose et la ramulariose.

La communication de F. Blanc & al. présente des résultats de la nouvelle substance testée seule, avec des performances soit égales soit supérieures à celles d'autres SDHI, un effet vert (maintien d'un aspect vert des feuilles, garant d'activité de photosynthtèse) prolongé.

De plus, expliquent les auteurs, dans le cadre d'un programme, l'augmentation de rendement par rapport au témoin (30 % de mieux) se fait quasiment sans dilution des protéines dont le taux reste significativement le même.

Attention, la substance a été testée seule dans certains des essais rapportés à la Cima mais elle sera préconisée uniquement associée avec des substances à mode d'action différent.

Informations pour comprendre son fonctionnement

La communication d'O. Rambach & al. explique les résultats obtenus. Concernant sa persistance, le benzovindiflupyr est très lipophile, ce qui le scotche à la cuticule cireuse des feuilles et le rend insoluble dans l'eau. De plus, il n'est ni volatile, ce qui limite les pertes dans l'environnement, ni photosensible, ce qui limite sa dégradation.

Par ailleurs, il a été montré au laboratoire que la nouvelle substance inhibe la SDH à des doses plus faibles que celles nécessaires avec les autres SDHI. Elle est très peu métabolisée par les champignons eux-mêmes, une des raisons de sa persistance d'action.

Elle s'incorpore à la cuticule cireuse du blé puis pénètre progressivement dans les tissus sous-jacents. Elle est peu mobile dans la plante. Ce n'est pas un produit de contact qui reste à son point d'impact mais elle se diffuse lentement, régulièrement pour une répartition homogène dans les feuilles et une protection de leur totalité au fur et à mesure qu'elles se développent.

La persistance d'action est annoncée supérieure à celle d'autres SDHI auxquels Syngenta l'a comparée.

À noter pour l'avenir : la société annonce des efficacités entre autres sur tavelure du pommier, alternaria de la pomme de terre, oïdium de la vigne et des cultures légumières.

3AEY, les terpènes encapsulés, pour la vigne

Du biocontrôle original

La troisième innovation est un cocktail de trois terpènes micro-encapsulés dans des parois de levure selon un procédé breveté de la société Eden Research. Codée 3AEY, elle est développée par Sumi Agro.

Les terpènes étant, pour leur part, l'un d'origine naturelle et les deux autres des copies conformes de terpènes naturels, le produit apparaît donc comme de type biocontrôle, même si on attend la délimitation exacte du périmètre officiel du biocontrôle reconnu en France avec la totalité des critères de définition (ceux donnés dans la loi d'avenir agricole restent à préciser).

Substances approuvées, principe séduisant

Les trois terpènes sont le géraniol, l'eugénol et le thymol. Tous trois sont dûment approuvés comme substances actives phytopharmaceutiques par l'Union européenne, mais n'ont aucune autorisation phyto en France. En revanche, le thymol est autorisé comme médicament vétérinaire contre le varroa de l'abeille.

Le principe, expliqué dans la communication de Jean-Louis Kleinhans et Julien Maries, est séduisant. On sait que ces terpènes ont des propriétés antifongiques. Mais comme ils sont très volatils, ils ne sont pas assez persistants pour une utilisation au champ. L'astuce a consisté à les microencapsuler dans des parois de levures (elles aussi d'origine biologique). Cela permet une libération progressive, donc une persistance d'action améliorée.

Effet sur les parois cellulaires

Le produit vise le botrytis. Son mode d'action est un effet sur les parois cellulaires du champignon, que les terpènes perméabilisent. Il n'est donc pas préventif, mais curatif au sens de « agissant sur le pathogène présent après la contamination du végétal ». Ce qui signifie, là encore, avant l'apparition des symptômes visibles.

Cependant, selon les auteurs, une application sur symptômes visibles ralentit la progression de la maladie et limite la germination des spores. Mais il ne faut pas espérer une éradication.

Tests au vignoble de 2012 à 2014

Ce biofongicide a été testé contre le botrytis au vignoble. Treize essais ont été menés en tout, dont cinq de 2012 à 2014 inclus.

Bilan : l'efficacité est réelle, même si moindre que celle des antibotrytis conventionnels - encore que ceux-ci décrochent parfois eux aussi ! Ainsi, en 2014, l'ensemble des produits ont décroché dans un essai soumis à une très forte pression de maladie et, dans un autre, la référence chimique n'a eu que 10 % d'efficacité pendant que le biofongicide affichait 60 % d'efficacité après quatre applications.

Jusqu'en 2014 inclus, les meilleurs résultats ont été obtenus avec quatre applications successives du biofongicide accompagné d'un adjuvant organosiliconé. Cela représente une couverture totale de la période à risque. Les auteurs estiment que cette solution permet de s'assurer qu'au moins une partie des traitements sera bien positionnée.

Tests en 2015

Cette année, huit essais ont été réalisés. Ils ont testé l'association avec différents adjuvants mais aussi l'utilisation en fin de saison dans le cadre d'un programme.

En effet, ce produit pourrait avoir un délai avant récolte de trois jours, bien plus court que celui des antibotrytis chimiques. Il représenterait une nouvelle possibilité de biocontrôle pour la fin de saison, en relais des traitements conventionnels dans un cadre de protection intégrée.

À l'heure où nous mettons sous presse, les premiers résultats de 2015 commencent à tomber. Malgré une pression de botrytis généralement modérée dans le vignoble français, trois essais localisés sur la façade atlantique ont vu, en fin de saison, un développement de la maladie suffisant pour être exploités. Bilan : les trois adjuvants testés ont tous permis une amélioration significative des performances.

Par ailleurs, les programmes avec un fongicide conventionnel appliqué en début de saison (stade A) suivi de deux ou trois applications du 3AEY avec adjuvant à partir du début de véraison ont donné des résultats équivalents, voire meilleurs que ceux des programmes classiques avec deux applications de fongicides conventionnels.

Les détails sur ces essais, et de façon générale sur les résultats présentés dans ces pages, sont présentés à Tours lors de la Cima... Raison de plus pour y aller !

(1) et (2) Nicolas Marquet, 2012, « Nouvelles substances à la Cima, la part belle aux SDHI », Phytoma n° 659, décembre 2012, p. 31 à 34.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Trois nouveautés présentées à la 11e Cima (Tours, décembre 2015) concernent des substances actives fongicides nouvelles en phytopharmacie.

VIGNE, POMME DE TERRE - DuPont présente l'oxathiapiproline sous le nom de marque mondiale Zorvec. Il s'agit d'un antimildiou. La communication évoque des résultats sur vigne et pomme de terre, cultures sur lesquelles le développement du produit est le plus avancé. La substance est testée sur d'autres cultures.

CÉRÉALES - La deuxième substance est le benzovindiflupyr de Syngenta, qui le présente sous le nom de marque mondiale Solatenol. La communication cite des résultats sur céréales à paille contre diverses maladies foliaires. Là encore, la substance est aussi testée sur d'autres cultures.

VIGNE - Enfin 3AEY, de Sumi Agro, associe trois terpènes (géraniol, eugénol, thymol). Il est testé comme biofongicide contre le botrytis sur la vigne.

MOTS-CLÉS - Maladies des plantes, innovation, substances actives, fongicides, oxathiapiproline, benzovindiflupyr, biofongicides, terpènes, géraniol, eugénol, thymol, 3AEY, vigne, pomme de terre, céréales, 11e Cima.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : afpp@afpp.net

www.frac.info

BIBLIOGRAPHIE : Les communications évoquées dans cet article sont mises à disposition des participants à la Cima dans les actes de la conférence distribués à son occasion. Ces actes sont ensuite vendus par l'AFPP (voir lien utile ci-dessus).

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