La réglementation encadrant les pratiques phytosanitaires en Jevi évoluant tous les ans, voyons ce qui a bougé depuis 2015. Pour nous y retrouver, commençons par un rappel.
Pour les professionnels
Espaces publics : derniers jours de nombreux produits
La date d'interdiction de nombreux produits phyto dans une bonne part des EVI (espaces verts et infrastructures) est le 1er janvier 2017.
Souvenez-vous, la mesure avait été décidée par la loi Labbé de février 2014(1) avec une échéance au 1er janvier 2020. Puis la LTE (loi de transition énergétique) d'août 2015(2) a avancé l'échéance et élargi le périmètre de l'interdiction à une bonne part des voiries.
Ceux qui vont rester
Mais certains produits resteront utilisables dans tous les EVI. Ce sont :
- les produits à faible risque au sens du règlement européen de 2009(3). Leurs substances actives sont approuvées par l'Union européenne dans la catégorie « à faible risque » ; il y en a sept à l'heure où nous mettons sous presse(4) ;
- les produits titulaires de la mention UAB (utilisable en agriculture biologique) ; les critères d'attribution de cette mention officielle sont connus. Une liste actualisée de ces produits a été validée par le CNAB (Comité national de l'agriculture biologique) le 22 septembre 2016, sa publication est attendue début octobre ;
- les produits de biocontrôle au sens de l'article L-253-5 du code rural. À l'heure où nous mettons sous presse, la liste et ses critères d'attribution sont en discussion.
De nombreux produits seront à la fois UAB et de biocontrôle, mais :
- des produits non UAB (par exemple des herbicides, que le règlement bio européen rejette) pourraient être listés biocontrôle ;
- des produits UAB pourraient ne pas être listés biocontrôle (par exemple, des produits cupriques).
À noter, les produits à base de substances à faible risque autorisés, à l'heure où nous écrivons ces lignes, sont tous UAB.
Certains espaces ne sont pas touchés
D'autre part, les interdictions de produits ne concernent que certaines catégories d'EVI. Ce sont les espaces verts, forêts, promenades et voiries à la fois relevant de personnes publiques et accessibles ou ouverts au public.
Ainsi, un jardin ouvert au public de domaine privé ne sera pas touché, de même qu'un domaine public interdit au public.
De même, pour les voiries, l'interdiction touche les zones accessibles (ex. : trottoir, aire de repos) mais pas celles inaccessibles (ex. : zone technique).
De plus, elle peut être levée sur les zones étroites et difficiles d'accès.
Enfin, ces interdictions disparaissent en cas de traitement obligatoire contre un bioagresseur officiellement listé comme nuisible.
« Personnes vulnérables » dans le camp des préfets
Nous l'avions écrit il y a un an, la loi d'avenir agricole de 2014(5) prévoyait des restrictions aux traitements phyto à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables type écoles, hôpitaux, etc. (et aussi dans ces lieux, mais cela ne change pas grand chose par rapport aux dispositions de l'arrêté « Lieux publics » de 2011(6)). Un texte était attendu pour que cela soit applicable.
En fait, l'application de la mesure a été renvoyée à des arrêtés des préfets de département, selon les directives données par une instruction technique ministérielle publiée en février(7). Des arrêtés préfectoraux ont été publiés, mais il est trop tôt pour évaluer la mesure à l'échelle nationale.
Chassé-croisé de produits
Par ailleurs, la gamme de produits utilisables a déjà bougé. Les produits pour professionnels à base de glyphosate contenant des tallowamines ont vu leurs AMM (autorisations de mise sur le marché) retirées l'été dernier. Ils restent revendables jusqu'au 31 décembre 2016 et utilisables (en espaces autorisés) jusqu'au 31 décembre 2017.
D'autres interdictions sont prévues pour le 1er septembre 2018 : celles des insecticides à base de néonicotinoïdes, certains autorisés sur arbres et arbustes d'ornement.
Côté autorisations, la période juin 2015-septembre 2016 voit deux nouveaux produits :
- un herbicide conventionnel à base d'oryzalin et de penoxsulam (Elegia Gold) pour les parcs, jardins, trottoirs, cimetières et voiries épargnés par les interdictions ;
- un bio-insecticide à base de virus de Spodoptera littoralis (Littovir) pour lutter contre cette noctuelle sur arbres et arbustes, cultures florales et plantes vertes.
Pulvérisateurs davantage contrôlés
Un arrêté de juin dernier(8) a modifié les modalités du contrôle des pulvérisateurs. Il a élargi son champ. Davantage de modèles utilisés en espaces verts sont concernés. Se renseigner auprès du GIP Pulvés.
Certiphyto : catégories regroupées
Comme annoncé en avril dernier(9), le certiphyto a été rénové. Un décret d'août et des arrêtés publiés en septembre(10) l'ont précisé. Depuis le 1er octobre, il existe cinq catégories de certificat, tous valables cinq ans :
- trois pour l'application, « décideur en entreprise soumise à agrément » (dans un cadre de prestation de service), « décideur en entreprise non soumise à agrément » (agriculteur ou bien salarié de collectivité territoriale ou d'autre employeur, agricole ou non, hors prestation de service) et « opérateur » (en agriculture, collectivité ou autre, qu'il y ait ou non prestation) ;
- une pour la vente-mise en vente ;
- une pour le conseil.
Une évaluation portant sur les points étudiés durant le stage sera mise en place.
Les anciens certiphytos restent valables jusqu'à la fin de leur validité prévue.
Demain, réviser l'arrêté de 2006 ?
Nouveau, un avis du conseil d'État a, le 6 juillet dernier, exigé l'abrogation de l'arrêté de septembre 2006(11) réglementant l'application des produits phyto.
Zones non traitées, délais de rentrée après un traitement, interdiction de traiter par vent de plus de force 3, traitement des effluents... Comment cela va-t-il évoluer, sachant qu'en Jevi certaines règles sont confirmées, voire dépassées par l'arrêté lieux publics de 2011 ? Réponses d'ici le 6 janvier 2017, fin du délai fixé par le conseil d'État !
Pour les amateurs
Les UAB sortent de l'armoire
Côté jardiniers amateurs, pas de certiphyto ni de délai de rentrée. La loi agit plutôt sur l'offre de produits. Depuis 2000, les jardiniers n'ont droit qu'aux produits EAJ (emploi autorisé en jardins), une « gamme amateur » plus restreinte que celle des professionnels.
Par ailleurs, les produits autres que ceux à faible risque, UAB et de biocontrôle seront interdits le 1er janvier 2019.
De plus, dès le 1er janvier 2017, ne seront plus vendables en libre service que :
- les produits de biocontrôle « article L253-5 » dont la liste est attendue ;
- nouveau, les produits UAB, catégorie ajoutée par la loi biodiversité de 2016(13) ;
- les produits composés exclusivement de substances de base ; ce sont des PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes).
Les substances de base sont des substances reconnues comme telles au niveau européen ; il en existe onze. Celles qui sont à la fois alimentaires et d'origine végétale ou animale(12) étant reconnues pour l'agriculture biologique par l'Europe, les produits concernés sont, de fait, UAB.
Qui sera sous clé en 2017 ?
Les autres produits EAJ - ni UAB, ni de biocontrôle, ni « de base » - resteront sur le marché en 2017 et 2018 mais pas en vente libre : placés dans un endroit inaccessible au client, type armoire sous clé ou derrière un comptoir, ils seront délivrés par un vendeur titulaire du certiphyto.
Ces produits seront interdits en 2019, sauf ceux à faible risque qui ne seraient ni UAB ni de biocontrôle. En fait, les produits à faible risque autorisés aujourd'hui sont UAB (antilimaces jardin au phosphate ferrique).
Quant aux désherbants « gamme amateurs » à base de glyphosate :
- ceux contenant aussi des tallowamines (il y en avait 26) ont perdu leur AMM ; depuis le 1er octobre, ils ne sont plus distribuables ; ils restent utilisables jusqu'au 31 décembre prochain ;
- les autres restent autorisés jusqu'au 31 décembre 2018, mais seront sous clé dès le 1er janvier 2017.
(1) Loi n° 2014-110 du 6 février 2014, JORF du 8. (2) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015, JORF du 18. Article 68. (3) Règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, JOUE du 24 novembre 2009. (4) Substances à faible risque : cerevisane, COS-OGA, Isaria fumusorosea souche Apopka 17, phosphate ferrique (phosphate de fer), Saccharomyces cerevisiae souche LASO2, Trichoderma atroviride souche SC1, virus de la mosaïque du pepino souche SC2 isolat 1906. (5) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, JORF du 14. (6) Arrêté du 27 juin 2011, JORF du 28 juillet. (7) Instruction du 27 janvier 2016, BO MAAF du 4 février. (8) Arrêté du 6 juin 2016, JORF du 21. (9) Phytoma n° 693, p. 12 à 15. (10) Décret n° 2016-1125 du 11 août 2016, JORF du 14 ; cinq arrêtés du 29 août 2016, JORF du 10 septembre. (11) Arrêté du 12 septembre 2006, JORF du 21. (12) Substances de base alimentaires d'origine végétale ou animale : chitosan (chlorhydrate de chitosane), fructose, lactoserum (petit-lait), lécithine, prêle, saccharose, saule, vinaigre. Autres sustances de base : hydrogénocarbonate de sodium (bicarbonate de soude), hydroxyde de calcium (chaux éteinte), PDA (phosphate di-ammonique). (13) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, JORF du 9.