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DOSSIER - Jardins, espaces verts et infrastructures

Biostimulants : vers un statut au niveau européen ?

ÉMILIE BASUYAU-ASTORG* - Phytoma - n°695 - juin 2016 - page 28

L'Europe réfléchit à un statut clarifié des biostimulants, qui représentent un type particulier de solutions pour la croissance et la vitalité des végétaux.
 Les biostimulants sont utilisables en agriculture, y compris l'horticulture ornementale qui fournit des végétaux aux Jevi (jardins, espaces verts et infrastructures), et aussi pour bichonner des végétaux en place dans ces mêmes Jevi. Photo : Pixabay

Les biostimulants sont utilisables en agriculture, y compris l'horticulture ornementale qui fournit des végétaux aux Jevi (jardins, espaces verts et infrastructures), et aussi pour bichonner des végétaux en place dans ces mêmes Jevi. Photo : Pixabay

Normes du projet de règlement pour les « PFC 6 » biostimulants végétaux

Normes du projet de règlement pour les « PFC 6 » biostimulants végétaux

Les biostimulants se montrent de plus en plus comme une solution complémentaire à la lutte phytosanitaire, différente des produits phytopharmaceutiques, y compris les stimulateurs de défenses naturelles des plantes.

Une catégorie de produits bien particulière

Vers un statut légal européen

Les biostimulants appartiennent à la grande famille des matières fertilisantes et supports de cultures (MFSC). Ils permettent d'optimiser la croissance des végétaux afin d'assurer leur vigueur et leur développement... et, par ricochet, de sécuriser les rendements et/ou la qualité, mais le tout sans représenter un apport nutritif au sens strict.

Une proposition de texte européen publiée en mars 2016 vise à modifier le règlement CE 1107/2009 dans l'optique d'une intégration simplifiée des biostimulants, tels que définis ci-après.

Cette proposition, si elle est votée en l'état, permettrait aux fabricants d'apposer le marquage CE sur un spectre plus large de produits, du fait d'une définition amendée et élargie des fertilisants, incluant la catégorie particulière des biostimulants.

Définition technique depuis 2012

Les biostimulants permettent aux végétaux de mieux absorber les éléments nutritifs. En 2012, les fabricants réunis au sein de la CAS ont proposé la définition suivante : « Les biostimulants se définissent comme des substance(s) et/ou micro-organisme(s) dont la fonction, lorsque appliqués aux plantes ou à la rhizosphère, est la stimulation des processus naturels qui favorisent/améliorent l'absorption ou l'utilisation des nutriments, la tolérance aux stress abiotiques, la qualité ou le rendement de la culture, indépendamment de la présence de nutriments. »

Le terme « biostimulant » entre dans la réglementation française (article L. 255-5 du code rural) par l'ordonnance de juin 2015.

Dans l'annexe à la proposition de règlement, on retrouve des normes spécifiques pour leur classification (p. 50 du document).

Phytos et biostimulants : la différence

Par ailleurs, les biostimulants ne sont pas des produits phytosanitaires. Ils n'ont aucun rôle de « protection » ou de « soin » des végétaux au sens du règlement 1107/2009.

Leur action est parallèle ou complémentaire : ils agissent directement sur le bon développement de la plante.

Ils peuvent être des micro-organismes ou des substances inertes (origine naturelle ou de synthèse). Ils sont formulés pour être pulvérisés, incorporés au sol ou enrober les semences. Il existe des produits combinés : support de culture et/ou fertilisant « classique » enrichi en biostimulants, etc.

Économie circulaire, environnement et santé

L'esprit de proposition de règlement

La proposition, publiée en mars 2016, souhaite rétablir l'équilibre (par rapport au règlement 2003/2003) : les produits fertilisants (« engrais »), issus de sous-produits animaux ou de matières recyclables, favorisant l'économie circulaire, sont ainsi intégrés. Cela permet aux produits d'origine organique de trouver toute leur place réglementairement parlant au niveau UE. Le législateur européen souhaite :

- dépasser la distorsion de concurrence entre les fabricants d'engrais inorganiques et les autres, et ainsi...

- favoriser le libre-échange sur des produits jusqu'alors soumis à la reconnaissance mutuelle entre États membres... processus peu efficace.

L'autre objectif de la commission - assumé dans l'introduction - porte sur la dépendance énergétique des matières premières des engrais de synthèse... ressources épuisables ? La Commission (qui propose un texte mais ne légifère pas, cette charge incombant au Conseil et au Parlement) souhaite se tourner vers de nouvelles matières premières pour fertiliser les sols. La contamination des sols et l'accumulation de polluants sont des données environnementales et toxicologiques non négligeables que souligne le texte.

Place des biostimulants

En préambule du texte, il est précisé que des substances telles que les biostimulants végétaux ne sont pas des éléments nutritifs à proprement parler. La nouveauté porte sur l'intégration d'une substance permettant aux végétaux - par ricochet - d'améliorer leur capacité d'absorption des éléments nutritifs.

Il en est enfin question en fin de proposition (page 44 sur 45, article 46) : la modification du règlement 1107/2009 porte (enfin !) sur ce point. Initialement, le règlement s'appliquait « aux produits, sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l'utilisateur, composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant, et destinés à l'un des usages suivants : [...] exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances, autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance [...] ». La notion de substances nutritives est modifiée afin d'intégrer « les biostimulants ». En clair, le marquage CE pour ces produits devient possible.

Et l'application ?

L'intégration des biostimulants dans le règlement européen signifie deux choses :

- l'intégration d'un moyen d'améliorer l'absorption des éléments nutritifs, et non une substance nutritive. Le législateur reconnaît leurs bénéfices et leur proximité avec les fertilisants (et pas les phytos).

- la possibilité de marquage CE de ces substances permettant leur développement à plus grande échelle ; adieu flou réglementaire, bonjour libre-échange sur ces marchés au niveau européen.

À noter : l'application de ce règlement sera, comme le RCE 2003/2003 actuel, optionnelle, les réglementations nationales resteront d'application.

Par ailleurs, même si le principe du règlement est salué par États membres et la profession, la proposition de la Commission ne satisfait ni les États membres ni la profession. En particulier sur deux questions :

- celle de l'efficacité des substances ;

- celle des micro-organismes, ces derniers seraient autorisés sans nécessité d'identification au niveau des souches, au contraire des PPP ; faut-il craindre une mise sur le marché de micro-organismes potentiellement dangereux pour l'homme et l'environnement ?... Ebic s'est clairement exprimé à ce sujet en « demandant expressément à ce que la réglementation exige l'identification au niveau de la souche et que l'efficacité soit démontrée ».

À quand le vote ?

Examiné par les gouvernements des États membres, ce texte serait voté d'ici 2017 pour une application au 1er janvier 2018... selon les prévisions les plus optimistes... Affaire à suivre !

RÉSUMÉ

CONTEXTE - En mars 2016, une proposition de règlement européen sur les fertilisants prend en compte la catégorie particulière des biostimulants. Cette proposition (base de discussion modifiable) est l'occasion de faire le point sur ces produits.

RAPPEL - Ces produits sont ceux qui améliorent l'absorption des éléments nutritifs apportés par ailleurs. Sans apporter eux-même des éléments nutritifs comme des fertilisants classiques, ils sont a priori plus proches des fertilisants que des produits phytopharmaceutiques. Les définitions existantes (celle de la CAS publiée en 2012 et celle légale ayant cours en France depuis 2015) sont rappelées.

ANALYSE - Le projet de texte européen est analysé, dans son esprit général (encouragement à l'économie circulaire) et pour le cas des biostimulants. Il signale les questions restant en suspens, en particulier pour les biostimulants à base de micro-organismes (identification de la souche, non prévue dans le projet mais demandée par Ebic pour prévenir d'éventuels risques sanitaires).

MOTS-CLÉS - Biostimulants, fertilisants, produits phytosanitaires, phytos, règlement européen, marquage CE, engrais, éléments nutritifs, CAS (Chambre syndicale des amendements organiques et supports de culture), Ebic (European Biostimulant Industry Council), Organisation européenne de l'industrie des biostimulants.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *É. BASUYAU-ASTORG, AFPP.

CONTACT : emilie.basuyau@gmail.com

LIENS UTILES : www.cas-asso.com

www.biostimulants.eu

BIBLIOGRAPHIE : - Règlement CE 1069/2009.

- Règlement CE 1107/2009.

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants porteurs du marquage CE et modifiant les règlements (CE) n° 1069/2009 et (CE) n° 1107/2009.

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