Retour

imprimer l'article Imprimer

Sur le métier

Marine Louargant teste le drone pour localiser le désherbage

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°699 - décembre 2016 - page 48

À 26 ans, Marine Louargant vient de terminer une thèse pour Airinov, spécialiste des images acquises par drone. Son sujet : mettre au point une méthode pour désherber une culture en localisé grâce à ces images. Pour l'instant, une cartographie des zones d'adventices entre rangs est réalisable en maïs et betterave. Des développements sont encore nécessaires pour distinguer les dicots des graminées.
Marine Louargant Photo : Airinov

Marine Louargant Photo : Airinov

Intéressée par les nouvelles technologies, la cartographie et l'analyse d'image, Marine Louargant, alors en cursus d'ingénieur agronome à Bordeaux Sciences Agro, s'est tournée en 2013 vers la spécialisation AgroTIC.

« Je voulais lier l'agronomie et les nouvelles technologies », explique-t-elle. Un voeu exaucé puisque depuis, elle planche sur l'utilisation d'images prises par drone pour localiser le désherbage en cultures.

D'abord dans le cadre de son stage de fin d'études, puis d'une thèse Cifre, elle travaille pour Airinov en collaboration avec l'équipe agriculture de précision d'AgroSup Dijon. Basée à Paris, Airinov est spécialisée dans l'acquisition d'images aériennes par drone et le traitement de celles-ci dans le but de réaliser des préconisations aux agriculteurs. AgroSup Dijon apporte ses compétences en analyse d'images.

Analyse spatiale

« Nous avons travaillé sur les cultures sarclées (maïs et betterave) car il est plus facile de détecter les mauvaises herbes entre les rangs comparé aux céréales où les rangs sont serrés. » Marine Louargant commence par tester le matériel utilisé par Airinov pour la modulation de la fertilisation azotée, à savoir le drone eBee, une aile de 1 m d'envergure volant à 50 m de hauteur, qui permet d'obtenir une résolution spatiale maximale de 6 cm/pixel (un pixel représente un carré de 6 cm de côté au sol).

« J'ai proposé une première méthode basée sur l'analyse spatiale de la végétation dans la parcelle, avec le principe que toute végétation située en dehors des rangs est une adventice. »

Acquisition d'images

Notre chercheuse écrit d'abord des algorithmes pour analyser automatiquement des images.

« Afin de les valider, il a fallu acquérir des images pour comparer l'analyse issue de l'algorithme à la réalité. »

Dans un premier temps, elle utilise un spectromètre pour étudier les valeurs de réflectance du maïs, des betteraves et des mauvaises herbes cultivés au laboratoire. Puis elle part sur le terrain avec les agridronistes d'Airinov pour obtenir des images de parcelles.

« J'ai délimité plusieurs carrés de 25 m2 dans une parcelle dans lesquels j'ai identifié les zones avec mauvaises herbes. Parallèlement, les images ont été captées de trois façons : avec le vol du drone à 50 m de hauteur, avec un capteur fixé sur une perche à 3 m au-dessus de la culture pour obtenir une résolution de 6 mm/pixel, et enfin avec un spectromètre de terrain. » L'objectif était de déterminer la résolution nécessaire pour détecter les mauvaises herbes, notamment aux stades les plus précoces.

Phase pilote

Résultat, pour l'instant :

« Les tapis d'adventices au stade cotylédons sont très bien détectés par le drone à 50 m de hauteur.

En revanche, pour des adventices isolées à ce même stade, il faudra descendre plus bas ou améliorer la résolution. »

Au printemps 2015 démarre la phase pilote pour tester la méthode en situation réelle dans des parcelles d'agriculteurs. « Nous ne visons pas le premier désherbage de post-levée (car en général il faut désherber en plein), mais plutôt le ou les suivants qui constituent souvent un rattrapage. »

Lors des essais en 2015 et 2016, les adventices ont été correctement détectées. « Cependant, en betterave, au-delà du stade 6F, il est difficile de les localiser avec le drone actuel et sa résolution car la culture couvre le rang. »

L'objectif était ensuite de transformer la cartographie des adventices en carte de préconisation. Le but ultime est de pouvoir désherber en localisé.

Problème de matériel

Et là, ce n'est pas une mince affaire ! Car si en modulation intraparcellaire de la fertilisation, un changement de dose réalisé 1 ou 2 mètres après le début de la zone concernée ne porte pas trop préjudice, en désherbage localisé il est impératif d'ouvrir les vannes quand la buse passe pile au-dessus des mauvaises herbes et pas 2 mètres après !

« Nous avons géré l'imprécision des GPS du drone et du tracteur en prévoyant une zone tampon à traiter autour de la zone avec adventices. » Mais il existe également un temps de latence entre le moment où la console reçoit l'ordre d'ouvrir les vannes et celui où celles-ci s'ouvrent. Et pendant ce temps, le tracteur avance...

« Sans compter que la fermeture d'un tronçon peut avoir une influence sur les autres tronçons ! Si nous voulons proposer à chaque agriculteur une carte de préconisation adaptée à son matériel, il nous faut les caractéristiques de chaque type de pulvérisateur. » Airinov travaille avec certains constructeurs pour poursuivre la réflexion dans ce sens.

Méthode spectrale

Prochain objectif : distinguer les dicots des graminées. « Une méthode spectrale est ici nécessaire pour analyser les différences de couleur entre ces deux familles. » Marine Louargant a déjà testé d'autres filtres optiques que ceux présents dans le capteur utilisé pour la méthode spatiale.

« Les premiers tests sont encourageants mais des essais supplémentaires sont encore nécessaires pour valider la méthode avant de passer à la phase pilote. » Des travaux que va poursuivre Airinov. De son côté, Marine Louargant s'apprête à voler de ses propres ailes.

« J'hésite encore entre un post-doctorat à l'étranger et un poste en R&D en entreprise en France », précise notre chercheuse qui vient tout juste de soutenir sa thèse.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

BIO EXPRESS

MARINE LOUARGANT

Mars à septembre 2013. Stage de fin d'études à AgroSup Dijon (Côte-d'Or) encadrée par Airinov.

Diplôme d'ingénieur agronome de Bordeaux Sciences Agro (Gironde) avec option AgroTIC réalisée à Montpellier SupAgro (Hérault).

Depuis octobre 2013. Thèse Cifre chez Airinov en partenariat avec AgroSup Dijon.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :