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DOSSIER - Cultures ornementales

Un outil connecté pour réduire les pesticides

BRUNO PARIS*, SÉVERINE DOISE**, CHRISTINE PONCET**, ÉMILIE MAUGIN***, ANGE LHOSTE-DROUINEAU***, TATIANA DENEGRI***, ISABELLE CABEU****, JACQUES FILLATRE****, RICARDO SUAY** ET MAUD TRAGIN*** . *UMT FioriMed : Astredhor-Inra-chambre d'agriculture des Alpes - Phytoma - n°701 - mars 2017 - page 12

Présentation de S@M, outil d'aide à la décision développé par l'UMT FioriMed pour accompagner la réduction des pesticides en horticulture ornementale.
Page d'accueil de l'interface S@M. Cet outil permet d'engranger automatiquement les informations issues de suivis épidémiologiques... et surtout de les traiter.

Page d'accueil de l'interface S@M. Cet outil permet d'engranger automatiquement les informations issues de suivis épidémiologiques... et surtout de les traiter.

L'interface web S@M est développée à Sophia Antipolis dans le cadre de l'UMT (unité mixte technologique) FioriMed. Son avancement s'appuie sur les travaux du projet Écophyto Dephy Expé Otelho (voir encadré) et un mode de prototypage participatif.

Plusieurs stations de l'Institut Astredhor et des sites producteurs contribuent à tester la robustesse de l'outil et celle de scénarios de protection intégrée analysés via S@M.

La poursuite de son développement passe par une dynamique de projets impulsés par les partenaires de l'UMT sur différents systèmes de culture.

Pourquoi un outil d'aide à la décision ?

L'horticulture ornementale, très gourmande en pesticides

L'acceptabilité environnementale des cultures horticoles est questionnée sur deux points principaux : l'énergie (pour les cultures sous serres) et les pesticides (Jeannequin B. et al., 2005).

La question des pesticides constitue un verrou fondamental. En effet, il n'est pas rare que les cultures horticoles génèrent des indices de fréquence de traitement (IFT) parfois importants (supérieurs à 150). De fait, les produits des cultures horticoles doivent être indemnes des défauts causés par des maladies et ravageurs. De plus, un produit horticole est souvent plus complexe que celui d'une culture légumière car il comporte des fleurs, tiges et feuilles. Ceci exige une démarche très contraignante du point de vue sanitaire avec des seuils de tolérances plus faibles qu'en cultures légumières.

Autres facteurs de complexité

Le secteur horticole se caractérise par d'autres facteurs de complexité supérieurs à ceux des cultures légumières.

D'abord, certaines espèces horticoles (dont la principale, le rosier) se cultivent sur plusieurs années sans possibilité de vide sanitaire périodique de la culture. De même, plusieurs cycles de culture et/ou séries peuvent être réalisés sur la même surface pendant l'année (c'est le cas des plantes en pot) sans vide sanitaire.

Ensuite, la filière horticole s'inscrit dans un marché mondialisé avec des échanges importants de matériel végétal « plante entière ». Ces échanges constituent des points d'entrée majeurs de bioagresseurs exotiques. Ces nouveaux bioagresseurs (ex. : thripidés, coccidés) mettent à mal régulièrement les stratégies de protection intégrée mises en place par le secteur.

Enfin, le secteur horticole utilise du matériel végétal souvent peu connu sur le plan génétique. Il n'est pas en mesure de s'appuyer sur des variétés sélectionnées pour leur tolérance/résistance aux bioagresseurs majeurs. En effet, vu la multiplicité des espèces cultivées, le travail de sélection sur ces critères de résistance est trop démesuré pour être réalisé en pratique.

Surveiller les épidémies

L'aide au pilotage de la protection intégrée via une bonne connaissance de l'occurrence des épidémies devient primordiale. Les partenaires de l'UMT FioriMed ont choisi d'investir dans une gamme d'outils (OAD) accessibles en ligne (mode Olap, online application process) pour réduire les intrants phytosanitaires (Regnault-Roger C. et al., 2016). S@M est développé en ce sens, pour être facilement utilisable sur des supports différents : ordinateur de bureau, tablette, smartphone.

Une base de données et une interface web

Ce que contient S@M

Dès la page d'accueil, cinq modules conviviaux explicatifs permettent à l'utilisateur de naviguer dans un environnement illustré (image ci-contre).

Quatre voies d'accès l'orientent vers le suivi épidémiologique, la consultation de données, l'aide au conseil ou l'échange d'information en forum ; la base de données est accessible via un identifiant sécurisé. Le cinquième module, « Formation et supports », est en accès libre.

Plusieurs modules proposent des liens vers des sites cohérents avec la problématique (E-Phy, Écophytopic, méthodes alternatives...).

Exploitation immédiate des données

L'originalité conceptuelle de S@M réside dans la nature de l'offre, qui est construite autour d'une base de données architecturée en vision Olap, c'est-à-dire conçue pour l'exploitation immédiate des données enregistrées. Pour cet usage en temps réel, l'outil est constitué d'une interface web en RWD (responsive web design) afin de faciliter la prise en main sur tablette ou smartphone (adaptation à tout type d'appareil de façon transparente pour l'utilisateur).

Les données enregistrées par les utilisateurs (chercheurs, expérimentateurs, conseillers et producteurs) sont stockées sur un serveur sécurisé hébergé sur le pôle Santé des plantes de l'Inra de Sophia Antipolis par l'UMT FioriMed. Les données collectées peuvent être traitées, soit en temps réel par l'utilisateur, soit en temps différé par les chercheurs, expérimentateurs ou conseillers (modélisations, bilans, analyses statistiques).

Outil pour éclairer la décision

Simplifier le suivi épidémiologique

La philosophie de l'outil S@M est de faciliter le travail des utilisateurs via une aide à la décision en matière d'interventions (biologiques, chimiques, mécaniques) en privilégiant les méthodes douces et en les guidant vers un meilleur positionnement des interventions dans le temps et dans l'espace cultural.

Les partenaires de l'UMT FioriMed estiment que l'évaluation de l'état sanitaire est la première étape indispensable à la prise de décision, et que cette étape est fondamentale pour un contrôle efficace des populations de bioagresseurs dans le cadre d'une stratégie de protection intégrée.

Cette étape est particulièrement cruciale pour les cultures ornementales car elles nécessitent une gestion très fine des équilibres biotiques avec des seuils de tolérance plus drastiques que dans les autres systèmes de production : l'exigence « zéro défaut » porte non seulement sur la fleur mais aussi sur les tiges et les feuilles.

De nombreuses études ont montré l'intérêt de simplifier les méthodes de suivi et d'évaluation de l'état sanitaire d'une culture ainsi que la prise de décision (Goodell, G. 1984). La méthode proposée par l'outil S@M permet d'envisager une stratégie de suivi global et réaliste des bioagresseurs et auxiliaires de la culture dans un contexte de production sous serre par le biais d'estimations visuelles par classes d'abondance (pas de comptage).

Suivi exhaustif ou simplifié

Dans cette méthode d'évaluation de l'état sanitaire, deux types de suivi épidémiologique (avec une interface de saisie) sont proposés : exhaustif ou simplifié. La différence repose sur le nombre de points d'échantillonnage à observer.

La méthodologie est en cours de test dans différents sites expérimentaux et sites producteurs. Le suivi simplifié est proposé aux experts/conseillers ou dans le cadre d'un suivi épidémiologique de territoire. Le suivi exhaustif est proposé pour des suivis conseils réguliers, des suivis d'expérimentations ou pour accompagner un changement de pratique d'un agriculteur.

Offrir des modules spécifiques

Dans tous les cas, le suivi épidémiologique repose sur des protocoles harmonisés (Paris et al., 2015) issus des travaux des partenaires de l'UMT FioriMed (Casdar OAD Serre, Dephy Expé Otelho, OAD Phyt'Hor) et adaptés à différents systèmes de culture (fleurs coupées : rosier, gerbera ; plantes en pot : pélargonium, gerbera).

Les données épidémiologiques collectées par les utilisateurs permettent d'éditer des cartographies spatio-temporelles des épidémies et des dynamiques de population, éléments visuels de diagnostic de l'hétérogénéité parcellaire et de prévision d'évolution des épidémies (Figures 1 et 2). Elles permettent également aux modélisateurs d'implémenter des modèles prédictifs.

En parallèle, un module donne la possibilité aux utilisateurs de renseigner leurs traitements hebdomadaires, facteur important pour raisonner l'évolution des épidémies et conserver la traçabilité des interventions.

Des modules pour le conseil

But : sécurité et traçabilité

La réglementation « Certiphyto conseil » impose des règles aux entreprises de conseil et à leurs conseillers. Elle insiste sur une méthodologie d'élaboration des préconisations et impose la mise en avant des méthodes alternatives de protection des plantes.

S@M développe un module spécifique dédié à l'activité de conseil en horticulture et propose une base de données pour gérer la sécurité et la traçabilité des données épidémiologiques, diagnostics et préconisations. À terme, l'objectif est de fournir aux utilisateurs des bilans personnalisés de culture, d'entreprise, de campagne.

Ce module facilitera le travail de terrain, en proposant, via une tablette ou un smartphone en connexion 3G ou 4G, la gestion du fichier client, des diagnostics parcellaires et de la fiche de préconisation en s'appuyant sur un diagnostic fiable appuyé sur les suivis épidémiologiques (exhaustifs ou simplifiés) et des bases de données accessibles sur le terrain (BSV, E-Phy, méthodes alternatives des stations Astredhor). Le développement informatique est externalisé par le biais de prestations auprès de sociétés spécialisées du parc de Sophia Antipolis.

Dynamique de projets

Côté informatique

L'interface web S@M va évoluer pour s'enrichir avec et en fonction des besoins émergents des projets et utilisateurs et via les travaux de l'UMT FioriMed.

Déjà, divers projets facilitent le prototypage, la mise au point de protocoles, l'acquisition de données et le test en conditions réelles des outils développés. C'est le fil conducteur du développement de l'outil.

Côté cultures étudiées

Divers systèmes de cultures sont étudiés : horticulture ornementale (Dephy Expé Otelho, OAD Phyt'Hor, IS@M), légumière (tomate pour SmartIPM, autres systèmes pour IS@M), arboriculture méditerranéenne (oléiculture pour IS@M).

Au fur et à mesure de l'avancement de S@M, les outils et méthodes sont présentés à des apprenants en lycée horticole (Eplefpa d'Antibes) et école d'ingénieurs (Agrocampus Ouest). Le but est de mettre en avant la co-conception participative des outils par processus d'amélioration continue, les méthodes d'épidémiosurveillance et d' intégrer les modules de reconnaissance des bioagresseurs dans le parcours de formation.

Un appui pour les leviers testés

L'outil S@M est le socle du suivi d'essais systèmes horticoles et d'échanges de pratiques. Pour valider les solutions tactiques et stratégiques et afin de réduire l'usage des pesticides, S@M sert d'appui à l'analyse des effets de l'introduction de leviers dans les systèmes de production.

Ces leviers sont : le suivi épidémiologique rapide, les lâchers de macro-organismes, le nourrissage, les kairomones, les plantes de biocontrôle et matériaux alternatifs. Ils sont introduits dans les systèmes productifs (rose, gerbera, renoncules et anémones fleurs coupées ; gerbera et pélargonium en pot) dans diverses conditions agroclimatiques. Voir les articles suivants !

Fig. 1 : Exemple de suivi avec cartographie interne à un site

Cartographie d'abondance de thrips sur rosier pour trois relevés à une semaine d'intervalle. Les points d'observation sont des pieds préalablement identifiés. Le nombre de thrips par point est évalué selon un protocole rapide standardisé.

Fig. 2 : Exemple de suivi global d'un site

Dynamique d'abondance du Botrytis cinerea sur gerbera durant une année.

1 - Le projet Otelho 2013-2018 : développer des OAD pertinents

Porté par l'Inra, l'Astredhor et la chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes, le projet Écophyto Dephy Expé Otelho propose de développer des outils d'aide à la décision (OAD) pour la profession horticole sur des modèles de cultures ornementales largement répandus, de les optimiser et de les valider dans le contexte expérimental et celui de la production.

Le cas particulier des contraintes réglementaires liées au caractère d'insularité est étudié dans un département d'outre-mer soumis à des règles d'utilisation des produits phytosanitaires et d'introduction des auxiliaires de lutte biologique.

Le projet tente d'expliquer comment une meilleure offre dans les moyens de gestion des cultures permet, dans chaque contexte, de lever les freins au développement des méthodes alternatives et favoriser la réduction des pesticides.

Trois types de modèle de cultures ornementales sont étudiés sous l'angle de différentes contraintes :

- plantes en pot (déplacements des plantes durant la production, vide sanitaire partiel ou total), voir p. 18 ;

- rosiers et gerberas en pot à La Réunion (soumis à restriction quant à la diversité et à l'origine des auxiliaires introduits), voir article p. 24 ;

- gerbera fleurs coupées (architecture végétale particulière, fleur sensible), voir p. 28.

Les objectifs du projet sont :

- adapter et prototyper les outils d'aide à la décision (méthodologie d'échantillonnage, moyens de détection précoce, modèles de prévisions des dynamiques spatio-temporelles, module d'apprentissage à l'identification des espèces) selon les contraintes des cultures, et les tester en production ;

- identifier les besoins de nouvelles applications logicielles et évaluer les possibilités de les développer ;

- décrire, préciser, voire modéliser les stratégies de contrôle des bioagresseurs provenant des dispositifs expérimentaux en station et chez les producteurs, dans l'objectif d'identifier prioritairement celles permettant de réduire significativement l'usage des pesticides.

- analyser, durant le projet et à son terme, les répercussions de l'utilisation des outils d'aide à la décision sur les pratiques et leurs résultats, mais aussi sur la technicité de l'entreprise, la qualité et d'intérêt du travail, et la viabilité économique/environnementale des leviers testés dans les systèmes.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - L'horticulture ornementale est utilisatrice de pesticides avec des IFT parfois élevés. Astredhor développe des programmes de recherches et d'expérimentation pour fournir des solutions pragmatiques aux horticulteurs. La viabilité économique et environnementale des solutions est la ligne directrice de ses travaux.

OUTILS - Le formidable bond technologique - tablettes, smartphones, outils web et bases de données - facilite l'aide à la décision. Il permet à l'horticulture d'être connectée en temps réel et de gérer plus aisément une masse importante de données.

La recherche du meilleur diagnostic parcellaire peut ainsi bénéficier des méthodes d'observation rapides accélérées via l'usage de ces outils.

PROJETS - L'UMT FioriMed, ses projets européens et les projets horticoles du plan Écophyto permettent de tester des tactiques et stratégies utilisables en horticulture pour réduire l'usage des produits phytosanitaires. Ces projets proposent de développer des OAD, dont celui nommé S@M, pour faciliter les changements de pratiques en exploitation.

MOTS-CLÉS - Horticulture ornementale, IFT (indicateur de fréquence de traitement), PBI (protection biologique intégrée), horticulture numérique, épidémiologie, OAD (outil d'aide à la décision), S@M.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : bruno.paris@inra.fr

LIEN UTILE : http://sam.sophia.inra.fr/sam/sam/web/fr/home/

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :