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Photo : C. Urvoy
Reconnue organisme à vocation sanitaire du végétal, la Fredon Champagne-Ardenne (Fredon CA) surveille et lutte contre les ravageurs souterrains nuisibles aux végétaux. Ceux qui occupent le plus Camille Crespe, responsable de projet agroenvironnement, sont le campagnol terrestre et le campagnol des champs.
« Le premier est présent dans les prairies des grandes zones d'élevage des Ardennes et du sud haut-marnais, explique Camille Crespe. Le second sévit dans la plaine de Champagne crayeuse sur céréales, colza, et surtout cultures porte-graines et luzerne. Herbivores et granivores, ils peuvent manger une à deux fois leur poids en matière verte par jour ! »
De plus, ces rongeurs sont vecteurs de maladies transmissibles à l'homme : fièvre hémorragique, leptospirose et échinococcose alvéolaire.
Obtenir l'agrément distributeur
Si le campagnol terrestre, dit aussi « rat taupier », est bien connu, avec des luttes collectives organisées en Franche-Comté et en Auvergne, il n'en est pas de même pour le campagnol des champs.
« J'ai commencé dès 2012 à prendre contact avec la Franche-Comté pour m'inspirer de leur lutte collective contre le campagnol terrestre. Mais pour le campagnol des champs, nous avons très peu de données, notamment sur la périodicité des pullulations. Pour l'instant, nous en avons eu en 2014, mais aussi en 2015 et cela semble redémarrer cette année. »
Quand est paru l'arrêté du 14 mai 2014 qui élargissait l'usage de la bromadiolone au contrôle des campagnols des champs, la Champagne-Ardenne était la première région prête pour la lutte collective contre ce ravageur.
« Dans la région, seule la Fredon CA est autorisée à mettre à disposition des agriculteurs des appâts de blé traité à la bromadiolone. Pour cela, il nous a fallu obtenir l'agrément pour la distribution de produits phytosanitaires à des utilisateurs professionnels. »
Former et organiser
Pour y accéder, les agriculteurs ont un parcours à suivre.
« Ils doivent d'abord adhérer à la Fredon CA. C'est indispensable pour que nous puissions organiser la lutte collective, gage d'efficacité. Ensuite, ils participent à une formation d'une journée sur la biologie des campagnols, les moyens alternatifs à la lutte chimique, le BSV, le piégeage, les comptages et l'utilisation de la bromadiolone. » Camille a formé 96 agriculteurs en 2014 et assuré 26 des 38 sessions de 2015 pour 600 agriculteurs.
Une fois formés, les agriculteurs comptent les indices de présence des campagnols sur des intervalles de cinq mètres dans leurs parcelles.
« S'il y a plus de 30 % d'intervalles avec présence de campagnols, la lutte chimique est interdite. En effet, face à une population aussi importante, elle serait inefficace, donc inutile. Dans le cas contraire, l'agriculteur peut y avoir recours. Il m'envoie alors ses comptages et je lui délivre un bon de retrait qu'il pourra présenter à son organisme stockeur. » Un autre comptage est réalisé, deux semaines plus tard au minimum. Si besoin, l'agriculteur peut traiter de nouveau.
« En général, un seul traitement suffit sur céréales à paille et colza. En revanche, sur luzerne et cultures porte-graines, deux passages sont souvent nécessaires. »
Miser sur les méthodes alternatives
Mais d'autres moyens doivent être mis en oeuvre.
« J'insiste pour que les agriculteurs surveillent les bordures de parcelle et mettent tout en oeuvre pour éviter l'entrée du ravageur dans la parcelle.
Il faut également favoriser la prédation grâce à la diversité paysagère, installer des perchoirs(1) et nichoirs pour les rapaces, détruire l'habitat des campagnols par le travail du sol... Enfin, les populations peuvent être éliminées par explosion des galeries au gaz ou avec des pièges type Topcat(2). »
Pour accompagner les agriculteurs sur la durée (cinq ans), la Fredon CA a en projet un « contrat de lutte intégrée contre le campagnol des champs » (« Clic »). Ce type de contrat existe déjà pour le campagnol terrestre en Franche-Comté. « Avant de le développer à grande échelle, nous allons le tester sur quelques exploitations afin de présenter un projet adapté aux agriculteurs, révèle notre expert. Je réalise un diagnostic de l'exploitation, puis, avec l'agriculteur, on choisit les parcelles à surveiller et les méthodes de lutte à mettre en place. »
BSV, expérimentation, communication
Camille anime le BSV Campagnol. Six bulletins par an sont rédigés à partir des remontées des observateurs grandes cultures de la région. Elle fait également partie d'un comité d'experts avec la Draf(3), la Dreal(4), la Fédération de chasse, l'ONCFS(5), la chambre régionale d'agriculture et le CSRPN(6) pour organiser la lutte et maîtriser l'usage de la bromadiolone.
Elle va expérimenter de nouvelles méthodes alternatives à la bromadiolone contre le campagnol des champs (glace carbonique, appétence du mélilot...) et chiffrer leur impact.
« L'objectif est d'éditer un livret avec les efficacités et les coûts de chaque méthode. Je souhaite aussi développer la formation des agriculteurs et la communication sur le sujet : une lutte collective n'est efficace que si un grand nombre y adhère », conclut Camille Crespe.
(1) Le « trépied » visible sur la photo est l'un de ces perchoirs.(2) C'est l'appareil que Camille Crespe tient dans ses mains. (3) Direction régionale de l'agriculture et de la forêt.(4) Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement. (5) Office national de la chasse et de la faune sauvage. (6) Conseil scientifique régional du patrimoine naturel.
