Un nouveau fongicide de biocontrôle a reçu son AMM(1) en janvier 2017. Nommé Mevalone, proposé par Sumi Agro France et destiné à la lutte contre le botrytis sur la vigne, il est composé de trois terpènes micro-encapsulés dans des parois de levure.
De quoi s'agit-il ?
Les substances actives : trois terpènes
Les terpènes présentes dans Mevalone sont le thymol, l'eugénol et le géraniol. Ces molécules se trouvent à l'état naturel, respectivement dans le thym, le clou de girofle et le géranium. Cependant, dans le nouveau produit, seul l'eugénol est obtenu par extraction du clou de girofle. Le géraniol et le thymol sont reproduits à l'identique par voie de synthèse chimique. En effet, il serait économiquement impossible et écologiquement non viable de cultiver de grandes surfaces de géranium et de thym pour protéger les vignes.
De façon générale, les terpènes permettent aux plantes de se protéger contre certains de leurs bioagresseurs : champignons, insectes, voire mammifères herbivores. Les trois terpènes du nouveau produit sont connus pour leur effet antifongique. Ils sont associés dans des proportions précises afin d'assurer une efficacité maximale sur le botrytis en vigne. Ces molécules présentent de nombreux avantages : un faible impact environnemental, une efficacité antifongique et une toxicité faible pour les auxiliaires.
Une micro-encapsulation par technologie brevetée
Cependant, leur utilisation en protection des plantes était jusqu'ici peu développée car leur grande volatilité les empêche d'avoir une persistance d'action suffisante. En effet, à l'état libre, leur durée d'action n'excède pas quelques heures.
Pour trouver une solution à cette grande volatilité, Eden Research, une entreprise britannique, a développé une technologie unique de micro-encapsulation dans des parois de levure. Ce système breveté permet une libération progressive des terpènes, augmentant ainsi la durée d'action du produit.
Par ailleurs, ces trois molécules sont exemptes de LMR(2). De ce fait, Mevalone a un DAR(3) de trois jours en raisin de cuve et sept en raisin de table, ce qui permet une maîtrise des attaques tardives de botrytis. Dans le respect d'Écophyto 2, il est nécessaire que son application soit raisonnée et modulée en fonction du risque. En soutien à cette AMM, Sumi Agro France s'est engagé à demander, pour ce produit de biocontrôle, la fiche action CEPP(4) correspondante.
Comment agit-il ?
Deux types d'effet
Les terpènes du nouveau produit sont classés par le Frac(5) dans la catégorie des fongicides agissant sur les membranes cellulaires. Une fois libérés dans le milieu, ces terpènes agissent de deux façons. Ils ont un effet direct, par contact, sur le champignon. Ils perméabilisent les parois cellulaires ainsi que les membranes cellulaires et les organites, ce qui conduit à la mort cellulaire. Ce mode d'action fait de ce fongicide un produit à positionner en curatif précoce, lorsque l'agent pathogène est présent mais avant l'apparition des premiers symptômes. Appliqué après l'apparition des symptômes, le produit permet de ralentir la propagation de la maladie.
Les terpènes ont également un effet indirect sur l'agent pathogène. Ils assèchent l'environnement dans la zone traitée, ce qui ralentit le développement du champignon et limite la germination des spores. Toutefois, le nouveau produit pas éradiquant.
Selon le Frac, aucune résistance à ces molécules n'a été découverte à ce jour. Mevalone est donc un fongicide qui s'intègre parfaitement dans une optique de gestion de l'apparition des résistances.
Réaction aux conditions climatiques
Ce produit innovant permet de palier la volatilité des terpènes grâce à sa technologie brevetée de micro-encapsulation dans des parois de levure.
La particularité de ces parois est leur réaction aux conditions climatiques. En conditions sèches, donc défavorables au développement du champignon, les parois se rétractent et piègent les terpènes, retardant ainsi leur libération dans le milieu. Au contraire, en conditions humides, donc favorables au développement de l'agent pathogène, les parois se dilatent et libèrent les terpènes de manière progressive (mécanisme illustré dans la Figure 1).
Ce phénomène cyclique de relargage et de rétention des terpènes augmente considérablement leur persistance d'action. Au cours de la vie du produit, il peut se produire jusqu'à quatre de ces cycles.
Cette interaction des parois de levure avec le milieu et le mode d'action des terpènes en curatif précoce rendent indispensable le raisonnement du positionnement du produit en fonction des conditions de développement de l'agent pathogène pour assurer sa bonne efficacité.
Quelles sont ses performances ?
Efficacité proprement dite
De nombreux essais ont été menés durant plusieurs années dans différentes régions viticoles. Plusieurs paramètres ont été testés. Nous présentons dans la Figure 2 le résultat de treize essais réalisés en 2015 et 2016 dans six départements différents (Gironde, Loire-Atlantique, Marne, Bas-Rhin, Saône-et-Loire et Var). Le nouveau produit utilisé sans adjuvant présente une efficacité moyenne de 47 % sur des attaques d'intensité évaluée à 7,52 % (voir Figure 2). Cette efficacité est modérée et statistiquement inférieure à un programme conventionnel à deux traitements.
Lorsque le fongicide est utilisé selon les préconisations de Sumi Agro France, c'est-à-dire intégré dans un programme et associé à un adjuvant, il présente un niveau d'efficacité statistiquement équivalent à celui d'un programme à deux traitements conventionnels (Figure 2). Il permet de limiter l'installation de la maladie et de ralentir sa progression quand les conditions lui sont favorables.
Les résultats obtenus avec ce produit sont donc intéressants lorsque les recommandations et le positionnement sont respectés. Son positionnement en seconde partie de programme, après un traitement conventionnel en post-floraison, permet de lutter efficacement contre le botrytis.
Vendange et qualité des vins préservée
Nous l'avons vu, l'eugénol, le thymol et le géraniol de ce fongicide de biocontrôle sont exemptés de LMR. Or, la présence de résidus dans les moûts peut être un frein à l'exportation des vins français. De nombreux viticulteurs renoncent à utiliser certains produits antibotrytis à cause du risque de résidus avec dépassement de LMR dans les moûts. Le nouveau produit permet de protéger la vigne jusqu'à des stades avancés sans s'inquiéter de ce risque.
De plus, de nombreuses études ont permis de conclure que ce fongicide à base de terpènes est neutre vis-à-vis du processus de vinification.
En offrant une protection efficace jusqu'à des stades avancés de la vigne et en préservant les processus de vinification, cette solution de biocontrôle favorise la production et l'exportation des vins français.
Comment l'utiliser ?
Intégration dans un programme
Ce nouveau produit polyvalent s'intègre parfaitement dans un programme déjà existant.
Jusqu'au stade B (fermeture des grappes), le viticulteur garde ses habitudes de traitement :
- dans les parcelles où le risque moyen de botrytis est modéré à fort, une application est souvent réalisée avec un antibotrytis conventionnel au stade post-floraison ;
- dans les parcelles où la pression moyenne de botrytis est modérée à faible, le plus souvent aucune application de fongicide conventionnel n'est réalisée.
Mevalone prend le relais à partir de la fermeture de la grappe avec une à quatre applications par saison.
Ces applications seront réalisées entre le stade B et jusqu'à trois jours avant la récolte en raisin de cuve, sept jours en raisin de table.
Raisonnement de la première application
La première application doit être positionnée juste après une séquence favorable à la contamination par le botrytis. Pour cela, il est indispensable de prendre en compte les températures, l'hygrométrie, les précipitations, ainsi que les caractéristiques liées à la parcelle, comme le cépage, la conduite de la vigne, les potentielles attaques de ver de la grappe...
Pour identifier ces conditions favorables, l'utilisation d'un outil d'aide à la décision peut accompagner l'observation de la parcelle.
Si aucun risque n'est annoncé, une première application est tout de même conseillée à véraison afin d'assainir la surface des baies. En effet, à ce stade, ces dernières sont très réceptives aux attaques de botrytis.
Raisonnement de l'éventuel renouvellement
Après la première application, et si la combinaison des différents paramètres cités plus haut (température, hygrométrie, etc.) est favorable à la contamination, l'application sera renouvelée, à partir de sept jours après la première. En cas d'absence de risque décelé, ce délai pourra être prolongé.
Les applications pourront être renouvelées si de nouvelles contaminations sont annoncées, ceci dans la limite de quatre applications par an.
Bonnes pratiques d'application : dose, adjuvant, qualité de pulvérisation
Sur raisin de cuve, l'utilisation d'un adjuvant permet de réduire d'un quart la dose de spécialité tout en maintenant les mêmes niveaux d'efficacité. La dose recommandée par Sumi Agro est donc de 3 l/ha toujours associé avec un adjuvant. En effet, l'adjuvant permet d'atteindre une meilleure qualité de pulvérisation. Son effet compatibilisant permet d'obtenir une meilleure qualité de la bouillie et un étalement plus important, ce qui augmente la surface de contact et limite les rebonds. Il limite également la dérive. Tous ces effets augmentent l'efficacité de la préparation. L'adjuvant présente également l'avantage de réduire l'évaporation des terpènes et d'améliorer la résistance au lessivage.
Parmi les adjuvants, ceux à base d'alcools terpéniques ont montré l'effet le plus net et le plus régulier dans nos tests. Cependant, les adjuvants à base d'huile, de latex synthétique et d'organosilicones ont eux aussi donné des résultats satisfaisants.
Sur raisin de table, le conseil est d'appliquer le produit sans adjuvant pour se prémunir des risques de marquage. La dose appliquée doit alors être la pleine dose d'AMM, soit 4 l/ha.
Concernant les techniques de pulvérisation, il est bien entendu indispensable d'orienter cette pulvérisation vers la grappe comme pour tout antibotrytis.
Par ailleurs, soulignons que notre nouveau fongicide de biocontrôle est un produit de contact. De ce fait, pour obtenir une bonne efficacité, le volume de bouillie doit être suffisant pour mouiller toute la grappe, sans pour autant atteindre la limite de ruissellement.
(1) Autorisation de mise sur le marché. (2) Limite maximale de résidus. (3) Délai d'emploi avant récolte. (4) Certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques. (5) Fungicide Resistance Action Committee.
Fig. 1 : Des terpènes « libérés » aux bons moments
En conditions sèches (A), les capsules retiennent les terpènes. En conditions humides, elles se dilatent (B) ; leurs parois libèrent les terpènes (« bulles » vertes) au moment où B. cinerea est actif. Si les conditions redeviennent sèches, les capsules se rétractent et bloquent la diffusion des terpènes (C) au moment où le développement du botrytis est lui aussi bloqué. Les terpènes restent en réserve jusqu'au retour de conditions humides, qui verra une seconde vague de libération (D). Il peut se produire jusqu'à quatre de ces cycles.
Fig. 2 : Efficacité dans le cadre d'un programme
Moyenne sur treize essais BPE réalisés en 2015 et 2016 (départements : Gironde, Loire-Atlantique, Marne, Bas-Rhin, Saône-et-Loire et Var). Échantillonnage réalisé sur vingt ceps par répétition de chaque modalité, avec cent grappes relevées et notées par répétition (cinq par cep en moyenne, prélèvements aléatoires). L'intensité est le pourcentage moyen de ces grappes touché par le botrytis. Intensité moyenne dans le témoin : 7,52 %.
Réf. post-floraison = cyprodinil + fludioxonil appliqué au stade A à sa dose d'AMM. Réf. tardive = pyriméthanil appliqué au stade B à sa dose d'AMM. Adjuvant A = adjuvant à base d'alcools terpéniques.
Lettres différentes = différence significative (Newman & Keuls à 5 %).
Le botrytis, une maladie compliquée à gérer
La pourriture grise due à Botrytis cinerea, appelée souvent « le botrytis », est une maladie souvent préjudiciable pour les viticulteurs. Elle engendre des problèmes de qualité du raisin et peut être à l'origine d'un goût moisi-terreux dans les vins.
Lorsque les grappes sont contaminées, il est indispensable d'effectuer un tri lors de la vendange afin d'éviter cette détérioration de la qualité.
Un problème spécifique causé par le botrytis vient de ce que la maladie se développe en fin de saison, juste avant les vendanges. Elle ne laisse donc qu'une courte période pour effectuer les traitements, alors qu'il faut en même temps respecter les DAR (délais avant récolte). Or, les traitements disponibles jusqu'ici ont souvent un délai avant récolte de plusieurs semaines.
Par ailleurs, l'efficacité de ces traitements présente des niveaux moyen à faible. Une efficacité de l'ordre de 50 à 60 % est souvent estimée satisfaisante.
De plus, de nombreuses souches manifestent des réponses variables à certaines substances fongicides, ce qui peut notamment être dû à des phénomènes de résistance.