1. Le 7 juin 2016, ces canards nagent dans un champ de pomme de terre inondé, situé dans le Béthunois (Pas-de-Calais). Photo : S. Bueche - Chambre d'agriculture Nord-Pas-de-Calais
2. Tubercules crevassés et déformés : ces défauts ne sont pas dus à des bioagresseurs mais directement aux caprices du climat en 2016. Photo : G. Tropato
4. Variété sensible au mildiou à gauche, variété résistante à droite. Photo prise le 13 juillet 2016 en Alsace. Photo : D. Jung
5.Symptômes d'alternaria début août sur une parcelle qui avait été partiellement inondée au printemps. Source : BSV Lorraine. Photo : H. Beyer
6. Symptôme de dartrose sur tubercule et stolon. Source : BSV Picardie. Photo : . C. Prechonnet - Pom Alliance
Sur pomme de terre, la campagne 2016 est marquée avant tout par ses conditions climatiques « extrêmes ». Celles-ci ont affecté les pratiques agronomiques, provoqué des perturbations physiologiques importantes sur les plantes et influencé les ennemis de la culture, en particulier le mildiou.
Le poids de la météorologie
Plantation cahin-caha
La campagne ne démarre pas dans des conditions favorables : les sols sont souvent difficiles à préparer, le printemps froid s'accompagne ici ou là de gelées blanches. Dans les Hauts-de-France, les plantations de pommes de terre de conservation et fécules débutent vers le 20 mars mais sont vite stoppées par les pluies. Elles redémarrent mi-avril pour se poursuivre jusque mi-mai. Dans le centre et l'est, elles se terminent plus rapidement. Les sols étant froids, des tubercules trop incubés, du fait du retard de plantation, entraînent des levées difficiles.
Trop de pluie en mai-juin
Mais ce sont les pluies excessives de mi-mai et de la première quinzaine de juin qui provoquent le plus de dégâts : coulées de boues ou inondations dans certains secteurs (Flandres, Béthunois) (photo 1).
On note des pluies de 100 à 250 mm dans le Nord-Pas-de-Calais, de plus de 200 mm, parfois 300 mm dans le Centre et l'Est. En Picardie, la pluviométrie est de l'ordre de 200 mm, un peu moins en Normandie.
L'UNPT (Union nationale des producteurs de pommes de terre) estime que 1 % des surfaces ont subi des dégâts directs et 2 à 3 % des dégâts indirects, dus à une mauvaise croissance des germes, une asphyxie des plantes, des levées hétérogènes et des pertes de plantes. En Alsace, fin avril/début mai, les BSV signalent des pourritures de plants en cultures primeurs. Dans le nord Picardie, des cas de liquéfaction de plants et de pourritures de tiges sont observés début juin.
Dans la plupart des régions, les désherbages sont compliqués à réaliser, avec un peu de phytotoxicité localement. Cette humidité provoque une épidémie virulente de mildiou de mi-mai à mi-juillet.
Chaud et sec dès juillet
En revanche, début juillet, la chaleur et la sécheresse s'installent jusque fin septembre avec même quelques jours de « canicule » du 21 au 26 août. La physiologie des plantes est perturbée, on note des « refleurissements » de parcelles mi-août. Ces conditions « calment » le mildiou. Toutefois l'hygrométrie nocturne permet à la maladie de se maintenir en parcelles et dans l'environnement. L'excès d'eau suivi de sécheresse entraîne des tassements des sols et de nombreuses crevasses dans les buttes.
La croissance rapide des tubercules due à l'excès d'eau en début de tubérisation a engendré des crevasses sur certaines variétés (photo 2). D'autres tubercules montrent des déformations liées aux à-coups de croissances.
On note aussi du verdissement de tubercules. L'enracinement plutôt superficiel avec tubérisation de surface et les nombreuses « fentes » des buttes sont à l'origine de ces symptômes.
La teneur en matière sèche est très élevée : + 2 % par rapport à la moyenne (dans certains cas, en variétés industrielles, elle atteint 25 %). Elle est favorable aux féculiers et compense en partie la faiblesse des rendements, mais augmente les risques d'endommagements externes et les noircissements internes lors des travaux de récolte, de mise en stockage et des conditionnement.
Arrachages compliqués
En fin de campagne, nouvelle difficulté : les sols sont trop secs pour récolter. Beaucoup d'irrigants « arrosent » alors leurs parcelles, un prêt de matériel entre producteurs s'installe même dans certaines régions.
En zones non irriguées, il faut attendre les pluies de début octobre pour arracher. Lors de ces récoltes tardives, les températures froides matinales favorisent la sensibilité aux chocs. Les rendements et la qualité des récoltes en cultures non irriguées sont très affectés avec une faible proportion de gros calibres. Les rendements, très hétérogènes, sont globalement plus faibles que ceux de 2015 (de 10 à 15 %).
Sur le plan sanitaire, le mildiou domine
Le Sud-Ouest, la Bretagne et l'Auvergne sous contrôle
L'épidémie de mildiou (Phytophthora infestans) a été précoce, fulgurante et très difficile à contrôler en première partie de campagne, sauf dans le Sud-Ouest, la Bretagne et l'Auvergne.
Sur primeurs dans le Sud-Ouest, les premiers symptômes sont observés dans le Marmandais avec un ralentissement des risques mi-mai et une stabilisation de la maladie jusqu'à mi-juin. Puis les risques augmentent avec de nombreuses parcelles touchées mais sans gravité. Fin juin, la maladie progresse légèrement avec des symptômes sporulants, cependant les conditions climatiques sèchent ces taches. On note quelques risques faibles dans certains secteurs tout début juillet mais les défanages sont en cours. En Bretagne, sur primeurs, quelques foyers apparaissent lors du débâchage des parcelles vers mi-avril. Les attaques sont plus sévères dans le Finistère fin avril. Mi-mai, les symptômes en primeurs de plein champ sont isolés et les risques sur productions de conservation plantées fin avril sont faibles.
En revanche, les risques augmentent fortement fin mai avec des foyers plus nombreux en primeurs dans le Finistère, avec des symptômes sur tiges et feuilles. Début juin, quelques taches apparaissent sur pommes de terre de conservation dans le Finistère, mais globalement les conditions climatiques plutôt sèches ne favorisent pas la maladie. Quelques pluies des 7 au 10 juin entraînent des attaques localisées.
En Auvergne, le risque est élevé fin juin, quelques taches en parcelles sont observées, mais la pression diminue dès début juillet vu la période sèche et les températures élevées.
Alsace, Champagne et Lorraine : un printemps agité
En Alsace, début mai, les risques mildiou sont faibles, sauf sous bâches. Mais dès le 10 mai, l'outil d'aide à la décision Mileos donne des risques en forte progression, de moyens à élevés. Ils s'aggravent fin mai et restent à un niveau très élevé en juin.
Dès le milieu de la décade de mai, quelques cas de mildiou en parcelles sont observés et les conditions climatiques aggravent la situation avec des coulées de boues et des chutes de grêles. En pleine levée des productions de consommation, le mildiou s'installe fortement en parcelles, notamment sur tiges.
En Champagne et en Lorraine, la maladie démarre fort début juin : risques Mileos élevés sur toutes les stations météorologiques, et symptômes en jardins, tas de déchets et repousses. Dès le 10 juin, la pression de maladie est très élevée, le mildiou s'installe en parcelles sur des cultures en croissance active. Début juillet, la plupart des parcelles sont contaminées.
Île-de-France et Centre-Val de Loire
Le seuil de nuisibilité est atteint fin mai sur les variétés sensibles en Île-de-France. Il devient élevé sur toutes les variétés quelle que soit la sensibilité dès mi-juin et jusque début juillet. On note encore quelques nouvelles contaminations mais avec des risques plus modérés mi-juillet.
Dans la région Centre-Val de Loire, où les variétés à chair ferme dominent, les seuils de nuisibilité donnés par Mileos sont atteints sur variétés sensibles et résistantes alors que les levées débutent le 10 mai. Dès le 20 mai, les risques élevés sont généralisés, le mildiou se manifeste dans l'environnement, notamment sur tas de déchets et en jardins. La pression s'accentue avec les fortes pluies et la période de croissance active.
Des foyers apparaissent en parcelles début juin. La pluviométrie provoque quelques inondations en parcelles et accélère la maladie. Le nombre de foyers progresse fortement jusqu'au 5 juillet. Puis le temps sec ralentit l'évolution de la maladie. Les risques restent élevés, mais la sénescence arrive dès la mi-juillet.
Hauts-de-France et Normandie : des difficultés de contrôle
Dans les régions de production de pommes de terre de consommation (frais et industrie) fécules, le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et la Normandie, le mildiou pose d'importants problèmes de contrôle.
Vers le 20 mai, toutes les cultures sont levées. Les premiers risques de mildiou sur variétés sensibles sont atteints en Nord-Pas-de-Calais, quelques jours plus tard en Picardie et en Normandie. Des symptômes sont détectés sur des tas de déchets dès le 20 mai en Nord-Pas-de-Calais mais aussi en Picardie et en Normandie. Très vite, les risques donnés par Mileos deviennent maximaux sur la plupart des stations météorologiques.
Fin mai/début juin, la croissance des plantes est rapide (plus de 10 cm en quelques jours), l'hygrométrie est saturante et les températures douces. Les pluies (souvent plus de 40 à 60 mm en quelques jours, plus des orages de 80 mm) lessivent les fongicides et gênent l'entrée dans les parcelles. Le mildiou est présent sur déchets, jardins, repousses et « s'installe solidement » en parcelles.
Mi-juin, les risques restent au maximum le mildiou est « partout » dans l'environnement, en parcelles sur feuilles, tiges, bouquets terminaux en Nord-Pas-de-Calais. En Picardie et Normandie, de nombreuses parcelles sont contaminées, mais on ne constate pas de gros foyers. L'épidémie progresse très rapidement jusque début juillet malgré une protection fongicide intense avec des spécialités haut de gamme et des stratégies dites « mildiou déclaré ». Fin juin, toutes les parcelles sont malades, souvent gravement. Certaines sont détruites à 100 %.
Début juillet, les conditions climatiques changent nettement, les pluies cessent, la maladie commence à être maîtrisée en Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Normandie. Dès le 20 juillet, des températures élevées aident au contrôle de la maladie en desséchant les folioles, mais les risques restent importants à cause de l'hygrométrie nocturne. En Picardie et en Normandie, on note quelques sporulations sur des parcelles irriguées. De plus, le mildiou se maintient sur tiges et les sols fortement crevassés sont favorables à la contamination des tubercules. Quelques taches sporulantes sont suffisantes pour cela, cependant quelques-unes sont encore observées début août.
La sénescence arrive dans de nombreuses parcelles en août. En Nord-Pas-de-Calais, quelques taches se maintiennent jusque fin août (photo 3). Quelques cas de mildiou sur tubercules sont constatés, en toutes régions, à la récolte, mais les dégâts restent limités.
Le récapitulatif des risques de contaminations établi par Arvalis-Institut du végétal, à Villers-Saint-Christophe (Aisne), sur plusieurs années montre très bien l'évolution forte des risques de la maladie : proche de 2007 en début de campagne, puis se stabilisant début juillet (Figure 1). Il convient de noter que la résistance variétale a joué un rôle important dans le contrôle de la maladie (photo 4).
Autres maladies
Alternaria solani, alternata et/ou « symptômes type alternaria »
Il n'y a pas détermination systématique des taches concernant les « symptômes de type alternaria » et plusieurs études - notamment néerlandaises et belges - ont démontré de nombreuses confusions avec des symptômes de phytotoxicité et carences.
La maladie est observée en Alsace dès fin mai. L'alternaria s'installe dans les parcelles carencées en azote à la suite de lessivages importants. Les risques augmentent fin juin vu les températures plus élevées et les carences. La maladie se maintient et augmente à nouveau vers le 20 juillet après la canicule et se développe jusqu'au défanage.
En Lorraine (photo 5) des dégâts sont constatés fin juin, augmentent mi-juillet et surtout fin juillet en début de sénescence des plantes, plus particulièrement dans les zones qui étaient en excès d'eau fin mai/début juin, et jusqu'au défanage.
En Champagne-Ardenne, l'alternaria est observée dans 20 % des parcelles le 20 juillet, 53 % le 28, 75 % début août. Des dégâts importants sont signalés sur certaines parcelles mi-août et fin-août, et jusqu'au défanage. En Aquitaine, la maladie est notée en juillet, en fin de végétation. En Bretagne, l'alternaria est peu présente. Dans le Centre et Val de Loire, fin juin, ce sont sur les plantes stressées et en manque d'azote à la suite des lessivages que l'alternaria se développe. Il progresse mi-juillet avec quelques parcelles détruites en partie. La maladie continue à se développer avec la sénescence.
Dans le nord de la France, en Île-de-France et en Normandie, la maladie se manifeste à partir de l'arrivée du temps sec et chaud vers le 10 juillet, et surtout début août avec la sénescence des plantes. Il ne semble pas qu'elle cause de dégâts importants.
Bactéries : pourritures molles et jambe noire
De nombreuses études sont conduites en Europe et dans le monde (Pathology and Pests Section Meeting, August 2016, Dundee, Scotland) sur les bactéries, Pectobacterium sp. et Dickeya sp. Il s'agit d'un grave problème qui s'amplifie. Les excès d'eau et les inondations laissaient présager de gros dégâts, mais ces derniers semblent plutôt modérés. Des pourritures de plants sur primeurs sous bâches sont observées fin avril/début à mi-mai en Alsace. Dans cette région, des symptômes de jambe noire se manifestent fin juin et se maintiennent jusqu'en fin de saison avec quelques pourritures molles sur tubercules.
La jambe noire est signalée mi-juin en Île-de-France et vers le 20 juin en parcelles noyées dans le Centre. Dans le nord Picardie et en Normandie, les Bulletins de santé du végétal évoquent peu la jambe noire.
Toutefois, des informations orales évoquent plusieurs cas fin juin/début juillet en Picardie. Kürt Demeulemeester, d'Inagro Courtrai, signale en Flandres belges des pourritures molles sur tubercules après récolte causées par Geotrichum candidum, pourriture aigre.
Rhizoctone
Pour le rhizoctone (Rhizoctonia solani), on note des risques dès fin avril en Bretagne. Des symptômes sont observés dans plusieurs parcelles de primeurs début juin avec notamment des symptômes typiques au collet et stolons en sols légers près de la côte, et quelques cas sur tubercules de conservation fin août. En Nord-Pas-de-Calais, des symptômes sont détectés sur tiges le 25 juillet mais sont modérés. Quelques cas sont observés sur tubercules en Picardie et dans plusieurs régions.
Dartrose : un défanage prématuré
Présente en Picardie sur tubercules avec au moins un cas très grave en parcelle, la dartrose (Colletotrichum coccodes) est signalée en fin de saison en Alsace.
Cette maladie s'exprime fortement dans certaines parcelles en Picardie. Le BSV du 23 août rapporte que « cette année, plusieurs parcelles à chair ferme ont décroché brutalement avec un défanage prématuré. Ce défanage prématuré a engendré une perte de calibre et une perte en rendement. Après analyse des symptômes, on diagnostique la présence de sclérotes de dartrose sur plantes. Ce champignon est présent sur la base des tiges, stolons puis s'étend sur les tubercules. Les tubercules perdent ainsi en qualité ». La photo 6 montre bien le décollement de l'enveloppe racinaire et les ponctuations noires déjà présentes sur le stolon.
Gale commune, botrytis, oïdium
Évoquée le 9 août en Auvergne, en Picardie sur tubercules et dans plusieurs régions sur tubercules, la gale commune (Streptomyces sp.) reste limitée grâce aux pluies importantes (« resserrement » et asphyxie des buttes). Le botrytis est noté en secondaire dans le Nord-Pas-de-Calais mi-juin et mi-août, début juillet en Île-de-France, en août en Champagne-Ardenne et ponctuellement dans d'autres secteurs. Mais il est toujours secondaire et sans influence sur le rendement. En Seine-et-Marne, un cas d'oïdium est signalé.
Pucerons et viroses
Deux formes de nuisibilité
Les suivis des pucerons vecteurs de virose s'effectuent par deux méthodes. Chacune permet d'évaluer les risques liés aux deux types de nuisibilité des pucerons :
- pièges jaunes pour évaluer les vols. C'est un indicateur des risques de contamination par des virus Y, indispensable pour les producteurs de plants ;
- comptage en parcelles de 40 folioles de la partie inférieure de 40 plantes différentes. Il sert à comparer au seuil de nuisibilité de dégâts directs qui est de 50 % des folioles porteuses ou cinq à dix pucerons par feuilles.
Prenons l'exemple du BSV Picardie du 28 juin : la Figure 2 présente le vol sur plusieurs années au sein du site de Cottenchy, faible en 2016. C'est Myzus persicae qui est le plus piégé. Sur le comptage de treize parcelles le 27 juin, deux présentent des pucerons, mais avec moins de 10 % des folioles porteuses sur quarante folioles observées, le seuil de nuisibilité n'est pas atteint.
Tour des régions
En Bretagne, les pucerons volent début juin, les populations sont faibles. En Auvergne, quelques pucerons sont observés dès la levée avec une faible population jusque fin mai contrôlée par des auxiliaires.
En Alsace, les pucerons sont peu présents. En Lorraine, le vol débute vers le 20 mai, augmente début juin, puis les populations baissent rapidement pour devenir quasiment absentes en juillet. Toutefois, quelques symptômes de viroses se manifestent début juillet (contaminations de début juin).
En Île-de-France, quelques pucerons sont observés fin juin, mais les populations restent faibles. En Centre-Val de Loire, le vol débute dès la fin avril et se montre modéré. Des adultes ailés sont observés en parcelles fin mai/début juin avec quelques colonies, mais les pluies entraînent vite une baisse.
En Champagne-Ardenne, les vols débutent fin mai, quelques symptômes de virus Y « s'expriment » courant juin et début juillet alors que les populations des vecteurs sont faibles, mais il s'agit probablement de contaminations de fin mai/début juin.
En régions Hauts-de-France et Normandie, les pucerons sont observés dès le 20 mai (Picardie - voir Figure 2 - et Normandie). Un peu plus tard en Nord-Pas-de-Calais, les populations restent modérées jusque fin juillet compte tenu des conditions climatiques et la présence d'auxiliaires : coccinelles, chrysopes et syrphes. Le seuil de nuisibilité n'est jamais atteint.
Toutefois, en Picardie, certains techniciens considèrent que les vols ont été suffisants localement pour d'importantes contaminations de virus. Ces viroses (PVY) auraient entraîné des pertes de rendement.
Autres ravageurs
Les doryphores, présents localement au seuil de nuisibilité
En Aquitaine, les doryphores (Leptinotarsa decemlineata) sont observés dès le 18 mai avec des larves début juin, mais la population reste modérée.
En Auvergne, quelques adultes sont présents fin mai, la population progresse avec des adultes et des larves mi-juin ; une parcelle du réseau atteint le seuil de nuisibilité : deux foyers pour 1 000 m² (un foyer = deux à trois plantes avec quinze à vingt larves au stade grain de blé au total).
Les doryphores apparaissent fin juin en Île-de-France avec quelques foyers fin juillet. En Alsace, les doryphores sont observés dès mi-mai sur repousses. Début juin, des larves et adultes se trouvent en bordures de parcelles. Les adultes de seconde génération apparaissent vers le 30 juin, quelques dégâts sont constatés localement en juillet. Des populations moyennes se maintiennent jusqu'en fin de saison.
En Lorraine, les premiers doryphores sont observés tout début juin, des pontes ont lieu vers le 9 juin et les larves et adultes apparaissent vers le 20 juin. Les populations augmentent et quelques foyers s'établissent, une parcelle du réseau BSV atteint le seuil de nuisibilité. La pression est variable selon les secteurs et quelques foyers apparaissent au mois d'août.
En Bretagne, l'infestation est importante tout au long du cycle de la pomme de terre. La présence du coléoptère a été constatée quasiment toutes les semaines avec des populations plus ou moins importantes. Les oeufs ont été observés à plusieurs reprises sur la face inférieure des feuilles.
En Champagne-Ardenne, un premier foyer est observé début juin, la population se développe faiblement mais augmente mi-juillet avec des seuils de nuisibilité atteints. Le 28 juillet, 35 % des parcelles du réseau sont contaminées.
En Centre-Val de Loire et Île-de-France, les doryphores se manifestent en juillet, avec quelques gros foyers localisés.
En Picardie, quelques doryphores sont observés dès le 24 mai, en Normandie dès le 31 mai. Dans le Nord-Pas-de-Calais, quelques rares individus arrivent vers le 14 juin jusque fin juillet où apparaissent plusieurs foyers avec adultes. Mais le seuil de nuisibilité n'est atteint que dans une parcelle du réseau le 19 juillet en Picardie, où globalement l'attaque est plus forte que les années précédentes, et en bordure de quelques parcelles en Normandie.
Limaces
Les observations se font lors des visites de parcelles, et dans certaines régions à risque à l'aide d'un réseau de pièges.
Prenons l'exemple du réseau Nord-Pas-Calais conduit par divers partenaires : 28 parcelles historiquement à risques sont équipées de pièges « aqua nappe » de 50 cm de côté, relevés chaque semaine et complétés par des prélèvements de tubercules pour noter les éventuels dégâts (trous et galeries). Le seuil de nuisibilité est de quatre limaces par mètre carré (1 m² = quatre pièges).
De façon générale, les attaques ont eu lieu durant toute la campagne 2016, mais de façon plus accentuée lors du grossissement des tubercules à l'arrachage. Les trous dans les tubercules déprécient la qualité. En effet, dès quelques pourcentages de tubercules touchés, les lots entiers ne sont pas acceptés par les industries de transformation.
Les limaces observées en Bretagne début juillet n'ont pas provoqué de dégâts. En Alsace, elles se montrent fin avril, fin juin et mi-juillet. Des risques sont annoncés en Nord-Pas-de-Calais fin juin/début juillet. Des limaces grises et noires sont présentes dans quelques parcelles mi-juin en Picardie, avec des dégâts constatés sur feuille en bordures de parcelle vers le 20 juin en Normandie (voir photo 7).
Christophe Prechonnet, de Pom'Alliance, affirme que c'est la première année qu'il observe autant de dégâts de limaces sur tubercules en toutes régions, notamment sur les variétés Monalisa, Caesar et Agata.
Taupins
En Picardie, mi-juin, on note une parcelle avec des larves de taupin. En Bretagne, mi-juillet, un prélèvement de terre de 50 cm3, dans une parcelle à risque non traitée, a permis de dénombrer dix larves, mais aucun dégât sur les tubercules (variété Monalisa, appétente pour les larves) n'a été constaté. La majorité des coléoptères observés appartiennent au genre Agriotes spp. Quelques larves du genre Athous spp. ont été identifiées. En Bretagne, l'observation d'adultes est très fréquente lors de cette campagne, au sol ou sur l'apex des cultures.
Tuta absoluta
Originaire d'Amérique du Sud, le lépidoptère Tuta absoluta, dit mineuse sud-américaine de la tomate, est apparu dans le bassin méditerranéen en 2006 et en France en 2008. Son hôte privilégié est la tomate mais les larves attaquent aussi la pomme de terre (« morsures » sur tubercules) et d'autres solanacées : aubergine, poivron, morelle, Datura. Un réseau de piégeage mis en place en Île-de-France a permis quelques captures dès le 26 juillet et jusque mi-août.
Méligèthes inattendus
En Bretagne, lors de la période de floraison, une invasion de petits insectes de couleur noire a été signalée dans le secteur de Châteauneuf-du-Faou (Finistère). Après identification par l'Anses-unité d'entomologie, deux espèces de coléoptères ont été distinguées : Brassicogethes aeneus, méligèthe du colza et Brassicogethes viridescens, méligèthe des crucifères. Les fleurs de pomme de terre infestées par ces méligèthes présentent des perforations circulaires (voir photo 8, Germicopa du BSV du 20 juillet) mais les attaques n'ont pas semblé préjudiciables.
Acariens et cicadelles
Kurt Demeulemeester, en Flandres belges, indique la présence d'acariens associés à des symptômes d'Alternaria en bordure de plusieurs parcelles sur une variété tardive, Markies, également en jardin, fin septembre. La période sèche et chaude est favorable aux acariens. Par ailleurs, des piqûres de cicadelle sont constatées dans la Marne et en Lorraine mi-juillet.
Conclusion
La campagne 2016 est marquée par des conditions climatiques tranchées très perturbantes pour la physiologie des plantes et favorables au mildiou, extrêmement difficile à contrôler dans de nombreuses régions. On note aussi la présence de l'alternariose et localement de graves dégâts de dartrose. Les ravageurs n'ont pas posé de gros problèmes malgré quelques cas locaux.
Fig. 1 : Évolution des cumuls de poids de contamination à Villers-Saint-Christophe (Aisne)
La force de l'épidémie au printemps 2016 est visible (courbe au-dessus de celle des autres maladies, année-record 2007 exceptée), comme la stabilisation à partir de juillet.
Fig. 2 : Évolution annuelle des pucerons capturés sur le site de Cottenchy (Somme)
Source : BSV Picardie n° 4 du 28 juin 2016. On voit que 2016 est une petite année pour les pucerons, vecteurs de viroses ou non.
Citons nos sources
Les données reportées dans cet article sont issues en grande partie de nombreux Bulletins de santé du végétal (BSV), visites de terrains, échanges avec les acteurs des filières à l'occasion de rencontres techniques organisées notamment par Arvalis-Institut du végétal.
REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS à Cyril Hannon (Arvalis-Institut du végétal), Christine Haccart, Samuel Bueche (chambre d'agriculture Nord-Pas-de-Calais), Gérard Tropato (Mc Cain), Valérie Pinchon (Fredon Picardie), Solène Garson (GIitep), Christophe Prechonnet (Pom'Alliance), Jean-Marie Milliard (Fredon Normandie), Denis Jung (Planète Légumes Alsace), Henri Beyer (Planète Légumes Lorraine), Catherine Chatot (Germicopa), Kurt Demeulemeester (Inagro).