En à peine un mois, la vigne a vu arriver trois produits contre des maladies, plus un insecticide. Photo : Pixabay
Autant d'innovations en un mois que sur toute l'année précédente : cela vient de se passer en matière de produits phyto(1) vigne.
Notre dossier de novembre dernier signalait quatre AMM (autorisations de mise sur le marché) délivrées sur les douze mois antérieurs. Mais quatre autres produits sont arrivés entre le 20 novembre et le 20 décembre. Et cela bouge aussi côté vergers.
Fongicide anti-oïdium vigne
Le fluxapyroxad inédit au vignoble
D'abord, le fluxapyroxad de BASF (nom de marque Xemium) arrive sur le marché des fongicides pour la vigne. Il était déjà connu sur céréales(2), le voilà désormais disponible au vignoble dans un produit anti-oïdium nommé Yaris (voir Tableau 1).
La substance active est un SDHI (inhibiteur de la succinate-déshydrogénase). Ce mode d'action était déjà utilisé dans la lutte contre l'oïdium de la vigne : c'est celui du boscalid et du fluopyram. Ces deux substances sont disponibles en association. En revanche, le fluxapyroxad est formulé seul.
La société explique que ce SDHI « de nouvelle génération » bénéficie d'une « mobilité unique » liée à sa structure. Celle-ci lui permet d'être tantôt lipophile (fixation rapide sur la cuticule cireuse des feuilles, traversée des membranes), tantôt hydrophile (déplacement dans les cellules et le système vasculaire de la plante et du champignon). À la clé, « une protection immédiate et de longue durée contre l'oïdium ».
Préconisations
Par ailleurs, en l'attente de la publication de référence qu'est la « note commune résistance des maladies de la vigne 2017 », les préconisations sont :
- celles de la note 2016(3) : « ...ne pas dépasser deux applications de préparations à base de SDHI » par saison, toutes substances SDHI confondues ;
- le conseil de BASF d'effectuer « au moins une application en association », sachant que son nouveau produit possède des « compatibilités validées », autrement dit, il est facile à mélanger avec d'autres.
Antimildiou vigne
Nouveau trio de substances connues
Le second produit, Spyrit WG, de Sapec Agro, vise le mildiou. Il associe de façon inédite trois substances bien connues : le dimétomorphe (alias DMM), le fosétyl-Al et le folpel (voir Tableau 1). Cela représente trois modes d'action différents.
Deux ne sont pas touchés par des résistances : le folpel est un multisite présent sur le marché depuis plus de quarante-cinq ans(4) et le fosétyl-Al, un phosphonate à effets SDN ou SDP (stimulateur de défenses naturelles ou stimulateur de défenses des plantes), y est apparu il y a trente-cinq ans(5).
Quant au DMM, il est touché par des résistances et, de ce fait, n'est pas vendu seul en France. Mais la société fait état d'essais montrant la supériorité de son nouveau produit par rapport à un autre trio associant du cymoxanil au folpel et au fosétyl. Effet de la présence du DMM ou de la qualité de formulation ? Celle-ci est annoncée de grande mouillabilité, praticité, etc. Ne tranchons pas ici. De toute façon, le produit a des atouts. Par prévention de résistance, seule une application par an est autorisée.
Côté biocontrôle vigne
Substance originale
Le troisième « fongicide » n'en est pas un au sens strict. Ce produit, Messager, de Jouffray-Drillaud, n'agit pas directement contre les champignons phytopathogènes : ce n'est pas un tueur (« cide ») de champignons (« fongi »). Pourtant, il est utile pour combattre lesdits champignons. C'est un pur SDN (ou SDP). Il est à base de COS-OGA (Tableau 1).
Cette substance brevetée combine deux composants d'origine naturelle et même biologique :
- chito-oligosaccharides, alias oligomères de chitosan, extraits de l'exosquelette (carapace) de crustacés, voilà pour le « COS » ;
- oligogalacturonanes (« OGA ») extraits de la pectine de la peau de fruits (agrumes, pommes).
La substance, issue de la recherche de l'université de Namur (Belgique), est approuvée comme « à faible risque » par l'Union européenne. Une catégorie d'approbation enviée. À l'heure où nous mettons sous presse, seules sept substances en bénéficient !
Estampillé biocontrôle
La nouvelle spécialité, déjà autorisée en France contre l'oïdium sur des cultures légumières sous serre, est un produit de biocontrôle reconnu. Elle figure sur la liste « biocontrôle L. 253-5 » qui bénéficie de divers avantages (voir p. 33 à 36).
Pour que sa reconnaissance comme produit UAB (utilisable en agriculture biologique) en France soit possible, il faut que le COS-OGA soit reconnu dans le cadre européen ; la demande est en cours.
Associé à des fongicides pour réduire les IFT
Le produit vise autant l'oïdium que le mildiou. Contre cette dernière maladie, il est le seul produit de biocontrôle disponible à ce jour. Prudent, Jouffray-Drillaud ne le préconise pas seul mais associé à des fongicides au sens strict dont il permet de réduire les doses et donc de diminuer les IFT (indices de fréquence de traitement). En effet, les produits « biocontrôle L. 253-5 » n'entrent pas dans le calcul de cet indice.
Le fabricant présente des résultats d'essai de son SDN en programme associé à des fongicides à dose réduite. Ils montrent une efficacité :
- du niveau de celles des fongicides « classiques » utilisés seuls à dose pleine ;
- nettement supérieure à celle des fongicides classiques à dose réduite.
Ce dernier point est à noter. En effet, si l'on se contente de comparer une association « produit de biocontrôle + dose réduite de produit classique » avec la dose pleine de ce dernier, comment savoir si la dose réduite du produit classique n'aurait pas été aussi efficace à elle toute seule ?
Le nouveau produit est autorisé jusqu'à huit fois par saison. Il n'a aucun effet négatif sur la vinification et pas de LMR (limite maximale de résidus). Jouffray-Drillaud s'est associé à Syngenta pour le développer. Syngenta le vend sous ses seconds noms de marque : Bastid et Blason.
Insecticide vigne
Spinétoram : première AMM
Le quatrième produit destiné à la vigne est Radiant, de Dow AgroSciences (Tableau 1), un insecticide à base de spinétoram.
C'est la première AMM de plein droit pour cette substance active. Elle est d'origine biologique, précisément bactérienne, mais elle a subi une étape de synthèse durant sa fabrication. C'est pourquoi le fabricant ne demande pas la reconnaissance UAB (alors que les produits à base de son « frère aîné » le spinosad, extrait des mêmes bactéries mais fabriqué sans étape de synthèse, sont UAB).
Autorisation multiple
D'autre part, vu son large spectre d'action, le produit ne sera pas sur la liste « biocontrôle L. 253-5 » et ne doit pas être utilisé plus d'une fois par an afin de protéger les organismes aquatiques et les arthropodes non-cibles (auxiliaires, pollinisateurs, etc.).
Un large spectre a aussi des avantages : le nouvel insecticide est autorisé contre les tordeuses de la vigne (eudémis, cochylis), mais aussi les chenilles phytophages avec une efficacité prouvée contre la pyrale de la vigne, et contre les thrips et les mouches.
Ces dernières n'étaient pas considérées comme des ravageurs importants de la vigne. La mouche du vinaigre Drosophila melanogaster pouvait poser problème, mais seulement sur des baies déjà altérées. Cependant, aujourd'hui, la drosophile asiatique Drosophila suzukii fait peser une menace sur le vignoble. Enrichir la panoplie des antimouches efficaces pourrait se révéler utile.
Insecticide vergers
Spinétoram contre chenilles
De fait, le spinétoram était encore plus attendu sur cultures fruitières que sur la vigne ! Une préparation à base de cette substance, elle aussi de Dow AgroSciences, a été autorisée sur petits fruits rouges, chaque année depuis 2013, pour des dérogations chacune d'une durée de 120 jours. Elle se nommait alors GF 1640 et visait les mouches, en particulier Drosophila suzukii.
Elle est aujourd'hui titulaire d'une AMM valable jusqu'au 30 juin 2025, sous le nom de Delegate (Tableau 2). Mais pour l'instant, l'autorisation ne s'applique pas aux petits fruits rouges ni à cette mouche.
Pomme, pêche, prune...
Les autorisations sont accordées sur pommier et cultures rattachées (poirier, etc.), ainsi que sur pêcher et rattachés (abricotier, etc.), et sur prunier, contre les chenilles phytophages et chenilles foreuses des fruits, bref contre les carpocapses, tordeuse orientale et autres tordeuses...
Des extensions d'usage vont-elles advenir contre d'autres ravageurs dans ces vergers, mais aussi sur d'autres cultures ? On pense aux petits fruits rouges, et peut-être aussi aux cerises... À suivre !
Fongicide verger
Fluxapyroxad sur pommier et pêcher
Le dernier produit autorisé en vergers est Sercadis, fongicide de BASF à base de fluxapyroxad (Tableau 2). Il est autorisé sur pommier et pêcher (plus les cultures rattachées que sont le poirier, l'abricotier, etc., voir Tableau 2). C'est le troisième SDHI à investir ces cultures après le boscalid et le fluopyram, et il est proposé seul alors que ses aînés n'étaient disponibles qu'associés.
Il présente l'avantage de la flexibilité et de l'efficacité d'un SDHI « de dernière génération », notamment sur la tavelure et l'oïdium. Après l'AMM de Delan Pro (dithianon + phosphonate de potassium) publiée par l'Anses en septembre dernier (et en p. 7 de Phytoma n° 699, décembre 2016), BASF confirme son intérêt pour la protection des vergers.
(1) Dans tout l'article, « phyto » = « phytopharmaceutique ». (2) Voir I. de Paepe & al. en bibliographie p. 44. (3) Voir la note en bibliographie. (4) Signalé sous le nom de folpet dans la 7e édition de l'Index phytosanitaire Acta, éditée en mars 1969. (5) Signalé dans l'Index phytosanitaire 1982, informations arrêtées au 30 juin 1981. Orthographié à l'époque « phoséthyl-al ».