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DOSSIER - Pomme de terre

Mesures réglementaires qui favorisent la protection

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°700 - janvier 2017 - page 33

De la liste biocontrôle aux actions standardisées des CEPP, en passant par les nouveaux produits, la protection phytosanitaire des pommes de terre a bénéficié en 2016 de différentes évolutions.
Aujourd'hui, la nouvelle liste des produits de biocontrôle « au sens de l'article L. 253-5 du code rural » contient peu de produits commercialisés sur pomme de terre : seulement un défanant et des antilimaces.  Photo : M. Decoin

Aujourd'hui, la nouvelle liste des produits de biocontrôle « au sens de l'article L. 253-5 du code rural » contient peu de produits commercialisés sur pomme de terre : seulement un défanant et des antilimaces. Photo : M. Decoin

 Vingt-trois variétés, une centaine de GPS, un OAD et un défanant : voilà l'inventaire des « actions standardisées CEPP ». Photo : Pixabay

Vingt-trois variétés, une centaine de GPS, un OAD et un défanant : voilà l'inventaire des « actions standardisées CEPP ». Photo : Pixabay

Tableau 1 : Les trois produits autorisés sur pomme de terre depuis un an

Tableau 1 : Les trois produits autorisés sur pomme de terre depuis un an

Tableau 2 : Les quatre actions standardisées du CEPP concernant la pomme de terre (parmi les vingt actions listées dans l'arrêté du 12 septembre 2016)

Tableau 2 : Les quatre actions standardisées du CEPP concernant la pomme de terre (parmi les vingt actions listées dans l'arrêté du 12 septembre 2016)

Depuis un an, quelles sont les avancées et les nouveaux produits que la réglementation a apporté à la protection phytosanitaire de la pomme de terre ? Réponse en trois points.

Produits de biocontrôle

Liste L. 253-5 : explication de texte

Tout d'abord, parlons de la réglementation des produits phyto (c'est-à-dire phytopharmaceutiques). Un événement notable de 2016 a été la publication, en novembre dernier, de la liste des produits de biocontrôle « au sens de l'article L. 253-5 du code rural ».

L'utilisation de ces produits est en effet encouragée par la loi à plusieurs titres :

- la taxe sur la phytopharmacovigilance est payée seulement à demi-tarif, contrairement à tous les autres produits (même les produits UAB, utilisables en agriculture biologique, qui ne sont pas en même temps sur la liste « L. 253-5 ») ;

- ce sont les seuls produits phyto dont le plan Écophyto ne veut pas diminuer l'usage ;

- leur publicité commerciale est autorisée dans tous les médias ;

- l'agrément est inutile pour les appliquer en prestation de service (par exemple, en ETA, entreprise de travaux agricoles), mais le certiphyto est tout de même nécessaire ;

- ils sont (avec les produits UAB notamment) épargnés par les restrictions en zones non agricoles, mais ceci ne concerne pas les professionnels de la pomme de terre !

La pomme de terre peu servie

Alors, est-ce que la pomme de terre bénéficie de ces produits de biocontrôle ? En fait, aujourd'hui, très peu. Parmi les produits à base de substances naturelles, les seuls qui intéressent vraiment la pomme de terre sont Beloukha, de Belchim, défanant à base d'acide pélargonique, et les antilimaces professionnels à base de phosphate ferrique : Ironmax Pro (et son jumeau Musica), de De Sangosse, Neudorff 1181, de Neudorff, Sluxx HP (et son jumeau Baboxx), de Neudorff mais distribué par Certis, ainsi que Smartbayt, de Bayer.

Quant aux produits « biocontrôle L. 253-5 » à base de micro-organismes, aucun n'est disponible sur pomme de terre. Par exemple le Novodor FC, antidoryphore UAB à base de Bacillus thuringiensis var. tenebrionis, n'est pas « biocontrôle L. 253-5 ».

Il y a bien un produit « biocontrôle L. 253-5 » à base de micro-organisme autorisé sur pomme de terre, mais il n'est pas encore vendu sur la culture !

Nouvelles AMM : l'innovation ralentit

Traitement du sol « bio »... oui, mais pas avant 2018

Ce produit, nommé Tri-Soil WP, a obtenu son AMM (autorisation de mise sur le marché) à l'automne 2016. Pour Agrauxine, son détenteur, 2017 sera « une année d'expérimentation » pour « consolider le positionnement technique » sur pomme de terre. En attendant, pas question de proposer ce biofongicide sur cette culture.

En revanche, il est déjà vendu sur carotte contre pythium et sur salades contre rhizoctone brun : les préconisations sont au point sur ces deux cultures.

Il est à base de Trichoderma atroviride souche I-1237 (Tableau 1). Nos lecteurs « généralistes » doués d'une bonne mémoire auront reconnu ce champignon : c'est le principe actif d'Esquive WP, biofongicide vigne anti-esca. Pour sa part, Tri-Soil WP est adapté au traitement du sol. Son atout : il peut agir par temps relativement froid. À noter qu'il devrait être rapidement reconnu UAB (utilisable en agriculture biologique) : son « grand frère » Esquive WP l'est déjà.

À la fois traitement du sol antitaupin et biostimulant

Parlons maintenant des solutions disponibles sur pomme de terre. En commençant par un autre produit multiculture applicable en traitement du sol : Trika Expert +, de Sumi Agro (Tableau 1). Il a été autorisé début 2016 contre les ravageurs du sol. Phytoma l'a présenté en mai dernier avec des résultats sur maïs(1).

On pourrait le classer dans les insecticides conventionnels : sa substance active est la lambda-cyhalothrine, pyréthrinoïde déjà autorisée auparavant sur pomme de terre en traitement des parties aériennes. L'utilisation en traitement du sol est une nouveauté.

Mais ce n'est pas la seule. En effet, dans le nouveau produit, la substance est enrobée dans des granulés contenant aussi du phosphore soluble, ainsi que des acides humiques et fulviques connus pour leur effet biostimulant. De ce fait, la nouvelle spécialité est autorisée à la fois comme insecticide et comme matière fertilisante. Cette AMM « mixte » est pour l'instant une rareté réglementaire.

Le produit est un microgranulé à appliquer à la plantation, dans la raie de plantation elle-même. L'insecticide protégera les plants durant leur croissance, et les matières fertilisantes et biostimulantes contribueront à ladite croissance.

En revanche, sur des cultures à cycle long et compte tenu du mode d'action des pyréthrinoïdes, la société ne garantit pas la protection des tubercules-fils dans des sols subissant une forte pression de taupins ou de vers gris.

Association inédite pour un nouvel antimildiou

Le troisième produit, le fongicide Vendetta, est un antimildiou autorisé spécifiquement sur pomme de terre. Autorisé en octobre dernier, il est proposé par FMC/Cheminova (AMM détenue par Cheminova, société rachetée par FMC).

Il associe le fluazinam et l'azoxystrobine (Tableau 1). Les deux substances étaient déjà utilisées sur pomme de terre, mais seule la première l'était contre le mildiou, l'autre est autorisée en traitement du sol sur champignons autres que pythiacées.

Toutes deux inhibent le fonctionnement des mitochondries, organes « respiratoires » des cellules, mais à des étapes différentes : le fluazinam appartient au groupe C5 du Frac(2) et l'azoxystrobine au groupe C3. Il s'agit donc bien de deux modes d'action biochimique différents.

Leur mode de distribution dans la plante est également différent : l'Az est pénétrante-translaminaire tandis que le fluazinam est une substance de contact. La société suggère d'utiliser le produit au stade végétation stabilisée, donc après la période de pousse active. En effet :

- d'une part, les deux substances ne sont pas systémiques, donc ne protègent pas les feuilles « néoformées », c'est-à-dire pointant après le traitement ;

- d'autre part, ce fongicide est efficace aussi contre l'alternaria, maladie qui arrive au champ plus tard que le mildiou, comme l'a confirmé la campagne 2016 (voir l'article de Serge Duvauchelle p. 28 à 32).

Trois nouvelles AMM ont été accordées en un an, alors que l'année précédente avait vu huit nouveautés(3). S'agit-il d'un ralentissement structurel de l'innovation ? Ou bien juste d'une pause temporaire ? Difficile à savoir.

Quatre moyens encouragés dans le cadre des CEPP

Rappel du principe

Reste une autre mesure d'encouragement : l'inscription de certains moyens de protéger la santé des pommes de terre sur la liste des « actions standardisées » donnant droit à des CEPP (certificats d'économie de produits phyto). Rappelons les principes de ces certificats instaurés « à titre expérimental » en application de la loi d'avenir agricole du 13 octobre 2014 :

- les distributeurs de produits phyto dits « obligés » (c'est le terme réglementaire) doivent acquérir un certain nombre de CEPP, faute de quoi ils seront financièrement pénalisés ; les moyens d'acquisition sont de réaliser des « actions standardisées » permettant de diminuer l'utilisation des produits phyto, ou bien d'acheter des CEPP acquis par d'autres ;

- d'autres acteurs de l'agriculture (par exemple : semenciers, marchands de logiciels ou de matériel) dits « éligibles » peuvent, eux aussi, acquérir des CEPP en réalisant des actions standardisées puis les vendre à des « obligés ».

À ce jour, sur les vingt actions standardisées reconnues par un arrêté du 12 septembre 2016(4), quatre d'entre elles peuvent concerner la pomme de terre. Chacune met en oeuvre un type de moyen différent à un moment différent du cycle cultural. Elles sont listées dans le Tableau 2.

Variétés moins sensibles

Le premier moyen est le choix variétal. Il vise l'un des bioagresseurs de la pomme de terre qui occasionne le plus de traitements, à savoir le mildiou dû à Phytophthora infestans. Aujourd'hui, vingt-trois variétés peu sensibles au mildiou donnent droit à des CEPP (pour connaître leur liste, voir les « Liens utiles » p. 36).

Certes, il n'existe pas encore de variété de pomme de terre totalement résistante au mildiou ! En attendant, ces variétés sont bien moins sensibles que d'autres, tests à l'appui. Elles ont donc besoin de moins de traitements antimildiou que les autres.

Avant de traiter (ou non !) : un outil d'aide à la décision

Un autre moyen de diminuer les traitements est de se limiter aux indispensables, donc de bannir les programmes de traitements systématiques. Mais attendre que le mildiou apparaisse dans les parcelles pour traiter comporte le risque de devoir effectuer des traitements de rattrapage.

La première bonne pratique est de suivre les BSV (Bulletins de santé du végétal), qui avertissent du risque. Mais cela fonctionne au niveau des régions, voire des petites régions : une échelle large !

Pour traiter seulement si besoin, mais à temps, il est préférable de disposer d'outil d'aide à la décision permettant de prévoir le risque dans chacune de ses parcelles bien avant d'y voir le mildiou.

Il faut que l'OAD puisse prévoir le risque en fonction de la météorologie passée et des prévisions sur les prochains jours, mais aussi de la situation de la parcelle. En France, l'outil probablement le meilleur et le mieux adapté à nos terroirs, Mileos, de l'institut technique Arvalis-Institut du végétal, donne droit à des CEPP.

Il est la synthèse de deux modèles :

- Mildi-LIS d'Arvalis ;

- MilPV du ministère en charge de l'Agriculture.

Il permet de calculer le risque, parcelle par parcelle, en fonction de la météo, de la variété plantée, des dates de plantation et de levée, de l'état sanitaire autour de la parcelle et des interventions réalisées : traitements antérieurs mais aussi irrigations.

Un outil d'aide à la précision

La troisième action se met en oeuvre au moment de traiter, sur toutes les cultures basses, pomme de terre comprises, et quel que soit le produit pulvérisé. C'est l'utilisation d'un système « antirecouvrement » qui empêche automatiquement toute deuxième pulvérisation sur une zone déjà traitée. En effet, pour les pulvérisations en plein(5), il ne faut pas laisser de bandes de terrain non traitées entre deux passages du pulvérisateur. Ces zones internes à la culture sont des réservoirs de maladies, ravageurs ou mauvaises herbes. Cela risque d'obliger à traiter en « rattrapage », donc davantage, au final, que si la parcelle avait bien été couverte !

Mais si, pour éviter ce phénomène, il est pratiqué un léger recouvrement, celui-ci double la dose sur la partie recouverte : il y a risque de phytotoxicité (surtout pour les herbicides) et c'est un gaspillage. Supprimer les recouvrements est donc un bon moyen de réduire les quantités utilisées, à condition d'être sûr de ne pas laisser de bandes non traitées. Alors, comment faire ?

Aujourd'hui, les GPS sont assez précis pour permettre une coupure automatique des tronçons de rampe là où il y aurait recouvrement, et seulement là. Cela permet d'économiser du produit sans risque d'inefficacité. L'arrêté de septembre 2016 liste une centaine de systèmes appartenant à vingt-quatre sociétés différentes, si nos calculs sont exacts.

Pour le défanage : un produit de biocontrôle

Enfin, la quatrième action est d'utiliser un produit de biocontrôle « article L. 253-5 » pour le défanage. Il a déjà été cité dans nos pages : il s'agit de Beloukha. Ce produit est à base d'acide nonanoïque (alias pélargonique) « biosourcé », c'est-à-dire extrait d'organismes vivants et non pas copié sur eux par synthèse chimique. Son origine est végétale.

Ce défanant a déjà été présenté dans Phytoma(6). C'était lors de son lancement par la société Jade, qui a depuis lors été rachetée par Belchim Crop Protection. Le produit peut s'utiliser seul sur végétation sénescente, ou encore à la suite d'un défanage mécanique sur des parcelles à végétation encore très fournie.

(1) A. Colette et F. Landais, 2016, « Un insecticide fertilisant contre les insectes du sol », Phytoma n° 694, mai 2016, p. 20 à 22. (2 Fungicide Resistance Action Committee, Comité international d'action contre la résistance aux fongicides. (3) M. Decoin 2016, « Quatre fongicides antimildiou parmi les huit nouveautés de 2015 », Phytoma n° 690, janvier 2016, p. 42 à 44. (4) Arrêté du 12 septembre 2016, publié au Bulletin officiel du MAAF, ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, n° 39, dit « du 15 au 22-09-2016 ». (5) Ceci ne concerne donc pas les traitements localisés ! (6) C. Vacher & al., 2015, « Mieux connaître Beloukha », Phytoma n° 682, mars 2015, p. 53 à 55.

Avertissement

Les règles encadrant la protection phytosanitaire des cultures, dont celles de pomme de terre, risquent d'être modifiées bientôt par la révision de l'arrêté de 2006.

Mais, en l'absence de certitude sur le nouveau texte à l'heure où nous mettons sous presse, nous nous cantonnons dans ces pages aux points réglementaires qui autorisent de nouveaux moyens (AMM) et visent à encourager des outils existants.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Des évolutions réglementaires ont une influence sur la protection de la pomme de terre.

BIOCONTRÔLE - La liste des produits de biocontrôle au sens de l'article L. 253-5 du code rural favorise certains produits phyto.

NOUVELLES AMM - Trois nouveautés ont été autorisées :

- un traitement du sol de biocontrôle à base de Trichoderma, pas encore disponible en 2017 ;

- un traitement du sol antitaupin à base de lambda-cyhalothrine et d'éléments fertilisants ;

- une association inédite de deux substances contre le mildiou.

CEPP - La pomme de terre est touchée par quatre des vingt actions standardisées donnant droit à des CEPP : utilisation de variétés peu sensibles au mildiou, d'un OAD, d'équipements antirecouvrement et d'un défanant de biocontrôle.

MOTS-CLÉS - Pomme de terre, réglementation, produits phytopharmaceutiques, biocontrôle, AMM (autorisation de mise sur le marché), CEPP (certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques), actions standardisées.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : - Note listant les produits de biocontrôle « L. 253-5 » : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2016-853

- Arrêté listant les actions standardisées des CEPP : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/document_administratif-7f927050-b7db-4e9e-9ec5-881e8ac3fc26

- Pour Mileos : www.mileos.fr

BIBLIOGRAPHIE :

- Anonyme, 2016, Arrêté définissant les actions standardisées (...). BO Agri n° 39 du 15 au 22 septembre 2016 (lien ci-dessus).

- Anonyme, 2016, note de service : Liste des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle, au titre des articles L. 253 (...), BO Agri n° 46 du 3 au 10 novembre 2016 (lien ci-dessus).

- Maud Blanck et Christian Huyghe, 2016, Les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques - contexte et mise en place. 140 p., éditions France Agricole, collection Agriproduction.

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Voir aussi :