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DOSSIER - Maladies des plantes

Quand l'innovation tient dans la formulation

MARIANNE DECOIN, D'APRÈS LES COMMUNICATIONS DE FRANÇOIS GIRAUD ET MANUEL RAMOS, CYRIL DELOST ET AL., DELPHINE COSTOMIRIS ET VINCENT ABELA, À LA 11E CIMA, CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES MALADIES DES PLANTES, À TOURS, DU 7 AU 9 DÉCEMBRE 2015 - Phytoma - n°689 - décembre 2015 - page 34

Trois des nouveautés fongicides présentées à la Cima déclinent des substances actives connues dans des formulations ou associations nouvelles.
Le soufre était déjà autorisé sur pommier contre l'oïdium et la tavelure. Mais la nouvelle formulation présentée ici  lui associe des terpènes de pin, ce qui était inédit au verger. Photo : Action Pin

Le soufre était déjà autorisé sur pommier contre l'oïdium et la tavelure. Mais la nouvelle formulation présentée ici lui associe des terpènes de pin, ce qui était inédit au verger. Photo : Action Pin

Symptôme de Sclerotinia sclerotiorum dans une boîte « non traitée ». Photo : Philagro

Symptôme de Sclerotinia sclerotiorum dans une boîte « non traitée ». Photo : Philagro

Symptômes après traitement metconazole.  Photo : Philagro

Symptômes après traitement metconazole. Photo : Philagro

Après traitement boscalid.  Photo : Philagro

Après traitement boscalid. Photo : Philagro

Après traitement dimoxystrobine.  Photos : Philagro

Après traitement dimoxystrobine. Photos : Philagro

Après traitement boscalid + metconazole + dimoxystrobine, symptômes nettement atténués. Photo : Philagro

Après traitement boscalid + metconazole + dimoxystrobine, symptômes nettement atténués. Photo : Philagro

Symptômes d'oïdium sur feuilles et grappes de raisin. L'association de krésoxim-méthyl et de penconazole, deux substances connues séparément sur vigne mais qui n'avaient jamais été associées, a été testée contre l'oïdium et aussi le black-rot.  Photo : Sapec  Agro

Symptômes d'oïdium sur feuilles et grappes de raisin. L'association de krésoxim-méthyl et de penconazole, deux substances connues séparément sur vigne mais qui n'avaient jamais été associées, a été testée contre l'oïdium et aussi le black-rot. Photo : Sapec Agro

Les innovations en matière de fongicides ne sont pas seulement des substances actives originales ou à usage phytosanitaire inédit, objets de l'article précédent.

Des découvertes peuvent être faites du côté de nouvelles associations ou utilisations de formulations déjà connues. Trois d'entre elles sont présentées à la Cima 2015.

Soufre et terpènes sur pommier et pêcher

Un produit bio déjà connu sur vigne

La première est une spécialité déjà autorisée en France, à l'origine sur vigne. Elle est de type biocontrôle et reconnue comme telle : elle figure sur les dernières versions en date des listes de produits UAB, utilisables en agriculture biologique, et également Nodu vert biocontrôle(1).

Nommée Heliosoufre S, elle associe des substances naturelles : le soufre d'origine minérale et des coformulants d'origine végétale (dérivés terpéniques ) puisque issus du pin maritime.

François Giraud et Manuel Ramos, de la société Action Pin, présentent des résultats d'expérimentations réalisées sur pêcher et pommier contre l'oïdium, ainsi que sur pommier contre la tavelure.

Oïdium au verger : aussi efficace, voire davantage, et moins de soufre épandu

Le produit a été testé au verger. Onze essais ont porté sur l'oïdium du pommier et sept sur l'oïdium du pêcher.

Tous ont comparé le produit avec d'autres formulations de soufre apportant des doses supérieures de la substance active. Ils ont été réalisés en France, en Espagne, en Italie et au Portugal.

De plus, six essais réalisés sur la tavelure du pommier en France et en Italie ont comparé le produit avec le captane et, pour un des essais, également avec du soufre à dose supérieure.

Contre l'oïdium du pommier, l'efficacité est en moyenne légèrement supérieure, sans différence statistiquement significative, à celle de la référence soufre. Et ceci se vérifie aussi bien pour les foyers primaires que secondaires et pour une dose de soufre réduite de 40 % (350 g/hl par application contre 600 g/hl).

Contre l'oïdium du pêcher, l'efficacité est là encore légèrement supérieure sans différence significative sur feuille. De plus, elle est significativement meilleure sur fruits. Là encore, ces résultats sont obtenus avec une dose de soufre réduite de 40 % par rapport aux produits mis en comparaison.

Tavelure : des indications encourageantes

Contre la tavelure, l'efficacité du produit sur feuilles est significativement équivalente à celle du captane dans les six essais, et à celle du soufre dans l'essai pour lequel la comparaison a été faite.

Sur fruits, seuls deux essais ont permis la notation, dont un en comparaison avec le soufre : l'efficacité de l'association soufre-terpène est comparable à celle du soufre seul à dose plus importante, ainsi qu'à celle du captane. Mais, vu le faible nombre d'essais, il ne s'agit que d'une indication.

À noter que l'effet sur le russeting sur pommes a été évalué : il n'y a pas de différence significative avec les témoins non traités.

Les auteurs estiment que leurs résultats viennent de l'originalité de la formulation qui augmente la rétention et l'étalement du soufre sur le végétal au moment de l'application.

L'intérêt du produit en verger a été reconnu puisqu'il a obtenu des extensions d'usage en 2015 sur pommier et pêcher.

Dimoxystrobine associée sur colza

Trois substances à modes d'action différents

Cyril Delost & al., de Philagro, présentent l'association de dimoxystrobine avec le boscalid et le metconazole.

Les trois molécules ont des modes d'action différents. La dimoxystrobine est un inhibiteur de la respiration cellulaire de type QoI (groupe C3 du Frac), le boscalid lui aussi un inhibiteur de respiration mais de type SDHI (groupe C2 du Frac) et le metconazole un inhibiteur de la biosynthèse des stérols de type triazole (groupe G1 du Frac).

Pour sa part, la dimoxystrobine est déjà autorisée en France dans des spécialités où elle est toujours associée, soit au boscalid, soit à l'époxiconazole (un triazole).

À noter que des associations boscalid-dimoxystrobine sont déjà autorisées contre la sclérotiniose sur crucifères oléagineuses, la principale de ces crucifères étant le colza. D'autre part, Philagro proposait déjà une association boscalid-metconazole. La société a donc voulu évaluer l'intérêt d'y adjoindre la dimoxystrobine.

Tests en laboratoire

Les premiers tests ont consisté à appliquer les produits au champ, prélever des feuilles à un stade sensible à la maladie et les mettre au laboratoire en survie sur boîtes de Petri, puis inoculer le pathogène Sclerotinia sclerotiorum sous forme de souches sensibles à l'ensemble des modes d'action utilisés ici. Tout est fait pour affaiblir la feuille et favoriser le pathogène, donc « faire décrocher » les produits ! Le but est en fait de les différencier entre eux.

Bilan : chacune des trois substances ralentit la progression des symptômes mais, cinq jours après l'inoculation, leur développement est à 80 % de celui du témoin. En revanche, le mélange des trois montre une activité nettement supérieure (photos ci-dessus).

Dans les champs de colza

Ensuite, la société a réalisé des tests au champ. D'abord, 26 essais menés entre 2009 et 2014 en Europe ont comparé le boscalid et la dimoxystrobine, chacune utilisée seule et appliquée une seule fois. Bilan : leur efficacité est équivalente.

Ensuite, dix essais réalisés en France sur la campagne 2014/2015 ont comparé :

- l'association boscalid/metconazole (le produit vendu sous le nom de Pack colza et composé des spécialités Pictor Pro et Caramba Star à mélanger dans la cuve ; ce mélange extemporané est officiellement autorisé) ;

- l'association de la même quantité de metconazole avec moins de boscalid mais un apport de dimoxystrobine.

Chacun des mélanges était testé à deux doses différentes, la seconde étant à 80 % de la première. Les résultats sont présentés en gain de rendement.

Bilan : le gain de rendement est significatif dans tous les cas. Il va de 2,5 q/ha à 3,8 q/ha pour un rendement du témoin de 41 q/ha.

Surtout, l'apport de dimoxystrobine aux côtés des deux autres substances améliore le gain de rendement de 0,6 q/ha (à dose pleine) à 0,3 q/ha (à dose réduite). Alors même que l'association des trois substances amène moins de QSA (quantité de substances actives) à l'hectare.

De plus, ce mélange à trois associe trois modes d'action différents.

À noter que, depuis la rédaction de la communication, l'association est désormais autorisée sous le nom de Forza.

Il s'agit d'un pack associant deux spécialités à mélanger, l'une nommée Brigg et contenant du boscalid et de la dimoxystrobine déjà coformulés, l'autre dite Staffor à base de metconazole.

Krésoxim-méthyl et penconazole sur vigne

Nouvelle variation sur le thème QoI-triazole

La troisième nouveauté est codée SAP5175WG. C'est une association inédite de krésoxim-méthyl et de penconazole. Destinée à la vigne, elle vise à la fois l'oïdium et le black-rot, maladie qui s'est montrée particulièrement virulente dans certains vignobles en 2015.

Ce type d'association, à savoir celle d'un QoI et d'un triazole, existait déjà sur la vigne. Par ailleurs, les deux substances étaient déjà autorisées sur la vigne séparément. Mais elles n'avaient jamais été associées ensemble, en tout cas en France, pour aucun usage que ce soit.

Delphine Costomiris et Vincent Abela, de la société Sapec Agro, qui développent ce produit, présentent dans leur communication des tests en laboratoire d'évaluation de synergie et de résistance au lessivage, et deux essais d'efficacité au vignoble réalisés en 2013 et 2014 en France.

Ils signalent par ailleurs que, entre 2011 et 2013, 22 essais ont été réalisés sur oïdium en Europe, dont huit en France, ainsi que neuf essais sur black-rot dont sept en France, et que leurs résultats allaient dans le même sens pour les deux maladies.

Au laboratoire : synergie avérée, résistance au lessivage testée

La synergie entre les deux substances a été évaluée sur l'oïdium de la vigne au laboratoire en utilisant des feuilles détachées.

Les mesures réalisées puis les calculs (formule de Colby) prouvent l'existence de cette synergie, sauf... aux doses assez élevées pour que l'efficacité de chaque substance seule soit quasi totale, ce qui va de soi.

La résistance au lessivage a été évaluée sur jeunes plantes en pot pour deux intensités de pluies artificielles, soit de 20 soit de 60 mm durant une heure. Dans les deux cas, la pluie était simulée 24 heures après application du fongicide, et suivie d'une inoculation d'oïdium (pardon, du pathogène Erisyphe necator) 24 heures après la « pluie ».

Résultat : aucun symptôme n'a été observé sur les plantes traitées douze jours après l'inoculation, alors que les témoins avaient entre 55 et 72 % d'intensité d'oïdium.

Essais sur vigne

L'essai oïdium rapporté a été réalisé par l'IFV sur cépage chardonnay, dans le Gard, en 2013, en contamination naturelle.

Comparée à la référence triazole, l'association s'est montrée d'abord équivalente puis significativement supérieure sur feuilles. Elle a par ailleurs été significativement supérieure sur grappes.

Quant à l'essai sur black-rot, il a été réalisé par l'Inra sur cépage ugni blanc, en Gironde, en 2014, avec inoculation artificielle. La pression a été forte... et la nouvelle association efficace à près de 100 %.

Il faut noter aussi qu'elle s'est montrée significativement supérieure au krésoxim-méthyl appliqué seul à une dose supérieure à celle contenue dans l'association.

La société demande donc pour ce produit une AMM, autorisation de mise sur le marché, sur vigne.

Et elle envisage ensuite de le développer sur les oïdium d'autres cultures. Mais ceci sera une autre histoire.

(1) UAB : liste des intrants utilisables en agriculture biologique, disponible sur le site de l'Itab (voir « Liens utiles » P. 38) ; la dernière version en date au 20 novembre 2015 est celle mise à jour au 17 février 2015 ; nouvelle version attendue. Nodu vert : liste 2014 elle aussi actualisée en février 2015, publiée sur le site de l'Itab, Institut technique de l'agriculture biologique (voir « Liens utiles »).

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les nouveautés fongicides présentées à la Cima ne sont pas uniquement le fait de nouvelles substances actives.

VERGERS - Ainsi, une formulation de soufre et de coformulants à base de terpènes végétaux, reconnue UAB et Nodu vert 2014 et déjà utilisée en vigne, est présentée pour ses effets sur pommier contre l'oïdium et la tavelure, et sur pêcher contre l'oïdium. Elle a été autorisée sur ces usages en 2015.

COLZA - Sur colza, sont décrits les effets, contre la sclérotiniose, de la dimoxystrobine, ainsi que son intérêt en association avec du boscalid et du metconazole. Là encore, cette association de trois substances a été autorisée en 2015.

VIGNE - Enfin, une association inédite de krésoxim-méthyl et de penconazole a été testée contre l'oïdium et le black-rot sur la vigne et a montré sont intérêt.

La synergie entre les deux substances a été prouvée au laboratoire.

La société fabricante a donc demandé une AMM (autorisation de mise sur le marché) pour un nouveau produit associant les deux substances.

MOTS-CLÉS - Maladies des plantes, oïdium, tavelure, black-rot, sclérotiniose, fongicides, formulation, association, produits UAB, pommier, pêcher, colza, vigne.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : pour la liste UAB : www.itab.asso.fr/downloads/com-intrants/guide_intrants_v7.pdf

Pour la liste Nodu vert : http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/documents/pdf/_projet_actualisation_produits_biocontrole-V13__cle031452.pdf

Pour les groupes Frac : www.frac.info

Pour les communications citées : www.afpp.net

BIBLIOGRAPHIE : Les trois communications évoquées ici sont publiées intégralement dans les actes de la 11e Cima de l'AFPP (lien ci-dessus).

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