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Sur le métier

Sylvain Lejal donne des ailes au désherbage raisonné

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°697 - octobre 2016 - page 49

À la tête du service espaces verts de l'aéroport d'Orly, Sylvain Lejal vise à réduire au maximum l'utilisation d'herbicides tout en maintenant un espace sécurisé pour le décollage et l'atterrissage des avions. Orly est en effet engagé dans le plan Écophyto 2018. Ses moyens ? Le désherbage localisé sur les 250 ha de béton aéronautique, le fauchage et le broyage des 650 ha de prairies entourant les pistes.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Après vingt-deux ans en tant que sapeur-pompier dont quatorze pour le groupe ADP (Aéroports de Paris), Sylvain Lejal a pris en 2015 les rênes du service de prévention du péril animalier et d'entretien des prairies aéronautiques d'Orly. Un virage à 180 ° !

« Titulaire d'un bac général, j'ai repris mes études en 2002 pour obtenir un BTS aménagement paysager », explique-t-il.

Faute de poste en rapport avec cette compétence, il poursuit sa carrière de pompier. En parallèle, il s'investit en tant que bénévole pour la Croix-Rouge française jusqu'à devenir directeur départemental. En 2015, cette compétence en management alliée à sa formation paysagère amène sa direction à lui proposer la gestion du service. Avec six personnes aux espaces verts, treize pour le péril animalier, trois administratifs, il gère 250 ha de béton aéronautique et 650 ha de prairies.

Infrarouge et GPS

« Jusqu'en 2008, les zones bétonnées et les prairies étaient désherbées en plein ». En 2008, ADP a signé le plan Écophyto.

« Pour le béton, ADP a investi dans un matériel de traitement en localisé. Cette rampe de 7 m de large placée à l'avant d'un tracteur est équipée de dix-sept têtes de détection infrarouge. Elle déclenche le désherbage localisé seulement si des adventices sont repérées au niveau des joints des dalles de béton. »

Le système peut être utilisé le jour comme la nuit.

« Nous entretenons la piste quand il n'y a pas d'activité, donc souvent la nuit. »

Un GPS relié à un ordinateur mémorise les lieux traités.

« Ainsi, l'opérateur peut savoir s'il se trouve dans une zone de recouvrement pour ne pas traiter deux fois au même endroit. »

En plus des graminées, deux espèces ont une fâcheuse tendance à s'installer dans les joints : le sureau et le noyer. « Les graines de sureau sont rapportées via les déjections des oiseaux. Quant au noyer, les corvidés utilisent le béton comme casse-noix et certaines germent dans les joints ! Nous éliminons le tout avec des débroussaillants avant que les plants ne deviennent trop ligneux. »

Les six salariés des espaces verts ont leur certiphyto.

« Je les envoie en formation dès que le besoin s'en fait sentir. »

Pistes et plan de gestion

Dès 2009, les traitements sur zones bétonnées ont baissé de 95 % ! Mais Sylvain Lejal veut encore réduire les herbicides.

« Quand je suis arrivé, j'ai décidé de passer une année sans traiter pour voir ce que cela donnait. Je suis maintenant en train de définir un plan de gestion du désherbage en repérant les zones de pistes les plus envahies. En fait, ce n'est pas obligatoire de tout traiter chaque année : certaines zones peuvent s'en passer, d'autres exigent deux passages. »

Notre responsable a constaté que les zones envahies sont celles où les joints entre les dalles de béton sont les plus dégradés : ils se remplissent de terre et les graines y germent. « Pour réduire l'installation des adventices, et donc les herbicides, une rénovation des joints doit aussi être entreprise. »

Prairie fauchée et broyée

Autre espace à gérer : la zone enherbée (65 % fétuque, 35 % ray-grass) de douze à vingt mètres le long des pistes.

« Elle ne doit pas être attractive pour les pigeons et faucons crécerelles qui risquent d'entrer en collision avec les avions. » L'herbe est coupée à 20 cm deux à trois fois par an.

« Les oiseaux n'aiment pas se poser dans la fétuque ainsi coupée. » Elle est ramassée pour éviter d'être aspirée par les réacteurs des avions. De plus, cela freine la prolifération des mulots, nourriture de prédilection des faucons crécerelles.

Au-delà des 20 m et jusqu'à 120 m du bord de la piste, la prairie est broyée à la même hauteur mais sans ramassage.

« Là, même si les faucons s'y posent, ce n'est plus très dangereux. Ces prairies éloignées des pistes nous servent aussi à "parquer" les oiseaux à protéger, comme les cigognes qui se posent parfois sur l'aéroport. »

Herbicides nécessaires

À l'avenir, Sylvain Lejal estime qu'il ne pourra pas passer au zéro phyto.

« Certaines zones doivent être indemnes de végétation pour des raisons de sécurité de navigation aérienne. Nous avons testé le paillage mais c'est incompatible avec la circulation des avions. Le désherbage manuel demande trop de temps et je ne peux pas exiger la fermeture d'une piste plusieurs jours pour la nettoyer. Avec le désherbage chimique, quelques heures ou une nuit suffisent. »

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BIO EXPRESS

SYLVAIN LEJAL

1993 à 2000. Pompier, d'abord à Paris puis au MIN de Rungis, et bénévole à la Croix-Rouge.

2001. Entre à ADP comme pompier.

2002. Reprend ses études pour obtenir un BTS aménagement paysager à Angers (Maine-et-Loire).

2014. Crée une association pour la création de jardins en permaculture à Achères-la-Forêt (Seine-et-Marne).

2015. Responsable du service péril aviaire et espaces verts à Paris-Orly (Val-de-Marne).

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