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Sur le métier

Mickaël Jacquemin réduit ses IFT en céréales et colza

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°704 - mai 2017 - page 45

Agriculteur dans la Marne, participant aux réseaux Farre et FERMEcophyto, Mickaël Jacquemin met tout en oeuvre pour réduire les traitements phytosanitaires, notamment en céréales, colza et betterave. Diversification des cultures, préservation de la biodiversité, préparation du sol, choix des variétés, date de semis et observation des parcelles font partie des techniques utilisées dans cet objectif.

Sur la campagne en cours, à Lignon, dans la Marne, Mickaël Jacquemin a implanté pas moins de onze cultures : blé (127 ha), pomme de terre de consommation (53 ha), betterave (51 ha), chanvre (36 ha), colza (32 ha), pois protéagineux (22 ha), escourgeon, maïs grain, luzerne, orge de printemps et soja.

Entre le bocage et la Champagne, son exploitation de 390 ha se situe en effet sur deux types de sols (craie et argile) qui permettent cette diversité.

« Mon père avait déjà cette volonté de diversifier les cultures pour limiter les risques, raconte Mickaël Jacquemin. C'est également la première technique d'agriculture raisonnée, notamment pour réduire les problèmes de désherbage et de maladies. L'oïdium est rare et je n'ai jamais de piétin-verse. »

FERMEcophyto

« En matière de réduction des phytos, j'ai connu deux périodes depuis que je me suis installé en 1997, constate l'agriculteur. Avant la "réglementation mélange" d'avril 2010, tous les mélanges de produits phyto étaient autorisés. Cela permettait de réduire vraiment les doses. Depuis, beaucoup sont interdits et j'ai donc dû réaugmenter les doses par sécurité. » Depuis trois ans, Mickaël Jacquemin a intégré le réseau FERMEcophyto via un groupe d'une quinzaine d'agriculteurs accompagné par la chambre d'agriculture.

« Seul, on n'ose pas mettre certains leviers en place. Mais quand on voit que ça marche chez un autre, on saute le pas. Cela a été le cas pour le mélange variétal en colza pour gérer les méligèthes. »

Un fongicide blé et colza

Dans le cadre de FERMEcophyto, il essaye de réduire à nouveau les doses.

Le groupe s'est fixé un premier objectif : descendre à un IFT (indicateur de fréquence de traitement) en fongicide blé.

« Mais s'il pleut beaucoup à l'épiaison, on ne supprime pas le traitement antifusariose. » Selon les années, Mickaël Jacquemin se situe entre 1 et 1,4 IFT en moyenne sur ses parcelles.

« Cette année, je vais tester Vacciplant(1), un fongicide de biocontrôle. » En colza, le groupe réalise un seul antisclérotinia au lieu de deux. « Pour l'instant, ça marche. »

En désherbage, l'usage du glyphosate est réduit à l'implantation en réalisant un passage supplémentaire d'outils à dents ou à disques juste avant le semis, lorsque les conditions climatiques le permettent.

« Globalement, j'arrive à maîtriser les adventices, sauf en betterave où mon IFT moyen est de 3 comme le groupe. Descendre à 2,5 serait un bel objectif. »

Malgré la diversité des cultures, Mickaël Jacquemin doit aussi faire face, depuis deux ans, à du vulpin résistant dans une parcelle.

« Je vais utiliser au maximum les antigraminés racinaires comme le Kerb Flo(2) dans le colza ou le Fosburry(3) en céréales pour gérer le problème. »

Choix variétal

Avant FERMEcophyto, Mickaël Jacquemin avait déjà très peu recours aux insecticides. Depuis, en colza, il mélange 3 % d'une variété précoce pour détourner les méligèthes de la variété implantée.

« Même cette année où la pression est forte, j'ai pris le risque de ne pas traiter. »

Pour limiter les dégâts du charançon du bourgeon terminal, les semis sont réalisés précocement (le 20 août en 2016) afin que le colza soit plus vigoureux au moment des attaques.

En blé, des variétés peu sensibles aux cécidomyies (Aigle, Lear et Rubisco) sont implantées pour ne pas traiter.

« J'ai fait beaucoup d'efforts pour réduire les traitements sur céréales et colza. Sur betterave, c'est plus compliqué. La pomme de terre de consommation me pénalise également en raison des nombreux traitements fongicides ; en revanche, la luzerne et le chanvre m'avantagent. »

Grues et sangliers

Michaël Jacquemin fait également tout pour préserver, voire développer la biodiversité sur son exploitation. En 2007, la LPO y a compté pas moins de quarante espèces d'oiseaux ! Depuis trois ans, il s'est lancé dans l'apiculture avec cent ruches.

« J'ai également de moins en moins de problème de limaces grâce aux carabes. » Mais il doit aussi gérer les impacts négatifs de cette biodiversité, comme la présence de taupins, problématique pour les pommes de terre.

Autre souci de plus grande taille : les grues cendrées et les sangliers. Le lac du Der étant à 25 km, ses terres sont régulièrement visitées par les grues cendrées de novembre à février.

« Elles s'attaquent aux semis d'hiver et de printemps pour se nourrir. On essaye de les effaroucher avec un pétard à corbeaux. Mais comme tous les agriculteurs en sont équipés, cela ne fait que déplacer le problème. »

Quant aux sangliers, ce sont les maïs en bordure des bois qui en font les frais. « Poser une clôture électrique n'est pas simple, sans compter que ce n'est pas toujours suffisamment résistant face à une horde ! »

Proximité des parcelles

En décembre dernier, Mickaël Jacquemin a lancé avec Vincent Barbier, spécialiste en nouvelles technologies, une plateforme d'échange de parcelles.

« J'ai 28 ha à 25 km de mon exploitation. La réduction des IFT ne peut pas y être une priorité car le manque de temps ne nous permet pas de compter les ravageurs et surveiller les maladies. Nous traitons donc suffisamment pour éviter d'avoir des problèmes. D'où l'idée d'échanger des parcelles entre agriculteurs dans la même situation pour en avoir plus près de chez soi. »

Début avril, la plateforme affichait 10 000 ha au compteur et 250 échanges proposés. Réduire les IFT, cela passe aussi par ce genre d'initiatives !

(1) À base de laminarine. (2) À base de propyzamide. (3) À base de diflufénicanil (DFF) et de flufenacet.

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BIO EXPRESS

Mickaël Jacquemin Photo : C. Urvoy

Mickaël Jacquemin Photo : C. Urvoy

MICKAËL JACQUEMIN

1992. BTS ACSE à Tillois (Marne).

1993. Spécialisation en production porcine à Lesneven (Finistère).

1994. Salarié sur l'exploitation familiale de polyculture-élevage à Lignon (Marne).

1997. Installation en Gaec avec son père.

2010. Arrêt de l'élevage de porc sur paille.

2014. Lancement de la production apicole et intégration d'un groupe FERMEcophyto encadré par la chambre d'agriculture de la Marne.

L'essentiel de l'offre

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